BETON HURLANT

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Collection MuCEM, autocollant du skatepark BĂŠton Hurlant fin des annĂŠes 70.


BETON HURLANT Depuis 1963, le Musée National du Sport constitue le lieu de conservation et de présentation du sport français, érigé en patrimoine national. Espace de connaissance approfondie du fait sportif pour les initiés et non initiés, il est également le lieu de reconnaissance des passionnés de sport. En juin 2008, une nouvelle page du musée s’ouvre avec l’ouverture d’un espace d’exposition de près de 800 m2, à Paris. Est exposée une infime partie d’une riche collection de plus de 140.000 objets qui fait du Musée National du Sport, l’unique musée omnisport au monde. En quoi le sport constitue un guide pertinent pour saisir les mutations sociales ? Les expositions menées ont pour objet de répondre à cette question en offrant aux visiteurs des sujets variés et une scénographie inattendue. Ainsi, à travers l’évocation des voitures de courses surgissait le mythe de la vitesse. La décomposition photographique du geste sportif s’inscrivait dans la quête de la perfection. L’hommage aux sportives était une façon de rendre compte d’une reconnaissance mitigée des femmes athlètes. «Football et Immigration» mettait en exergue la singularité des relations franco-africaines et le poids des footballeurs africains dans l’hexagone. L’exposition intitulée « Sports affichez-vous ! » était une façon de découvrir les multiples représentations de l’exercice et de la pratique sportive. Avec Béton Hurlant, le Musée National du Sport « descend en ville » pour offrir aux cultures urbaines ses lettres de noblesse. Il était temps. Désormais BMX, roller, skateboard, consubstantiellement américains sont convertis à la french touch. Ces expressions urbaines trouvent une place privilégiée dans une institution qui a pour mission de déceler dans la société le rôle déterminant du sport. Claude Boli - Zeev Gourarier - Marc Touché

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Le mot de Patrick Mignon

Directeur du centre de sociologie de l’INSEP

Le sport s’est considérablement transformé durant les dernières décennies. Il s’est massifié, près de 30 millions de Français se livrent aujourd’hui à une activité sportive régulière. Il doit cette croissance aux incitations des politiques sportives publiques, à la démocratisation du goût pour le sport. Il le doit aussi à sa diversification qui fait qu’on doit aujourd’hui parler des sports et non plus seulement du sport dans la mesure où différents modèles sont proposés. Dans ce nouveau paysage sportif, les sports de glisse urbaine occupent une place particulière qui les distinguent des sports de compétition comme le football ou l’athlétisme, soit les sports qu’on voit aux Jeux Olympiques ou dans les grandes compétitions internationales, et des nouvelles pratiques sportives, mais aussi de la grande famille fourre-tout des nouveaux sports. Car un nouveau paysage sportif est apparu au milieu des années 1970, opposant les sports traditionnels, ou sports anglais ou encore sports de compétition, et les nouveaux sports, dits encore sports américains. Ces sports mettent en avant la sensation, l’esthétique, l’innovation technologique et la maîtrise des forces naturelles. Le surf, sur les vagues ou sur la neige, ou le parapente en sont les exemples les plus caractéristiques. En quoi les sports de glisse urbaine sont-ils dans la continuité et en quoi marquentils un nouveau territoire ? Un fait premier marquant est qu’ils se développent hors des associations sportives et apparaissent comme des protestations ou des refus des formes de discipline qui paraissent dominer le monde sportif. Les sports de glisse urbaine sont caractéristiques eux aussi de ce mouvement qui fait de la recherche de sociabilité un des motifs essentiels de la pratique sportive et d’une sociabilité qui est celle de l’auto-organisation. Il ne faut pas durcir l’opposition entre ces nouveaux sports et les sports qu’on dit tra4

ditionnels. D’abord parce que rien n’empêche d’apprécier les deux formes de pratique, on peut apprécier la compétition et la déambulation sur les trottoirs. Ensuite, parce qu’il ne faut pas oublier que ces nouveaux sports correspondent aussi à la prolongation de la pratique sportive au-delà de l’âge auquel s’arrêtait auparavant les sportifs. En toute rigueur, les nouvelles pratiques ce sont aussi les randonnées pédestres des clubs de retraités ou les cyclotouristes qui grimpent les cols. Les sports de la glisse urbaine sont de nouveaux sports parce que, comme les autres, ils opposent à la verticalité du résultat sportif, symbolisée par le podium et le record, l’horizontalité de prestations individualisées où le geste importe plus que son efficacité, où la sensation prime sur l’obéissance à des consignes de jeu. Comme eux, ils reposent sur les progrès de la technologie. Un nouveau sport est un sport qui se développe à partir d’un nouvel équipement qui fait la rupture avec le monde d’avant : le skate rompt avec le patin à roulettes et le VTT, puis le BMX, avec le vélo. Comme eux, ils proposent une esthétique où les nouveaux matériaux permettent le développement de looks inédits. Il y a donc dans les sports de glisse urbaine, une sorte de radicalité car ils accentuent certaines des caractéristiques des nouveaux sports. L’âge d’abord. Il faut être jeune pour se lancer dans les programmes proposés par les nouvelles planches ou les nouveaux vélos. C’est ce trait qui met aussi les sports de la glisse urbaine en résonnance avec la culture populaire du moment: déjà le surf avait soutenu un des grands courants musicaux des années 1960, dont les Beach Boys sont la figure la plus connue. Aujourd’hui encore, différents courants de la musique populaire sont les supports des grandes manifestations organisées autour d’eux, comme des plus petites car nombre de spots sont aussi des occa-


sions de faire entendre la musique de ceux qui pratiquent. Cette dimension de la performance est donc aussi un trait fort de ces pratiques : ce sont des sports qui se montrent. En cela, ils sont profondément urbains. Car il convient de finir sur ce point. BMX, skate, roller, appartiennent bien à cette grande mouvance des nouvelles pratiques sportives. Mais là où on découvrait les nouveaux sports grâce aux images des reportages qui montraient comment se négociaient les grandes vagues d’Hawaï ou comment les delta planistes côtoyaient les vautours, l’originalité des sports de glisse urbaine est bien d’être des spectacles des rues et des places des grandes villes. A ce titre, ici encore, on notera que d’autres sports ont fait de la ville leur terrain : le jogging, le basket-ball ou le football. Il s’agit bien ici d’une forme de reconquête

de l’espace urbain comme espace de jeu, espace de performance et espace de sociabilité. En cela, ils sont radicaux, car ils impliquent une mise en tension de cet espace urbain, des conflits d’usage : qui a le droit d’occuper les chaussées et les places ? Quel part de risque a-t-on le droit de prendre dans cet espace ? En fait des compromis ont été trouvés. Les grandes randonnées parisiennes ont fait du roller aussi un loisir familial ; les skates parks ont donné des lieux d’exhibition aux pratiquants de BMX et aux skaters. Mais ainsi, les sports de glisse urbaine renouent avec ce qui avait été la première séduction des sports inventés par les Britanniques : d’être des éléments de la nouvelle expérience urbaine de la fin du 19ème siècle. Les sports de la glisse urbaine interrogent sur l’urbanité en train de se construire.

Coffret réalisé avec l’aide de parents par un groupe de rock/skateurs, adolescents habitant dans l’Allier. Il contient d’une part, un texte manuscrit comprenant des montages de photos, d’une longueur de 11 mètres «pour entourer le conseil municipal», racontant l’histoire de la vie culturelle skate, d’autre part, un dossier avec pétition et documentations chiffrées de plans de skateparks, les règlements et préconisations de la Fédération. Cyrus, Hamed, Jonathan, Luis et Quentin le destinaient aux élus de Montmarault. Ce travail-passion est resté lettre morte. Ils l’ont offert comme témoignage au MuCEM, il fait désormais partie du patrimoine national. Ils concluaient : « un skatepark pour les BMX, les rollers et les skateurs ». Photos Anne Maigret, Coll. MuCEM 2006.27.1

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Le mot de Claude Boli

Responsable scientifique du Musée National du Sport

L’influence de la culture américaine dans les sports de glisse en France, des années 1970 à nos jours En France, alors que la promotion du sport moderne s’est nourrie d’une véritable vague de l’anglomanie ambiante durant la fin du XIX siècle, les sports de glisse (roller et skate board notamment) trouvent leur source dans la fascination de l’American way of life. La culture américaine, au sens large du terme, à savoir les mouvements hippies, le cinéma, la télévision, la musique, la mode vestimentaire, la langue ou la pratique sportive, trouve depuis les années 1970 un formidable terrain d’expression auprès d’adolescents et d’adultes français. Dès le début des années 70, le dictionnaire Petit Robert1 se fait le messager de l’influence croissante des modes de vie américains dans le quotidien des jeunes de catégories sociales différenciées. Les Français découvrent les mots skateboard, rollerskater et plus tard dans les années 90, BMX (abréviation de Bicycle Moto Cross - Bicross ou vélocross en français), snowboard. Ces mots venus d’ailleurs pénètrent dans le langage commun aussi « normalement » que leurs prédécesseurs des années 60 (hippie, beat, pop music, LSD, surf…). Ces termes deviennent plus que des emprunts extérieurs mais aussi des signes de distinction, une façon d’agir et de penser forcément liée à un modèle de vie singulier d’une partie de la population américaine. La musique, à certains moments, joue un rôle déterminant dans l’accompagnement de la mode de glisse. Ainsi la vague du disco symbolisé par le film culte Saturday Night Fever (sor-

tie en 1977) ou le break dance (danse saccadée) rendu célèbre par le morceau Rock It (sorti en 1984), mélange de techno et de jazz rock, composé par le pianiste de jazz Herbie Hancock, séduisent une partie de la jeunesse de l’hexagone. Paris, notamment le parvis du Trocadéro, devient dans les années 80 l’un des hauts lieux des fans du roller. Ils y trouvent un espace d’affirmation et d’appartenance à une culture commune. La danse, le roller, l’apparat vestimentaire (en particulier avec les chaussures et les vêtements de marque sportive, Adidas, Nike), le franglais constituent leurs modes d’expression. Quand certains se défient2 au roller à travers des « épreuves de style » sur des musiques (disco, funk, hip hop), d’autres dansent accompagnés de ghetto blaster (grand poste de radio cassette portatif) sur des rythmes de musiciens afro-américains des quartiers de New York, Detroit ou Los Angeles. Emissions de télévision (Hip hop, les Enfants du rock, MTV), de radio (Radio 7) et presses écrites (Actuel...) relayent la vague de la culture urbaine de masse venue des Etats-Unis. Le mot d’ordre est ceci: l’invitation à une nouvelle approche des loisirs urbains. Loin de la capitale parisienne, d’autres lieux vont nourrir l’histoire du roller, du skate et du BMX. Bourges (années 80), Marseille (années 90) deviennent progressivement des places fortes de l’aventure de la glisse urbaine. Claude Boli : historien et sociologue, responsable du département Recherche et publications au Musée National du Sport

Marie-Hélène Drivaux : Les années Petit Robert, de acide à ZEP, 40 années de langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert, p.50. L’expression d’usage utilisée dans le langage des rollers fans est celui du mot anglais contest.

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Photo Gilles Danger

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Le mot de Marc Touché

Commissaire général de l’exposition Béton Hurlant, Sociologue IDHE - CNRS UMR 8533

Explorer la ville, pour une poétique de la ville1 Ce catalogue a été réalisé par ceux qui ont conçu et réalisé l’exposition « Béton Hurlant ». Volontairement chaque partie a sa propre personnalité et traite de la diversité de ces pratiques de rue et de ville vues d’en France dans un contexte très influencé par les USA : - pour les patins/rollers, un texte historique de collectionneur-pratiquant, un texte de Fédération et un texte de pratiquant actuel qui colle aux pratiques contemporaines, - pour la planche à roulettes/skateboard, un texte historique sur les skateparks en béton, un reportage photographique de terrain témoignant d’une socio histoire complexe associant vie ordinaire, champions et haut-lieux, un texte d’artiste historien du skate ayant créé un site incontournable, - pour le vélo/BMX, un texte de champion, accompagné d’un texte historique et de portraits de figures héroïques. Ce catalogue est une première, il a été réalisé par des passionnés bénévoles, il appelle à poursuivre le travail de mémoire et de transmission. L’intérêt du grand public pour les questions de glisse et roule urbaine s’est révélé à l’occasion d’une première exposition « Skater la Ville » créée - à partir de travaux de recherche menés au CNRS2 - par l’Ecomusée de St-Quentin en Yvelines (1994) et présentée au Musée Château d’Annecy (1996), au Musée National des Arts et Traditions Populaires à Paris. Puis une seconde exposition «Skate Story»3 créée avec le Confort Moderne à Poitiers, présentée en itinérance : Glissexpo à Paris, la Mairie de Montluçon, des centres culturels tel qu’à Anglet, La Clef à SaintGermain-en-Laye, le Florida à Agen, l’Astrolabe à Orléans et dans des Musées à Arras, à Montbéliard. Petit à petit s’écrit l’histoire de ces pratiques urbaines vues d’en France dans un contexte international très influencé par les USA. Une page nouvelle s’invente au Musée National du Sport. En effet, cette exposition « Béton Hurlant » mêle et met en perspective pour la première fois les usages sociaux et sportifs de trois types d’objets : les vélos/BMX, les patins à roulettes/rollers, les planches à roulettes/skateboards. En mettant l’accent sur ce qui réunit et sur ce qui distingue les uns des autres. En tenant compte des 8

tensions qui sont au cœur du sens de ces pratiques entre celles qui préfèrent adhérer aux formes institutionnelles des clubs et fédérations et celles qui se situent sur le terrain de la liberté, de la créativité hors des codes traditionnels, dans le rejet des formes organisationnelles. L’exposition du Musée National du Sport propose un parcours inédit allant des inventions techniques aux sociabilités, en mettant l’accent sur le rôle de ces jeux et sports : - dans la vie sociale, - dans la socialisation des jeunes (l’apprentissage du sens des autres dans le partage des espaces publics, la négociation de sa place de sportif dans un contexte de pénurie d’équipements dédiés). Cette exposition aborde le thème délicat des incompréhensions entre les pratiquants et les gestionnaires urbains (politiques, fonctionnaires) mais aussi les réussites avec l’émergence dans quelques villes d’une prise de conscience de la nécessité de mettre en adéquation les équipements sportifs publics et les modes de vie sportifs des jeunes et jeunes adultes du XXI° siècle. Cette exposition permet de découvrir un rare choix d’objets et d’iconographies embrassant l’histoire sociale et technique de ces nouveaux sports et jeux de rue et de skateparks. Une socio histoire racontant les filiations et leurs implications dans la vie quotidienne et urbaine. Dans un contexte d’accélération et de densification des échanges, de dématérialisation de nombreux domaines d’expression, il nous a paru important de proposer un temps de prise de recul, de pause, de réflexion devant des vitrines mettant en scène des cultures matérielles avec des objets témoins de vies passionnelles, témoins d’une volonté par la jeunesse d’ouvrir l’éventail des possibilités de jeux, de sports et d’usages de la ville. Cette exposition propose au débat des points de vue et des repères historiques et sociaux que les pratiquants et le grand public ne possèdent pas ou peu. L’exposition est rendue possible par les prêts généreux de collectionneurs, photographes et vidéastes pratiquants, ainsi que par les prêts des collections publiques du MuCEM.


Alex Wise, La Défense Début des années 90. Photo Pascal Gombert © scalpfoto.com Juste donner envie à nos lecteurs de lire un peu de sociologie sensible. Explorer la Ville de Ulf Hannertz, 1983, Ed.Minuit ; Poétique de la Ville de Pierre Sansot, 1988, Ed.Méridiens Klincksieck 2 En 1988 par Michel Fize et Marc Touché rejoints plus tard par Marie Cipriani-Crauste et Claire Calogirou. 3 Conçue et réalisée par Claire Calogirou et Marc Touché 1

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La ville comme terrain d’apprentissage et d’expérimentation, ses formes et matériaux sont l’objet de mille rêves et convoitises Loin de l’image de phénomènes de modes éphémères il s’agit de véritables modes de vies urbain très marqués par l’influence des USA, avec leurs cultures sportives particulières, leurs « shops » spécialisés, leurs fabricants artisanaux et industriels, leurs magazines, fanzines, vidéos et sites internet très spécifiques, leurs vocabulaires, leurs figures, leurs rituels, leurs mythologies. Les médias sont les ingrédients de base de l’apprentissage entre soi. Ces modes de vie ludiques et sportifs se transmettent de génération en génération et font aujourd’hui partie de notre paysage urbain quotidien tout en ayant encore une légitimité institutionnelle faible pour le BMX, le skate, le street en roller. Pourquoi tant d’ostracisme ? Si le roller est une pratique mixte et souvent familiale, le BMX et le skate sont essentiellement encore des pratiques masculines et individuelles pratiquées dans un très petit groupe de copains. Dans les années 80 les valeurs du skate irriguent les mondes du roller, du BMX et du ski . La liberté revendiquée «ce que je veux, avec qui je veux, comme je veux, quand je veux, où je veux…» se heurte aux interdictions municipales qui fleurissent régulièrement. Cette exploration urbaine es t un temps fort de la socialisation, c’est l’apprentissage in vivo de l’altérité. Pratiques individualistes en quête permanente de rencontres et d’associations pour former des petits groupes de passionnés avec leurs territoires urbains secrets ou très visibles et partagés, cabotins ils font alors le spectacle de rue : Acrobates sur roulettes et roues, jongleurs de planches, slalomeurs, sauteurs, virtuoses, ils épatent le citadin qui lui ne voit bien souvent que des dangers dans les formes et matériaux de la ville. Ils transforment la ville en vaste terrain sportif, leur imagination et leurs prises de risque sont sans limite. Tout est potentiellement à «slider» (glisser), «rider» (rouler), à «grinder» (frotter), «à sauter». Les uns avec leurs roues fixées aux pieds, les autres enfourchant leurs machines, les autres tentant de maîtriser 10

par les pieds leur planche totalement indépendante de leur corps. Ici pas de ballon à se passer, seulement une lutte amoureuse, seul, avec les formes et les matériaux. En un mot : des sports de contact avec la ville. Tout ici est question de sensation, ils sentent et éprouvent la matérialité urbaine. Les pratiquants du BMX, du patin/roller et du skate, se croisent, s’observent, s’évitent, mais tous sont assoiffés d’en découdre avec le bitume, le béton. Ils sont « béton glouton » et dégustent la ville. Leurs attitudes sont très distinctives de celles des autres usagers de la ville, ils s’envolent - sautent atterrissent, ils frottent et raclent les formes et matériaux avec bonheur, ils slaloment en calculant les logiques piétonnières et motorisées en mouvement. Ils transgressent les normes d’usages du mobilier urbain et des espaces de déambulation, enfin leurs sonorités sont très distinctives et jubilatoires pour eux. Ils réintroduisent les rythmiques de claquement dans des paysages sonores devenus de vastes vrombissements motorisés. Ils utilisent les espaces de circulation en ville de diverses façons, organisées ou non, sécurisées ou non, depuis la pratique du street sur un coin de rue devenu merveilleux et les descentes « à l’arrache » de pentes raides jusqu’aux championnats internationaux de longboard et aux grands rassemblements hebdomadaires de roller. Ils détournent les mobiliers urbains de leurs fonctions, toute courbe, angle, obstacle devient un élément de jeu, d’entraînement, un nouveau défi. Parfois une ville, sur ces places, accueille un événement particulier, championnat international, une démonstration extrême. Via ce qui constitue à la fois leur moyen de transport, jeu et sport urbain passion, bmxeurs, patineurs et skateurs nous interpellent sur ce qu’est une ville, un sport. Au fait pour vous ça sert à quoi une ville ? C’est quoi un sport ?


Photo Ricky Monti

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De la rue au skatepark

Ces pratiques ne peuvent être réduites à l’une de leur dimension. En effet, si un grand nombre préfère uniquement la ville et ses spots comme terrain d’apprentissage, de jeux et de défis collectifs, d’autres, nombreux aussi, préfèrent les skateparks qui sont des espaces d’entre soi réservés aux initiés. Enfin, une majorité pratique les deux types d’espace avec le même enthousiasme. L’histoire des rares skateparks en France date des années 70, elle est très liée au premier phénomène de masse du skate. Bâtis sur le modèle américain, il s’agit de plus ou moins vastes espaces bétonnés offrant des courbes, des verticales, des bassins, tels les hauts lieux historiques de Béton Hurlant, La Villette en Ile de France et ceux de Saint Jean de Luz. Très vite BMX, quads et rollers investissent les lieux de sociabilité skate. C’est le début d’un long et difficile apprentissage de la cohabitation et du partage. Puis arrivent les temps héroïques des minis et maxis rampes en bois dans les années 80 et 90 (Bourges, Trocadéro, Blagnac…) conçus et fabriqués par des skateurs. Enfin le temps des politiques publiques pionnières avec la reproduction d’éléments de rue et de formes urbaines dans les années 90 et 2000 (Limoges, Nantes, Annecy…) et le retour des mythiques bowls en béton (politiques publiques à Marseille, Montpellier, Annecy…) parfois dessinés par des skateurs. On peut considérer aujourd’hui que la réalisation d’un skatepark est une opération complexe qui pour des raisons de sécurité et de respect des disciplines doit associer les pratiquants des diverses disciplines et prendre en compte de nombreuses dimensions:

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- des espaces différenciés tenant compte des âges et des compétences, - des espaces et formes adaptés à la diversité des usages : les logiques de prise d’élan, de réalisation de figures aériennes ou non, de réception, de vitesse sont très différentes entre BMX, roller et skate, - la mixité des matériaux et des formes tenant compte de la diversité des cultures matérielles : ensemble de vagues et bowls en béton, ensemble de rampes en bois, aires de street reprenant la morphologie des éléments de la rue, - enfin des espaces couverts ou non, la pluie étant le pire ennemi de ces pratiques : « fuck la pluie » lit on sur des skateparks. De nombreuses régions en France sont très pluvieuses. Ces réalisations permettent d’envisager un maillage du territoire, et l’existence pérenne de circuits de compétitions. Des mondes institutionnels (Fédérations et clubs) ainsi que de la culture « street » (des rues) émergent des sportifs de haut niveau, des champions internationaux. Il y a eu le temps des terrains de jeux de ballon, celui des gymnases, des piscines, des tennis, des golfs. C’est aujourd’hui celui des skateparks pour les jeux de roule, glisse, saut et envol. De nouveaux temps pionniers : celui de la mise en adéquation des équipements publics avec les modes de vie et les attitudes sportives de la jeunesse et des jeunes adultes des années 2000. A l’instar de certaines politiques publiques culturelles concernant les musiques actuelles-amplifiées, il s’est agi de mettre en adéquation les politiques publiques sportives avec les mœurs et coutumes privilégiant l’auto-organisation, la créativité hors de chemins tracés par les institutions préexistantes, l’expression libre, l’auto-apprentissage entre pairs de diverses générations.


Palais de Tokyo, Paris, photo François Séjourné

Villepinte 1983, photo François Séjourné

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LE ROLLER

PATIN À ROULETTES

“Il est très probable que l’usage de ces patins [à roulettes] se répandra de plus en plus. Il est probable aussi que, […] les routes se perfectionnant, un temps viendra où le piéton en pourra faire usage, et faire en moins de temps un parcours considérable, avec moins de fatigue.” A.O. Paulin-Desormeaux, Patinage, 1853.

