Réinventer un paysage "sinistrable"

Page 1

Réinventer (?) un paysage «sinistrable» Charron (17)

46° 17’ 43’’ Nord 1° 06’ 18’’ Ouest

Antonin Amiot Promotion : 2012 Directeur de mémoire : Michel Boulcourt

L École Nationale Supérieure de la Nature et du Paysage de Blois


2/128

La submersion marine

Sinistrable (néologisme) adj.

Quelqu’un ou quelque chose qui a subi un sinistre ; peut de nouveau être exposé au sinistre.

Sinistre n.m.

Événement catastrophique qui entraîne de grandes pertes matérielles et humaines ; catastrophe (Le Petit Larousse 2007).

membres du jury

Marc Claramunt

Président de jury, paysagiste et enseignant en 2e année à l’ENSNP

Michel Boulcourt

Directeur du TFE, paysagiste et enseignant en 3e année à l’ENSNP

Dominique Boutin

Enseignant encadrant le TFE, pédologue et enseignant à l’ENSNP

Hugues Gastou

Personnalité représentant la maîtrise d’ouvrage et élu de Charron

Barthélémy Schlumberger

Personnalité reconnue pour ses compétences professionnelles et paysagiste


remerciements 3/128

Je souhaite exprimer mes plus sincères remerciements à Denis Roussier et François Titière de la DDTM 17 qui m’ont permis d’accéder à de nombreuses données concernant le territoire de Charron. Je remercie également Hugues Gastou qui représente la commune de Charron pour sa collaboration dans mon travail de fin d’études. Je remercie spécialement Barthélémy Schlumberger paysagiste de l’atelier Landescape ainsi que Marie Piau paysagiste au CAUE 17 qui me suivent de près comme de loin sur ce TFE. Par

je remercie vivement ( Dominique Boutin et dans ma démarche de conseils. Enfin je remercie me soutiennent depuis ces 5 Supérieure de la Nature Blois.

ailleurs, les enseignants Michel Boulcourt) qui m’accompagnent TFE et m’apportent de précieux Roxane et ma famille qui années à l’École Nationale et du Paysage de


Préambule p.6

Origine du sujet La rencontre avec le site

Introduction p.8

Une tempête, un territoire La relecture du paysage ? Positionnement et problématiques

4/128

1/5 de l’artificialisation du paysage

p.12

Contexte géographique Formation géologique La Baie de l’Aiguillon : un paysage façonné par l’homme

t1

échelle de temps

t0 2/5 un territoire maîtrisé ?

p.24

Le marais aujourd’hui : des pratiques et des paysages Gestion & protections


5/5 vivre avec la menace

p.104

La posture actuelle de l’État et des collectivités territoriales D’autres scénarios envisageables ? La démarche de projet 5/128

3/5 de l’oubli de la menace

p.56

Vivre avec la menace : aux origines du village de Charron L’occupation contemporaine des sols

t3 t2

t4

4/5 un paysage vulnérable

p.68

Xynthia, une tempête «catastrophique» Une réponse dans l’urgence L’influence du changement climatique ?

Conclusion

p.123

Bibliographie

p.124


6/128

Préambule

L’origine de ce travail sur les paysages sensibles à la submersion marine est née d’une rencontre fortuite avec les territoires dévastés de la Baie de l’Aiguillon en Charente Maritime et plus particulièrement le village «insulaire» de Charron. C’est au début du mois de Juillet 2011, à l’écart de l’agitation touristique de la Rochelle que je me suis laissé conduire dans ce lieu insolite, dont il se dégage une ambiance «postcataclysme». Cette émotion se révèle extrêmement prégnante lorsqu’on arpente le site avec ses maisons abandonnées, dans lesquelles les proprié-

Charron, rue France Saumur - Juillet 2011

taires ont laissé leurs objets personnels dans les cours, les jardins, sur les terrasses.1 Les plantes pionnières ont déjà réinvesti les lieux et les dégâts causés par la force naturelle se lisent uniquement par les murs écroulés, les tôles ondulées jonchant le sol, les arbres d’ornement desséchés par le sel. Ces paysages déshumanisés me rappellent les photos de Richard Misrach dans «Destroy this memory» après l’ouragan Katrina. De nombreux secteurs ont été clas1. Les maisons ont été murées par les services de l’État pour prévenir les pillages et les squaters.

sés en zones de solidarité suite à la tempête catastrophique Xynthia qui s’est abattue sur les littoraux charentais et vendéens dans la nuit du 27 au 28 Février 2010. Il m’a semblé évidemment nécessaire d’exprimer ce sentiment initial qui m’a mené à m’interroger sur l’origine d’une telle situation ! L’événement et ses conséquences doivent permettre de prendre du recul sur les «mécanismes» inhérents à ces territoires et ainsi amener à une projection sur le devenir de ces paysages.


