Construction&Bâtiment n.6 / 2022. Extrait

L’année a été largement marquée par la problématique de l’énergie et par celle de l’inflation et de son corollaire, la hausse des taux d’intérêt. Ces deux facteurs ont fait craindre des ralentissements du marché, une forte baisse des prix de l’immobilier, des pénuries et autres dommages systémiques. Or on observe que malgré un très léger fléchissement dans l’immobilier de placement, le marché reste assez soutenu. Les prix – à la vente comme à la location – n’ont pas baissé. La demande reste assez forte, le taux de vacance encore bas. Quant aux taux hypothécaires, ils demeurent raisonnables. Pour de nombreux spécialistes on parle de « correction » plutôt que de hausse, ce qui sous-entend que les taux étaient trop bas pour rester au même niveau.

Tout au long de cette année, nos éditions ont témoigné du nombre vertigineux de projets aussi gigantesques qu’ambitieux qui se développent en Suisse romande. Dans ce numéro, nous consacrons un dossier à CFF Immobilier, un des plus grands acteurs de la branche en Suisse.

Où en sommes-nous du côté de l’énergie ? L’inquiétude concernant le risque de pénuries et des coupures d’approvisionnement a jusqu’ici causé plus de bien que de frayeurs. Elle a donné un grand coup d’accélérateur au développement des énergies propres. Certes beaucoup reste à faire, mais on peut dire que finalement les choses ne se passent pas aussi mal que ça. Mais peut-être est-il trop tôt pour se réjouir ? Belle fin d’année.

Maroun Zahar, rédacteur en chef

CONSTRUCTION & BÂTIMENT 06/22

4 Édito

ACTUALITÉS

10 Les news de l’architecture et de la construction

INTERVIEW

14 La formation au cœur de l’actualité pour la FNE 16 Jean-Daniel Wicht, 23 ans à la tête de la FFE 18 Le point sur le marché de l’immobilier

REPORTAGE 20 L’ensemble Saint-Martin à Lausanne 28 Trois chalets d’architecte

TECHNIQUES DU BÂTIMENT

42 Façades ventilées et façades solaires 48 Baies vitrées et fenêtres, nouveautés 56 Revêtements de sol, faire le bon choix

DOSSIER

66 Les CFF, acteur majeur de l’immobilier suisse 70 Interview de Susanne Zenker responsable du développement des projets CFF

72 Zoom sur trois projets CFF : le Parc du Simplon, le quartier des Halles et la tour Opale

PROJET

Le nouveau siège du Tribunal arbitral du sport, Lausanne 100 Horizons, un ambitieux quartier dans l’Ouest lausannois 110 À Lausanne, un immeuble d’habitation dans le quartier du Désert 116 Château d’Eau, un centre scolaire entièrement écoresponsable 124 Le campus de la Head-Genève au complet 132 Les Atmosphères, porte d’entrée du quartier de l’Étang à Genève 142 L’Orée, un futur écoquartier à Crissier 148 Tourmaline, un lieu de mixité sociale à Chêne-Bourg

92

ENTREPRISES

154 Zoom sur les entreprises locales

AGENDA

Le Salon du bois à Bulle 162 Expos et salons en Suisse et ailleurs

160

SOUS LE MÊME TOIT

Conçu par Wolff Obrist Architectes, cet immeuble qui a récemment vu le jour à la rue Saint-Martin à Lausanne réussit avec brio à accueillir sous le même toit différentes populations précarisées, ainsi que les services de voirie de la Ville. On ne remarque sa contemporanéité que si l’on s’y attarde, tant son intégration urbaine est parfaite.

texte : Marielle Savoyat photos : Cécile Monnier

Face à la frénésie de la ville et dans un contexte de forte densification des zones urbaines, certains préfèrent se rapprocher de la montagne et de ses modes d’habitat. Généralement considéré comme une habitation secondaire, le chalet devient de plus en plus une résidence principale. Sa conception et sa construction sont guidées par plusieurs enjeux. Qualité d’intégration au site souvent très pentu, intelligence constructive associée à une sensibilité aux pratiques vernaculaires, ou encore réflexions sur la densification douce en montagne, les architectes se réapproprient la figure du chalet traditionnel de façon contemporaine.

Salomé Houllier Binder

VIVRE À LA MONTAGNE

Le projet s’appuie sur les caractéristiques de sa parcelle située au centre du village d’Anzère (VS) afin de tirer parti des qualités du contexte et de favoriser son intégration. La topographie accidentée et le dégagement sur le paysage deviennent ainsi des éléments forts de ce projet qui comprend deux appartements et un parking.