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Woorapoj, FISE Montpellier 2011, photo Tim Marsh

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L’Histoire

par Sam Nieswizski, auteur de Rollermania, Gallimard, 1991

Deux siècles et demi de roller

Depuis une vingtaine d’années, le roller est devenu un phénomène de société mondial. Sur la question de son origine, nombre de livres consacrés au patinage, ainsi que des encyclopédies, attribuent l’invention des patins à roulettes à un Hollandais anonyme au XVIIIe siècle ; quelques auteurs mentionnent un spectacle sur roulettes représenté à Londres en 1743. Il semble que ces informations ne soient étayées par aucun document, il faut plutôt les considérer comme des légendes. Un musicien belge à Londres Le premier inventeur identifié est John Joseph Merlin, né en 1735 en Belgique. Musicien, il avait aussi une vocation d’inventeur qui se manifesta au début de son séjour à Londres. Sa première invention est une paire de patins à roulettes. Un texte ultérieur nous raconte son expérience : “Une de ses ingénieuses nouveautés fut une paire de patins conçus pour se déplacer au moyen de roulettes métalliques. Équipé d’une paire de ces patins et d’un violon, il se mêla à la troupe bigarrée d’un célèbre bal masqué […]; mais n’ayant pas trouvé le moyen de freiner ou de maîtriser sa direction, il se cogna contre un miroir d’une valeur de plus de cinq cents livres, le pulvérisa, réduisit son violon en

miettes et se blessa lui-même sérieusement.” Traduit de Thomas Busby, Concert room and orchestra anecdotes of music and musicians ancient and modern, London, 1825. La démonstration de Merlin eut lieu fin 1762. Il n’existe pas de description des patins. On peut supposer qu’il patinait sur glace dans sa jeunesse, et que, se trouvant dans une ville au climat plus tempéré, lui soit venue l’idée de fixer des roues sous les patins afin de pouvoir, en l’absence de glace, se déplacer sur le sol. Un sculpteur belge à Paris Un long entracte sépare l’invention de Merlin de celle de son successeur van Lede, mais de nombreux points communs rapprochent ces personnages. Ils étaient tous deux artistes : l’un musicien, l’autre sculpteur. Ils avaient tous deux une passion pour la mécanique. Maximiliaan Lodewijk van Lede naquit à Bruges en 1759. Il inventa à son tour des patins que mentionne l’Almanach de Gotha de 1790, dans le chapitre « Tableau des découvertes les plus récentes dans la machine du monde », à la rubrique sous-titrée « Inventions d’utilité, de luxe & de commodité » : “Mr. van Lede, sculpteur médailliste de l’académie de Paris, a inventé des patins, qu’il nomme patins à terre ; à l’aide desquels on peut courir aussi vite sur la terre en pays plat, que sur la glace avec les patins ordinaires.”

2. Patin de Petibled, France, 1819. Roues en bois.

1. Gravure, Pays-Bas, 1790.

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3. Patin de Tyers, Grande-Bretagne, 1823.


Une gravure hollandaise nous montre un patineur suisse qui fit une randonnée de La Haye à Scheveningen avec les patins de van Lede. Les platines sont en bois, les roues, au nombre de deux, sont en ligne. Au talon, une pointe permet de ralentir et de s’arrêter. Des tiges articulées au niveau des malléoles et fixées sous les genoux évitent la torsion des chevilles tout en leur permettant la flexion. (1) Cette image est la plus ancienne représentation d’un patineur à roulettes. Un mécanicien parisien Trente ans séparent le patin de van Lede de celui de son successeur, le Parisien Petibled, mécanicien, qui prit en 1819 un brevet pour de “nouveaux patins destinés à exécuter dans les appartements tout ce que les patineurs peuvent faire sur la glace avec des patins ordinaires”. Il précise que les roues peuvent être en bois, en métal ou en ivoire. Une vis placée sous le talon sert d’arrêtoir. Ils sont montés aux chaussures ou garnis de courroies. C’est le premier brevet pris dans le monde pour des patins à roulettes. (2) Un marchand de fruits anglais Quelques années plus tard, en 1823, l’Anglais Robert John Tyers, marchand de fruits, conçut des “machines ou appareils à fixer aux chaussures dans le dessein de se déplacer ou de se distraire”. Il les baptisa du mot latin Volito (je voltige) et prit un brevet qui décrit un patin très élaboré à cinq roues en ligne. La première et la dernière roue sont plus petites que les autres, elles sont en cuivre ou en fonte. Leurs points de contact avec le sol sont disposés en arc de cercle, ainsi seules une ou deux roues touchent le sol

4. Patin de Löhner, Autriche, 1825. Dessin du brevet.

simultanément, facilitant ainsi les virages (c’est le système appelé aujourd’hui rockering). Le patin est muni d’une butée avant et d’un frein arrière. Tyers transforma en patinoire un ancien court de tennis sis Windmill Street, au centre-nord de Londres. C’est probablement la première patinoire créée dans le monde. (3) Un horloger à Vienne L’Autrichien August Löhner, horloger à Vienne, se distingua de ses prédécesseurs en inventant un patin à roues non alignées. La plaque de semelle, en bois, repose sur trois roues de laiton. Sous le pied, grâce à un cliquet, une roue à rochet ne peut tourner que dans le sens de la marche. Deux roues arrières, un peu plus petites, sont montées sur un axe placé sous le talon. Les patins sont fixés aux chaussures par des courroies. (4) Un gilet-rouge À la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe, lorsque l’hiver était suffisamment rigoureux, on pouvait à Paris, sur les étangs de la Glacière, sur le canal SaintMartin et sur celui de la Villette, voir évoluer des patineurs sur glace. C’étaient de véritables vedettes qui attiraient en foule les badauds. Ils arboraient une sorte d’uniforme : chapeau à visière, courte veste rouge vif à brandebourgs ornée de fourrure et pantalon bleu collant. Ce costume leur valut le surnom de gilets-rouges. Parmi les plus célèbres, Jean Garcin. Il ouvrit une École du de patinage au bord du canal Saint-Martin. C’était une vaste salle au sol formé de dalles bien jointes. (5)

5. Patin de Garcin, 1828. Dessin du brevet.

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Un charcutier à l’Opéra Louis Legrand, charcutier à Chaillot, village de la banlieue de Paris, avait un violon d’Ingres : la mécanique. Il inventa un patin à deux roues en ligne. Il était destiné aux hommes. Considérant que les enfants, les dames et les débutants avaient les chevilles plus fragiles, il créa pour eux un modèle à quatre roues montées sur deux axes, le pied reposant ainsi à plat sur le sol. (6) Legrand prit un brevet en 1849. Il fabriqua ses patins en série et en exporta. Un patineur sur glace nommé Constant vit en ces patins l’objet dont il rêvait : il pourrait enfin patiner même en été ! Souvent il s’adonnait à sa distraction favorite place de la Concorde, rassemblant en foule les curieux. (7) Un Américain de génie Pendant 100 ans, les premiers patins à roulettes, le plus souvent aux roues en ligne, étaient peu performants : l’adhérence et la tenue de route des roues constituées de matières dures (bois ou métal) laissaient à désirer, tandis que celles aux bandages de caoutchouc, qui avaient tendance à s’écraser sous le poids du patineur, étaient peu roulantes. Quant aux patins à trois roues non alignées (Löhner) ou à quatre roues montées sur deux essieux fixes (patin Legrand destiné aux débutants), ils manquaient de maniabilité. Le 24 janvier 1863, une information de

quelques lignes parue dans The Scientific American annonçait l’invention par un inconnu, un certain Plimpton, d’un patin à quatre roulettes montées sur deux essieux mobiles par rapport à la platine. Ce patin avait la propriété de faciliter les virages. Qui donc était cet inventeur ? James Leonard Plimpton naquit en 1828 aux U.S.A., l’année même où Garcin inventait ses patins. Plimpton, qui avait passé sa jeunesse à la campagne et commencé à travailler très jeune, était donc un autodidacte et le type même du self made man. Il inventa pour son propre usage des patins d’une conception nouvelle : il remplaça la lame unique par quatre petites lames, placées deux à l’avant et les deux autres à l’arrière du patin. Le pied reposait ainsi à plat sur la glace. Un système mécanique astucieux permettait aux lames de s’orienter lorsque le patineur s’inclinait latéralement pour prendre des virages. Ainsi le patin répondait aux sollicitations du patineur. Il eut par la suite l’idée de remplacer les lames par des roulettes afin de pouvoir patiner même sans glace et protégea cette invention par un brevet. Plimpton décrit ainsi son patin : “Mon invention consiste à disposer les pièces du patin de sorte que les roues, cédant à tous les mouvements du pied, changent de position par rapport à la platine pour décrire des courbes à droite ou à gauche, sans pour cela cesser de s’appuyer entièrement au sol, quel que soit le degré d’inclinaison que prenne le patineur.”

6. Patin de Legrand, 1849.

8. Imitation européenne du patin de Plimpton, vers 1876.

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7. Constant, place de la Concorde à Paris en 1848. Gravure de Bertall.


Les roulettes des patins étaient en buis, bois dur et résistant. Les roulements à billes n’existaient pas encore. Comme le frottement du bois des roues sur l’axe d’acier offrait une résistance au roulement et aboutissait à une usure rapide du trou des roues, Plimpton garnit ce trou d’une bague en laiton. Bien que notable, ce progrès ne le satisfit pas pleinement. Il décida alors de fixer un réservoir de graisse entre les roues. Une vis sans fin, actionnée par les roues en rotation, entraînait la graisse vers les parties en frottement. La presse baptisa le patin “rocking skate” (patin à bascule) et promut Plimpton “père du patinage à roulettes moderne”. (8) Afin de populariser son invention, Plimpton fonda The New York Roller Skating Association et fit construire dans cette ville le Plimpton building, qui, outre les bureaux, abritait une piste de patinage. Faisant œuvre d’architecte, c’est Plimpton lui-même qui avait fait les plans de l’édifice et assumé le rôle de maître d’œuvre. Les patins de Plimpton n’étaient pas vendus aux détaillants, mais seulement aux patinoires, où l’on pouvait les louer. Seuls les établissements les plus luxueux en disposaient. Les skating-rinks (9) Plimpton fit construire selon ses conceptions de nombreuses pistes (skating-rinks) dans le monde

entier. Celui de Newport (Rhode Island) vit le jour en 1866. En 1870, une petite patinoire privée, signe précurseur de l’immense vogue que connurent les skating-rinks en 1876, fut inaugurée à Paris rue Jean Goujon. La piste, importée des États-Unis, provenait des usines Plimpton. Démontable et transportable, d’une surface de 300 m2, elle était constituée de lames en pitch-pine (pin d’Amérique) de 4 à 5 centimètres de large, assemblées et polies. Ces lames reposaient sur une structure métallique. Des vis traversant cette structure maintenaient les lames jointives. L’immense engouement pour le patinage à roulettes qui déferla aux États-Unis au début des années 1870 traversa l’Atlantique pour gagner la France en 1875 (skating-rink à Boulogne-sur-Mer) et toute l’Europe. Paris compta dix-huit patinoires entre 1876 et 1879. Quelques-unes furent construites spécialement, les autres étaient des bals ou parfois des gymnases réaménagés pour le patinage. La plus luxueuse de ces patinoires parisiennes était le Skating-Palais, aussi appelé Skating-rink de l’avenue du Bois. Il fut inauguré le 22 avril 1876. Ce fut le lieu de rendez-vous privilégié du tout-Paris. Les patineurs disposaient d’une piste principale de 2000 m2, revêtue d’asphalte. Étroite mais très longue (20 mètres sur 100), elle pouvait accueillir 400 patineurs. Elle fut agrandie à 2500 m2 en 1878. Une seconde piste plus petite était réservée aux enfants. La superficie totale de l’établissement atteignait 12 000 m2.

9. Le Skating-Palais. Gravure de Trichon (fragment), 1876.

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On patinait en musique. Comme l’orchestre devait couvrir le vacarme produit par les roues en bois sur l’asphalte, les musiciens, au nombre d’une cinquantaine, perchés en mezzanine, surplombaient la piste afin de se faire mieux entendre. Le Skating-Palais était le plus grand skating-rink de la planète. La publicité annonçait un “palais féerique”, “le plus beau du monde”. Presque aussi vite qu’il était apparu, le patinage à roulettes passa de mode en 1879. C’est la date de fermeture définitive du Skating-Palais. On ne sait pas quand le bâtiment fut démoli, plus rien n’en subsiste aujourd’hui. La révolution du roulement à billes Les patins de Plimpton et de ses imitateurs présentaient un point faible : les roulements lisses étaient peu roulants, et les roues prenaient rapidement du jeu malgré une lubrification fréquente. De plus, la graisse faisait des patins des objets salissants. Le roulement à billes allait résoudre ces problèmes. On commença d’en utiliser dans l’industrie à la fin des années 1860. Ce n’est qu’en 1884, à Chicago, que l’Américain Richardson réussit à les miniaturiser suffisamment. Il prit un brevet pour des patins profitant de ce perfectionnement, et aussitôt se lança dans leur fabrication industrielle. Le progrès était tel qu’il déclencha un nouvel engouement. Au patinage de loisir s’adjoignit un patinage sportif : des courses de vitesse et d’endurance furent organisées, et l’on commença d’établir les premiers records. La vogue américaine gagna l’Europe vers 1890. Paris proposait des skatings moins nombreux que lors de la précédente mode, mais très vastes. En 1889 fut inauguré le skating-rink du Palais d’hiver, puis en 1892 le Columbia Skating-rink, installé dans un des bâtiments construits pour l’Exposition universelle de 1889. La superficie de la piste de bois atteignait 3500 m2. (10) Les cycles-patins À la fin du XIXe siècle, la bicyclette — la “petite reine” — connut un immense succès. Les patineurs, dont les patins nécessitaient des pistes parfaitement lisses, enviaient les cyclistes et rêvaient de se déplacer comme eux sur les trottoirs, chaussées et chemins. S’inspirant des bicyclettes, des fabricants conçurent des patins équipés de grandes roues à rayons entourées de bandages de caoutchouc, pleins ou creux, et dans le meilleur cas de pneumatiques. Les Anglais se déplaçaient le plus souvent sur les road skates Ritter (1895). Le patineur était très haut perché car les deux roues, de 15 cm de diamètre, étaient placées sous le pied. Une tige fixée à la jambe évitait la torsion de la cheville. Utile dans les montées, un système anti-recul agissait sur la roue avant. (11) 20

10. Affiche de Pal, 1889.

11. Patinage de route sur cycles-patins Ritter, Grande-Bretagne, 1895.


Les Français préféraient les cycles-patins RichardChoubersky, dont la semelle était beaucoup plus basse, les deux roues étant placées devant et derrière le pied. Mais la longueur excessive du patin (65 cm) ne lui permettait de se déplacer qu’en ligne droite, aussi virages et freinages étaient-ils des entreprises risquées. L’utlisation de ces engins fut éphémère, probablement à cause des accidents. (12, 13) 1910, nouvelle vogue des skating-rinks Les vogues du patinage à roulettes furent le plus souvent la conséquence d’un perfectionnement technique. Échappant à cette règle, un immense engouement pour le patinage apparut en 1907 aux États-Unis pour gagner l’Europe à la fin de 1909 et s’y épanouir en 1910 (14). Entre 1910 et 1914, comme lors de la vogue de 1876, Paris vit éclore de nombreux skating-rinks : une quinzaine. Le patinage sportif se développa et se structura. Les compétitions de la fin du XIXe siècle se déroulaient dans une certaine pagaille : les distances des courses n’étaient pas normalisées. Il devenait nécessaire d’établir des règles précises. Chaque pays se dota d’une fédération qui réglementa les courses, le rinkhockey et le patinage de figures. En France, les courses se déroulaient uniquement

sur piste, et sur deux distances : vitesse (1 km) et fond (30 km). Les règlements du hockey fixaient le nombre de joueurs, les dimensions des buts, des crosses et de la balle, la durée des parties, et précisaient les sanctions en cas de fautes. Les règles du patinage de figures (qu’on appelle aujourd’hui patinage artistique), démarquées de celles du patinage sur glace, différaient considérablement des règles actuelles. Les épreuves comportaient les figures imposées (les figures d’école), qui avaient le coefficient le plus élevé, et les figures spéciales, aujourd’hui abandonnées, qui consistaient à inventer et décrire des trajectoires compliquées, souvent en forme de rosaces, exécutées sur un pied avec une seule poussée de départ, à l’exception des vignes, accomplies sur les deux pieds. L’entre-deux-guerres : le patinage devient un jeu d’enfant Interrompu par la première guerre mondiale, l’essor du patinage à roulettes changea de caractère. Le patinage sportif de haut niveau reprit tant bien que mal son activité mais se déroula de façon quasi confidentielle. Il connut en 1925 une crise qui interrompit momentanément son activité. Le patinage de loisir fut délaissé par les adultes. Négligeant sou12. Patin Richard-Choubersky, France, 1898.

13. Les frères Granclaude, cyclo-patineurs, 1899.

14. Une patinoire à Bruxelles. Carte postale, 1909.

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vent les perfectionnements techniques apportés par leurs prédécesseurs, les fabricants répandirent sur le marché des patins très rudimentaires destinés aux enfants : patins à courroies, aux roues en fer, souvent à roulements lisses, montées dans le pire des cas sur des essieux fixes par rapport à la platine. Ces objets médiocres, bruyants, mais bon marché, étaient suffisants pour s’amuser dans les rues que peu de voitures encombraient. En 1937, un fabricant proposa les patins Fulgur (mot latin : éclair) à trois roues : deux roues avant de grand diamètre et une roue arrière plus petite, munies de bandages de caoutchouc. Ces patins tout-terrain, très stables, silencieux et robustes, faisaient la joie des enfants en assurant la tranquillité des parents. Ils étaient encore utilisés par les enfants au début des années 50. (15) Le patinage à roulettes devient un spectacle En 1935 fut créé à Chicago le roller derby, à la fois sport et spectacle. Sur une piste démontable de 100 mètres de tour, aux virages relevés, s’affrontaient deux équipes mixtes dans des courses très brutales. Les coups d’épaule étaient tolérés ; les croche-pieds, les coups de poing, les coups de pied, la prise en

sandwich d’un adversaire par deux coureurs étaient interdits… mais pratiqués. Comme dans les bons westerns, l’équipe des méchants luttait contre celle des gentils. Une première tournée de ce sport, qui prit en Europe francophone le nom de roller-catch, eut lieu en 1939, mais fut interrompue par la guerre. Les tournées européennes reprirent entre 1947 et 1960. À Paris, le roller-catch attirait au Vélodrome d’Hiver (le Vel’ d’Hiv’) un public nombreux. (16) Plus calme, la troupe des Skating Vanities donnait sur patins à roulettes des spectacles analogues à ce qu’est l’actuelle revue sur glace Holiday on ice. Leur histoire commence en 1941 par une rencontre, celle de Harold Steinman et de Gloria Nord. Steinman était entrepreneur de spectacles. Un jour qu’il était allé se distraire dans un roller skating rink à Hollywood, il admira la beauté, les mouvements gracieux et le style d’une jeune patineuse, Gloria Nord, qui n’était pourtant pas professionnelle (sa vocation n’était pas le patinage, mais la danse). La première des Roller Follies eut lieu début 1942. Elles ne constituaient qu’un banc d’essai. L’enthousiasme du public et de la presse fut tel qu’il incita les produc-

15. Patins Fulgur, 1937.

16. Roller-catch, 1947.

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17. Gloria Nord, vers 1950.


teurs à monter un super-spectacle. Après quatre semaines, ils troquèrent le nom de Roller Follies pour celui de Skating Vanities. La troupe était constituée d’une centaine de patineuses et patineurs. On avait fait fabriquer des roues spéciales constituées d’un aggloméré de bois et de plastique, car les roues de bois habituelles étaient trop bruyantes et couvraient la musique de l’orchestre. Les Skating Vanities sillonnaient les Etats-Unis. La mise en scène devenait de plus en plus fastueuse. Les Skating Vanities firent plusieurs fois le tour du monde. Elles se produisirent trois fois entre 1949 et 1951 à Paris au Vel’ d’Hiv’. La presse ne tarissait pas d’éloges sur Gloria Nord, “la fée sur patins à roulettes”, “la Pavlova sur roulements à billes”. Concurrencées par les spectacles sur glace, c’est en 1959 que les Skating Vanities se produisirent pour la dernière fois. Les spectacles sur patins à roulettes redonnèrent au public du goût pour cette activité. (17) Le polyuréthane Une invention américaine eut une influence indirecte sur le patinage à roulettes, celle du skateboard ou planche à roulettes. Apparues en Californie à la fin des années 1950, les premières planches, aux roues en fer, étaient très rudimentaires. L’uréthane, matière plastique nouvelle, apporta une amélioration sensible, et l’on commença bientôt à l’utiliser avec circonspection pour les roues des patins. Mais l’uréthane avait un défaut : il manquait de souplesse, de plus c’était une matière instable qui se fendait, se délitait en vieillissant. Les chimistes obtinrent alors par polymérisation le polyuréthane, qui offrait des qualités remarquables de stabilité, de robustesse, d’élasticité, d’adhérence et de silence. Le polyuréthane fut utilisé d’abord pour les skateboards au cours des années 1960. Lorsque leur vogue déclina (ils réapparurent plus tard), les fabricants, à

la tête d’importants stocks de roues et de roulements à billes, eurent l’idée de les utiliser en fabriquant des patins de randonnée. L’élasticité des roues permettait de se déplacer sur des sols peu unis. Fin 1979, favorisée par le mouvement écologique et l’essor des activités corporelles, la mode du patinage à roulettes reprit de plus belle. In-line, une révolution L’origine des patins in-line remonte en 1980. Deux frères hockeyeurs sur glace dans le Minnesota, Scott et Brenan Olson, reprirent l’idée ancienne des patins en ligne pour pratiquer leur sport favori en été. Ils améliorèrent considérablement ces patins ancestraux, en s’inspirant probablement d’un brevet pris en 1966 par Gordon K. Ware, descendant du fondateur de la société Chicago Roller Skate, et en utilisant des technologies modernes : chaussures analogues aux chaussures de ski en matière plastique avec chausson incorporé, mais beaucoup plus légères, utilisation de composés du carbone ou de métaux légers pour les platines, roulements à billes de précision, roues en polyuréthane ou en gomme. Ces patins servirent d’abord à l’entraînement d’été des patineurs de vitesse sur glace, puis furent peu à peu adoptés par de plus en plus nombreux patineurs américains. (18) Ces nouveaux patins arrivèrent en Europe en 1993 et conquirent rapidement le public. Les randonneurs constatèrent que leur rendement est meilleur que celui des patins traditionnels : moins de fatigue à vitesse égale, vitesse plus grande pour le même effort, pavés et “graton” (routes rugueuses) moins désagréables. Les jeunes furent conquis par le look des patineurs in-line : genouillères, coudières, protègepoignets et éventuellement casque leur conférant une silhouette résolument moderne. Les patineurs

18. Un ancêtre du Rollerblade : dessin du brevet pris par Ware en 1966.

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acrobatiques se sont eux aussi rapidement adaptés à ces nouveaux patins, performants en slalom, en saut, en “street” (patinage utilisant le mobilier urbain en guise d’obstacles ou tremplins), et en rampe ou half pipe (structure en forme de demi-cylindre) permettant des envols à des hauteurs prodigieuses, des sauts périlleux avant ou arrière, parfois vrillés, ou des “900 degrés” (rotations aériennes de deux tours et demi). On a conçu des patins en ligne pour la course : beaucoup plus longs, à l’instar des patins à glace de vitesse, ils reposent sur cinq roues de grand diamètre. Ils sont montés sur des chaussures basses, moulées sur le pied du coureur, qui permettent une grande flexion de la cheville. Accueillis avec réticence, ils n’ont pourtant pas tardé à supplanter les quads : ils sont plus rapides, et nombre de records, sur moyennes et longues distances, ont été améliorés. Les patins en ligne ont donné naissance au inline hockey, différent du rink-hockey : la balle est remplacée par un palet, et la palette de la crosse est plate alors que celle du rink-hockey est courbe. C’est un entraînement d’été idéal pour les hockeyeurs sur glace. Les patins in-line artistiques, à trois ou quatre roues, avec une butée à l’avant, vissés comme les patins à glace à des chaussures montantes en cuir, semblent promis à un bel avenir. (19) Le succès du patinage in-line est immense. Dans de nombreuses villes, des randonnées nocturnes hebdomadaires groupent jusqu’à plusieurs dizaines de milliers de patineurs. Les patins représentent d’autre part un marché important. La principale marque américaine les a exportés en Europe en 1993 grâce à une campagne publicitaire habilement menée : teams de démonstration constitués de patineurs virtuoses, camionnettes sillonnant les lieux de loisirs et prêtant gratuitement des patins. Mais il est certain que cette campagne aurait été inutile si l’objet n’avait pas été