7/128

Charron, rue France Saumur - Juillet 2011

ÂŤDestroy this memoryÂť : Richard Misrach USA - New Orleans - 2010


©R.Duvigneau/Reuters

8/128

Xynthia : une tempête catastrophique • • • • •

53 victimes 2,5 Mds d’Euros de dommages immédiats 6000 maisons sinistrées 52 000 hectares de terre inondées par la mer Plus de 200 km de digues à reconstruire

Inondations à La Faute-sur-Mer en février 2010

Introduction

Une tempête, un territoire «Le littoral correspond à l’interface où se croisent la lithosphère et l’hydrosphère marine. Sa position connaît des modifications en liaison avec le va-et-vient de la marée et le déferlement des vagues, mais on peut définir un niveau moyen de la mer, de marée nulle et sans vague, qui semble fixe et auquel on se réfère pour mesurer l’altitude d’un point de la surface d’un continent. En réalité, ce niveau marin, outre des oscillations de courtes durée, est affecté par des variations à long terme dont la connaissance est indispensable pour comprendre la morphologie et l’évolution des littoraux».1 Cette définition géographique per-

met de comprendre rapidement que le littoral n’est pas une simple ligne physique et administrative définit par un trait de côte qui sépare la mer de la terre. C’est un véritable espace d’interactions où l’homme s’est implanté depuis des centaines d’années. Les tempêtes Lothar, Martin, Klaus, Xynthia et Joachim récemment, nous ont rappelé ces interactions lorsque la mer est venue envahir les terres poldérisées de l’Anse de l’Aiguillon sur les littoraux charentais et vendéens. L’oubli de ces phénomènes peut s’avérer fatal surtout dans les territoires gagnés sur la mer, où le niveau oscille entre 0 et 9 mètres d’altitude.

1. D’après «Les littoraux ; impact des aménagements sur leur évolution de Roland Paskoff»

Jusqu’au XVIIIe siècle, en Europe, la catastrophe naturelle était vécue

comme une expression du divin (le Déluge) sur terre et faisait donc appel à l’imaginaire. Mais aujourd’hui, la science et la technique permettent de mieux comprendre les phénomènes climatiques. Il est donc plus aisé d’anticiper les tempêtes. Par ailleurs cette perception contemporaine de l’événement tend à minorer voire à faire oublier la notion de risque associé à un territoire. Après chaque nouvelle tempête on tente d’effacer les stigmates laissés par la catastrophe, altérant ainsi la mémoire de l’aléa climatique. Qu’est-ce que les dernières tempêtes nous ont appris sur ce territoire ? La catastrophe provoquée par Xynthia, au-delà des dégâts humains et matériels nous a révélé le degré de


9/128

Représentation du Déluge dans la Bible Saint Augustin, La cité de Dieu, XVe siècle

La Grande Vague de Kanagawa Hokusai Katsushika, 1831

vulnérabilité auquel est exposé la baie de l’Aiguillon. Au lendemain de la tempête nous avons retrouvé les îles géologiques de Charron et également la Dive, Marans, St-Michel-en-l’Herm. Toutes les terres gagnées sur la mer pendant des siècles par le travail de l’homme ont été reprises en une nuit par l’eau. Le phénomène de submersion n’est pourtant pas nouveau. En s’installant dans des zones inondables protégées par un système de défense contre la mer, l’homme s’est rendu vulnérable à l’événement climatique. De plus en plus de régions littorales dans le monde s’exposent à un risque de submersion marine imminent. Cela est du au fait de leur implantation à proximité de l’océan