La construction épouse la topographie naturelle et reprend les limites de la parcelle, induisant une géométrie irrégulière et un volume à facettes qui offre différents cadrages sur la nature. Elle s’organise sur cinq étages avec une volonté de liaison entre les niveaux inférieurs et supérieurs de la parcelle. Le volume indépendant de l’entrée ainsi que la profondeur des ouvertures, les balcons et l’épaisse toiture réduisent l’impact vertical des cinq niveaux et proposent un volume abstrait.

Le projet met en valeur le paysage, proche et lointain. Les fonctions sont agencées afin que les espaces de vie profitent au maximum de la vue, prolongés par un balcon panoramique. La façade nord étant presque entièrement enterrée, le bâtiment s’ouvre essentiellement sur le sud, dissimulant ainsi la vue sur les chalets voisins et offrant une vue plongeante sur les Alpes. Cette mise en scène des ouvertures génère des atmosphères différenciées à l’intérieur. Tandis qu’un appartement occupe l’entier du

premier étage, le second s’organise quant à lui en demi-niveaux. Cette structure spatiale accentue les perspectives intérieures et extérieures et favorise la délimitation et l’identification des espaces selon des ambiances spécifiques, induisant ainsi une fluidité spatiale.

En raison de la topographie et de la géométrie complexe de l’ouvrage, le béton s’est imposé comme matériau constructif. Afin de donner une dimension brute et artisanale à ce matériau, le coffrage a été réalisé avec des panneaux en fin de vie qui produisent des teintes et des textures variant selon le panneau utilisé. En rappel à la matérialité traditionnelle de la station d’Anzère, les façades revêtent un bardage vertical en bois brûlé. Cette teinte noire permet par ailleurs de réduire l’effet de masse du volume. À l’intérieur, les matériaux sont laissés bruts et simples, rendant l’architecture plus silencieuse au profit du paysage, à l’instar des cadres en pin qui entourent les ouvertures.

Par sa matérialité, sa volumétrie et son organisation spatiale, le projet dialogue avec le paysage et le contexte. Il s’intègre dans le site tout en s’y détachant par son abstraction. Tel un jeu, il crée des expériences diverses et parfois inattendues, offrant ainsi une qualité d’habiter chaleureuse et contrastée.

HAUT POTENTIEL ARCHITECTURAL

Portes et fenêtres sont des éléments majeurs de la plupart des conceptions architecturales contemporaines de qualité. Elles donnent à la façade son rythme et son équilibre. Leur implantation est aussi déterminante pour l’esthétique d’un bâtiment que pour le niveau de bien-être de ses occupants.

TECHNIQUES DU BATIMENT

LESS IS MORE

« Le moins de design possible », tel était la demande du client pour la conversion de ce bâtiment délabré en domaine viticole moderne. L’équipe d’architectes de Destilat Interior Design a réagi à cette demande avec un langage de couleurs et un vocabulaire de design très réduits, ainsi qu’une sélection de matériaux tout aussi puriste, dans le style industriel. L’élément de liaison entre les deux bâtiments – la salle de vente d’un côté et la zone de traitement avec zone de livraison de l’autre – est une construction

métallique réalisée à l’aide du système de façade en acier VISS de Jansen, qui se rétrécit en direction du bâtiment résidentiel situé en face et fait référence à l’architecture industrielle d’autrefois avec ses châssis étroits. « Outre les exigences thermiques de cette paroi, nous souhaitions travailler avec un profilé qui se rapproche le plus de l’aspect des vitrages industriels d’origine, sans pour autant sacrifier les exigences techniques », explique Sophie Pfeffer, de Destilat. jansen.com

© Monika Nguyen

© Monika Nguyen

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PROJETS

Le Tribunal arbitral du sport au Palais de Beaulieu.

DE NOUVEAUX HORIZONS DANS L’OUEST LAUSANNOIS

Mariant harmonieusement logements, bureaux et surfaces commerciales, Quartier Horizons s’inscrit comme l’un des projets les plus ambitieux et innovants de l’Ouest lausannois.

Salomé Houllier Binder

C’est un chantier de grande envergure qui a débuté fin 2021 dans l’Ouest lausannois. Le projet est colossal. Prévu pour 2025, le complexe comprendra 8 immeubles, 893 logements, près de 11 000 m2 de surface de bureaux, une esplanade piétonne de 55 000 m2, un parc de 10 000 m2 et des arcades commerciales. Les premiers résidents sont attendus courant 2024.

Quartier Horizons profite d’une implantation stratégique optimale dans la commune en pleine mutation de Chavannesprès-Renens. À proximité de l’autoroute, des transports publics et des hautes écoles, le projet développera aussi des synergies avec les futurs Campus Santé, Campus de l’Université et les Hauts de Dorigny qui verront le jour prochainement de l’autre côté de la route de Chavannes.