19. Patin in-line artistique Pic Skate, vers 2000.

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performant. Le succès favorise la concurrence : non seulement les fabricants de patins, mais aussi la plupart des grandes marques d’articles de sport, en proposent quantité de modèles. Cette concurrence est un facteur de progrès, et un grand effort est fait pour améliorer les systèmes de freinage, l’arrêt étant la plus importante difficulté rencontrée par les débutants. Et demain ? Pendant un siècle, de 1762 à 1862, les inventeurs de patins, tous européens, étaient souvent des bricoleurs un peu farfelus, délaissant leur activité professionnelle pour des inventions utopiques aux yeux de leurs contemporains. Après eux, les recherches en matière de patinage à roulettes devinrent le domaine des ingénieurs et des industriels américains. Nombre de perfectionnements récents consistent en l’utilisation d’inventions anciennes rendues performantes grâce aux technologies actuelles. Le frein arrière dont sont équipés les patins in-line de fitness a été inventé par van Lede en 1789. C’est Petibled qui le premier a eu l’idée de visser les patins aux chaussures en 1819. La butée avant et le système de rockering remontent à Tyers en 1823. On doit le système anti-recul, utilisé actuellement sur certains skis à roulettes, à Löhner en 1825. Enfin, les actuels patins tout-terrain sont les successeurs des cycles-patins de la fin du XIXe siècle. Le patinage à roulettes a longtemps été considéré comme un substitut d’été du patinage sur glace. Ce n’est qu’à une époque récente, vers 1980, qu’il est devenu une discipline autonome. D’ailleurs, si les patins à roulettes ont toujours été moins rapides que les patins à glace, l’écart entre leurs performances s’amenuise constamment. Au XIXe siècle, on patinait sur glace au grand air, sur les canaux, les lacs et les étangs quand ils étaient suffisamment gelés, tandis que l’on patinait à roulettes

20. Publicité pour le Brussels Rinking, 1909.


sur des pistes parfaitement planes, presque toujours couvertes. Depuis qu’on sait produire de la glace au moyen de machines (Palais de Glace, 1893), les patinoires à glace sont souvent couvertes (économie de frigories s’il fait beau et fréquentation inchangée par mauvais temps), alors que les patins actuels permettent de patiner sur des surfaces non aménagées. Il s’est donc produit une curieuse inversion : le patinage sur glace, sport de plein air à l’origine, se pratique maintenant indoor, alors que le roller se pratique outdoor. Depuis 1980, et surtout 1993, la pratique du roller se modèle sur celle des États-Unis : il ne s’agit plus de modes fugaces, mais d’une pratique installée dans le temps. Depuis longtemps, les fédérations ont essayé de faire admettre le patinage à roulettes aux Jeux Olympiques d’été. Le comité des J.O. a prudem-

ment accueilli le rink-hockey en tant que sport de démonstration aux Jeux de 1992 à Barcelone, premier pas vers une éventuelle participation officielle. Mais celle-ci reste encore à venir… Les quads ont tenu le haut du pavé pendant 130 ans, de 1863 à 1993. Supplantés par les patins in-line, ils n’ont pas dit leur dernier mot, et l’on constate un timide retour vers ces vénérables ancêtres. Les patins actuels sont des objets très élaborés faisant appel à des technologies de pointe. Pourtant, chaque année voit encore surgir perfectionnements et nouveautés. Deux exemples de ces dernières : roues de 100 ou 110 mm de diamètre pour le patinage de vitesse (leur nombre est alors réduit à 4), roues antidérapantes pour les randonneurs. L’avenir nous réserve sans doute encore bien des surprises…

Fonds photographiques Parant, Coll. Musées de Montluçon

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Les Tribus

par Serge Rodriguez

LES « LOISIRS » : « ROLLER : UN PEU, BEAUCOUP, PASSIONNEMENT… » Pour les uns, le roller est une activité agréable pour rouler en solo, à plusieurs ou entretenir sa ligne tout en améliorant sa technique (les rollers Fitness); ils sont les plus nombreux, notamment chez les femmes. Pour d’autres, le roller se pratique sous forme de balades plus ou moins sportives (les rollers Randonneurs). Enfin, pour les plus pragmatiques et distanciés face au phénomène “Roller”, c’est un mode de déplacement en milieu urbain (les rollers Fonctionnels). Un grand pourcentage de patineurs associe les trois pratiques. Ces rollers loisirs sont désormais la cible privilégiée des fabricants (et des vendeurs). Les rollers Fitness : «roller, comme cela vient» Le terme anglais de “fitness” est apparu avec l’introduction sur le marché des premiers rollers en ligne. Le terme est emprunté à la remise en forme et désigne une pratique tranquille, dite de loisir. C’est certainement la tribu la plus hétéroclite : enfants, adultes, personnes âgées des deux sexes s’y retrouvent. Ils font du roller comme d’autres feraient du vélo ou du jogging, très souvent le week-end. Le roller est pour eux un moyen original de se faire plaisir seul, entre copains, en famille pour déambuler dans les rues de la ville (trottoirs, pistes cyclables). Ils recherchent les surfaces lisses pour améliorer leur style (acquisition des différentes techniques de freinage, de virage, de propulsion). Leur but premier est souvent d’intégrer une randonnée à leur niveau. Chez les fitness « New School », tous arrivés après la vague in line de 1995, le port des protections est assez courant mais varie selon les cultures propres à chacun. Les rollers Randonneurs : «En avant !» La randonnée est une pratique facilement accessible et il n’est pas rare de voir les riders d’autres tribus intégrer la tribu des randonneurs. La population est mixte, assez équilibrée et composite. Les techniques fitness n’ont plus de secrets pour eux : ils savent monter, descendre les trottoirs, esquiver les laisses des chiens et les changements de revêtement ne leur font plus peur. Ils aiment rouler de jour comme de nuit 26

et selon leur humeur, ils randonneront en solo (c’est rare), entre copains ou intégreront une randonnée encadrée. Ils affectionnent plus particulièrement les randonnées en milieu urbain car elles sont facilement accessibles et de plus il est facile de les quitter sans forcément aller au bout. Ils apprécient tout particulièrement leur grand rendez-vous hebdomadaire de toute les grandes villes du monde: la randonnée populaire de masse. Dès 1993, Paris s’est enflammée pour les randonnées populaires rollers du week-end puis les autres capitales et grandes villes ont suivi. Ainsi elles ont chacune la leur : Paris à sa randonnée des Bulots. Les randonneurs nocturnes sont équipés de lighters et de rétro réfléchissants (enfin devenus vitaux) pour être repérables à distance et parfois de bipad et finger. Les randonneurs rollers aiment se déguiser et les randos à thème sont pour eux d’excellents moyens de faire la fête. Enfin sur Internet, la glisse continue puisque les in-liners roulent sur les mots et grâce à leur pseudo : partagent, commentent, discutent, argumentent, se trouvent ou se retrouvent. Les rollers Fonctionnels : «allier l’utile à l’agréable» Pour ce type de patineur, le roller est avant tout un mode de déplacement et aussi un excellent outil pour découvrir la ville et se jouer des embouteillages. Il se déplace souvent seul (trajet domicile-travail). Cette tribu, plus discrète, utilise essentiellement ce mode de locomotion pour se rendre d’un point à un autre (et inversement). Ils optent pour une paire de roller pratique d’utilisation, pouvant associer différents modes de transport : souvent des platines amovibles. Le roller existe depuis longtemps mais « Le mode de déplacement roller » est loin d’être évident dans nos espaces publics de nos mégapoles terrestres. Le roller moyen de déplacement constitue une problématique toujours en suspens : bravo à la Belgique et à l’état de new York qui reconnaît le roller en tant que moyen de transport à part entière mais d’autres nations piétinent (en tête la France, précurseur mais incapable de conclure).


Quad ou line ? Photo Gilles Danger

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LES « ARPENTEURS DE BITUME » : « PLUS LOIN, PLUS VITE, PLUS FORT» Cette tribu adore rouler et comprend plusieurs types d’arpenteurs : ceux qui pensent prioritairement à rouler, rouler loin et si possible à plusieurs (les Randonneurs Sportifs), les autres qui ambitionnent de rouler vite et de gagner (les Coureurs) et les plus extrêmes qui veulent rouler très vite avec un maximum d’adrénaline (les Descendeurs). Les Randonneurs Sportifs : «plus, mais bien» Contrairement aux coureurs, ils n’affectionnent pas particulièrement la compétition. Ils préfèrent rouler à plusieurs (hommes et femmes) pour effectuer un maximum de kilomètres et, si besoin est, sur plusieurs jours (randonnée sportive) : rouler sur les voies vertes. Certains iront jusqu’à s’aligner sur une course d’endurance comme les 100km de Millau. Seuls importent pour eux le plaisir de patiner entre copains passionnés, le goût du défi et de l’effort. L’important est le dépassement de soi sans penser à être forcément le meilleur ou à gagner une quelconque récompense. Ils parlent plus de vitesse que

Rando parisienne “Rollers & Coquillages” du dimanche après-midi

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de course, d’entretien de sa forme, de son potentiel et d’aller jusqu’au bout de soi-même que de gagner une place. Le mot compétition ne revêt plus une seule signification : il y a désormais les randonneurs sportifs qui relèvent le challenge pour eux–mêmes : se contenter d’un marathon en 3h heures parce que c’est déjà bien d’avoir pu finir. Aux antipodes de l’esprit fun ou “no pad”- les randonneurs sportifs sont un peu les rouleurs de fond du roller. Les Coureurs : «plus course, plus vite» Ce sont des amateurs d’accélération, de sprints et d’endurance, pour eux le roller est un sport de compétition et donc ils n’ont pas hésité à intégrer un club afin de pratiquer le patinage de vitesse. Ils sont exclusivement chaussés de patins in line. Leur style de patinage est la recherche d’une foulée efficace et de la position la plus aérodynamique possible afin d’obtenir un maximum de vitesse pour un effort contrôlé. Depuis peu, les teams professionnelles sont désormais visibles puisqu’elles côtoient les autres tri-


La position de l’œuf

bus lors d’épreuves internationales bien particulières que sont les 24 heures sur circuit du Mans. On peut les définir comme les athlètes du roller car ils s’entraînent régulièrement afin d’acquérir la technique de course la plus pointue. Les coureurs rêvent depuis longtemps de l’introduction de leur discipline aux Jeux Olympiques, consécration suprême pour ces sportifs de haut niveau qui y voient un symbole de reconnaissance officielle. Côté look, ils sont vêtus de cuissards (dits “moule-burnes”), maillots moulants en lycra souvent fluos. Les coureurs affichent les couleurs de leur club ou de leurs sponsors et portent, selon le temps : lunettes de soleil ou mitaines et obligatoirement un casque. Cependant les protège-poignets, genouillères et coudières sont bannis de leur équipement. Aujourd’hui il n’est pas rare de rencontrer dans les rues des grandes capitales urbaines ces as de la double poussée, leur entraînement ne se limite plus à tourner en rond dans le même sens…

Les Descendeurs : « les dévaleurs de courbe, tenir, ivre de speed» La tribu des “allumés”, selon leurs propres termes, est sans cesse à la recherche du frisson absolu. Pour gagner, non seulement il ne faut pas freiner mais il faut être aérodynamique et ne pas se poser de questions existentielles. Les Descendeurs aiment la griserie de la descente : retrouver la sensation de vitesse et la décharge d’adrénaline liée au risque, ils l’analysent très bien allant jusqu’à dire que « la tension de la préparation, devient peur dans la descente pour se transformer en joie après la ligne d’arrivée ». Ils pratiquent en groupe restreint, souvent la nuit pour éviter la circulation automobile. Spécialité d’abord marginale, la descente se pratique désormais dans des contests officiels. Depuis 1998, les longboarders et les lugeurs font partie des courses. Certains riders décrochent même un contrat professionnel. La plupart des descendeurs et descendeuses se protègent intégralement : casques, protèges poignets, genouillères, coudières et crash-pads sur tout le corps. 29


LES « DEVOREURS DE BITUME » La tribu des Quadeurs : «atout rue, atout coeur» Ce sont des irréductibles. Pour eux, rien ne remplacera jamais un quad. Souvent, il s’agit d’anciens qui ont débuté en quads et y sont fidèles comme à un premier amour. La pratique du quad est à la fois plus difficile et plus rare. Désormais, en choisissant d’être un quadeur, on se pose comme un Maverick. Les quadeurs revendiquent haut et fort un côté “ Wild and free ” (sauvage et libre), fuient les looks à la mode ou mélangent les tendances. Les quadeurs sont à l’origine du développement de ce qu’on appelle maintenant l’agressive light et ont inventé (et nommé) de nombreuses figures en slalom, en saut, pour la frime et le fun. Tribu particulièrement créatrice, les figures des quadeurs sont à présent totalement adoptés par les riders in line. Leur rage du bitume a permis aussi la naissance et l’installation des grandes randonnées populaires de masse quand ce n’était pas encore à la mode, dans le move, ni dans l’air du temps. Les quadeurs attachent souvent peu d’importance à la “wear”, rejettent les modes et revendiquent la touch perso. Ils adoptent des tenues souples et fluides mais ils aiment se montrer. Les plus jeunes adoptent le “trashy” mais les fous du quad sont majoritairement “old school”. Ils reprennent à leur compte et avec fierté l’expression moqueuse : ”jurassic quad”. La tribu des Dancers : «Les rollers danceurs» Leurs rollers ne sont pas de simples ajouts mais un véritable prolongement du corps en danse, parfois aussi en slalom où ils ont adapté leur sens de la chorégraphie aux plots. Ils tournent et retournent, breakent même au sol. Ils ont souvent un passé de danseurs tout court et sont, de tous les rollers les plus fièrement métissés et les plus proches de la culture urbaine. Ils balancent leur corps et leurs roulettes au rythme de la musique hip hop, R’n’B et funky, sans oublier la soul, le disco et le raggamuffin. Leur ghetto-blaster (gros poste à cassettes ou à CD) les suit partout, volume réglé sur le maximum. Ils adorent faire leur show en public, si possible au soleil. Ils ont une prédilection pour les lieux animés ou touristiques (Trocadéro) ou investissent une randonnée populaire, poste sur l’épaule, pour inlassablement 30

marquer le tempo. Les danseurs ont l’air tout droit sortis de Venise Beach, en Californie. “Cool” reste le mot clé de leur vocabulaire, ils adorent rider torse nu ou en débardeur en plein hiver, les filles sont délibérément sexy : un pur concentré de “fun”. Leur rêve est souvent de créer ou d’intégrer une troupe. En attendant des jours propices, ils vendent leurs talents à des clubs de vacances, des publicitaires ou participent aux tournées des marques. Cette envie de vivre en dehors des sentiers battus et cette inventivité de la rue se retrouvent chez les patineurs New School qui se reconnaissent dans la tribu des Free Skateurs. La tribu des Free Skateurs : «fluide, réactif, agile et joueur» Deux mots les définissent : Grands Crapahuteurs. Ils cultivent le regard neuf et deviennent les spécialistes des clins d’œil urbains. Ils utilisent la ville à la manière des dauphins (esprits joueurs), surfant l’espace public tel qu’il s’offre sous leurs roulettes. Il y a une recherche de l’obstacle urbain en tout genre pour l’appréhender sous tous les angles : sauté, glissé, smurfé, viré, avalé, dévié, évité…. sans l’user. Leurs exigences : beaucoup de maîtrise technique, presque de l’éclectisme (être gouffi et régular), un entraînement constant en milieu urbain et sur un espace plus restreint permettant de recréer des contraintes. Vous avez tous les styles, les âges (on peut être un free rideur à 68 ans), mais c’est leur « Way of roller » qui les rassemble. La tribu du Hockey : «Les Niakeurs» Sous l’armure de plastique (gants englobant l’avant bras, coudières, plastrons, jambières, genouillères et casque grillagé) se profilent le plus souvent des riders techniciens, sympathiques, fêtards et ouverts, surtout chez les street-hockeyeurs qui ne pratiquent pas la compétition. Les plus pugnaces (et les plus doués) des street-hockeyeurs s’orienteront vers la compétition et devront immanquablement rejoindre un club. Ils auront le choix entre deux disciplines fédérales : le rink-hockey (rink) ou le Roller In Line hockey (RILH).


Le Street-hockey C’est l’expression la plus simple et la moins contraignante du hockey, ce hockey de rue, sauvage, utilise le moindre mètre carré de bitume lisse, pour s’exprimer. Ce jeu alliant adresse, sens tactique et rapidité séduit par sa simplicité. On peut s’installer sur un parking, une place, un espace désert, de chaque côté on pose un sac ou un plot en guise de cible (ou deux sacs pour délimiter un but), la crosse peut être bricolée. Quads et in ligne se mélangent et peu importe le nombre de joueurs, l’âge, le niveau technique, que ce soit une balle ou un palet, du moment qu’une partie peut s’engager. Le port des protections ne leur semble pas indispensable même si très vite, slams obligent, genouillères et surtout protège-tibias s’imposent. Palet ou balle... Le fait de jouer dans la rue sur des revêtements pas toujours lisses les incite à utiliser plus souvent la balle, ce qui n’exclut pas l’utilisation du palet sur une surface très lisse et surtout sans joints. C’est aussi cette pratique de rue qui fut retenue par Rollerblade puis Bauer lors de leurs tournées commerciales au travers d’opens de Street Hockey, tournées qui connurent un grand succès populaire. Ces tournois sensibilisèrent la Fédération Internationale de Roller Skating à reconnaître en 1995 le roller in line Hockey en tant que tel et à autoriser la création d’un Championnat du Monde de Roller In Line Hockey.

Le Roller In-Line Hockey II nous vient des Etats-Unis et se rapproche du hockey sur glace (en moins brutal). Il utilise uniquement des rollers en ligne, des crosses droites comme celles du hockey sur glace et un palet (appelé aussi pépito).Ils affectionnent les passes, l’accélération, le freinage et l’esquive. Le port de protections est obligatoire car les contacts peuvent être très vigoureux: gants, protège-hanches, coquilles, genouillères, coudières, protège-tibias, casques grillagés). Cette armure séduit certainement certains ados. Leur vocabulaire comprend les mots : pépitos, pizza, vent dans le dos, slap shoot, tournois. Ils aiment donner à leur équipe des noms à faire peur (les bourrins, les pitbulls, les dragons, les brûleurs de loups...) ceci pour impressionner, comme chez les patineurs à glace. Dans cette discipline, il faut avant tout faire peur et bien souvent l’enveloppe est bien plus impressionnante que ne l’est le contenu. Il existe désormais des équipes féminines qui sont d’ailleurs bien souvent plus féroces que les garçons. Au début une grande majorité des pratiquants venaient de la glace et se sont mis au in line uniquement pour pouvoir pratiquer le roller in line hockey, depuis la tendance s’inverse et l’on voit même certains roller-in-line-hockeyeurs se mettre au patin à glace pour affiner leur préparation. Leur style de patinage est très complet, les changements rapides de direction, les freinages soudains ainsi que le passage de la glisse avant à la glisse arrière sont la base de leur patinage.

Street hockey aux Invalides

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LES « ACROBATES » : « MA VILLE, MA SCENE » La tribu de patineurs acrobates se divise en plusieurs groupes mais il n’est pas rare de voir certains riders passer du saut au street et même à la rampe, très souvent ce sont des “ light ” qui passent au“ hard” ; tout en conservant les acquis de leur première pratique. Ainsi se définissent les acrobates light et les acrobates hard avec, pour chacune, 2 pratiques différentes. Ce qui nous donne 4 sous tribus : les Slalomeurs, les Sauteurs, les Streeteurs et les Rampeurs. L’Acrobatique Light L’acrobatique est apparue bien avant l’invasion stunt, son terrain de naissance est la rue et c’est encore là qu’elle continue de s’exprimer. Elle était avant tout un mode d’expression et d’exhibition, allant quelquefois jusqu’au moyen de se payer un “casse-dalle”, grâce aux quêtes. Elle comporte le saut et le slalom. Sauteurs et slalomeurs restent souvent fidèles aux quads de leurs débuts et ils n’ont pas attendu le passeport fédéral pour exister, s’exercer et créer leur propre vocabulaire. Ils ont eux même inventé des noms à leurs figures qui se transmettent depuis plus de dix ans. Bien que très proches et souvent évoluant sur les mêmes spots, sauteurs et slalomeurs ont des mentalités très différentes. Les Slalomeurs : «Les pieds virtuoses et tricoteurs» Même si les garçons sont encore majoritaires, les filles ont bien fait leur place en slalom. Cette discipline plus technique que « casse-cou » permet même aux vétérans et aux minots, dès huit ans de rivaliser d’adresse. Ils répètent inlassablement des figures ou des enchaînements de figures afin de les « rentrer ». Ils sont solidaires et aiment à enseigner la technique pour telle ou telle figure, leur style allie vitesse, vir-

Vincent slalomant en cafetière aux Invalides, photo Gilles Danger

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tuosité technique et créativité. La plupart possède les deux types de patins in line et quads et portent volontiers les protège poignets. Les slalomeurs sont présents sur de nombreux spots puisqu’il suffit de quelques plots (les canettes ont laissé la place aux gobelets en plastique) et d’une cinquantaine de mètres. Les Sauteurs: «s’envoler, atterrir puis recommencer» Ils aiment le risque, les défis et le show. Durant des années, ils ont pratiqué dans la rue, repoussant sans arrêt les limites sportives et faisant l’admiration des touristes. Les sauteurs affectionnent particulièrement les marches ou les plans inclinés qui permettent de leur donner un peu plus de hauteur. Leur style est puissant, casse-cou, ils maîtrisent la réception en petite voiture et les arrêts spectaculaires en slide pivot ou slide parallèle. Ils sont (hors compétition) allergiques au port des protections et n’hésitent pas à sauter torse nu. Le saut, très éprouvant physiquement (l’impact au sol est violent même si les jambes fléchies servent d’amortisseurs), attire essentiellement les adolescents et les très jeunes adultes. Une discipline sauvage et éprouvante qui a accepté parfois de se codifier à travers son intégration fédérale. Les sauteurs aiment le look “Rusty James”, collier ras du cou et débardeur moulant sur peau bronzée, les regards admiratifs des minettes et revendiquent pour la plupart un côté « bad boys ». Ils sont parfois adeptes des randos catch. Ce sont ces têtes brûlées, hostiles aux structures d’encadrement, joyeusement provocateurs et kamikazes. Mais le temps des sauts spectaculaires par dessus les voitures ou les hélicoptères semble révolu : d’autres riders ont volé la vedette aux sauteurs : les adeptes du street.


La tribu «Agressive, Stunt ou Acrobatique Hard» On entend par agressive ou stunt, la pratique du street et de la rampe. Le terme «agressive» est trompeur car hormis pour le mobilier urbain qu’ils mettent à dure épreuve, les riders streeters et rampeurs sont plutôt tranquilles même s’ils adorent jouer les “caillera”, machos, obsédés et râleurs dans certains mags. Pratiquées par de jeunes riders, ces deux disciplines ont le vent en poupe. En rampe, comme en street, il faut apprendre à tomber car les chutes font partie du jeu. Ils sont mordus de belles fringues de marques, cela fait partie de leur « style », en symbiose avec leur pratique, très visuelle. Ces disciplines attirent les sponsors, ce qui motive certains pour faire partie des meilleurs et ainsi intégrer la “Team” d’une grande marque de roller. Les bons riders auront ainsi leur matos à volonté, les meilleurs passeront « pros », feront des tournées et auront un revenu assuré pendant la durée du contrat. Les Streeteurs : «crew, grind, courbes et vautres» Véritables surfeurs urbains, perpétuellement à la recherche d’un bon spot à exploiter, ils s’approprient le mobilier urbain pour « prolonger leur glisse ». Leur mouvance perpétuelle les amène là où escaliers, bancs, murets et barres inclinées deviennent autant de supports de figures pour placer quelques tricks à la limite de la chute omniprésente. Les streeters s’entraînent jusqu’à l’écœurement pour parvenir à la maîtrise d’une figure (attitude soignée, pied idéalement posé ou saut parfait). Ils n’aiment que les règles qu’ils se fixent eux-mêmes et sont allergiques aux interdits, deux maîtres mots : liberté et créativité. Côté “way of life”, les streeters aiment rider en “crew”, en free sessions sauvages, faire la fête entre potes.