(<1km du rivage) et à une altitude comprise entre 0 et 10 m au dessus du niveau de la mer. On pense en premier lieu aux Pays-Bas dont 1/4 du territoire est situé sous le niveau de la mer. Mais d’autre exemple viennent illustrer le propos, comme les îles Maldives, Venise, Bangkok, la Nouvelle Orléans2. Paradoxalement à ce risque, on constate une tendance à l’accumulation des populations sur ces littoraux sensibles, voire «sinistrable» (ce néologisme sert à énoncer un sinistre probable ou déjà passé, qui peut à tout moment se reproduire). La submersion marine devient un 2. Malé : 103 693 hab / alt. : 2 m Venise : 270 884 hab / alt. : 2 m Bangkok : 11 100 000 hab / alt. : 2 m Nouvelle Orléans : 350 850 hab / alt. : 60 cm

problème de société lorsqu’elle vient perturber une économie et mettre en danger des populations. Le débat lancé par les experts du changement climatique (GIEC) évoque régulièrement le bouleversement des événements climatiques ainsi que la montée des eaux marines. Si ces phénomènes se confirment, il semble indispensable d’anticiper les évolutions futures des paysages littoraux à court, moyen et long termes. Le cas de Charron dans la baie de l’Aiguillon n’est pas un cas isolé et s’inscrit dans une logique globale. Notons cependant que chaque territoire présente des caractéristiques géomorphologiques différentes (estuaire, baie, delta, etc.) et qu’il est donc nécessaire de bien comprendre les mécanismes qui le fabriquent.


Îlot de Bourg Chapon après la tempête Charron - Février 2010

Maison inondée après la tempête Charron - Février 2010

La relecture du paysage ? Dans le cas de paysages artificialisés, c’est-à-dire fabriqués par l’action et le travail de l’homme, la force naturelle s’impose souvent spontanément et brutalement. Ainsi, les paysages de la baie de l’Aiguillon sont des territoires qui subissent de plus en plus fréquemment les aléas du changement climatique. C’est par la mise en place d’un réseau de digues que l’homme se défend de la mer et tend à protéger les cultures, l’habitat contemporain et les ports des submersions marines. Faut-il continuer à lutter de la même manière face à une montée probable des eaux ? De fait c’est un paysage qui nécessite des investissements coûteux pour les collectivités territoriales. Ne faut-il pas s’adapter au risque naturel et vivre avec la menace à défaut de lutter contre pour dévelop-

per le territoire. C’est en tout cas le parti pris du projet de paysage que je tente d’élaborer. Concilier l’habitat, l’agriculture et la conchyliculture, le tourisme, l’environnement avec la submersion marine et la montée des eaux ! Xynthia, dernière catastrophe en date, doit servir de modèle dans l’approche du paysage de demain. Ce phénomène nous a rappelé cette cohabitation que l’on a avec la mer et finalement l’oubli d’une menace probable. Comment retrouver cette relation à travers le projet de paysage ? Comment garder la mémoire de l’événement dans un projet d’aménagement durable ? Quelle place donner au zones de solidarité : futur territoire du vide et de l’oubli ?

©Libération

©DDTM 17

©DDTM 17

10/128


11/128 Doit-on continuer à lutter contre la mer ?

Positionnement & problématiques L’approche systémique sera privilégiée car elle favorise la correspondance des différentes échelles d’analyses. Les problématiques soulevées dans ce travail de fin d’études s’inscrivent autant à l’échelle du Marais Poitevin qu’à l’échelle du village de Charron. Et la compréhension de l’un est dépendante de la connaissance de l’autre. Par ailleurs la notion de temps est une donnée essentielle à prendre en compte pour développer un projet durable. Depuis la tempête, le paysage sinistré subit des transformations précipitées et malheureusement peu anticipées. On pense par exemple à l’évolution actuelle des zones de solidarité en «zones de l’oubli».

Pourquoi choisir Charron comme site d’application ? Le site de Charron s’inscrit dans une problématique de territoire sensible à la submersion marine étant implanté sur des cordons littoraux au sein d’un ancien marais maritime aujourd’hui transformé en polder agricole. De plus ce village rural de pêcheurs est habité toute l’année : ce n’est pas une ville dortoir où les résidences secondaires se meurent à la basse saison comme c’est le cas à la Faute-sur-Mer ou à l’Aiguillonsur-Mer. L’enjeu d’adaptation à la submersion est d’autant plus fort que la population qui habite ce territoire veut rester et y est fortement attachée culturellement.

Ce paysage de demain est à réinventer, il est une expérience à faire évoluer, à ajuster en permanence.

L’objectif du projet de paysage sera de permettre une adaptation au risque inhérent à ces territoires.

