Heteronymû #02 - REFUSE (l'autodéception est le seul art populaire)

Page 1


HETERONYMÛ - jour trois REFUSÉ (L’AUTODÉCEPTION EST LE SEUL ART POPULAIRE) François Belsoeur / Elia David Ida Tursic / Wilfried Mille / Hans-Peter Feldman / Tatiana Blass / Tauba Auerbach / Frédéric Vaysse / Delphine Leblond / Maxence Alcalde / Camille Rémond-Petiot / Friedrich Nietszche Odile Leguillon / Julien Colombel Hollis Brown / William Kostrowicki Chris Martichon / Victor Tuttard Anna de Raspail / Anthony Cuvier Sophie Clarke / Darina Hoyte Pic de la Mirandole / Gérard Dunoyer John Doe / Jane Doe / internationale photocopiste / Sébastien Montero





Que de tentacules – c’est l’heure de la cordelette. Je pensais m’assoir, remuer deux fois le derrière pour épouser le coussin, agiter le cognac comme si j’y connaissais quelque chose, et puis allumer la machine, regarder le phénomène jusqu’à ce que mes yeux fatiguent, écrire cinq minutes et tout éteindre. Résultat : je cours après. Tout déborde de l’écran et file trop vite, chacun s’étoffe sans me consulter – ou me sollicite trop. Tu sais, l’artiste qui a apporté telle pierre à l’édifice. Celui-là même dont on peut évaluer l’apport à la ligne de l’art – c’est cela sa brèche, sa cage, sa pomme. Ainsi je justifie tout le vide que je soulève : j’ai été le premier à m’aventurer au nord de la cave. Embrassons enfin la danse du rien (ainsi parla ZoroAstre), admettons à présent que le monde ne sera pas sauvé. Pas par moi. A moins que ce ne soit ça qui vous motive : j’en ferai une branche, avec des tas de losanges. Et si l’on résumait l’artiste – untel est peintre, c’est vulgaire. Lui boit – c’est commun. Tu te souviens, du mec qui avait décidé de violer la loi, de voir jusqu’où dire que c’était de l’art suffirait pour qu’il s’en sorte ; il a mal fini, sans doute, nous n’avons plus de nouvelles. S’il n’avait volé qu’une fois, s’il avait bredouillé au vigile quelques références plastiques, j’aurais trouvé cela léger – heureusement, il y a consacré sa vie. Avec du sacrifice, ça n’a pas le même goût. Rien de mon intimité ne me semble bon à communiquer – voire à faire de l’art (dit-il, racontant sa vie) ; il m’en faudrait un qui épouse le défi, qui parle dépouillé, déshabillé – derrière le masque, ce n’est plus moi qui suis nu. Pour en revenir à : identité de l’artiste – la nécessité médiatique d’être une marque, l’angoisse historiographe d’exister. Il m’en faut une douzaine dont la vie obéit à l’art ; des qui assument, que chaque parcelle soit gérée par cette putain de toile. Qui embrassent leur destin, qui s’attellent à le performer. Un geste, une décision (d’abord squelette et puis bandit – ne pas réduire le corps au squelette), puis il trouvera les nerfs, puis le tissu. Et parfois les nerfs, parfois le tissu, nécessitent une direction totale, un seul but, ne se consacrer à rien d’autre : il sont là pour ça.


Odile Leguillon, dessinatrice – détourner l’échec, répéter le geste, trouver une lueur, cultiver des clémentines. Camille (René) Rémond-Petiot, artiste moderne et contemporain, installations et photos d’abstraction drolatique réactionnaire. Julien Colombel, héritier Colombel frères, peinture en bâtiment depuis 1857. Graveur sur bois. Hollis Brown, vidéo expérimentale - d’abord peut-être d’inspiration mystique, puis franchement plasticienne. William Kostrowicki, installations numériques participatives - le public est propulsé dans l’œuvre, qui convoie l’abstraction et l’absurdité tertiaire de nos virtualités. Christine (Christiane ?) Martichon, photographie et performance. Des beaux portraits de femmes tristes - devant son miroir, au coin de la rue. Des gens qui utilisent des appareils numériques, pris aux endroits où leur appareil ne peut fonctionner. Victor «Tuttard» ? Des photos un peu convenues, très jolies, révéler le potentiel «beau classique» de l’autour de nous. On m’a dit qu’il modelait de l’argile - ce doit être un peu mieux. Anna de Raspail - une peintre. Elle fait des pixels et des nuées, en grand format, à l’huile, avec des couleurs laides. C’est très fort. Anthony Cuvier, photographe, de cette école qui fait quelque chose de ses soirées. De beaux flous, de la matière, je crois qu’il veut révéler quelque chose lui aussi. De Sophie Clarke, je ne me souviens que d’un titre : 1) L’évidente 2) Disparue. Un rapport à la danse, peut-être ? Darina Hoyte, je crois que c’est son nom - c’est irlandais. Elle traque la peinture, l’acte de peindre, ses outils. Elle ne peint plus depuis longtemps, elle chasse. Il y a aussi ce type qui accumule les techniques, qui apprend tout, un Pic de la Mirandole - son nom m’échappe. Il engrange, qui sait ce que sera son geste. J’ai croisé aussi certains des photocopistes, qui ont un peu mal vieilli. C’est intéressant, ce qu’ils font, et puis c’est quelque chose de faire un «isme» par les temps qu’on vit - opératrice ! J’oublie Gérard Dunoyer, qui décline ses maximes sur les murs, sous forme de tracts, de spam, je crois qu’il a aussi fait des briquets. Tu sais, l’artiste qui écrit avant les éléctions : «c’est l’honnête homme qui court le mieux» ?






Ma propre pratique (les pièces que je conserve comme étant de moi, l’ensemble n’incluant pas directement le travail d’hétéronymie et de schématisation), répond-elle dans la schématisation, à un trajet linéaire, à une route de décision cohérente ? Non. Donc : j’ai le luxe du tri / écarter ce qui ne me ressemble pas / et le travail de réseau, s’il met en évidence les points communs, ne révèle pas de formule définitive de ma pratique triée. C’est une nouvelle qui me soulage (entre nous, je ne vous jette pas la pierre). --------------------------------------------------------une réflexion sur ma – la – ta – pratique de l’art, non définitive et capable de générer davantage de texte, de forme, de pièces, d’autre chose. Le moteur sensible. Tout ce qui est produit doit être, à défaut d’étiquetage, sauvegardé – la réflexion, les croquis, les formes provoquées seront réunis dans des éditions-carnets, qui feront double office de trace et de partition pour la réalisation régulière des schémas, actualisation de l’endroit du travail à un moment – et un contexte ? donnés. In-situ, out-alorsvous. Couleur, derrière les couches du schéma ? Revenir au peindre, par la fenêtre. Repeindre par effraction – un peu affecté. --------------------------------------------------------Point épineux : la posture vis à vis des maîtres, de la tradition, des références, de l’histoire pesante. Point et puis nœud : se situer c’est bien, vouloir être où l’on est le serait davantage. Proposer au peintre de modeler l’argile, demander au soldat de finir la vaisselle. J’essuierai – je serai là. APHORYTHM – ce n’est pas moi qui écris, il faut que je nomme l’homme de paille. (c’est comme pour le premier « j’ai ! », ça a sûrement l’air trop faible pour être réellement puissant. Appartient aussi à cette catégorie : « Passer du savoir-faire au faire-savoir. » D’habitude on jette – la preuve que non – mais désormais, on le pose quelque part, on le réserve, ça peut servir.)





HETERONYMÛ - jour trois REFUSÉ (l’autodéception est le seul art populaire) FrB


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.