Photo Kalou

Côté dolby, deux écoles prédominent : les accros de punk-hardcore ou heavy metal débridé et survolté et les amateurs plus nombreux encore de hip-hop, ses beats saccadés et sa tchatche sévère. Le reggae revient, signe sans doute de positivité et d’accalmie. Les Rampeurs : «la tête à l’invert» Ils pratiquent obligatoirement sur l’infrastructure du même nom, la rampe. On apprend d’abord à “pomper à mort” dans la courbe pour aller le plus haut possible et enfin aller toucher le coping. Plus tard, suivront le 180° puis les figures aériennes (aerials), le style actuel adore les grosses rotations et les slides. Pour séduire, il faut perpétuellement innover et sortir régulièrement de nouveaux tricks. Le fin du fin, comme pour les streeters est de développer un style et de créer une nouvelle tendance du ride. La rampe est de toutes les disciplines du roller celle qui demande le plus d’engagement physique et de résistance, elle est certainement la plus contraignante. Le rampeur de base, tout comme le streeter maîtrise son franglais sur le bout des doigts. Ne dites pas fringues mais wear, un roller est un rider, il ne glisse plus, il slide. Le langage préféré des rampeurs, c’est leur gestuelle, véritable mise en scène où les figures techniques sont autant de figures de style. En musique, toujours les deux tendances : rap et hardcore (attention, on est l’un ou l’autre pas les deux !). ll peut arriver aux riders des tribus acrobatique et agressive d’intégrer une randonnée plus dans le but de s’amuser en roulant dans un grand groupe parmi les patineurs de loisir. La tribu stunt, débridée, frondeuse et souvent nonchalante (hors contests) préfère délirer dans une randonnée que d’aligner des kilomètres.

Fredy à Notre-Dame

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Les Spots de Paris

par Serge Rodriguez

LE SPOT DE NOTRE DAME : «Les elfes de la rue côtoient les gargouilles de Notre-Dame» Sur le pont au Double, fermé à la circulation (par des plots en béton, ainsi que par des chaînes), au pied de la fameuse cathédrale, sur l’Ile de la cité, on trouve un spot connu et incontournable de la capitale... On peut assister à des démonstrations de slalom et de saut. La matinée est relativement calme, on trouve surtout quelques slalomeurs. L’après-midi, le spot est beaucoup plus fréquenté, mais c’est en début de soirée que le lieu s’anime le plus avec des slideurs, des sauteurs, des slalomeurs... Ce lieu historique du saut et du slalom à Paris a vu de nombreuses polémiques entre les rollers et les autorités qui aujourd’hui sont régies par un arrêté interdisant la pratique du roller aux abords de Notre-Dame!

Photos Richard-Piauton

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Saut à Notre-Dame

LE TROCADERO (TROCA / 3.4.0) «Le lieu mythique du skate et du roller français, le temple du roller parisien» C’est le skate qui le premier a investi le Trocadéro suivi quelques années après par les patineurs puis les BMX. La pratique du roller acrobatique démarre doucement et sauvagement en haut sur les rampes d’escaliers avec le saut, en bas sur les pentes avec le slalom et sur le plat les danseurs mais aussi le jeu de l’épervier et du street hockey… sans oublier la descente des 32 marches en tac tac qui ravit les touristes. Ce lieu mythique a vu l’évolution de certains riders parisiens (Gustavo, Zola, Ben, Mouss, Philippe Dussol, Hom N’Guyen, Taïg et Lino Khris, Benji… et bien d’autres). Le tournage du film « Trocadéro Bleu Citron » n’a fait qu’augmenter la fréquentation de ce spot.

Street hockey sur la dalle Montparnasse


Saut en papillon au Trocadéro

UN SPOT QUI A DISPARU MALGRE SA GRANDEUR, LA DALLE MONTPARNASSE : «Les anges du bitume chassés comme des démons» La dalle a été le spot des années 80 (avec le Trocadéro). C’était à l’époque l’endroit où se retrouvait la grande communauté des patineurs franciliens. Le week-end ça fourmillait de patineurs, c’était un endroit de pratique familiale et de rassemblement pour les adolescents adeptes de l’épervier, allant du débutant au confirmé, tous finissaient par se connaître, à tel point que le surnom de la dalle était « radio Montparnasse ». Après une tentative infructueuse en 1991 où une manifestation de patineurs sur la voie publique (orchestrée par Rollermania), a sauvé la dalle ; à la deuxième moitié des années 90, les gérants de cet espace ont finalement réussi à exclure la pratique roller de cet espace de liberté. Tous les patineurs parisiens regrettent la disparition de ce spot (ancien fief de Gzu, des « Randonneurs fouS », des Éperviers déchaînés, puis des associations « Rollermania » et Couleur roller). L’endroit, dont la surface plate est extrêmement lisse, est situé en hauteur (au-dessus du centre commer-

cial) surplombant le quartier Montparnasse et donc protégé de la circulation. C’était un spot incomparable pour la sécurité des petits et des grands. Désormais, les rollers y sont interdits et poursuivis par les vigiles. UN SPOT QUI A EXISTE AVANT GUERRE PUIS DISPARU ET REAPPARU : L’esplanade des Invalides (dalle ouest) Les invalides étaient le rendez-vous des hockeyeurs ou coureurs d’avant-guerre. La partie gauche (face à la Seine) a été bitumée spécifiquement pour la pratique du roller en juin 1998, grâce à l’association RSI, qui depuis la fermeture de la dalle Montparnasse négociait afin que les Invalides redeviennent un spot roller. Sur ce large espace, on peut pratiquer le fitness, le hockey et le slalom (marques au sol). L’endroit est devenu un espace officiel pour la pratique du roller. L’association RSI l’investit régulièrement pour donner des cours. Souhaitons que la partie droite, praticable mais très bosselée, bénéficie à son tour d’une remise en état.

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Le Roller Team La Défense par Michel Fize, sociologue CNRS, écrivain

Témoignage du fondateur d’une expérience novatrice dans un lieu public prestigieux Le Roller Team Paris-La Défense a été officiellement fondé au début de l’année 1991. Il est le résultat d’un hasard et d’une volonté . Un hasard. Sociologue au CNRS, menant alors, avec mon collègue Marc Touché, une enquête sur le skate-board, mes pas m’avaient porté sur le parvis de La Défense où m’avait été signalée la présence de skaters assidus. Ce jour-là, nul skater dans les parkings souterrains, lieux supposés de leur pratique, mais, en surface, de jeunes rollers stationnés pour certains en haut de la piste blanche faisant face à la Grande Arche, dévalant pour d’autres cette même piste. Discussions, échanges. Soucieux de comparer les deux pratiques de « glisse urbaine » : skate et roller, je décidais d’élaborer un questionnaire-roller. Les jeunes se prêtaient gentiment à l’exercice. De fil en aiguille, des complicités se nouaient, un projet se dessinait. Une volonté émergeait : volonté conjointe d’un sociologue-sportif (jeune retraité de football, en mal d’activité physique) et de jeunes gens avides de reconnaissances sociales et sportives. Les choses allaient ensuite très vite. Statuts d’association déposés, le club était immédiatement affilié à la Fédération Française de Roller-Skating. La même année, le Conseil Général, via sa Direction de la Jeunesse, décidait d’apporter son soutien financier à la structure, bientôt relayé par la Direction de la Jeunesse et des Sports du Ministère du même nom. Pendant quatre ans, l’association sportive allait ac-

cueillir, chaque week-end et le mercredi après-midi, sur un espace public autorisé par l’Etablissement Public d’Aménagement de la Défense, des dizaines d’enfants et d’adolescents, garçons et filles, issus de milieux modestes pour la plupart. Dans une ambiance chaleureuse et sécurisée (barrières de protection, port obligatoire du casque), les rollers de La Défense allaient régaler de leurs exploits un public attentif. Avec le concours de mon «bras droit», Christian Debackère, d’adultes-parents motivés, membres de l’association, avec la collaboration aussi de Serge Rodriguez et d’Adeline Le Men, patineurs expérimentés de la Capitale, le Roller Team Paris-La Défense organisait maintes démonstrations en Ile de France et en province avant de mettre sur pied, et sur son sol, la première Coupe de France de roller acrobatique : slalom et saut, remportant à cette occasion quelques trophées mérités. Au printemps 1994, appelé par le Premier ministre Edouard Balladur à siéger, pour plusieurs mois, dans le Comité pour la Consultation national des jeunes, je décidais de me retirer de la présidence et de la direction du club. Christian Debackère et Hakim Bel Jelloun, slalomeur talentueux, allaient assurer plusieurs années durant, une relève aussi précieuse qu’efficace. Vingt ans ont passé, je me souviens d’une formidable aventure, de garçons et filles talentueux, d’insomnies quelquefois tant la charge de travail était écrasante. Mais aucun regret de ma part. La page fut belle.

Grande Arche de la Défense, photo DR

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Coll. Michel Fize


par Alexandre Chartier

ARNAUD GICQUEL

Arnaud Gicquel reste le patineur français le plus titré. Il débute le patin à roulettes à la fin des années 70. Il décroche son premier titre de champion d’Europe en 1987, le premier de ses 40 titres continentaux ! Il fait partie de ces compétiteurs qui ont vécu la transition du patin traditionnel au roller à roues alignées. Il devient champion du Monde en 1991, à l’âge de 18 ans, il montera 4 fois sur la plus haute marche jusqu’en 1998. Arnaud roule aux côtés des meilleurs patineurs internationaux, remportant les plus grandes compétitions au sein des équipes Rollerblade (1999) et Salomon (2005). Seul l’américain Chad Hedrick semble

pouvoir jouer les trouble-fête. Arnaud Giquel s’impose sur la Roller World Cup, la Swiss Inline Cup. C’est bel et bien sur marathon que le français fait la différence. Après une carrière d’une remarquable longévité, il raccroche les rollers en 2006 pour se consacrer pleinement à l’organisation de la Coupe de France des Marathons Roller : la French Inline Cup. Après avoir entraîné plusieurs équipes nationales, comme l’Allemagne, il rejoint le giron fédéral pour se consacrer à la gestion du Pôle de Nantes qui forme les patineurs élites de demain...

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Le Street

par Victor Francisco

Aussi appelé agressif du fait d’abimer ses rollers et son corps sur des surfaces abrasives. Le street : Un art? Un sport? Les deux !!! Cette pratique se démarre généralement assez jeune, le but est de se regrouper en bande, collectif, équipe ou «crew ». En résumé, entre amis, entre riders. On se déplace, d’un endroit à un autre, roller au pied. La ville devient un immense terrain de jeux et les rollers un moyen d’expression. On ressent lors des virées une sensation de liberté et de découverte. Aucune règle, la seule chose est de s’amuser en détournant un lieu avec sa vision, son envie, son niveau. Avec l’expérience, rouler ne se limite plus seulement à un déplacement mais à la réalisation de figures en corrélation avec l’environnement. Ainsi, tels des artistes, le temps d’un moment éphémère, les riders créent un mouvement qui donne au lieu, sur lequel ils posent leur attention, un sens nouveau. Au fur et à mesure des années, le physique et le mental évoluent. Si l’on veut perdurer, se démarquer, il faut repousser les limites du corps en le modelant à ses exigences. En quelques mots, le roller street c’est de la créativité, des rencontres et des nouveaux lieux. Espace de glisse rollerpark Depuis quelques années, les mairies s’efforcent, selon leurs moyens, de répondre à la croissance de cette pratique urbaine en mettant à disposition des riders des rollerpark et d’autres espaces de glisse. Ces espaces sont des lieux parfaits pour initier les jeunes curieux ou pour les riders confirmés appréciant ici la pratique d’une glisse, à pleine vitesse, sur des infrastructures conçues pour le rollerstreet. Dans certaines villes, s’adonner au rollerstreet en dehors de ces lieux est illégal. Pourtant, l’essence même de cette pratique se trouve dans 38

la ville et dans le déplacement dans celle-ci. Il est donc difficile de cantonner ce moyen d’expression physique de la rue dans des lieux fermés. Ces espaces permettent aussi de grands rassemblements, lors de compétitions organisées par des associations ou des marques privées. Le public profite alors d’un spectacle grandiose, fasciné par le déplacement, la vitesse, la fluidité et l’aisance de ces riders. Il faut un mental d’acier et une bonne confiance en soi pour réaliser certaines figures périlleuses où une chute ne serait pas souhaitable. Pourtant, certains des pratiquants prennent des risques pour parvenir à se hisser sur le podium.


1988. Le bassin (vidĂŠ) sous la tour Eiffel, un spot inoubliable pour les sports de glisse urbaine. Photo Richard Piauton

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La Fédé De tout temps, l’homme a rêvé de se déplacer par d’autres moyens que la marche ou la course à pied, de plus en plus vite. Le patin permit à la fois de circuler et de se griser de vitesse. Deux inventions ont précédé celle du patin à roulettes : le patin à glace et la roue. LA FEDERATION DES PATINEURS En 1910, nait la F.P.R.F (Fédération des patineurs à roulettes de France) avec 3 disciplines (rink hockey, artistique, vitesse). Présidée par M. MARECHAL, elle est sous le contrôle de l’USFSA (Union des Sociétés Française des Sports Athlétiques créée en 1889). Cette même année est organisé le 1er championnat de France au Palais des Sports de Paris autour de ces trois disciplines. Après quelques années, la F.P.R.F est contestée par ses décisions et notamment dans le mouvement du Rink-Hockey. Le PHC (Paris Hockey Club), refusant alors certaines obligations, va former, avec le ralliement de deux autres clubs, un second mouvement de Rink-Hockey. Ils vont organiser leurs propres manifestations sportives en créant une section “Skating” au sein de la FFSA (Fédération Française des Sports Athlétiques), fédération dissidente de l’USFSA. Plusieurs associations abandonnent encore la FPRF dont la ligue du Sud Ouest et celle du Midi-Pyrénées qui vont à elles deux former la Fédération Française de Rink-Hockey (FFRH) qui sera déclarée officiellement le 6 août 1926 sous la présidence de M. BERTHEREAU et située à Bordeaux. Un accord est pris entre M. Freddy BARQUE (membre fondateur du PHC et par la suite représentant de la section “Skating”) et M. Camille FETLER (secrétaire de la FFRH), il est décidé que les licenciés de la FFSA adhéreraient à la FFRH pour lui donner plus de poids afin de concurrencer la FPRF. La FFRH organise la première édition de la coupe latine disputée du 15 au 17 novembre 1956 à Paris entre les équipes nationales d’Italie, du Portugal, d’Espagne et de la France. Ce grand événement sportif va avoir de l’importance puisqu’il montre aux autorités sportives et administratives l’engouement que la FFRH porte pour la promotion du Rink-Hockey. Le président du CNS (Comité National Sportif) et le président du COF (Comité Olympique Français) décident d’arrêter ce double fonctionnement et trans40

fèrent la reconnaissance officielle de la gestion du patinage à roulettes en France à la FFRH qui deviendra par la suite la Fédération Française des Sports de Patinage à Roulettes. En 1990, elle rechangera de nom pour Fédération Française de Roller Skating et recevra cette année-là la délégation de pouvoir du Ministère de la Jeunesse et des Sports. Suite à deux années de travail permettant la mise en place d’une communication aboutie et structurée, la Fédération Française de Roller Skating repositionne son image et devient la Fédération Française de Roller Sports en mai 2011. « En 2011, changeons de roue ! » Tel est le slogan qui caractérise cette nouvelle identité. L’objectif est de répondre aux exigences du marketing sportif en prenant la parole à travers une Fédération plus visible, plus reconnaissable. La FFRS souhaite occuper une place plus importante dans son environnement en affichant ses disciplines de Roller et de Skate en tant que sports à part entière et en s’imposant comme une institution dynamique en matière d’économie du Sport. Plus qu’un rajeunissement, cette nouvelle identité est la proposition d’ancrer la Fédération dans le système économique actuel qui l’oblige à diversifier ses ressources en s’imposant à travers des valeurs fortes et un message audible. LA FEDERATION FRANCAISE DE ROLLER SPORTS La FFRS est affiliée au Comité National Olympique et Sportif Français (C.N.O.S.F.), à la Fédération internationale de Roller Sports (F.I.R.S) et bénéficie de la reconnaissance du Comité International Olympique (C.I.O.). C’est une Fédération multidisciplinaires qui gère toutes les spécialités à roulettes. Quatre de ses disciplines sont reconnues comme sports de haut niveau : Course, Patinage artistique, Rink hockey, Roller hockey. La FFRS, présidée depuis 2005 par Nicolas Belloir, regroupe des associations sportives ayant pour objet d’organiser, d’enseigner et de promouvoir toutes les disciplines de patinage à roulettes. La FFRS compte 7 disciplines, 750 clubs, 22 ligues, 56 comités départementaux pour 53 181 licenciés.


Photo Kalou

Toujours présente tout au long de l’année sur les manifestations sportives, Christine Bernard, présidente du Comité départemental de roller-skating de Paris, s’attache à mettre en avant les différentes disciplines de la FFRS où les jeunes de Paris peuvent s’initier à notre sport dans ses multiples pratiques.

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TAÏG KHRIS

par Jonathan Politur, producteur fondateur de la société de production audiovisuelle Puzzle Media

Quand j’ai rencontré Taïg il y a presque une dizaine d’années, j’ai immédiatement été séduit par son énergie, sa curiosité et son regard sur les sports extrêmes. Il avait tout gagné en roller, dont les prestigieux X Games de Los Angeles en 2001, grâce à son fameux double back flip, le « trick » qui lui a permis d’entrer dans la légende de son sport. Malgré ses dizaines de victoires en compétition, c’est ce dont il était le plus fier : avoir innové non seulement en créant des figures mais surtout en adoptant des techniques d’entraînements inédites qui lui permettaient de tenter des centaines de fois des manoeuvres sans se faire mal. Depuis nous sommes devenus très proches mais je reste fasciné par sa simplicité et son réalisme. Il ne se considère pas comme quelqu’un d’exceptionnel. Tout ce qu’il a réalisé et continue à faire aujourd’hui repose sur 3 ingrédients : le travail - il est capable de vous dire exactement le nombre de tentatives qu’il a fallu pour réaliser une figure -,

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la confiance en soi et la passion. Une vision de la vie simple mais d’une efficacité redoutable ! Mais aussi un message pour tout le monde : si tu es passionné, crois en tes rêves, travaille dur et aies confiance en toi... le succès sera au rendez vous. Chez lui, pas d’approche communautaire (skate vs roller ou VTT vs BMX), pas de sectarisme, il respecte celui qui croit en ses rêves. Quand nous avons imaginé les records il y a près de 3 ans, je lui avais alors dit, “avec ça tu deviendras un héros”. C’est ce qu’il est devenu – en tous cas dans le regard des autres - mais lui reste humble et ne se rend pas forcément compte de la portée symbolique de ses exploits. Mais pour moi, même en tant que producteur de ses événements, Taïg est un héros moderne. Sans cause, peut être, mais qu’il le veuille ou non, en réalisant ces incroyables performances, il nous donne confiance en l’homme, et plus simplement, confiance en nous. Dans tous les cas, il nous fait rêver.

Le saut spectaculaire au-dessus du parc du Sacré-Cœur. Photos Christian VanHanja, 2011


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Le skateur se nourrit de la ville, une planche indépendante sous les pieds, il y fait le spectacle d’hier à aujourd’hui. Bribes de souvenirs personnels d’une enquête sur la socio-histoire du skate vue d’en France à la rencontre de ces divers acteurs. Souvenirs de collectes d’archives, d’objets et de récits pour le CNRS et l’Ecomusée de St-Quentin-en-Yvelines et le patrimoine national (MuCEM). Des traces de cultures matérielles, mes photos de sociologue sur la vie ordinaire et concrète et celles artistiques et spectaculaires de photographes professionnels rencontrés, témoignent de la complexité de ce sujet. Des mondes issus de la rue, qui au gré des décennies vont créer et obtenir des espaces de sociabilité dédiés (shops et skateparks), commerciaux et publics. Le monde d’une équipe de France d’adolescents skateurs des années 70, qui a contribué à l’émergence de sportifs de haut niveau dans d’autres disciplines tels Nicole Boronat (windsurf), Philippe Berlatier (moto de trial), José De Matos (professeur de sport) Philippe Goitschel (ski de vitesse), Stéphane Peterhansel (moto et auto). Des petites «tribus» minorités urbaines qui in-

fluencent la mode et les autres sports (snowboard, roller, BMX...). Elles sont fondées sur la passion, l’âge, sur l’appartenance à un quartier, une ville à l’instar des groupes de rock, de rap. Il s’agit de sociabilités masculines dans lesquelles ils affirment des valeurs de solidarité, de créativité, de courage, de prises de risque corporel, de joutes, de défis. Un corps de skateurs est un corps marqué de blessures. Le skate est un spectacle d’acrobatie, d’équilibriste de rue et de skatepark, très visuel et aux caractéristiques sonores uniques. Les skateurs forment un petit monde social avec ses looks, ses rituels, son vocabulaire souvent très distinctif, sa mythologie, ses héros et ses ragots. Les USA constituent pour eux la référence absolue, l’origine de leur culture, et pourtant l’affaire est bien plus complexe. En un mot un skateur ne se fond pas, ne se dissout pas dans la masse. Les usages du skate engendrent admiration et réaction sociale avec production d’interdits. Pour la jeunesse le skate est un apprentissage de l’altérité dans les espaces publics.

LE SKATE

Par Marc Touché

Coll. MuCEM, fonds José De Matos, Robert Merilhou, Trocadéro, fin 70, photo DR

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Le skate au FISE en 2009, Montpellier, photo Manu Sanz

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L’Emergence Premier temps pionnier du skate en France Les premiers skates au sens moderne du terme, des roll-surf sont introduits sur la côte basque par des pionniers du surf en France parmi eux Jo Moraïtz et les frères Arnaud et Joël De Rosnay au début des années 60, Dès 1965, après avoir créé une Fédération de Surf, ils organisent des premiers championnats de skate sur la côte, puis au Trocadéro à Paris. Leur action de promotion va marquer les esprits et contribuer à la naissance d’un mythe fondateur selon lequel le skate viendrait du monde du surf en Californie(USA) et de la côte Basque. L’histoire est

belle et en partie vraie. Cette imagerie en cache une autre très belle aussi, ancrée au cœur des villes du monde entier sur pavés et macadam. En effet dès le début du XX°siècle et peut être avant, des enfants de tous milieux aidés d’adultes ont fabriqué des planches à roulettes en bois équipées de roulements en métal récupérés dans les garages. Dans les années 20 des industriels du jouet commercialisent des autos-skiff à trois ou quatre roues. Les enfants s’imaginent pilotant, l’ère de l’automobile est en route, elle va bientôt, prédatrice, leur voler leur aire de jeu : la rue. Les plus

Jo Moraïtz et les jeunes skateurs de la côte basque milieu des années 60. Archive MuCEM, photo DR

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grands jusque dans les années 60 se fabriquent des planches à roulettes équipées de gros roulements et dévalent les pentes assis ou debout dans des bruits fracassants. Ils se font confisquer leur jeu par la police… Ces planches artisanales comme les premiers skate ne sont pas pratiques, leur usage est très limité. On peut faire l’hypothèse que la fascination pour le skate dans les années 70 est lié à sa riche généalogie, un croisement de culture surf éprise de liberté dans la tonalité des nouvelles valeurs de l’époque avec celle d’une culture de roule inscrite dans les mœurs citadines et familiales depuis des générations.

Dans les années 70 le skateboard sera affilié à la Fédération Française de Surf, qui deviendra de Surf et Skate. Pendant cette période les clubs vont se multiplier dans toute la France, ainsi que les concours locaux, les championnats de France, des rencontres internationales avec une équipe de France. Les principales disciplines sont alors le slalom géant, spécial, parallèle, combiné, la descente, le saut en hauteur, le free style. Le skate dès cette époque va participer au processus d’américanisation des cultures sportives de la jeunesse.