Cette posture confortera la stabilité et le développement des activités socio-économiques intégrées dans la culture du risque de submersion. Par ailleurs ce projet doit permettre une anticipation sur les bouleversements que va impliquer la montée des eaux d’ici la fin du siècle. Les experts du changement climatique du GIEC prévoient une élévation moyenne du niveau de la mer de 1m environ. Quel sera alors l’impact sur des sites comme celui de Charron, et plus largement la Baie de l’Aiguillon, qui sont extrêmement vulnérable à la montée des eaux. La reconverstion des zones solidarité de Charron, définies par l’État suite à la tempête Xynthia, doit servir de point de départ à une stratégie territoriale cohérente, à l’échelle du Marais Poitevin.


12/128

1/5

de l’artificialisation du paysage > Contexte géographique > Formation géologique > La baie de l’Aiguillon : un paysage façonné par l’homme


13/128


D9 D137

50

1750 2000

2250

16

2000 2250 2500

Saintes

17 estuaire de la Gironde

14/128

17

1750

A10

Km 47

0

Sèvre Niortaise

N11

86

Charron

La Rochelle

île d’Oléron

Marans

50

79

La Rochelle

37 N1

Paris

Vendée (85)

17

Charron Baie de l’Aiguillon île de Ré

vers Nantes

> Contexte géographique

2250 2000

50 22 500 2

275 0

00

20

ux

ordea vers B

4h30 (A10) 3h00 (gare de la Rochelle) 1h15 (aéroport de la Rochelle)

2750

À l’échelle du territoire français

À l’échelle départementale

Carte annuelle de la durée moyenne d’insolation (en heures)

Le site de Charron est situé dans le département de la Charente-Maritime (17) : il est limitrophe aux départements des Deux-Sèvres (79), de la Vienne (86) et de la Charente (16). Cet ensemble administratif forme la région du Poitou-Charentes. La façade océanique de la CharenteMaritime offre une côte rythmée par les îles, les presqu’îles et les marais. Ainsi l’île d’Oléron au sud abrite le pertuis de Maumusson, l’estuaire et le marais de la Seudre, ainsi que les marais de Brouage et Rochefort. Plus au nord c’est l’île de Ré qui forme le pertuis d’Antioche au sud et le pertuis Breton au nord. Elle abrite ainsi la ville «blanche» de la Rochelle. Plus au nord encore se déploie l’immense

baie de l’Aiguillon, zone d’estuaire de la Sèvre Niortaise (ou rivière de Marans) et ouverture littorale du Marais Poitevin. Charron occupe ainsi une position d’entrée littorale sur le marais. Il est en effet ancré dans l’estuaire de la Sèvre Niortaise. Cette rivière joue le rôle de limite administrative entre les départements de la Vendée au nord et celui de la Charente Maritime au sud. Cette limite administrative divise et multiplie les gestionnaires du Marais Poitevin qui s’étend sur les deux départements. Charron est le premier village que l’on rencontre lorsque l’on passe du nord au sud de la Sèvre Niortaise, par la route littorale (route de Luçon,

D9). Cependant le village reste isolé des axes principaux dont la D137 qui passe par Marans et qui traverse le marais, permettant ainsi de joindre en 1h30 en voiture la Rochelle à Nantes. L’attrait de cette région est d’abord celui du littoral qui offre de nombreuses possibilités balnéaires, tant sur le continent que sur les îles. Par ailleurs les paysages de marais originellement dédiés à l’agriculture attire de plus en plus de touristes en quête de paysage «naturels et sauvages». De plus la façade océanique de la Charente-Maritime à pour avantage d’être bien ensoleillée toute l’année (en moyenne 2250 heures/an).


ay

le L

Marais Poitevin

océan Atlantique

île

de

ais iort

Marans Charron Esnandes

re N

pertuis Breton

e

l’Aiguillon/mer Sèv

la Faute/mer

n Ve

l’Autize

e

la

la Rochelle

pertuis d’Antioche

À l’échelle du Marais Poitevin

Le Marais Poitevin appartient administrativement aux départements de la Vendée, des Deux-Sèvres et de la Charente-Maritime et ainsi aux régions des Pays de Loire et du Poitou-Charentes. La décentralisation de l’organisation administrative du territoire complique la gestion du marais. Sous l’Empire, tout ce qui concernait les polders était soumis à une administration unique. La gestion de ces paysages ne peut s’exercer utilement que de façon collective. Le Marais Poitevin se déploie d’est en ouest autour de la Sèvre Niortaise dont l’estuaire forme la baie de l’Aiguillon. Cet ancien marais maritime est aujourd’hui complètement artifi-