Le projet met en avant une mixité sociale, un environnement verdoyant, des espaces publics et des commerces de proximité. Il aspire à la fois à offrir un lieu de vie animé, attrayant et accessible à ses résidents et à relever les défis de la transition écologique.

TRENTE ANS DE RÉFLEXION

Le projet naît dans les années 1990 lorsque Pierre Demaurex, alors directeur des grandes surfaces alimentaires Aligro, acquiert 5,5 hectares de terrain sur le lieu-dit « En Dorigny » avec pour objectif d’y implanter l’un de ses magasins. En 2018, l’entité Demaurex & Cie SA devient finalement promotrice aux côtés de la Fondation de placement Credit Suisse (Credit Suisse Anlagestiftung Real Estate Switzerland) à qui elle a cédé les trois-quarts de la parcelle. L’ancienne parcelle champêtre est aujourd’hui divisée en cinq bandes pour un projet entièrement dessiné par Pezzoli & Associés Architectes SA et MAP SA pour le paysage. Demaurex & Cie est promotrice pour le lot C et a délégué la gestion de cette promotion à ServiPier AG en tant que MOD. Le reste est dans les mains de la Fondation de placement Credit Suisse. Le lot E constitue quant à lui un espace vert qui fait la liaison avec le quartier de la Bourdonnette. Différentes entreprises générales assurent la direction de travaux. Complex Bau AG s’occupe du lot A, P ORR SUISSE AG des lots 01 et C et HRS Real Estate SA s’occupe des lots B, D et E.

Vue

LA RECONVERSION D’UN SITE À VOCATION INDUSTRIELLE

Le nouveau campus de la HEAD-Genève regroupe désormais cinq départements sur un seul site. L’ensemble architectural classé au patrimoine du 20e siècle s’est transformé en école d’art.

d’ensemble du campus et du parc Gustave & Léonard Hentsch. En rouge, le bâtiment H, à gauche le bâtiment E et tout à gauche en bleu, le bâtiment A.

Patricia Lunghi

DE NOUVEAUX JOYAUX À CHÊNE-BOURG

Situé au sein du nouveau quartier construit autour de la station du Léman Express, le bâtiment Tourmaline propose un lieu de mixité sociale.

Texte : Salomé Houllier Binder Photos : Cédric Widmer

Les abords de la halte ferroviaire du Léman Express de ChêneBourg (GE) sont en train d’achever leur mue. Après la tour Opale réalisée par les architectes français Lacaton & Vassal, c’est au tour du bâtiment Tourmaline d’être livré. Il a été inauguré le 15 septembre dernier. Mené par les architectes de Group8, l’ouvrage fait partie d’un projet comprenant deux bâtiments. Le second, baptisé Saphir, sera complété courant 2023, venant mettre un point final au nouveau quartier.

Tous deux de forme rectangulaire, Tourmaline et Saphir s’implantent en longueur, parallèlement à la gare. Saphir, placé dans le prolongement de Tourmaline, se caractérise par un pan coupé formant une pointe qui génère une ouverture plus fluide sur la place de la gare. Chaque bâtiment accueille des usagers spécifiques : Saphir propose des logements en PPE et Tourmaline du logement social pour diverses populations. Malgré cette différenciation, les architectes ont tenu à développer un langage commun pour les deux bâtiments. Ainsi, dès les prémices du concours lancé en 2012, les deux ouvrages ont été pensés comme un ensemble cohérent, avec quelques subtiles variations de matières qui confèrent à chacun un caractère singulier.

UNE INTÉGRATION RÉUSSIE

Le projet s’insère dans un contexte urbain dense et complexe. Afin de dialoguer avec la trame réticulée des émergences d’acier et de verre conçue par Ateliers Jean Nouvel et Éric Maria Architectes pour la gare, les architectes établissent eux aussi leur propre trame. Le projet parvient ainsi à supporter et même à prolonger l’échelle de la gare et de son parvis. Traversant les deux bâtiments, la trame dissimule les programmes différenciés, évitant ainsi toute stigmatisation. Ici, ce sont les avantages de la ville générique qui priment.

Le projet conçoit les constructions à la manière d’« étagères urbaines », avec une structure en béton réalisée simplement en superposant des poteaux massifs et de fines dalles. Reprenant l’effet de biseau de la pointe du bâtiment Saphir, certains poteaux sont tournés à 45 degrés. Ce choix purement esthétique induit une dématérialisation et une légèreté de la façade qui facilitent son intégration. Côté sud, c’est un poteau sur deux qui est tourné et alterné d’un étage à l’autre, conférant un dynamisme certain à la façade. La forme géométrique du carré posé sur la pointe devient par ailleurs un thème qui traverse tout le projet à différentes échelles, à l’instar des luminaires dans les cages d’escalier ou encore de la tablette portant les boîtes aux lettres.