Coll. MuCEM don A et T Sevenier jeu des années 20

Coll. MuCEM

photo DR, Rémi Backes, années 70, Coll. MuCEM don Rémi Backès

Coll. MuCEM don Rémi Backès

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La Résistance Après un très fort et éphémère phénomène de masse et de mode au coeur des années 70, le skate disparaît plusieurs années des espaces médiatiques. Une résistance va s’organiser à Paris et dans plusieurs villes de province dont Poitiers (avec la famille Hardouin), Bourges (Nicolas Malinovski et les Berrichons Associés)... Des villes de province vont alors devenir des haut-lieux du skate français et international. Tels des passeurs, les pratiquants passionnés avec l’aide du prêtre/psychanalyste parisien Robert Mérilhou dit «Docteur Skate», vont créer un bulletin de liaison «Info skate», des compétitions. Ils vont maintenir la

flamme skate dans les rues, créer des clubs, fabriquer des rampes et leurs skates en l’absence de diffusion commerciale de matériel. Tel des passeurs ils vont accueillir une nouvelle génération et l’accompagner dans un militantisme actif pour obtenir des lieux, des skateparks…Puis ils vont devenir des adultes skateurs. Allez sur les sites de skate à la rencontre de ces noms qui ont fait l’histoire locale et nationale. José De Matos sportif titré et médaillé sera l’un des plus importants, fils rouge entêté de l’histoire du skate français, respecté par les skateurs des générations suivantes. Carnet d’entraînement et médaille Jeux Pyrénéens de l’Aventure, sous l’égide du CIO, de José De Matos

Coll. MuCEM

Coll. Laguigui

Puis vient le temps du rejet des coupes impersonnelles symbole des traditions sportives, trophées réalisés par des artistes, pièces uniques, à gauche attribué au rampe rider annecien Térence Bougdour, à droite un trophée des Petits Pois Sauteurs de Blagnac réalisé par Laguigui.

Planches promodels américains de champion de freestyle français dans les années 80, Jean-Marc Vaissette et Pierre-André Sénizergues. Dons, Coll. MuCEM

José De Matos sur la plus haute marche reçoit une coupe de type traditionnel. Coll.MuCEM, fond Robert Mérilhou - José De Matos, photos DR.

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Jean-Marc Vaissette à Bourges Photo François Séjourné

Pierre-André Sénizergues dans les bassins de la Tour Eiffel, Photo François Séjourné

José De Matos devant un jury. Coll.MuCEM, fond Robert Mérilhou - José De Matos, photo DR

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À l’affiche! Posters des magazines aux murs des chambres. Affichette ministérielle « faites » du sk8. Affiches : de pub pionnière Makaha ; d’association ; de municipalité ; d’artiste (Laguigui) ; d’événementiels nationaux organisés par des skateurs «au Troca» ; de fête mixte BMX-roller-skate ; de «compète» de minorité: le longboard ; d’expo pionnière au Musée National des Arts et Traditions Populaires (MuCEM) à Paris.

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Coll. MuCEM


Zines et Vidéos « Zines » et vidéos sont les ingrédients de base des cultures et de l’apprentissage du skate. Les vidéos intensifient l’américanisation des mentalités. Les skateurs épris de liberté échappent aux prescriptions des fédérations sportives mais sont très assujettis aux pressions médiatiques. Lorsque la presse se fait rare, ils prennent la plume et créent des fanzines, des « bulletins de liaison » tel Skate info (avec l’aide de Docteur Skate, Robert Mérilhou) et Skate news… R.M et des skateurs français sont célébrés dans des « mags » américains. Des skateurs dans une tradition punk-rock créent des fanzines décapants comme Fuck the Blaireaux. Archive MuCEM, don Fuck the Blaireaux

Archive MuCEM, fonds Robert Merilhou, don José De Matos

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Fabricants français, Salons et Shops Dans les années 70, on assiste à une fulgurante histoire française de conception et fabrication de skate et « rampage ». Les fabricants rivalisent d’imagination toutes les formes et matériaux sont essayés, les slogans sont régionalisés. Les pionniers viennent du patin : Midonn, Rollet. Les « pubs » des fabricants se réfèrent à la mer (Barland), la montagne (Alpha, Lacadur), d’autres sont urbains (Banzaï). Tout est dit sur la généalogie à l’oeuvre, la glisse océanique, la glisse de neige, la roule sur bitume. 1978, le business du skate tient salon à la Bastille. C’est le temps des

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création de « shops » spécialisés mythiques tel Zone 6, Hawaï Surf. A l’instar des médias, le shop est au cœur de la culture, de la vie du skateur et des sociabilités skates. On y passe des heures à tchatcher, à refaire le monde, à parler musique à en écouter (le skateur est souvent un musicien très électrique), à discuter matériel, « à poser », à comparer, réparer, régler. C’est un haut lieu de l’approvisionnement, on y vient de loin, ils sont rares. La qualité de l’accueil est un critère très important pour l’établissement des réputations. Les grandes surfaces privilégient

Archive MuCEM


les skates et protections d’enfants. Souvent les skateurs compétiteurs acharnés se reconvertissent dans le commerce en créant et gérant un mag, un shop, un skatepark ; en devenant fabricants de SK8, de skateparks, de rampes, de vêtements ou importa-

Photos Marc Touché

teurs de skates. D’autres créent des associations, des clubs, deviennent animateurs, enseignant sportif. Le skate a déjà une longue histoire, la transmission des savoir-faire et des récits fondateurs s’organise aussi dans les shops.

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Skater La Villette

par Thierry Dupin

«Cette vague fût si forte qu’il ne pouvait en être autrement». Il faut tout d’abord rendre hommage à la piste de Saint-Jean-de-Luz qui fût la première structure construite fin 1976. Enorme surface goudronnée malheureusement non évolutive et pensée sur le modèle du surf : «take off», pente de slalom, grandes cuvettes… En 1977 le skateboard faisait un bond prodigieux dans notre pays sachant que la pratique libre représentait le plus grand nombre, la Fédération Française de Surf et Skate comptait alors pas moins de 10 000 licenciés ! C’est alors sur l’emplacement de l’actuelle Cité des Sciences et de l’industrie de Paris, à la Villette, qu’une immense surface de béton projeté sortait de terre au printemps 78. Pas moins de cinq magazines

montrant de splendides photos de skateparks américains qui faisaient rêver les «cakes», devenaient une réalité. C’était devenu le spot grand public à la manière d’une station de ski, il fallait faire la queue au snake. Ce rêve californien atteignit son apogée avec l’ouverture de «Béton Hurlant» au mois de juin. Conforme à la tendance du moment ce skatepark était technique et rapide grâce au béton lissé. Half pipe, bowls et belles courbes faisaient de l’endroit glauque et insolite dans lequel il se trouvait, un haut lieu national. C’est ainsi et grâce à tout cela que s’est formée l’élite française de la grande première vague de skateurs, mais la province n’était pas en reste avec le skatepark de Lorient et de celui de La Roche-surYon à la fin de cette décennie.

Thierry Dupin à La Villette

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Coll. MuCEM, don Thierry Dupin et Famille Hardouin


Rencontres au sommet, Camps de Bourges Deux légendes de la grande rampe Tony Hawk (USA), Christophe Bétille (France) Au milieu des années 80 à Bourges, le Club Les Berrichons associés met en place des camps de formation. Ces regroupements se font sur le modèle des «camps skate en Suède» organisés par Jani Soderhall (président de l’Association Européan of Skateboarder- et de l’International Skateboard Slalom Association). Ce sont des moments durant lesquels se retrouvaient des skateurs du monde entier alors que le skateboard était statistiquement au plus bas. Les skateurs français pouvaient se confronter aux meilleurs américains du moment tel que Rodney Mullen, Tony Hawk, des amitiés allaient naître, des réseaux se tisser. Parmi eux un skateur, François Séjourné, sensible, 1986, stade du Prado à Bourges, l’américain Tony Hawk devenu une légende internationale sur la grande rampe fabriquée par l’association du Skateboard Club de Bourges par les frères Hardouin et Malinovski avec B.Grivel. Photo François Séjourné.

discret, connaisseur, observe avec son objectif les temps forts de cette période héroïque des premières grandes rampes en France. Il saisit au vol le jeune Tony Hawk et d’autres figures mythique du skate américain qui s’entraîne avec les skateurs français tel que Christophe Bétile et Nicolas Malinovski. Bourges comme le Trocadéro à Paris et Marseille quelques années plus tard était devenu un lieu de rassemblement national et international avec l’une des plus belles rampes en bois de l’époque fabriquée par l’association du Skateboard Club de Bourges par des skateurs, les frères Hardouin et Malinovski avec B.Grivel. Tony Hawk y viendra plusieurs fois en tant que formateur et pour son plaisir à la recherche de sensations fortes, humaines et sportives, en quête d’envol et de verticalité. Christophe Bétille (1965-2009), légende de la rampe hexagonale Sainte Geneviève des Bois 1985, photo Nicolas Malinowski

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Do It Yourself Des banks aux imposantes infrastructures, les skateurs sont entreprenants et bâtisseurs Le skate est le support d’amitiés, de sociabilités de petits groupes qui ont grandi à travers les aventures de constructions : de banks, de modules, de mini skatepark bricolés dans une friche industrielle, un hangar abandonné, d’immenses rampes et bowl en bois. Souvent avec l’aide de parents ils créent des associations pour essayer d’obtenir quelque légitimité face aux mairies, puis la création d’équipements pérennes. Après les premiers skateparks en béton de la fin des années 70 arrive l’ère des rampes en bois qui fleurissent dans les petites villes (jusque sur des champs de foire), celle des vastes skatepark en bois des P’tis Pois Sauteurs à Blagnac, ou bois et béton à Montpellier…, puis la période des immenses skateparks couverts et associatifs crées par des skateurs tel qu’à Versailles le Matelot Skatepark en 1990, puis Cosanostra à Chelles, Le Hangar à Nantes… et privés comme

Système D, DIY (do it yourself): récup, bricolage, squatt… au tournant des années 80 et 90, dans un hangar à Mantes-la-Jolie

Fast Lane à Pringy, et de plus en plus gigantesque comme Le Palais de la Glisse à Marseille, L’EGP 18 à Paris, gérés par l’UCPA. Jusqu’au début des années 2000, les expériences de skateparks privés ne durent pas. Il semble que ce soit aux collectivités locales de prendre le relais comme à Marseille, Limoges, Annecy…. L’ère est actuellement revenue au béton, sûrement plus pour des raisons d’entretien que des raisons sportives et culturelles, car dans ce monde où tout est question de sensations au contact des matériaux, le monde du skate se conjugue au pluriel entre les amateurs de bois et ceux de béton et ceux qui aiment les deux. L’avenir semble ouvert à la mixité des formes et matériaux. Les espaces couverts protégés des intempéries permettent un entraînement régulier tout au long de l’année. La pluie est un danger pour les jeux et sports de glisse et roule. BMX, roller, skateboard apprennent petit à petit à y cohabiter.

Dans des bois de la ville nouvelle de St-Quentin-en-Yvelines

Sur le parking du centre culturel de Port-Marly, un banks fabriqué à partir de plans dans les magazines No Way et Anyway. « Skate or die » les jeunes apprentis skateurs font feu de tout bois. Photos M.Touché

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Grande rampe éphémère Mega Free à Bercy 1988, photo François Séjourné

À gauche : Années 2000, deux vues graffées du même bowl en béton d’Annecy, à côté du Brise Glace (équipement de musiques actuelles/amplifiées), sur le site historique des Marquisats. Skatepark complété récemment d’une vaste aire de street. Musiques, graffs en perpétuelle transformation et skate forment un ensemble culturel. Photos M.T

Grande rampe réalisée par les rampriders de Haute-Savoie au tournant des années 90 et 2000. Photo M.T 1990, Bourges, splendide bowl en bois réalisé par les frères Hardouin et Mare, C. Malinovski et les scouts de France. Photo DR. Coll. MuCEM, fonds famille Hardouin.

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Truck à l’assaut Métal contre métal, planche contre béton, grind et percussion Pour la négociation de sa place dans la ville, la jubilation sonore du skateur est son talon d’achille. «Bétons Gloutons» (nom d’un groupe de skateurs), ils s’évertuent à rendre le « Béton Hurlant » (nom de l’un des premiers skatepark français), car le skate est une «Fureur de Faire » (titre du livre M. Fize et M. Touché 1992) Signature sonore (immatérielle) les planches claquent / Signature matérielle les trucks griffent Le skateur roule, bondit, saute, décolle, atterrit, frotte, slide, glisse, percute, dérape, racle, claque, rape sur divers types de surfaces qui ont leurs propres caractéristiques sonores. Les qualités acoustiques des supports skatés : bitume, enrobé drainant, ciment, métal, marbre, carrelage, pavés, bois, caoutchouc… peuvent être plus ou moins usés, poreux, réverbérants absorbants, granuleux lisses, adhérants, glissants, mous, durs. Les sons des scènes de skate sont des mixages complexes comprenant un ensemble de variables qui interagissent : -le contexte auditif et vibratoire dans lequel émerge et s’installe l’action (vrombissement urbain, calme résidentiel…). -les intentions du ou des pratiquants (provocation, captation d’attention, partage), l’étendue des registres de compétence (type de figure, résistance…) -le type de skate utilisé et les matériaux qui le com-

Coll. MuCEM, photo Anne Maigret

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posent : la planche, les trucks en métal, la qualité ou l’état des roulements à billes, les protections en plastique ou en métal présentes aux extrémités des planches peuvent assourdir ou amplifier les bruits de contact, les roues (leur matière, dureté, souplesse, épaisseur, diamètre, largeur). Jeu des six familles à sons En plus des sons musicaux électroamplifiés de cassettes, CD, MP3 souvent présents dans l’ambiance du loisir de l’entraînement ou de la compétition, en plus de tous les sons corporels tels que les cris, les encouragements, réprobations, applaudissements, chants, sifflets, tchatches plus ou moins bruyantes, les sons du skate sont décomposables en six grandes familles qui participent à la structuration de l’univers urbains contemporain : les roulements plus ou moins sourds (rider), les glissements plus ou moins stridents (slider), les vagues sonores sur rampes, identifiées par les skateurs comme des sonorités «cool» et d’autres considérées « agressive » : les frottements/rapements comme de la distorsion (grinder), les claquements/percussions comme des coups de caisse claire (ollies), les crissements qui interpellent. Auxquels il faut rajouter les encouragements et félicitations prodigués en tapant les planches au sol. En observant des après-midi de skate on s’imprègne d’une nouvelle musique urbaine faite d’interactions sonores, de questions-réponses, plus organisée qu’on l’imagine.


Coll. Marc Touché, photo Anne Maigret

Du skate à l’oreille au skate vibration. Lorsque l’on discute avec des skateurs des aspects sonores et vibratoires de leurs pratiques, leurs propos expriment une sorte de jubilation. Ils aiment le bruit de leur engin, le bruit de leur contact avec des bouts de ville. Leurs actions sonores sont très volontaristes, à l’instar des groupes de musiques rock, rap et électro qui ont pour slogan « plus de bruit ». Les sonorités sont symbole de vie, de partage, d’interpellation. Ils soulignent l’intérêt des contenus informatifs des émissions sonores produites par le contact entre les revêtements et les skates pour mieux gérer une pratique de mouvements et déplacements rapides, il y a là une réelle rétroaction du sonore sur la gestuelle. Dans des situations de contextes sonores qui ne produisent pas un « effet de masque » sur les sonorités des pratiques du skate, on peut identifier ce que nous appelons le skate à l’oreille, il s’agit de tous ces moments où les informations sonores rétroagissent sur les gestuelles et le degré de satisfaction ou de déconvenue du skateur. « …skate, skimboard, snowboard, surf, c’est à chaque fois un outil légèrement différent, comme si on jouait au sabre au fleuret… C’est le même

esprit d’une chose mais avec des objets différents et surtout des matières à apprendre : la neige, l’eau, le sable, la rue. Dans la rue le skateur est capable de reconnaître l’état des goudrons, on est capable de parler revêtement pendant des heures, on a nos mots pour parler des vibrations qu’on sent sous les pieds, le goudron c’est devenu un élément, le bois aussi, on fait corps avec eux pour y glisser dessus… Pour le bois il y a les rampes molles qui répondent mal sous les pieds (note de l’auteur, n’est ce pas toute la communication sensorielle entre des objets et le skateur qui est en jeu ?). Il y a des rampes plus dures et glissantes… À la montagne la neige peu passer de poudreuse à hyper verglacée, avec toute les variantes entre les deux, c’est pareil pour les revêtements de rue… La vibration, c’est comme un reptile le skateur, il a une oreille sous les pieds, il a des mains à la place des pieds, et une oreille au milieu, tu vois le mutant… Il sent les choses, les vibrations, ça renseigne sur la vitesse, les aspérités du sol» Dominique Mazet, disparu, skateur de la première génération, grand voyageur, pédagogue et initiateur. 59


Skate’n’Music Aventure urbaine au cœur des cultures bruitistes. Mélanges des sons de percussions acoustiques des skates et de musiques amplifiées enregistrées. Depuis les années 60 avec le rock’n’roll et la surf music, la musique est omniprésente dans le vie des skateurs ainsi que dans les compétitions, les contests et parfois sur les spots. La musique rapide (speed) et forte (idéologie du plus de bruit) de préférence est un stimulant important pour réaliser les défis, les joutes skates. Toutes les musiques électroamplifiées populaires ont accompagné ces pratiques, du disco au punk-rock, du psychédélisme au hard rock et trash, métal, du rap à l’électro, du funk au reggae au dubstep... Puissance, nervosité, vitesse, gros son

distordu voilà de bons ingrédients pour bien skater et faire la fête. Une culture parfois du vertige. Toujours plus fort, plus haut, toujours plus fracassant, plus fracassé…De nombreux skateurs américains (Red Hot Chili Peppers, NOFX, Ben Harper, Suicidal Tendancies…) et français sont musiciens à l’instar ici de Burning Heads, Enhancer, Kevin Besset et Terence Bougdour avec Against-You dont le local de répétition équipé d’une symbolique micro rampe est conservé dans le patrimoine national MuCEM et a déjà été exposé dans le cadre de l’exposition D’une Révolution à l’Autre en 2010 de Jeremy Deller au Palais de Tokyo.

Groupe Against-You, T. Bougdour à la basse, micro rampe de SK8, Annecy 1996

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Coll. MuCEM. En haut à gauche, photo Jean-François Braun. A droite photo Marc Touché.


Pratique distinctive dans la rue Si le skateur évoque l’équilibriste, l’acrobate, bien souvent il ressemble à un cascadeur du mobilier urbain, des escaliers, des pentes, des murs… L’attitude skate intègre la question de la gestion des prises de risque corporel. De nombreux skateurs sont recousus d’un peu partout, ils vous montrent fièrement leurs cicatrices telles des récompenses gagnées à l’attaque des formes et matériaux urbains. La conquête des spots magiques se paie au prix fort. Sans cesse les skateurs inventent de nouvelles figures et cherchent de nouveaux défis. Une règle d’or : ce que je veux, comme je veux, avec qui je veux, quand je veux, où je veux. Une seule contrainte, la réaction sociale. Une morale, le skate est une belle manière de se construire socialement, d’apprendre le sens des autres au cœur des rencontres citadines, il négocie sans cesse sa place dans la ville. Le skateur aime l’urbain, le

Conflans-Ste-Honorine dans une descente, atterrissage sur un carrefour

A nous la Rue déguste, le dévore, s’y frotte, s’y pique. A la recherche de la verticalité dans les airs et sur les murs, les skateurs établissent un pacte ludique avec les différents matériaux et l’alignement des formes de la ville. Ils la scrutent en trois dimensions et portent un regard neuf, inattendu sur elle. Ils détournent les objets de leurs fonctions habituelles. Ce qui semble un danger pour les piétons, le cycliste, le motard, l’automobiliste est un défi, une source de sensation et de plaisir pour les skateurs. Ils contribuent à redéfinir ce qu’est une ville au-delà des logiques piétonnières et motorisées. Un banc qui sert à se reposer, s’asseoir, devient sous les pieds d’un skateur un espace de jeux, de sport, de chahut. Du regard et dans l’action le skateur explore de nouvelles potentialités dans le mobilier et l’architecture de la ville.

St-Germain-en-Laye, place du marché, saut de banc en banc Annecy entre l’église et la mairie

Agen devant l’église, banc public mis en travers sur des marches Photos M.Touché

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L’œil des Pros

Les photographes professionnels des magazines sont souvent issus des mondes – du surf, du skate, du snowboard – sur les routes de mes aventures so-

Bassin de la Tour Eiffel, 1988

Bassin Tour Eiffel, 1988, J-M. Lalondrelle

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Photos François Séjourné, années 80

ciologiques et muséographiques j’ai eu la chance de croiser des gens cultivés, gentils, généreux, de ceux qui sont sans compter au cœur des actions média-

Pierre-André Sénizergues la gare d’Orsay, Paris

José De Matos


tiques mais également ordinaires, dont les fonds photographiques documentent la socio-histoire du skate comme aucun chercheur ne l’a fait pendant ces périodes, tel François Séjourné. Oldschool, il a couvert les temps merveilleux du boum des premiers skateparks, championnats, les temps héroïques du

creux de la vague, de la résistance, il est la mémoire vivante de ce petit monde de pionniers français et étrangers qui se rencontraient sur des spots, des compètes, des camps. Tel Pascal Scalp Gombert qui Oldschool troisième époque couvrait minutieusement la vie des années 90 et 2000.

Jacquot à Bercy

Stéphane Larance

Photos Pascal Gombert © scalpfoto.com, années 90

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Initiation, le temps des Kids Tendre souvenir de reportages sur la face peu médiatique du monde impitoyable des skateurs. Avant de devenir de grands champions - tel ce longboardeur spécialiste de descente, se concentrant avant de prendre le départ d’une compétition internationale organisée par l’association de sport de descente D173 à Argonay - les skateurs font leurs premiers pas d’équilibristes enfants ou adolescents. La prise de risque est-elle plus grande pour ce champion ou pour ces « kids » ? Question d’échelle ! Une bordure de trottoir, un petit dénivelé peut être du domaine de l’extrême pour un jeune débutant. S’élever « en

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claquant un ollie », sauter un banc, faire un grind… la route sera longue, beaucoup abandonneront. La mixité dans les jeux et sport de skate s’émousse en grandissant, les femmes skateuses sont rares, on les trouve principalement dans le longboard. Souvenir d’enfants et d’ados skateurs débutants aux pieds d’immeubles de leurs cités, fiers de poser avec leurs skates très colorés, qu’ils tiennent d’un parent, d’un achat dans un vide grenier, une grande surface, plus rarement d’un shop. Skate souvent reçu en cadeau de Noël, sweet dreams. Souvenir de groupes de jeunes BMX, roller, skate, qui jouent, s’entraînent ensemble,

Coll. Musée de la Ville Saint-Quentin-en-Yvelines, photos Marc Touché début des années 90


loin des préoccupations de marquage identitaire des plus grands, qui se rétractent sur des sociabilités exclusives de skateurs et se construisent socialement en opposition par exemple au monde du roller. Les skateurs réunis en petits groupes soudés par l’amitié apprennent ensemble en s’observant. Ils peuvent fréquenter des clubs et apprendre au

contact de moniteurs qui ont par exemple un brevet d’état skate. Fait sociologique important, depuis une décennie on trouve de plus en plus de pères skateurs qui initient leur jeune enfant au skateboard. Une page nouvelle de la socio-histoire du skate commence à s’ouvrir, celle de la transmission familiale, de nouveaux temps pionniers.

Étape du championnat du monde de déscente à Argonay organisée par Hervé Pellarin et l’association D173. Photo M.T.