cialisé, il a progressivement était maîtrisé par les actions d’assèchement et l’acharnement de l’homme, essentiellement depuis le XIe siècle. Cette entité à part entière est l’objet de convoitises, de sur-exploitation, de sur-protections et semble aujourd’hui stagner dans un système de gestion complexe. L’interdépendance qui permet de faire coexister des milieux différents n’est pas à négliger car le marais est un tout qui subit les interactions entre écosystèmes sur l’ensemble de son territoire. Ainsi la compréhension du village de Charron ne peut se faire sans la connaissance des mécanismes inhérents au Marais Poitevin. L’approche systémique de ce terri-

toire permet de décortiquer les différents éléments qui fabriquent les paysages du marais.

15/128


ise io rta

Écluses du Brault

N

Port de Garde

D9

Sè vr e

16/128

îlot de Bourg Chapon

Richebonne

Port du Pavé

îlot de Charron

îlot du «Cravans»

Baie de l’Aiguillon

Ro e

ell

ch m)

5k

(1

la Roc helle

la

D105 (15km )

D9


Canal ma ritime de Marans 17/128

Ca

nal

de Ca

la

Ba

nch

na

e

ld

el

aB

Ca

run

na

D10

5

ld

e

el

ver

aB

rie

sM

ara

ns (

10

km)

Contexte géographique à l’échelle du village de Charron

îlot de la «Palle»

n 0m

250m

100m

500m

Le village de Charron est originellement implanté sur d’anciens cordons littoraux de calcaire appartenant au Jurassique supérieur. Les îlots calcaires au nombre de quatre émergent aujourd’hui dans un territoire de polders essentiellement dédiés à l’agriculture. Pour une part ils sont habités et pour d’autre cultivés. Cette petite société insulaire est constituée de travailleurs de la mer (pêcheurs, mytiliculteurs), d’agriculteurs et d’éleveurs ou encore des néoruraux en quête de bout du monde. C’est en effet le sentiment que l’on a lorsqu’on arrive à Charron. Sa position dans la partie la plus encaissée de la baie de l’Aiguillon,

au niveau de l’estuaire de la Sèvre Niortaise lui confère un caractère maritime tout en étant contraint par un réseau de digues qui empêche les vues sur la mer. Le village comptait 2200 habitants avant la tempête Xynthia. La commune occupe une superficie de 37,54 km2, dont une bonne part est consacré à l’agriculture intensive ou au pâturage extensif. Le village est intégré à la communauté de communes du Pays Marandais, malgré sa position maritime qui le rapproche par conséquent de la Communauté d’Agglomération de la Rochelle (CDA).


> Formation géologique plaine vendéenne

A Grues

18/128

Triaize

St-Michelen-l’Herm

l’Aiguillon-sur-Mer la Faute-sur-Mer

la Dive

Marrans e èvr

Charron

la S

ise

r ta

Nio

Marais Poitevin

1

Golf du Poitou B 2 3 île de Ré

la Rochelle plateau d’Aunis

La genèse des paysages du Marais Poitevin est le résultat d’une succession de transgressions marines qui ont progressivement modelé la dépression qui accueille aujourd’hui le marais. L’usure des matériaux géologiques par l’évolution du niveau marin ainsi que l’apport de matériaux fins par les rivières ont graduellement comblés le fond de la dépression. On retrouve de cette époque géologique d’anciennes bordures littorales calcaires qui sont la plaine vendéenne et le plateau d’Aunis ; de nombreux cordons littoraux qui étaient autre-

fois des îles (Charron, la Dive, Marrans, etc.) aujourd’hui occupés par les nombreux villages du marais. L’emprunte géologique de cette ancienne mer intérieure (mer des Pictons) a été graduellement transformée sous l’action de l’homme, favorisée par le développement de la technique et l’évolution des pratiques. Le clivage de rapports entre l’homme et la nature sera décisif dans le devenir de des paysages du Marais Poitevin. La connaissance de l’histoire géologique de ce territoire permet avant

L’époque d’une mer intérieure IVe siècle avant Jésus-Christ

Marais Estran Dune Bordures et îles calcaires

tout de comprendre quels sont les mécanismes et les transformations qui s’opèrent lorsque la mer monte et finalement quelle est la marge de manœuvre valable pour les population qui y vivent.


19/128

1

Îlot calcaire : île de la Dive

2

Falaises calcaires Environ de la Rochelle

3

Plaine calcaire de l’Aunis Sud du Marais Poitevin

A

es Es na

nd

n rro ha

Anse de l’Aiguillon

C

Di ve la

S en t-Mi -l’H ch er elm

ru es G

S du t - D -Pa e n yr i s é -

Coupe schématique nord-sud de la géologie

B

1-2%

Calcaire argileux (Jurassique)

*

groie : désignation d’une terre argilo-calcaire dans le sud-ouest

* bri : terre argileuse constituée par les alluvions fluvio-marines du marais

Alluvions marines argileuses à Scrobiculaires Faciès marneux et limoneux Surface post-tertiaire Surface de dépôt Holocènes


le La y

> La baie de l’Aiguillon : un paysage façonné par l’homme

20/128 la Faute/mer

l’Aiguillon/mer

la Sèvre Nior

île de la Dive

pertuis Breton

Marais Poitevin

taise

Marans

baie de l’Aiguillon

île de Ré

la Rochelle

pertuis d’Antioche

L’installation de l’homme dans le marais va contribuer à son artificialisation et à la fabrication de nouveaux paysages : les polders. On trouve des traces anciennes d’occupation des îles du marais dès le paléolithique. Mais c’est au Moyen-Âge que les grands travaux de drainage et d’assèchement vont être initiés. La partie extrême de la baie autrefois occupée par la mer se transforme peu à peu en baie marécageuse couverte la plupart du temps par de l’eau saumâtre (lagune).

L’arrivée des moines et la construction d’une trentaine d’abbayes va accélérer le processus de poldérisation de la baie. Les autochtones de l’époque avaient amorcé la construction de «digues» basés sur le modèle des pièges à poisson. La mise en place d’un réseau de canaux, chenaux et fossés a permis très rapidement aux paysans de mettre en culture les terres du marais. Les premières prises (ou lais) furent réalisés sur des zones d’atterrissement naturel chargés de limons.

Les prémisses de la poldérisation Xe siècle

Marais Estran Dune Bordures et îles calcaires

* pertuis : petit détroit entre une île est un continent


Mobilité des territoires à travers les cartographies anciennes

îlots de Charron

21/128

0km

1km

2km

n

500m

Carte de Cassini XVIIIe siècle

Les îlots de Charron sont encore dans une zone de marnage non contrainte. Les premiers polders apparaissent à proximité de Marrans au sud de Charron, ainsi qu’en Vendée.

Port du Pavé

0km 1km 2km 500m

îlots de Charron

n

Carte de l’État Major La rive droite de la Sèvre Niortaise est poldérisée. À cette époque le port du Pavé est situé sur la pointe de l’îlot nord de Charron. XIXe siècle


Création successive des polders

22/128 île de la Dive

Charron Baie de l’Aiguillon polder récent (1960)

projet non abouti de fermeture de la baie (1960)

Plus tard, au XVIIe siècle, le pays fera appel aux finances et à l’ingénierie hollandaise. Ces aménageurs ont fortement laissé leur empreinte dans le paysage du marais. De nombreux ouvrages, digues, canaux, polders témoignent de cette période de structuration et de construction du marais (ex. «le canal des Hollandais»). Cette période d’essor voit augmenter le nombre de parcelles cultivées et la diversité d’activités associées au marais. Ce qui a motivé la conquête de terres sur la mer c’est avant tout la productivité que cela générait tant pour

l’homme (céréales+légumes) que pour le bétail (fourrage+pré salé). Malgré la vulnérabilité de ces paysages, sensibles aux inondations hivernales le travail de drainage effectué par les paysans ne cesse de s’intensifier. De fait, un hectare dans le marais desséché produit 20% de plus qu’un hectare dans les plaines de Vendée ou de l’Aunis et la valeur des terres y est généralement 1/3 supérieure. La proximité de la Sèvre Niortaise favorise le transport de la production. Dans un contexte plus large on

constate que le siècle des Lumières encourage finalement la poldérisation et l’exploitation intensive des terres. Il est en effet considéré à cette époque que «la seule classe productive de valeur est celle des paysans, qui sont rémunérés par leur travail et que cette valeur est créée par la terre».