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Sweet Dreams

Sweet Dreams du nom d’un petit groupe de jeunes skateurs des années 90 au cœur d’une ville nouvelle St-Quentin-en-Yveline. Tout un programme! Sweet Dreams de descendeur/slalommeur, jeune ébéniste Gérard Aluzara réalise une planche futuriste, sa planche de compétiteur, décorée et datée de 1978. Sweet Dreams de descendeur de pentes raides, longboarder équipé de gants modifiés par des rajouts de graviers collés pour mieux négocier virages, freinages et chutes spectaculaires. Sweet Dreams sonore : avec des roues larges et souples, aux belles couleurs de bonbons acidulés ; avec des roues dures et minuscules très bruyantes ; avec des roues devenues carrées à force de dérapages (slide) qui ont des sonorités rythmiques tactactac. Sweet Deams de ville glissante, bordures de trottoir enduites de wax. Sweet Dreams de chaussures usées, massacrées qui ne ressemblent à celles de personnes réparées par des couches épaisses de Shoe Goo II. Sweet Dreams de skateur qui ne supporte plus les décos de série et particularise son skate tel celui d’un frère Hardouin, tel sur les deux faces, celui de mon fils Nicolas qui

en 1988 me disait à peu près ceci « tes recherches sur la musique c’est bien mais le skate c’est aussi pour les sociologues, on a des problèmes », il avait fini par me convaincre, je ne le regrette pas, merci à toi et comme tu l’avais collé sous ton skate et dans ta chambre « Skatebording is not a crime », je dirai même que le skate participe à l’équilibre personnel et à l’apprentissage de la vie d’adulte. Prise de risque, anticipation, apprentissage du contact et de la persévérance. Une belle école de la vie. Le skate est souvent interdit, il effraie, c’est un engin indépendant du corps, ni tenu par les mains, ni fixé au pied. Aux interdictions qui sont en général motivées par l’entrave à la circulation, la dangerosité pour les passants et la nuisance sonore, les skateurs répondent par un slogan devenu culte « Skateboarding is not a crime » que l’on retrouve tagué sur les murs et sur les planches de skate. Un jour des skateurs ont enlevé le panneau d’interdiction des couloirs du métro au Trocadéro et l’on fixé sur le dessous d’une planche de saut en hauteur devenue trophée. Une autre expression mythique et internationale

skate de compétition de Gérard Almuzara, 1978, Coll. Gérard Almuzara

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Coll. MuCEM, dons Jean-Paul Alavoine, Stéphane André, Famille Hardouin, Gille Lazennec, Hervé Pellarin, Nicolas Touché et un skateur anonyme de Toulouse


« skate or die » revendique la dimension passionnelle, l’engagement personnel et collectif. Not sweet Dreams la planche cassée, ça arrive souvent et cela coûte cher. L’arrivée du skate dans les années 60 et 70, puis du BMX et du roller des années 80 a provoqué des petits séismes dans les représentations que l’on se fait traditionnellement du sport en ville, des façons de se déplacer et de s’amuser en ville. Après y avoir vu de simples mouvements de mode, il faut bien aujourd’hui considérer qu’il s’agit d’une mini révolution, qui amène à concevoir autrement la vie urbaine. Les urbanistes, les architectes sous la pression des associations de skateurs, intègrent ces nouvelles attentes de loisir tel qu’a Nantes en centre ville où une aire de street a été intégrée au paysage urbain,

puis complétée par un immense skatepark couvert Le Hangar « qui développe conjointement les dimensions sportives, pédagogiques et culturelles » en accueillant skateurs, BMX et roller. Les penseurs et les gestionnaires de l’urbain sont de plus en plus amenés à se poser la question du partage des espaces publics entre les logiques piétonnes, cyclistes, motorisées et celles qui ne sont ni les unes ni les autres. Depuis des années certains « vivent skate » comme d’autres vivent motard, rocker, rapeur, jazzman. Ils ont leur culture matérielle, leurs journaux, vidéos, sites Internet, leurs signes de reconnaissances, leurs lieux de rassemblements, leurs circuits de compétition (souvent sponsorisés) ou de tourisme skate. Sweet Dreams.

grip de skateboard

panneau interdit Chatou (78), années 90

panneau interdit Toulouse, années 90

Coll. Musée de la Ville Saint-Quentin-en-Yvelines, photos Marc Touché début des années 90

Archive MuCEM, don Gérard Almuzara

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Prononcez Skète

par Claude Queyrel

On peut tout faire excepté l’histoire de ce que l’on fait.

Charles Péguy, “Clio. Dialogue de l’histoire et de l’âme païenne“, 1931

History, by definition is a dead issue. The past is the past and the future is something else. Skateboarding dwells in the present. John Smythe, “The History of the World and other Shorts Subjets, or From Jan and Dean to Joe Jackson Unabridged“ Skateboarder Vol. 6, no 10, 1980

Domaine public et fonds commun Même si quantité de brevets ont été déposés, si pléthore de candidats se sont déclarés en être les pionniers et si nombre d’auteurs ont fait remonter ses racines jusqu’à l’époque péruvienne ou hawaïenne, l’origine du skate nous sera à jamais inaccessible. En s’arrêtant sur des images, des récits, des expériences forcément imprécises, récusables et indomptables, on peut malgré tout tenter d’accompagner l’histoire de ce mouvement sans l’enrayer et résister à la tentation de le contenir un jour. http://www.endlesslines.free.fr/ghost/ghost.htm

Portrait de l’auteur en moine copiste Depuis 2002, le site “endlesslines“ propose des couvertures et des pages de magazines des années 60 à 80, numérisées. Les textes des articles sélectionnés sont intégralement retranscrits comme le faisaient les copistes avant l’imprimerie, nous qui vivons aujourd’hui dans un après de l’imprimerie. Cette transcription, commentaire du texte par lui-même, nous ramène à cette fonction singulière de transmission et de connaissance d’un écrit par sa reproduction lente et minutieuse. Comme une annotation in extenso qui se serait détachée des marges de la page et réclamerait l’autonomie d’un nouveau statut. http://www.endlesslines.free.fr/anthology/antho80s/whs/ whs13/whs13-attitude.htm

Collectionner des timbres En 1964, le skate est un phénomène de masse aux États-Unis. Des films et des chansons le popularisent. Des marques se disputent déjà sa clientèle futile en engageant des skaters pour les représenter et Jim Fitzpatrick s’envole pour Biarritz, quelques 68

skates « Makaha » dans ses bagages. En 1964, sous l’objectif de Dennis Hopper, Larry Bell, artiste américain habitué de Venice Beach, pose devant un panneau publicitaire pour « Blue Chip Stamps ». Cette marque commercialise des timbres de fidélité qui donnent accès à des remboursements ou à des marchandises. Sur le panneau, en gros plan, des pieds nus sur un skate et un slogan : …the things you get with Blue Chip Stamps. Il aura fallu attendre 2009 pour que cette photographie resurgisse et que du temps ait passé pour que puissions la regarder. Le décor était planté, les acteurs étaient là mais la scène attendait ses spectateurs. http://www.endlesslines.free.fr/anthology/antho70s/extra70/Album%20vignettes/79album.htm

La France, berceau du craddle ? Après une brillante carrière militaire, Roland de la Poype se lance dans l’industrie du plastique en fabriquant des millions de berlingots de shampooing « Dop » et en inventant célèbre Citroën « Méhari » dont la carrosserie en résine plastique emboutie à chaud fera les beaux jours de quelques pyromanes. En 1970, il ouvre le premier parc aquatique à Antibes, « Marineland » et en 1978, un skatepark vient s’y adosser. Des modules et des rampes en résine sont disposés sur une dalle en béton et quelques haut-parleurs diffusent de la musique toute la journée. L’attraction du park est un drôle de bowl en “faux“ béton composé avec une fibre de verre. Sur le catalogue de la société « Midair » qui fabrique ces modules, un assemblage attire l’attention. Il combine quatre éléments qui forment un demibowl coiffé d’un “toit“, lui-même en demi-bowl. La fortune critique de cette forme originale sera considérable dans les skateparks conçus dans les années 2000…

http://www.endlesslines.free.fr/anthology/antho70s/sbm/ sbm7/sbm7-marineland.htm#

Action painting Dans les années 50, à l’écart dans son atelier de Springs à Long Island, Jackson Pollock déverse sa fureur sur des toiles au rythme de danses secrètement calculées. Pendant ce temps, au coeur de New


York, Boston ou Chicago, des teenagers remplissent les rues du vacarme de leurs courses en scooters ou en patins à roulettes aux roues d’acier. Tous se jettent à corps perdu, mais cet engagement n’est pas en pure perte. L’un va redéfinir l’espace de la peinture, les autres vont laisser des marques dans l’espace de la ville pour longtemps. http://www.endlesslines.free.fr/ghost/ghostpages/ghostmoyencourt1.htm

Peinture de chevalet En France, Robert Sabatier décrira les descentes de son enfance dans les rues de Montmartre : « Plus que les trottinettes, un traîneau artisanal était apprécié de tous. (…) Ce bolide sans frein répandait la terreur chez les passants ». On découvrira peut-être un jour cette scène dans un arrière-plan de Robert Doisneau… http://www.endlesslines.free.fr/anthology/antho70s/extra70/trocableucitron/lp-soundtrack.htm

Les Pieds Nickelés font du skate Contrairement aux États-Unis, il faudra attendre la fin des années 80 pour qu’en France, les skaters prennent le contrôle des magazines et ne fassent plus du journalisme, mais écrivent et décrivent un peu leur quotidien. Pourtant, à la fin des années 70, l’éphémère « Skate » (8 numéros et 1 hors-série) va commencer à bousculer les codes en utilisant un ton décalé et impertinent qui allait être la caractéristique

de la presse skate à venir. Ce comportement d’autodérision et d’auto-dépréciation s’apparentera souvent à des sabordages, comme si « Les Pieds Nickelés » se trouvaient soudain projetés dans le futur, témoins rigolards de l’explosion du skate. Les pseudonymes de ces Croquignol, Filochard et Ribouldingue : Jojo « No money » Zoomy, Gil « Smiley » Rochelle, Gill « Arbuckle » Mach II, Altaman « Tiperwritting » Baker, Anne State « Uptown », Claire « Strong Coton » Light ou encore Gilles « Talky » Ouaki. Tout est dit. http://www.endlesslines.free.fr/anthology/antho70s/sm/ sm5/sm5-villette3.htm

Retour vers le futur ou saut dans le passé ? Lorsque Larry Stevenson développe le kicktail en 1968, il a toujours en tête le procès fait au skate sur sa supposée dangerosité. Les dégâts de la campagne contre le skate ont été dévastateurs pour la première vague. Dès 1962, le « L.A. Times » avait écrit « L’interdiction du skate prend de l’ampleur » et le premier effondrement du marché était arrivé en 1965. L’idée du kickturn est donc de rendre le skate plus maniable et de proposer une invention qui permettra au skater de s’arrêter plus facilement. Ni plus ni moins qu’un frein pour rassurer l’opinion publique et les parents qui l’achèteront, rassurés. Ce que les skaters en feront, il ne l’avait pas prévu. La roue tourne mais le futur n’est jamais écrit… http://www.endlesslines.free.fr/anthology/antho70s/s/s2/ s2-stevenson.htm

skatepark de Marseille, photo Claude Queyrel

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LE BMX

BICYCLE MOTOCROSS

par Alain Massabova, éditeur de ART BMX Magazine et Seb Ronjon

1978 70

1ères courses de BMX au Stadium Olympique, Los Angeles. Photo Byron Friday


Le BMX des années 2000, sans frein, sans protection, sans limite... Roots Jam à Albi. Photo Manu Sanz

“Hey, il est pas un peu petit ton vélo !?” Tous les BMX riders ont entendu cette phrase au moins une fois dans leur vie… Effectivement, le BMX est un petit vélo, mais c’est avant tout un sport, une passion, une culture, un moyen d’expression, d’évasion, et accessoirement, un moyen de locomotion. On fait du vélo pour se déplacer et du BMX pour se dépasser, pour braver les interdits, flirter avec les limites, et tout oublier... La bicyclette a aujourd’hui 200 ans, mais on n’a pas attendu Bob Haro, l’inventeur du freestyle, pour faire l’acrobate sur une roue. Cependant, c’est seule-

2011

ment dans les années 70 que le BMX porte un nom et commence à être reconnu. A cette époque, qui aurait cru que s’envoyer en l’air avec un vélo serait 40 ans plus tard une discipline olympique ! Le BMX est aujourd’hui un sport connu et médiatisé ! Et même s’il est relativement jeune, ce sport a déjà une histoire riche, ses hauts, ses bas, ses champions, ses exploits, ses anecdotes… Les quelques pages suivantes dressent un rapide historique du BMX, à travers notamment quelques portraits de champions incontournables…

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Les Disciplines

par Alain Massabova et Seb Ronjon

Le BMX se divise en 2 familles : d’un côté, la “race”, affiliée à la FFC (Fédération Française de Cyclisme), et de l’autre, le “freestyle”, plus indépendant et géré par les riders euxmêmes. Ce dernier, le free, intègre plusieurs disciplines ayant pour principale ligne directrice : faire des tricks (figures). La race (ou course) : C’est l’origine du BMX, la version non-motorisée du motocross! Une grille de départ, 8 pilotes, une piste en terre de 400 m pleine de bosses et de virages, un sprint très technique de 2 mn, le premier arrivé a gagné ! La race est devenu sport olympique en 2008. La vert (ou rampe) : Discipline spectaculaire empruntée au skate, celle-ci se pratique sur un halfpipe, sorte de demi-tube aux extrémités verticales, d’environ 4 mètres de haut. Le but est de réaliser des figures au-dessus de la courbe pendant la rotation (aérial), ou bien sur la plateforme (liptrick). C’est la discipline la moins pratiquée en France faute d’infrastructures… La mini-rampe : C’est une sorte de halfpipe miniature, sans verticale, permettant de réaliser de nombreux tricks à moindre risque. Les mini-rampes sont souvent reliées entre elles par un spine, deux courbes collées l’une contre l’autre, pour réaliser toutes sortes de transferts.

la Race

Photo Olivier Weidemann

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Le dirt (ou trail) : C’est un dérivé de la race qui consiste à sauter sur des doubles bosses en terre en enchaînant les figures avec style. Cette discipline se pratique généralement sur des trails, ou champs de bosses, construits et bichonnés par les dirters eux-mêmes. L’amplitude des sauts ajoutée à la difficulté des tricks la rend très spectaculaire. Le street : C’est l’aspect urbain du BMX, directement inspiré du skate : rouler contre les murs, grinder les bancs ou les rampes d’escaliers, sauter les murets, enchaîner les tricks.... Tout le mobilier urbain sert de vaste terrain de jeu et il n’y a quasiment aucune limite ! Le seul impératif : trouver le bon spot ! Le park : Le park, ou skatepark, est un mélange de toutes les disciplines du freestyle, sur un ensemble de modules artificiels, en bois ou en béton : quarters, curbs, rails, funbox, walls, rampes... Médiatisés par les X-Games, les parks ont rapidement poussés dans de nombreuses villes de France. Le flatland : C’est la discipline la plus artistique du BMX mais aussi la plus exigeante. Le flat est l’art d’enchaîner les figures au sol avec son vélo, la principale contrainte étant de ne pas poser le pied à terre. Les tricks sont infinis, et l’originalité du style associé à la complexité de la figure font la différence lors des contests.

le Dirt

Photo Christian VanHanja


la Vert

le Street

Photo Manu Sanz

Photo Christian VanHanja

la Mini-rampe

Photo Christian VanHanja

le Flatland

Photo Christian VanHanja

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L’Histoire

par Seb Ronjon et et Eric Rothenbusch / www.23mag.com

1963 Schwinn invente le Sting‐Ray, l’ancêtre du BMX, le premier 20 pouces tout‐terrain. 1969

Premières courses de Sting‐Ray.

1971 Sortie du film On Any Sunday de Bruce Brown, avec Steeve McQueen : le film commence avec une bande de gamins ridant sur des bosses avec leurs Sting‐Ray. Déclic pour les kids. 1974 Apparition des premiers BMX rigides Littlejohn. Sortie du premier magazine dédié au BMX, Bicycle Motocross News. 1975 Skaters et BMXers expérimentent un nouveau style de riding dans le Skatepark de Carlsbad en Californie. Warren Bolster photographie ce moment historique et le publie dans Skateboarder Magazine. Des pilotes de BMX, influencés par les skaters, viennent de créer le freestyle. 1976 Création du magazine BMX Action par Bob Osborn. 1977 Alain Kuligowski, journaliste du magazine Moto Verte, revient de Los Angeles avec un BMX dans ses bagages, un Mongoose ; ce sera le premier BMX en France ! Il présente l’engin à Marcel Seurat, importateur moto à Beaune, qui en fabrique des copies conformes, sous la marque Bicross. 1978 Création de la Fédération Française de Bicrossing, avec 4 clubs ayant pour siège des boutiques de motos vendant des Bicross. Cette fédération ne fait pas grand chose pour le sport. Création du magazine BMX Plus par Scot Breithaupt. 1979 Le magazine BMX Action présente le premier trick de free, le rockwalk, par Bob Haro. 1980 Bob Haro et RL Osborn forment le BMX Action Trick Team et font leur première démo avec un halfpipe lors d’une course nationale de BMX en Arizona. René Nicolas organise la première compétition de bicross à Beaune avec 56 coureurs.

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1981 Les 3 clubs les plus actifs (Beaune, Altkirch, Delle) créent l’AFB (Association Française de Bicrossing). Le magazine Moto Verte publie un sujet sur le BMX avec des photos de freestyle, Le nouvel ouragan californien s’appelle BMX. Bob Haro et Bob Morales font des shows à travers tous les Etats‐ Unis et au Canada. 1982 Création de Bicross Magazine par Alain Kuligowski, le numéro 0 est un magazine Moto Verte spécial bicross. La première photo de free publiée est un aérial de RL Osborn. Bicross Magazine #4 fait sa première couverture freestyle avec Mike Buff. Le film E.T. de Steven Spielberg popularise le BMX. Bob Haro participe au tournage et la marque Kuwahara commercialise le BMX E.T. du film. Bob Morales crée l’ASPA (Amateur Skate Park Association) et organise les premiers contests en skatepark. Eddie Fiola est sacré King of Skateparks. 1983 Bob Haro lance le premier cadre de BMX dédié au freestyle, le Haro Freestyler, fabriqué par Torker et rapidement suivi par des marques de cycles comme Schwinn ou GT. Ron Wilkerson et Rich Avella forment le 2Hip Trick Team. Sortie du film BMX Bandits avec Nicole Kidman. Pub TV Motobécane 14 Vélocross Extraterribles, inspirée du film E.T. 1984 Premier contest de freestyle en France au Circuit Carole, le Super Free‐Style 84 Peugeot, remporté par José Delgado. Formation des Mad Dogs, premier team pro français de freestyle, sponsorisé par MBK, avec José et Michel Delgado, Adolphe Joly. Bicross Magazine et les Editions Larivière organisent le premier Bicross International de Paris Bercy et invitent Eddie Fiola et RL Osborn pour les shows de freestyle. Retransmis en direct sur TF1, personne en France n’avait encore vu ça. Bob Osborn lance Freestylin’, le premier magazine dédié au freestyle, avec en couverture Ron Wilkerson photographié par Spike Jonze. Emergence de nouveaux freestylers : Mike Dominguez, Robert Peterson, Woody Itson, Brian Blyther, Mike Buff, Dennis McCoy... Jose Yanez rentre le premier backflip, Josh White le premier 540°. GT commercialise les premiers pegs


(en forme de plateforme). Bob Morales crée l’AFA (American Freestyle Association) et organise une série de contests réunissant le flatland et le banks. 1985 Explosion du freestyle, surtout en Californie. Hugo Gonzales fait le premier wallride, Mike Dominguez popularise le 540°, Dennis McCoy est le maître de l’overall (banks + flat), Eddie Fiola gagne la NORA Cup (Number One Rider Award par Freestylin’). ACS lance le rotor, Haro crée les premiers pegs vissés sur les axes, et Eddie Fiola invente les pegs pliants pour la marque GT. Bicross Magazine crée le Supertour Bicross à travers la France. Bicross de Bercy #2 avec pour le free Ron Wilkerson, Rich Sigur, et les Mad Dogs, en direct sur TF1. 1986 GT sort la vidéo GTV, avec Eddie Fiola, Josh White, Martin Aparijo, Brian Scura. C’est la première vidéo distribuée dans le monde entier. Hal Needham réalise Rad, un film autour des courses de BMX, avec le top des freestylers de l’époque. John Ker lance le magazine Freestyle Spectacular, qui deviendra American Freestyler. Les contests AFA voient l’apparition d’un jeune ramprider amateur de 14 ans très spectaculaire : Mat Hoffman. On le voit dans tous les magazines. Ron Wilkerson, lassé du format des contests AFA, crée un circuit parallèle, plus underground, uniquement sur des halfpipes, le 2Hip King of Vert. La marque Peregrine lance la roue 48S, le rotor Gyro créé par Brian Scura pour Odyssey devient la référence, les BMX GT et Haro sont les plus populaires. Contest par Team à Evry avec la présence des riders GT US, Martin Aparijo et Denis Langlais. Jean-Pierre Causse crée la FNA (Freestyle National Association). Bicross de Bercy #3 avec les démos de free du Blix Haro, des Mad Dogs, et des stars US

Mike Dominguez et Martin Aparijo, toujours en direct sur TF1. 1987 La FNA rejoint l’AFB, et devient la FNAFB. Contest par Team à Evry avec le Team Haro US, Ron Wilkerson, Brian Blyther et Dave Nourie. Bicross de Bercy #4 avec pour le free Dave Voelker, Rick Moliterno, le Blix Haro et les Mad Dogs, en direct sur FR3. Bicross Magazine confie une nouvelle rubrique 100% Freestyle à Armen du Team Crazy Ducks, Underground. En race, l’AFB (Association Française de Bicrossing) est à son apogée avec 400 clubs et 12508 licenciés. Worlds à Cardiff, David Chabert est Champion du Monde en flat 16 ans, et Mat Hoffman en vert 14 ans. Mike Dominguez rentre le premier 900° en rampe, Bob Kohl invente le superman, et Todd Anderson le barspin. 1988 Bicross Magazine organise le Mega Free à Bercy, 2ème manche du 2Hip King of Vert US, avec Ron Wilkerson, Brian Blyther, Josh White, Joe Johnson, retransmis sur FR3. Bicross Magazine devient Bicross & Skate Magazine. Bicross de Bercy #5 avec Mat Hoffman et Brian Blyther, retransmis sur FR3. Ron Wilkerson organise les premiers contests de street, les 2Hip Meet The Street. Mark Eaton est le premier rider à réaliser une vidéo, Dorkin’ in York avec Kevin Jones, véritable tournant dans le monde du flatland, avec l’apparition des rolling tricks, elbow glide, death truck. Ron Wilkerson tente le premier nothing, Kevin Jones invente hitchiker et Joe Johnson le premier tailwhip air. Craig Grasso est nommé Streetstyler of the Year par ESPN. Organisation des Worlds à Manchester. 1989

Eddie Roman réalise la vidéo Aggroman, 75


avec Mat Hoffman et ses premiers 900° à la rampe. C’est une des premières vidéos de street, avec les pionniers de l’époque, Vic Murphy, Pete Augustin, Ron Wilkerson. Les magazines Freestylin’ et BMX Action fusionnent pour devenir Go!. RL Osborn crée la marque Bully et met au point un BMX de street, avec un bashguard, pour grinder comme les skaters. Second Mega Free à Bercy avec Mat Hoffman, Dave Voelker, Brian Blyther, Joe Johnson, Ron Wilkerson, retransmis sur FR3. Naissance du Nada Club, organisation alternative proposant des contests plus underground. Organisation des Worlds à St Ouen. Quelques Champions du Monde français : José Delgado (flat pro), Sébastien Prébiski (overall 13 ans) et Philippe Pereira (vert 17 ans). Le spot de Longjumeau, créé par Jacky Frattini, est en plein boum et devient une référence pour les rampriders. Le mot bicross fait son apparition dans le dictionnaire Larousse. 1990 Sixième et dernier Bicross de Bercy avec pour le free deux légendes américaines, Mat Hoffman à la rampe et Kevin Jones en flat. Mat rentre un incroyable 900°, suivi d’un mythique backflip fackie ! Un moment historique qui fera rapidement le tour de la planète et fera la couverture de 5 magazines ! John Petit est Champion du Monde Master en vert à Kenn, la France ramène 17 titres. L’AFB est récupérée par la FFC (Fédération Française de Cyclisme). La FNAFB cafouille et les freestylers créent une nouvelle association, l’AFF (Association Française de Freestyle) avec 390 licenciés. Mat Hoffman fait le premier handrail (15 marches) sur les pegs à San Diego. Kevin Jones, l’inventeur du flatland moderne, et Mark Eaton organisent la première mythique et annuelle York Jam destinée aux seuls flatlanders. 1991 Après 97 numéros, Bicross & Skate Magazine tire sa révérence. Il n’y a plus de magazine de BMX en France. Eddie Roman réalise Head First, vidéo hallucinante pour l’époque tournant essentiellement autour de Mat Hoffman et de son incroyable riding. Le BMX est en perte de vitesse, des figures emblématiques du sport créent leurs propres marque, Hoffman Bikes, Standard Bykes. Stuart Dawkins organise la première Backyard Jam à Hastings.

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1992 Le freestyle change de visage, le BMX est considéré comme mort à travers le monde. Il n’y a plus qu’un seul magazine aux USA (BMX Plus), les médias se désintéressent, et les fabricants basculent vers le VTT qui émerge. La pratique du free devient très underground. Eddie Roman réalise la mythique vidéo Ride On, véritable point de départ de la deuxième génération du freestyle. Désormais, les marques, les BMX, les produits, les contests sont faits et contrôlés par les riders. Mat Hoffman, Dennis McCoy et Steve Swope créent les Sprocket Jockeys et voyagent partout dans le monde avec leur Bicycle Stunt Show pour promouvoir le freestyle. Ils lancent une nouvelle série de contests, les incroyables Bicycle Stunt Series. Mat Hoffman construit une rampe géante (6,40 m de haut) et réalise l’aérial le plus haut jamais réalisé après avoir été tracté par une moto: 6 mètres au‐dessus du coping, un choc dans le monde du free. Brad McDonald lance le magazine Ride BMX. En parallèle, Mark Noble lance le magazine Ride BMX UK. Fin de l’AFF. 1993 Dave Parrick et James Shepherd réalisent la première vidéo 100% street, Homeless Trash, c’est la généralisation des handrails. Nuit du Jump à Lyon, avec Mat Hoffman, Dennis McCoy, Simon Tabron, Jamie Bestwick. Worlds de free à Limoges par la FFC, plusieurs français décrochent le titre : Alex Jumelin (flat 15 ans expert), Michael Briand (flat master), Thomas Caillard (vert 18 ans). Armen Djerrahian et Cycles Jean-Clande lancent Fresh Bike pour importer les marques US en France. 1994 Lancement du vidéo‐magazine Props. Invention du système de fourche/potence aheadset. Organisation des Worlds à Cologne. Plusieurs français décrochent le titre, Alex Jumelin (flat 16 ans expert), David Lombard (vert 19 ans expert), Stéphane Meneau (vert master). 1995 Lancement du magazine Power, consacré à la culture urbaine (skate, BMX, musique). ESPN organise les premiers Extreme Games à Newport, ils deviendront les X Games l’année suivante. Mat Hoffman gagne en rampe, et Jay Miron en dirt. Cet évènement remédiatise le freestyle. 1996 Il n’y a plus de magazine BMX en France depuis 5 ans. Les Mexicos et Lionel Cardoso


lancent le fanzine BMXicos Freestyle. Les Mexicos, les Blockhaus, Lionel Cardoso et John Petit créent l’association BFI (BMX Freestyle Independant) pour relancer le BMX en France. Thomas Caillard réalise la vidéo Clandé, première vidéo française 100% street. Chase Gouin retire les freins de son BMX et lance la tendance brakeless. 1997 Organisation du premier FISE (Festival International des Sports Extrêmes) à Palavas-lesFlots, sorte de X Games à la française. BFI organise la BMX Pride, 300 streeters surexcités envahissent les rues de Paris. Le défunt magazine Power renaît sous les traits du magazine Urban. La marque Sunn investit dans le free avec David Lombard, Fred Danion et Patrick Guimez, les Mexicos créent le modèle Palomino pour le flat. Le Team Regular relance le Championnat de France de free sous l’égide de la FFC. 1998 Lionel Cardoso crée le magazine Soul BMX Experience avec Olivier Varma. Le fanzine BMXicos devient un magazine. Olivier Morineau crée les Vibrations Urbaines de Pessac, mixant BMX, skate et musique. Daniel Mini, Xavier Robleda et Ben Geronimi lancent le vidéomagazine européen Frame. 1999 Après l’épisode BMXicos, Alain Massabova crée le magazine Cream, avec une approche plus culturelle de la discipline. Le FISE et Lionel Cardoso crées les contests BASS (Bicycle Action SerieS). 2000 Organisation du premier Circle Cow à Servon, contest 100% flat. Création de Twenty Velocross, nouvelle marque française de BMX. 2001 Le vidéomagazine Props sort la vidéo Road Fools Europe, roadtrip musclé sur les meilleurs spots européens. L’organisation des Worlds à Toulouse est annulée à la dernière minute. 2002

Activision, en partenariat avec Mat

Hoffman, lance le jeu vidéo Mat Hoffman’s Pro BMX. Dave Mirra rentre le double backflip lors des X Games à Philadelphia. Sortie de la vidéo 100% street Imprudence par Lotfi Hammadi, Thomas Caillard et John Petit. 2003 Après des années de surpoids, la tendance des nouveaux BMX de free est à la légèreté. 2005 Le niveau technique des tricks monte encore d’un cran : bike flip, front flip, triple whip, flair, double whip avec la nouvelle génération de riders comme Scotty Cranmer, Morgan Wade ou encore Ryan Guettler. Sortie du DVD Joe Kid on a Sting-Ray, documentaire complet sur l’histoire du BMX réalisé par Mark Eaton et John Swarr. 2006 Alain Massabova organise le FlatRing au Cirque d’Hiver à Paris avec les 16 meilleurs flatlanders du monde. Sortie du livre Flat Kings en hommage au flat. 2008 Les marques comme Nike, Redbull, Monster s’investissent dans le BMX et l’enrichissent avec des évènements hors du commun. Les web-vidéos de BMX envahissent le net. Le BMX (race) fait son entrée aux J.O. et Anne-Caroline Chausson décroche la première médaille d’or Olympique française. 2009 Création de BMX FR Cup par John Petit et Nico Cambon, le réseau de contests BMX à la française. 2010 Sortie d’un documentaire sur Mat Hoffman, The Birth of Big Air, produit par Spike Jonze et Johnny Knoxville pour ESPN. 2011 Jed Mildon rentre le premier triple backflip en dirt. Le magazine Cream s’arrête et donne naissance à A.R.T. BMX Mag avec l’aide de Patrick Guimez. Le BMX freestyle entre au Musée National du Sport avec l’exposition Béton Hurlant. 77


1976 - Le Bicross

par Eric Rothenbusch / www.23mag.com

En 1976, les français ne savent pas encore à quel point il est bon de faire du BMX. Quelques médias généralistes ont bien tenté de signaler l’existence de cette pratique outre-Atlantique mais les vélos ne sont pas disponibles chez nous, personne n’osant importer un coûteux container de vélos américains pour un marché français probablement prometteur mais inexistant à cette époque. Les livres d’histoire sont formels: il faut attendre 1978 pour qu’Alain Kuligowski, journaliste du mensuel “Moto Verte” ramène un BMX en France et que l’aventure puisse commencer.

Tout va ensuite très vite : des fabricants français copient les modèles américains, BMX (l’acronyme de Bicycle MotoCross) devient Bicross en langage gaulois, les premières courses sont organisées, les premiers clubs sont créés et les statuts d’une fédération sont publiés au Journal Officiel. Tout ça est encore amateur mais administré avec rigueur. Les français vont pourtant bientôt se rendre compte qu’avec ces petits vélos on peut aller bien plus loin que ne le pensent les précurseurs organisateurs.

Photo Byron Friday

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par Alain Massabova

Si à la fin des années 70 le BMX devient un sport, Bob Haro le sort des pistes en terre battue pour en faire une forme d’art plus urbaine. Bob est le pionnier du freestyle, celui qui a lancé ce mouvement. On dit qu’il est l’inventeur des tricks sur ce vélo. En levant la roue arrière, il a ouvert la voie vers un monde nouveau. Bob est un artiste, un designer de-

BOB HARO - 1980

puis toujours. Il a tout simplement détourné l’utilisation originelle du BMX, transformant ce sport en performance artistique. En montant sa propre compagnie de BMX, début 80, il enfonce le clou avec le Haro Freestyler, le premier BMX exclusivement dédié au free. Il servira à toute une génération de kids pour s’exprimer aussi bien au sol que dans les airs.

Tournage du film E.T

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1984 - EDDIE FIOLA S’il ne devait y avoir qu’un héros, son nom serait Eddie Fiola ! Il incarne les années 80, les années folles du BMX, et surtout du freestyle d’origine. Le symbole d’une génération. De la Californie au Bicross de Bercy, il est le “King of Skateparks”, celui qui vole avec son vélo. Aussi connu pour ses gros aerials dans les skateparks en béton que pour sa légendaire tenue

par Alain Massabova

jaune “Flying Banana”, assortie à son GT Pro Performer, il reste le rider qui a cumulé le plus grand nombre de couvertures de magazines à travers le monde. Ce cascadeur showman a marqué son temps et restera dans les livres d’histoire comme la star du BMX.

Photo Marc Le Noir

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Photo James Casimus

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1986 - JOSÉ DELGADO José Delgado, un nom qui résonne dans le monde du BMX comme une légende, le pionnier du BMX freestyle en France. Après quelques années de skate fin 70, c’est en feuilletant un “Skateboarder Magazine” (US) qu’il tombe par hasard sur la photo d’un jeune californien roulant en vélo dans un bowl en béton. Une révélation ! En 1984, José gagne le “Super Freestyle du Circuit Carole”, le premier contest de free en France, et est embauché direct par MBK comme pilote officiel. Il devient le premier freestyler pro français, rapidement rejoint par son frère Michel et par Adolphe Joly. Les mythiques “Mad Dogs” étaient nés ! Voyages et démos aux quatre coins du globe sont leur quotidien, les Mad Dogs dominent la discipline

par Seb Ronjon

et aident MBK à concevoir des bikes de free. Les démos du Supertour, les shows à Bercy, les parutions presse, les passages télé feront d’eux les stars françaises incontestées de la discipline. Puis José devient Champion du Monde de flat à St Ouen en 1989, avant de mettre un terme à sa carrière… Mais après une parenthèse de quelques années du côté du supercross et du snowscoot, José revient vite à ses premiers amours, le BMX et le free ! En 2011, il survole les skateparks et autres champs de bosses avec bonne humeur, a toujours un pur niveau, et n’est pas près de s’arrêter… Un des rares freestylers à avoir traversé toutes les vagues du BMX! Respect Monsieur Delgado !

Photo Jean-Pierre Montiel

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par Seb Ronjon

JEAN SOMSOIS - 1988

Jean a toujours été fan de vélotrial, et plus précisemment de Thierry Girard à l’époque ; il a commencé le free par les jumps et le flat en 1985 après quelques années de race, ajouté à cela un intérêt certain pour le skate et une envie de sans cesse innover, et le voilà propulsé streeter ! Un des premiers français à taquiner du mobilier urbain ! A force de torturer ses bikes à grands coups de grinds, Jean a rapidement innové en adaptant le sabot du vélotrial au street, bien avant les américains : quelques tubes de Reynolds piqués au VTT, un petit coup de cintrage et quelques soudures, et hop, un joli sabot prêt à encaisser des kilo-

mètres de grinds... Jean a fait partie du mythique «Blix» (Bicross Libre Expression), un team de free du sud de la France qui a fait parler de lui à l’occasion de tournées hexagonales légendaires ou encore lors de démos au Bicross de Bercy ! Le Captain du Blix fait également partie des meilleurs rampriders de l’époque, maîtrisant la rampe à grands coups de tail whip air, de pédals picker drop in ou d’acid drop destructeurs de pédaliers... Et grâce à ses leçons de street dans Bicross Magazine, toute une génération de freestylers a pu s’initier aux joies des wallrides, abubacas, et autres grinds...

Photos Philippe Roman

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1989 - MAT HOFFMAN Mat fait parti de ce très petit nombre d’êtres humains qui sont réellement visionnaires. Cette vision est doublée d’une exigence sans limite de perfection et de dépassement. Cette capacité à déformer la réalité à son profit lui permet de s’affranchir des œillères qui limitent les gens comme vous et moi. Il faut avoir été à son contact et avoir ressenti cette force très étrange qui émane de lui. Cette force si calme et tranquille est pourtant tellement puissante. Quand on rencontre Mat pour la première fois, on a l’impression qu’il est un peu à coté de ses pompes, voire absent. Il traverse la vie courante en mode “pilote automatique”, et son esprit est ailleurs… Il ne sort de cette torpeur que pour les choses qui lui tiennent vraiment a cœur.

par Christian Van Hanja et Seb Ronjon

Sa vie est une expérience, dirigée par des intuitions ou des rêves, qu’il traverse sans se préoccuper de la réalité ou des règles. Cette expérience est ponctuée de rencontres avec des mentors comme le cascadeur Evel Knievel ou le soutien d’amis fidèles. Ils comprennent sa quête sans la juger, et l’aident à trouver en lui les clés pour accomplir ce qui nous paraît impossible. Au fond je crois que Matt se fiche totalement d’être admiré. Par contre je suis sûr qu’il aimerait que plus de gens comprennent et respectent sa quête sans la qualifier de “folle”. Mat représente ce qu’il y a de meilleur en nous : la capacité de rêver l’impossible pour pouvoir le réaliser, et démontrer au monde que notre imagination est la seule limite à ce que nous pouvons accomplir.

Photo Spike Jonze

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“Pain is temporary, Glory is forever !” C’est par ces mots que Mat Hoffman qualifie lui-même son engagement pour le BMX. Depuis 1982, ce grand champion américain a dédié sa vie au freestyle, au risque de la perdre plusieurs fois, et sans lui, ce sport ne serait pas ce qu’il est devenu aujourd’hui ! Mat a repoussé toutes les limites en inventant énormément de tricks. Le premier backflip en vert, à Paris en 1989, c’est lui ! Les premiers gros handrails en street en 1990, c’est lui ! Les premiers “big airs” à plus de 6 m au-dessus de la rampe, tracté par une moto, en 1993, c’est encore lui...! Et la liste est très très longue ! Mat a créé sa propre marque de BMX au moment où le sport était au plus mal, il a organisé des séries de contests devenus mythiques, les BS Comps, il est à l’origine de la création des X-Games, il a son propre jeu vidéo, des émissions de télé, un bouquin et plusieurs documentaires sur sa vie… Bref il est actuellement le freestyler le plus médiatisé et le plus respecté au monde ! Photo ChristianVanHanja

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1989-1993 : Le BMX hors du temps J’aperçois le facteur reprendre son vélo et poursuivre sa tournée. Je dévale les deux étages qui me séparent du hall d’entrée de l’immeuble et, une fois encore, je vois dépasser de notre boîte aux lettres une de ces enveloppes couleur caramel, annonçant les USA ou l’Angleterre à moins que ce ne soit l’Allemagne : adresse de l’expéditeur griffonnée au marqueur, dessins, tags, autocollants pour personnaliser l’envoi... Pas de doute c’est encore un fanzine qui vient d’arriver. Celui-là je ne le connais même pas - un copain, lui aussi rédacteur de ‘zine, aura sûrement communiqué mon adresse à son créateur. Tant mieux. Et comme avec chaque fanzine, je sais que je vais découvrir un regard personnel sur le BMX et sûrement plus que ça. Peut-être une scène inconnue, dans un pays loin d’ici, du périph’ et de mon petit quartier presque parisien ; une scène où les gens sont animés par la même passion que moi. Et comme c’est l’usage, je me ferai une joie d’envoyer le dernier numéro de mon zine en retour. Nous sommes en l’an – 10 av. Internet et il paraît que le BMX est mort. Les gens diront que c’était le creux de la vague... Rien que des marins d’eau douce. Car lorsqu’en 1989, vous êtes sur votre BMX le soir après le lycée et tous les week-ends, cette idée vous est totalement étrangère. Une image maritime que l’on doit plus aux navigateurs du marché qu’aux riders de l’époque, une notion d’observateur plus que d’acteur. Alors «mort médiatique» peut-être, «mort économique» sans doute. Mais «mort» seulement pour ceux qui ont quitté le navire et ne sont plus là pour vivre et faire vivre le BMX. Parmi eux certains n’étaient pas vraiment là pour les bonnes raisons... Le faste du BMX des années 80, ses paillettes et excès en tout genre, à commencer par ceux des marques qui, par la gadgétisation du matériel, sortent tout et n’importe quoi, laissent derrière une industrie californienne moribonde qui ne sait plus quoi faire de ce BMX qui ne lui rapporte plus de voitures de luxe allemandes... Hors du temps. C’est ainsi que l’on peut qualifier les cinq années de flottement que connaît le BMX de 1989 à 1993. Cinq années passées à la trappe de son histoire. Cinq années qui n’ont jamais intéressé personne puisqu’elles n’ont quasiment jamais existé autrement que dans le trou noir de «l’underground». Cinq années où le BMX n’appartient plus à l’industrie et pas encore aux riders. Et pourtant, à la lumière de ce qu’il est devenu aujourd’hui, ce sont cinq années passionnantes et sans doute les plus déterminantes pour la suite de son histoire. «Hardcore rider», le concept est cher à ceux qui sont encore là à l’époque - le noyau dur. La proximité et les échanges entre les scènes underground punk hardcore, metal, hip hop et des riders BMX, font de l’esprit Do It

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par Alexis Desolneux

Yourself une règle de survie dans cette famille désormais elle aussi souterraine et qui n’attend plus rien, ni de l’industrie, ni des institutions. Le peu de matériel encore commercialisé est souvent en décalage total avec l’évolution des pratiques et la progression du riding. Quant aux structures, nous sommes encore à des années-lumière de voir les grandes villes françaises se doter de skateparks dignes de ce nom. Quasiment livrés à eux-mêmes après avoir connu l’abondance et l’exubérance d’un BMX révolu et déjà perçu comme « old school », dès 1990 les riders cherchent des solutions et se réfugient dans l’artisanat. Ce qu’ils ne trouvent pas dans le commerce, ils essayent de le fabriquer ou faire fabriquer. Ce dont les derniers magazines ne parlent pas, ce sont leurs fanzines qui en parlent. Mais pour comprendre un tel cheminement, il faut revenir deux ans en arrière, aux États-Unis. Dans le sillage du skateboard, en Californie le BMX investit de plus en plus la rue et 1988 sera elle, l’année charnière du street riding. Qui dit street dit influence du skate dont la mouvance street précède chronologiquement celle du BMX, et qui dit skate dit influence de l’underground musical révélé surtout dans les pages de Thrasher Magazine, dans lequel les pionniers du street BMX puisent une certaine inspiration - quand ils ne sont pas eux-mêmes pratiquants des deux sports. Le côté agressif du street et la popularité grandissante des musiques underground chez les BMXers vont bouleverser les mentalités dans le BMX Freestyle comme ce fut le cas dans le skateboard quatre ans auparavant. Les vêtements changent d’une manière très révélatrice puisque les pantalons renforcés et maillots « jersey » à manches longues empruntés lors des débuts du BMX au Motocross, sont peu à peu délaissés pour des pantalons, shorts et tshirts de marques spécialisées venues du skate et du surf. Tout est dit ou presque dans ce changement radical de tenues... Le BMX Freestyle « classique » (figures sur rampe et au sol) implose et même le Flatland (les figures au sol) est touché par ce changement d’attitude. Les esprits s’ouvrent et le riding aussi. Une énorme phase de progression se met en place dans le flatland avec une myriade de nouvelles figures, nouvelles bases du flatland moderne. Aussi, comme dans la scène punk-hardcore, des fanzines se créent dans tous les pays, les riders commencent à s’approprier culturellement le BMX. Et internet, c’est la boîte aux lettres ! Les magazines encore en activité se font largement l’écho de cette évolution des esprits et de la pratique. Freestylin’ puis Go! (né de la fusion de Freestylin’ et BMX Action) sortent leurs meilleurs numéros, et tant au niveau des lignes éditoriales que de l’expérimentation photographique, la limite entre fanzine « hardcore » et magazine professionnel est souvent floue. Un signe que le BMX


Freestyle est en pleine mutation et que, même bien vivant, il ne pourra échapper à une traversée du désert, comme période de transition nécessaire le mettant définitivement face à lui-même, sa véritable nature et son destin. L’historique A.F.A. (American Freestyle Association) s’arrête en 1990 et tout freestyler ayant grandi avec, ou tout au moins l’image qu’il en avait par la presse, se sent tout à coup orphelin. La nouvelle fait peur et assombrit d’un coup l’horizon. En France, fait notoire, l’A.F.F. (Association Française de Freestyle) joue un rôle central dans le maintien d’une unité dans la scène française jusqu’en 1991, tout comme Bicross et Skate Magazine dont le dernier numéro sort en avril de la même année. Aux USA, c’est Go! qui disparaît tristement en mars 1992. La descente aux enfers est en réalité la seule chance de salut. Ce BMX Freestyle qui n’intéresse plus que quelques individus, en se libérant des conséquences de son explosion de 1984, c’est-à-dire l’effet de mode et l’appât du gain qu’il traînera quand même jusqu’en 1987, en faisant le deuil de ce qu’il ne sera jamais plus, va enfin pouvoir se construire, par la force des choses, une identité moderne en rupture avec sa spectaculaire existence de la décennie qui s’achève. L’embarrassant glamour entretenu par les médias s’efface enfin, le «fluo-flash-fun» promu par Bicross Magazine aussi. Le magazine français se fera d’ailleurs même jusque dans ses dernières heures le messager de cette nouvelle ère du BMX à l’avenir incertain mais à l’extraordinaire motivation. Un BMX qui renoue avec sa nature - sauvage - revendique ses valeurs les plus essentielles, avant tout un immense besoin de liberté, rejette le superflu et les impasses de sa jeune histoire, commence déjà à se réinventer et préparer sans le savoir son passage à la maturité. Mais cela pas avant le milieu de la décennie suivante. Un signe qui ne trompe pas : le mot « bicross » (né de la francisation de « BMX »), symbole d’une époque révolue, disparaît peu à peu du langage des riders, souvent sous l’impulsion des créateurs de fanzines, eux-mêmes bien décidés à affirmer l’indépendance du BMX qui survit, face à celui qui a vécu. En Europe, un événement subsiste, les Worlds (Championnats du Monde) et trois éditions en particulier réussissent à rassembler la scène toute entière ou presque... Les Worlds de Kenn (Allemagne) 1990, ceux d’Aalborg (Danemark) 1991 et enfin Budapest (Hongrie) en 1992. La compétition est là, le niveau de riding augmente sans cesse, mais ces événements ressemblent davantage à une jam session et une fête sans fin qu’à un championnat trop sérieux. Un esprit qui perdure aujourd’hui. On y vient des quatre coins de l’Europe, par pure passion et ces Worlds,

grâce à l’énergie positive qu’ils génèrent, contribuent alors de beaucoup à la survie du BMX Freestyle en Europe. Cette période singulière révèle les esprits les plus passionnés, les plus motivés. Sans avenir tout tracé et malgré l’ambiance sombre qui plane alors sur le BMX, une impression d’aventure et un sentiment - naïf certes - de liberté totale prédominent. Le BMX n’est plus lié à son passé et plus que jamais, il est envisageable d’en faire ce que l’on veut. En France, cette période de « re-génèse » dure bien plus longtemps qu’aux USA. Il faut attendre le premier Festival International des Sports Extrêmes à Palavas-les-Flots en 1997, puis 1998 et l’arrivée de deux nouveaux magazines en kiosque, BMXicos suivi de Soul BMX Experience, pour qu’un élan dépassant l’underground se fasse à nouveau sentir. Aux USA, les choses sont bien différentes. Dès 1991, on voit apparaître une nouvelle génération de marques lancées par des riders inspirés entre autres par une dynamique semblable observée chez leurs collègues du skateboard. Ces riders comprennent que le BMX n’aura un avenir qu’entre leurs mains : Standard, Hoffman et Homeless voient le jour. En 1992, après avoir lancé sa propre marque, Mat Hoffman crée une série annuelle de compétitions, les Bicycle Stunt Series. C’est un succès immédiat auprès de la scène qui survit également aux USA. En 1993, lors de la manche finale de Chicago, le BMX underground américain est dans ses meilleurs jours. L’événement est un concentré de créativité, aussi bien dans les différentes formes de riding, que dans le récent matériel né de cette nouvelle vague de marques tenues par des riders. La finale BS de Chicago est filmée par des vidéastes indépendants s’apprêtant à sortir le numéro 1 d’un vidéo-magazine dont l’impact considérable va rayonner sur tous les USA et même au-delà : Props. Le BMX américain semble bouillir jusqu’à ce qu’en 1995, les premiers Extreme Games marquent le début d’une nouvelle ère qui caractérise le BMX aujourd’hui, celle de sa commercialisation par la télévision et les sponsors « corporate ». Mais pour revenir à nos cinq années de transition, il serait trop long de dresser la liste des personnes présentes à l’époque dans ce noyau dur, et aujourd’hui impliquées d’une manière ou d’une autre dans l’industrie du BMX où les riders ont fini par prendre les choses en main. Ces personnes se sont forgées une identité forte pendant cette période, forte comme la construction de l’identité du BMX moderne à laquelle elles ont contribué. Elles l’ont fait sur les cendres d’un autre BMX, en créant leur propre BMX, envers et contre tous, sans penser au lendemain et sans aucune perspective d’avenir, en vivant simplement leur passion à fond.