* prises sur lais de mer : dénomi-

nation spécifique au Marais Poitevin désignant le polder


La conquête sur la mer depuis l’origine à l’artificialisation du paysage

eau

niv

Les prises datées montrent la progression des terres surtout rapide dans le nord-ouest de l’anse. La forme des prises dessinant des formes géométriques le long des chenaux traduit l’adaptation du tracé des digues à l’existence d’avancées du schorre. Les travaux de la seconde moitié du XXe siècle consistèrent en un aménagement de l’hydraulique afin de faciliter l’écoulement des crues et l’irrigation des cultures et de limiter la pénétration des eaux salées.

de

in ple

em

ive

ev

er d

ea

aire

rdin

rao

xt ue

1

23/128 2

Début de l’anthropisation

Premières installations humaines sur les anciens cordons. Agro-pastoralisme + pêche + chasse. L’homme conquiert le milieu naturel.

3

Au cours des années 1960, le génie rural réactualise un projet d’envergure, celui de fermer et poldériser la baie de l’Aiguillon dont la superficie «exploitable» serait de 4000 ha. Il était alors prévu d’y installer un lac de 3000 ha destiné à retenir l’eau douce lorsqu’elle est surabondante pour la restituer au moment de la pénurie. René Talureau (ingénieur général du génie rural de l’époque) proclame «l’œuvre réalisée dans la région restera, aux yeux de l’histoire, une œuvre incomplète, un édifice inachevé, s’il n’est pas possible de le couronner par cette fermeture». L’opposition farouche des mytiliculteurs appuyés par la Cour des comptes entraînera l’abandon du projet.

Marais maritime

Schorres inondés à chaque grande marée Biomasse élevée. Milieu 100% naturel.

Début de la poldérisation

Construction de digues sur le modèle de pièges à poissons. L’action humaine sur le marais favorise le colmatage et de la sédimentation. Modification du paysage = assèchement du marais.

4

Le polder agricole

Endiguements plus vastes qui s’affranchissent des conditions naturelles. Accroissement des terres cultivables. Intensification et développement des techniques agricoles. Maîtrise du système hydraulique.


24/128

2/5 un

territoire maîtrisé ?

> Le Marais aujourd’hui : des pratiques et des paysages > Gestion & protections


25/128

vue axonométrie «sensible» des îlots de Charron


> Le marais aujourd’hui : des pratiques et des paysages plaine Vendéenne

le

y

La

Triaize St-Michelen-l’Herm

26/128 la Faute-sur-Mer

Marais Poitevin

l’Aiguillon-sur-Mer Marrans

La Sè vre N iortais

e

Charron Pertuis Breton

Esnandes

la Rochelle île de Ré plateau de l’Aunis

Pertuis d’Antioche

sm ar ai

Les zones de marnage chenaux + basse mer

Les unités géographiques bordures et îles calcaires

hautes et basses slikkes : zone de marnage

marais desséché

schorre : couvert par les grandes marées

marais intermédiaire

sd ai

50%

es

ch

é

M

30%

M ar

Marais Poitevin 100 000 ha

ou

illé

M

20%

ar ai

si nte

rm

éd

ia ire

Carte des paysages du Marais-Poitevin

Le paysage artificialisé Polders + digues Canaux + rivières

marais mouillé dunes


27/128 La Sèvre Niortaise au niveau des écluses du Brault décembre 2011

Les paysages actuels du marais se déclinent en trois unités distinctes qui sont le marais mouillé dans la partie la plus encaissée à l’est, le marais intermédiaire (marais partiellement desséché) et le marais desséché (polder agricole). L’ensemble du Marais Poitevin est drainé par la Sèvre Niortaise et le Lay, entre lesquels se déploie une vaste trame de canaux. À l’ouest s’ouvre la baie de l’Aiguillon, zone d’estuaire de la Sèvre Niortaise et du Lay et entrée littorale du marais. Le Marais Poitevin couvre une superficie d’environ 80 000 ha. Les anciens cordons littoraux (îlot calcaire) constituent aujourd’hui des buttes plus ou moins surbaissées (StMichel-en-l’Herm, Charron, Marans, la Dive, ...) qui accueillent le site de la plupart des villages du marais. Le Marais Poitevin et la baie de l’Aiguillon se définissent aussi par les activités qui contribuent à fabriquer