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1993 - CHASE GOUIN Si le dieu du flatland existait, il s’appellerait Kevin Jones (USA), il a inventé et donné la direction au flat pour les siècles à venir. Et son fils spirituel, le messager, ne serait autre que Chase Gouin. Ce canadien est apparu en 1991 comme un ouragan dans la video Dorkin’ 4 avec un quadruple decade (4 tours autour du vélo sur la roue arrière). Il était gaucher. Un an plus tard, il était le phénomène le plus talentueux du flat avec un riding de droitier, lançant ainsi le riding ambidextre. Chase n’a cessé de repousser les limites, les faisant disparaître dans un riding hardcore qui le propulsera en tête d’affiche. Chase est devenu une star mondiale comme aucun autre flatlander ne le sera. Son aura, son talent dépassent les limites d’un vulgaire champion du monde.

par Alain Massabova

Son heure de gloire sera pendant la période creuse au début des années 90, il deviendra une véritable légende. Son riding extrême fera de lui la tendance à suivre pour les 10 prochaines années. En 1998, sur un parking de Huntington Beach, il invente le floatland, le flowland, le flatland brakeless : après avoir bousculé le flat, Chase change de direction est enlève ses freins. Cette tendance changera une nouvelle fois la face du BMX puisque les streeters et autres rampriders (comme Mat Hoffman) feront de même. En 2011, le BMX n’a plus de limite et n’a plus de frein... Même si aujourd’hui Chase souffre d’une grave maladie, le BMX est marqué à vie et son riding n’a jamais était aussi tendance ! Et comme il le dit luimême : “Life is a vicious cycle”...

Photo Christian VanHanja

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par Alain Massabova

ALEXIS DESOLNEUX - 1995

Le temps n’a pas d’effet sur ce rider, Alexis Desolneux est le plus vieux rider français encore dans la course, il cumule près de 30 ans de pratique dont plus de 25 ans au top. Si chaque rider connaît une heure de gloire, rare sont ceux qui tiennent la route aussi longtemps. Seul Jesse Puente (USA) peut prétendre une telle longévité en restant au top mais surtout en comptant pour sa discipline, mixant difficulté et originalité. Ce flatlander si singulier se caractérise aussi par son riding avant-gardiste. A la fois égoïste et solitaire, son œuvre se dessine au cours du temps et prend forme quand on suit sa carrière qui n’a qu’un but : rider !

Photo Olivier Weidemann

Alexis fait du BMX tout simplement, au-delà des différentes disciplines, des frontières, des époques et même des modes, il fonce vers son but sans se retourner, n’écoutant personne si ce n’est le son des pneus sur ce bitume d’un parking isolé. Il est seul mais qu’importe. Son action est une mission, bien que déjà en partie accomplie en changeant la face du monde avec son fameux nose wheelie. Mais Alexis Desolneux est loin d’en avoir fini avec le BMX, son rôle dans notre univers sera d’apporter sa contribution par le riding. Il est déjà dans les livres d’histoire, sa quête créative est désormais reconnue.

Photo Manu Sanz

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1998 - THOMAS CAILLARD Avec sa gouaille légendaire bien connue des anciens, et même des plus jeunes grâce au web, Thomas est une figure incontournable de la scène Française et Européenne. Bien qu’il fût un des meilleurs rampriders français du milieu des années 90, Thomas a progressivement délaissé les rampes et a développé sa propre façon d’exploiter ce que pouvait lui offrir la rue. Roulant la majeure partie du temps avec ses amis skaters du team Clandé, il a été fortement influencé par la façon dont ils évoluaient et a naturellement adapté cette approche “skate” dans le street BMX. Ce que quasiment personne ne faisait à l’époque, la plupart des riders se contentant de copier ce qu’ils

par Daniel Mini

voyaient dans les rares magazines US. Pour autant capable de se lâcher sur des gros handrails, il a instauré une nouvelle tendance de riding sans frein très technique, notamment en repoussant les limites des figures en fakie (marche arrière) à leur maximum. On lui doit notamment le 3-6 en marche arrière qu’il a de suite poussé très loin, le faisant au dessus de marches d’escalier. C’était une véritable révolution à l’époque, et cette approche a été de suite copiée une fois n’est pas coutume par les riders étrangers... Pour beaucoup, il est l’un des précurseurs du street que l’on connaît tous maintenant.

Photos Anna Gorvits

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par Manu Sanz

RUBEN ALCANTARA - 2002

Ce rider espagnol très inspirant est sans aucun doute un des streeters contemporains les plus spectaculaires. Capable de faire des transferts incroyables, Ruben a une vision très personnelle de la ville et de son architecture. Lui seul est capable de percevoir certaines lignes totalement improbables et de se jeter dessus comme nul autre ! Mr Alcantara ne fait pas de grosses figures impressionnantes, son riding c’est son style bien à lui. Il suit sa propre route et cette route, loin d’être monotone,

est en constante évolution. Beaucoup de tricks sont laissés sur le bas coté mais ça ne l’empêche pas de continuer à créer, à lancer des modes et à surprendre par un riding épuré et esthétique. Un riding, tout minimaliste qu’il soit, continue à innover. Un vrai bonheur de le voir ne serait-ce que carver un bowl. Ruben est calme, humble et modeste, il fait partie de ces légendes du BMX qui ont traversé les âges et restera comme un précurseur de tendance. Un rider à suivre.

Photo Manu Sanz

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2008 - MATTHIAS DANDOIS

Certains riders deviennent des légendes grâce à l’aspect créatif qu’ils apportent au BMX. Et d’autres grâce à leur impressionnant palmarès. Matthias Dandois fait plutôt parti de cette seconde catégorie: il est le plus titré de l’histoire du BMX français, un niveau jamais égalé et un incroyable enchaînement de victoires. Ce multiple champion du monde de flat, insolent par sa maîtrise du vélo et surtout de luimême, rentre dans l’histoire à 20 ans. Ce grand fou contrôle son vélo comme personne, n’importe où et

par Alain Massabova

n’importe quand. En 5 ans de riding, il est devenu l’un des meilleurs flatlanders de la planète, sa jeunesse et son talent ont fait de lui un phénomène. Et ce qu’il restera après toutes ces années sera sa performance sportive. Une bête de compet’, un vainqueur dans l’âme, un surdoué. Matthias mise sur la difficulté et la réussite, les critères qui font gagner les contests. Sa vie publique est suivable sur Twitter, il incarne la nouvelle génération, le rider 2.0 des années 2010, la new school. La France a son champion!

Photo Manu Sanz

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par Seb Ronjon

SEAN BURNS - 2011

Attention, sortez les enfants, planquez les grandmères ! Ames sensibles s’abstenir ! Sean Burns est certainement le streeter le plus allumé du moment. Ce punkrider américain n’a pas la même conception de la douleur que nous autres humains. Il roule sans protection, se jette sur des gaps inimaginables, et même quand ça casse, il remet le couvert. Le regarder rider donne tout son sens à l’expression «sport extrême». La ville est son terrain de jeu favori, il roule vite, très vite, et envoie constamment du gros. Les toits, les gros rails, les longs escaliers n’ont aucun

secret pour lui. Ce fils spirituel de Jimmy Levan (qui a initié ce type de riding dans les années 90) se dit habité par un démon, et son riding rock’n’roll est un mélange de folie et de talent. Sous son côté cascadeur se cache un véritable technicien ultra créatif dans ses lignes et sa prise de risque. Il peut s’enorgueillir d’avoir la part la plus dingue dans la récente vidéo Anthem II, meilleure vidéo NORA Cup 2011. Ce garçon dérange, fascine, mais ne laisse pas indifférent. Il semble n’avoir aucune limite. Et comme il le dit lui-même, «Go huge or die» !

Photos Vincent Perraud

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Le Matos

par Alain Massabova

Si le BMX est un sport, ça reste un vélo. Une bécane, un objet qui a toute son importance. Que se soit esthétique ou pratique, la bicyclette ne cesse d’évoluer. Du vélo à suspension des années 70 au BMX ultra rigide, léger et incassable, bien des évolutions sont passées par là. Le 20 pouces (roues de 50 cm) caractérise le BMX. En dehors de ça, on est passé par toutes les modes, tous les poids et toutes les couleurs. Si les années oldschool étaient plutôt fluo et chromées, le bike du rider d’aujourd’hui est sombre, noir mat et épuré. Et si les vélos de la fin du siècle dernier étaient particulièrement lourds, bien heureusement pour ce sport, le BMX moderne est ultralight (merci au cousin VTT). Puis la pratique a fini par changer les choses. A force de défier les limites du possible, avec toujours plus de sensations et de progression, les freins ont lâché, le BMX devient un skate : roulant dans tous les sens et brakeless. On

trouve encore des freins avant sur les vélos de flat et un frein arrière pour les autres disciplines (race, street, dirt...). Mais si le vélo est une bicyclette, il est un BMX grâce à ses accessoires bien pratiques. La plus grande évolution du freestyle vient des pegs (repose-pieds). Les pegs on connu aussi toutes les tailles, les formes et les matières (acier, aluminium puis plastique). De l’écrou de roue rallongé au tube soudé sur la fourche, en passant par le pliant, le pegs finit par trouver le bon design et ne devrait plus connaitre d’évolution. Le plus important gadget du BMX vient surtout du rotor, ce fabuleux système qui permet de tourner le guidon ou le cadre (whip) à volonté sans emmêler les câbles et tout en gardant ses freins. Début 80, le rotor arrive dans le bicross et donne un nouvel élan au freestyle. Depuis, peu d’évolution sont apportée à cet accessoire qui reste fascinant et tellement pratique.

Le rotor

Les pegs en 1984

Les pegs en 2010

Grâce au rotor, on ne compte plus le nombre de whips... Photo Karim Bel Bachir Les figures sur les pegs sont infinies. Photo Peka Devé

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par le Team Hawaii Surf

Un shop dédié aux sports de glisse c’est avant tout la transmission d’un esprit. Et plus qu’une simple boutique, c’est aussi un lieu de rencontre. C’est la passion qui rassemble les pratiquants et les mordus de la glisse, on y rencontre des riders, des pros et tous ceux qui s’y intéressent de près ou de loin. C’est un échange permanent entre les pratiques, les produits et surtout l’amour de la glisse. Bien évidemment l’aspect business est important, c’est la vente qui entretient et fait pérenniser la structure. Mais au delà de ca, c’est un espace qui offre un bouillon de culture et qui se f ait la vitrine d’un milieu toujours en évolution. Les vidéos tournent et on y découvre toujours les nouveaux riders ainsi que les nouvelles tendances. Le corner réparation ne désemplit jamais. Il y a tou-

Le Shop

jours quelque chose à réparer ou à entretenir et la customisation a une grande place. C’est donc un endroit qui fait le lien entre les pratiquants et l’équipement. On s’y retrouve en tribu pour organiser ses sessions comme pour changer ou faire évoluer son matos. Il est important de conserver l’esprit des débuts et ce genre de magasin doit être l’évolution de la chambre d’enfant ou du garage familial ou on passait la journée à optimiser son matériel. Alors même si le côté monétaire est important, un vrai “glisse“ shop à besoin de cette âme, de cette passion pour l’entretenir et le faire rester debout. C’est pour cette raison qu’il diffère des magasins traditionnels. Que ce soit du côté des vendeurs comme des clients, on ne se retrouve pas dans un pro shop par hasard, mais parce qu’on a ça dans le sang !

La Crémerie, le BMX shop de Paris

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Le Spot

par Alain Massabova

Photo Yasuyuki Takeo, Osaka, Japon

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Le terrain de jeu, de rencontre, de pause, d’entrainement ou de création artistique, c’est le spot. On y ride comme on prend l’apéro dans un bar, on partage, on matte et on se montre. Enfin, on s’exprime comme on est. Tout se passe dans le spot. On est chez nous, c’est le territoire des riders.

Le spot est recherché, jamais là où on l’attend. Le bon spot est rare. Pas forcément un skatepark, les riders créent leur spot, ils décident où et quand ils rident. Parfois interdit, souvent squatté et finalement dompté, il appartient aux riders et inversement.

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Le Musée tient à remercier chaleureusement l’équipe du commissariat Béton Hurlant pour leur passion, leur investissement et implication pour le projet. Béton Hurlant n’existerait pas sans les objets venus de la France entière. Un grand merci à l’ensemble des prêteurs institutionnels et privés : - Le Musée des Civilisations pour l’Europe et la Méditerranée, le Musée communal de Huy, la Fédération Française de Roller Sports. - Alpha, Barland, Enhancer, Hawaïï Surf, Hoff S.A, Lacadur, Laguigui, Pacific Wear, Sector 9, Surf Panic, Templar. - Against-You, Jean-Paul Alavoine, Gérard Almuzara, Stéphane André, Fred Arnaud, Rémy Backès, Christian Bastien, Nicolas Bedart, Ben Bello, Christine Bernard, Jean-Yves Blondeau, Jean-Louis Bommer, Alain et Manu Massabova, Sébastien Bonnot, Christophe Boul, Terence Bougdour, Scot Breithaupt, Thomas Caillard, MarieCharlotte Calafate, Lionel Cardoso, David Ceyssel, David Chabert, Bub Chasselon, Hamed Darbach, Jean-Paul Chiffoleau, Cyrus Cohier-Chevaux, Jean-Hugues Curaudeau, Matthias Dandois, Vaison Daunis, José De Matos, Emile De Vendt, Thierry Decaux, Gérard Decoster, José Delgado, Eric Demolliens, Steph Denice, Sam Desmaris, Alexis Desolneux, Christophe Detandt, Armen Djerrahian, Marc Duclos, Thierry Dupin, Yves-Alain Enddewell, Jean-Pierre Faugère, Michel Fize, Eric Forestier, Xavier Fortenbach, Victor Francisco, Raymond Gacougnolle, Sébastien Garnier, Vincent Garreau, Ben Geronimi, Arnaud Gicquel, Raymond Gilbert, Patrice Ginoyer, Emilie Girard, Quentin Granjean, Mark Gray, Eric Gros, La famille Hardouin et les skateurs de Poitier, Bob Haro, Marc Haziza, José Hennequin, Mat Hoffman, Jonathan Inizan, Simon John, Eric Jullien, Alex Jumelin, Taïg Khris, Alain Korbos, Gilles Lazennec, Adeline Le Men, Nicolas Lété, Yannick Lety, Philippe Loeullier,, Claire M’Baye-Bohm, Nicolas Malinovski, Manuel Malnuit, Stéphane Meneau, Robert Mérilhou, Stéphane Millo, Louis Moncouyoux, Jo Moraïtz, Jean-Marc Moreau, Olivier Morineau, Jean-Michel Moulhac, Phillipe Moullié, Jonas Muel, Hakim NaitChalal, François Nasnin, Sam Nieswizski, Mark Noble, Romuald Noirot, Cyril Orsatti, Gérald Parisse, David Pean, Nicolas Penel, François Perrin, John Petit, Bruno Peyrichoux, Grégoire Pinto, Arnaud Pladys, Olivier Poinsignon, Jonathan Politur, Greg Priolet, Olivier Quemeras, Claude Queyrel, Lidia Rainoldi, Vincent Ranchoux, Yann Renauld, Serge Rodriguez, David Rogerson, Philippe Roman, Seb Ronjon, Christophe Rosset, Eric Rothenbusch, Léo Scalpel, Pierre André Senizergues, André et Tatiana Sévenier, les skateurs d’Annecy, Les skateurs de Limoges (1989-2000), les skateurs de Maison-Lafitte (1990-94), Les skateurs de Montmarault, Les skateurs de St-Quentin-enYvelines (1993-96), Will Smyth, Jean Somsois, Julie Touché, Marc et Sylvie Lucas Touché, Nicolas Touché, Françoise Vaissier, Christian Van Hanja, Olivier Varma, Arnold Velay, Stéphane Vervins, Renaud Vignolles, Claude Vuillemot, Rémy Walter, Markus Wilke, Ron Wilkerson.

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Merci aux photographes et vidéastes qui ont mis à disposition leurs réalisations pour faire vivre l’exposition : - La Fédération Française de Roller Sports- Agence Logidesign Corporate/ Images Sporever. - Derek Adams, Alex Baret, Dane Beardsley, Franck Belliot, Benoit Bondiguel, Harrison Boyce, Jean-François Braun, Sean Burns, Mike Camara, Fabien Caron, Bobby Carter, Alexandre Chartier, Julien Chat, Igor Cheremetieff, Yannick Clatot, Howie Cohen, Joe Cox, Gilles Danger, Mark Eaton, Tony Ennis, Anthony Finocchiaro, Victor Francisco, Christophe Fouin, Ryan Fudger, Michel Garnesson, Ben Geronimi, Scalp Gombert, Vincent Guedes, Lotfi Hammadi, Rich Hirsch, Jeff 7, Stew Johnson, Chad Johnston, Spike Jonze, Martti Kuoppa, Simon Lagoarde, Marc Le Noir, Yannick Leroy, Virginie Louis, Anne Maigret, Nicolas Malinovski, Mike Manzoori, Marco Massei, Andrew McMullen, Daniel Mini, Greg Mirzoyan, JeanPierre Montiel, Stéphane Mossé, Nuno Oliveira, Windy Osborn, Mark Owen, Dave Parrick, Hadrien Picard, Glenn PP Milligan, Shajn Raines, Joe Rich, Mark Richards, Rollers & Coquillages, Eddie Roman, Seb Ronjon, Sylvain Rouillard, Olivier Rosset, Chris Rye, Manu Sanz, Didier Scovron, François Séjourne, Jeff Shoop, Will Stroud, Priya Swaminathan, John Swarr, Marton Szilagyi, Tex Thayer, Jeff Tremaine, Alex Valentino, Claire Léonard, Goyan Romano, Thibault Dejean de la Bâtie, Pierre Surun, CNS, Comité national Skate, Martin Hardouin Duparc, Robert Mérilhou, José De Matos De nombreuses personnes et organismes ont soutenu le projet et ont apporté une aide et un temps précieux à la conception et diffusion de l’exposition. Nous tenons à les remercier tous : - IDHE - UMR 8533 CNRS / Université Paris 1-Panthéon Sorbonne, la Fédération Française de Roller Sports, Le Musée des Civilisations pour l’Europe et la Méditerranée, les Musées de Montluçon et le Comité Département Roller Skate 75 qui est à l’origine du projet d’exposition pour la thématique roller. - 23mag.com, Endless.com, Hawaii surf, Infosport, La Crémerie, Rollerenligne.com, ART BMX magazine, Spin Master, V7 distribution, Rollers & Coquillages - Sylvie et Lucas Touché et l’ensemble des familles des commissaires d’exposition. Des remerciements particuliers aux familles des membres du commissariat scientifique pour leur patience et leur accompagnement. Avec la contribution du Ministère des Sports


Ont contribué à l’exposition

Présidente Annie Lhéritier Directrice Générale Marie Grasse Commissariat général Zeev Gourarier, Marc Touché Commissariat scientifique BMX : Alain Massabova, Seb Ronjon Roller : Sam Nieswizski, Serge Rodriguez, Christine Bernard Skate : Thierry Dupin, Marc Touché Scénographie Thierry Dupin Chargée de projet Amélie Fleith Parcours sensible Fédération des Aveugles et Handicapés Visuels de France, Musée du Braille, José De Matos, Nelly Odin Conception affiche Seb Ronjon, photos Manu Sanz Conception scénographique Gérard Almuzara, Olivier Fiquet Impressions : Les ateliers Demaille Conception vidéos Michel Erlich, Seb Ronjon Lumière, son, vidéo Remote

Ont contribué à cet ouvrage

Direction Marc Touché, Alain Massabova, Claude Boli Coordination Amélie Fleith Graphisme Alain Massabova et Seb Ronjon Textes et Photos A. Chartier, Alain Massabova, Alexis Desolneux, Anna Gorvits, Anne Maigret, Bruno Hardouin, Byron Friday, Christian VanHanja, Claude Queyrel, Daniel Mini, Eric Gros, Eric Rothenbusch, François Séjourné, Gille Danger, James Casimus, Jean Pierre Montiel, Jonathan Politur, Karim Bel Bachir, Manu Sanz, Marc Le Noir, Marc Touché, Olivier Weidemann, Pascal Scalp Gomber, Patrick Mignon, Peka Devé, Philippe Roman, Richard Piauton, Ricky Monti, Sam Nieswizski, Seb Ronjon, Michel Fize, Christine Bernard, Serge Rodriguez, Spike Jonze, Tim March, Victor Francisco, Vincent Perraud, Yasuyuki Takeo, Yves-Alain Enddewell, Kalou, Zeev Gourarier Imprimeur Présence Graphique Imprimé en France - Imprim’Vert ISBN 978-2-9533475-3-1 Ce livre est édité par le Musée National du Sport 93 avenue de France 75013 Paris Tél : 01.45.83.15.80 action-culturelle@museedusport.fr www.betonhurlant.fr www.museedusport.fr

Avec la participation l’équipe du Musée National du Sport

Direction Générale Marie Grasse, Edith Zitouni Secrétariat Général Cyrille Mélin, Julien Roussel Département des Collections Chantal Dumolard, Olivier Fiquet, Mylène Niquet, Claire Vasdeboncoeur Département des Publics Georges Boylamba, Fatimata Diawara, Amélie Fleith, Alix Steinlen-Chevallier, Nelly Odin Département de la Recherche Claude Boli, Michel Erlich, Circé Krouch-Guillem, Laurène Rolland-Bertand

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BMX, Roller, Skate, réunis dans leurs différences et leur proximité pour la première fois dans un Musée National. A l’assaut de l’exposition « Béton Hurlant », venez partager une saga historique sur deux siècles, découvrir des collections exceptionnelles. Rêvez sur les traces des pionniers, champions, roulettes, roues, platines, trucks et planches, cadres et pegs. Découvrez les modes de vie, les sociabilités : depuis les clubs et Fédérations, jusqu’à l’underground. Un nouveau regard sur la ville, une recherche infinie de spots, des détournements du mobilier, des formes et des matériaux urbains. Un grand pas vers une ville ludique. Marc Touché Commissaire général de l’exposition Béton Hurlant, Sociologue Texte du flyer de l’exposition

Musée National du Sport - 5€

Exposition Béton Hurlant du 10 décembre 2011 au 27 mai 2012


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