ces paysages singuliers. L’agriculture (céréaliculture) ainsi que la conchyliculture (mytiliculture) sont les grandes dominantes de la production directe du marais. Néanmoins on constate un conflit d’usages entre les activités associées à la terre et celle qui dépendent de la mer. En effet l’intensification de l’agriculture céréalière très consommatrice d’eau douce et très productive d’intrants agricoles dégradent de façon non négligeable la qualité des eaux de drainage évacuées dans la baie de l’Aiguillon. Et la qualité de la production mytilicole dépend directement de la qualité des eaux de rejet ainsi que des eaux marines. Peut-on envisager un équilibre entre ses deux activités qui contribuent à fabriquer l’identité du marais ? Et-il, sur le long terme, envisageable de faire coexister ces deux activités de façon pérenne et en continuant à fabriquer des produits de qualité ? La mytiliculture (conchylicuture en

générale) est complètement tributaire de la qualité des eaux de rejet dans l’estuaire de la Sèvre Niortaise. Hors il dépend donc de la part des acteurs qui travaillent avec la terre de considérer l’impact des activités sur la qualité de l’eau. L’aménagement hydraulique peut pallier légèrement à se dysfonctionnement mais s’est bien dans les pratiques culturales qu’il faut agir. La valorisation d’un produit (moule de Bouchot) par de bonnes pratiques culturales met en évidence l’interdépendance des activités du marais et contribue ainsi à la revalorisation de ces paysages. Par ailleurs on rencontre des activités de consommation comme la chasse à la tonne (gibier d’eau), la pêche, l’éco-tourisme. Aborder ce territoire d’interdépendances dans son emprise globale c’est comprendre ses mécanismes, ses fonctionnements, ses rythmes et favoriser le développement d’un projet cohérent.


Triaize

Puyravault la Dune

le Vignaud

Champagné-les-Marais

Saint-Michel-en-l’Herm

tai se

28/128

ior

digue nord de Charron

Sè vre N

île de la Dive

Anse de l’Aiguillon

1

2

e digu

îlots de Charron

t de oue s

pointe de l’Aiguillon

ro Char n

Marais Poitevin (polders agricoles) Bordures et îlots calcaires Digue (argile ou enrochements)

Esnandes


©Antoine Seiter

Un système de défense contre la mer et les inondations

1

Digue d’argile restaurée après la tempête Xynthia de 2010 Polder des Petites Mizottes à Charron

29/128

2

Cordon d’enrochement Route sur digue, la Prise du Bois à l’Aiguillon-sur-Mer

bot (digue bordée de canaux) schorre

achenal (canal)

hauteur de la digue avant Xynthia

contre-bot (fossé)

polder

Détail technique de la digue d’argile Ces deux typologies de digues (cf. photos ci-dessus) constituent un dispositif censé être hermétique, qui protège les habitations et les cultures des grandes marées ainsi que des inondations provoquées par les tempêtes et les crues exceptionnelles (submersion marine). La digue en argile est réalisée avec des matériaux présents dans la partie superficielle du sol (argiles marines prélevées dans le schorre) qui sont compactés puis semés d’une végétation halophyte. Les îlots de Charron sont protégés d’une part par la digue ouest (digue

d’argile située sur la façade ouest) et d’autre part par la digue nord (digue d’argile qui longe la rive gauche de la Sèvre Niortaise). La tempête Xynthia a révélé une surcote anormale de la marée haute (+1,53m à la Rochelle), qui a provoqué un débordement par dessus l’ouvrage de protection existant et a ainsi submergé les polders situés à l’arrière de la digue. Au moment de la tempête la digue atteignait alors une hauteur de 4m ngf. Depuis cet événement, les ouvrages ont été rehaussés à 5,20m ngf. Les experts du changement clima-

tique du GIEC prévoient une élévation du niveau moyen de la mer de 1m à la fin du siècle. Par ailleurs il est aujourd’hui probable que la tempête Xynthia n’est pas un événement isolé. L’histoire des catastrophes témoigne de nombreuses tempêtes avec submersion depuis le XIVe siècle (premières traces écrites). Ainsi on se pose la question de l’efficacité et du coût d’entretien à long terme du système de défense contre la mer si le niveau de la mer augmente et si la fréquence des tempêtes accompagnées de submersions augmente ? (v. infra in Partie 5)


30/128

Centre de Kobe (Japon), port et polders de la zone industrielle

Vue satellite de Dubaï et de ses îles artificielles

Le Flevo - polder aux Pays-Bas

Si l’homme s’est efforcé à gagner des terres sur la mer pendant des siècles c’est avant tout pour la valeur économique générée par leur exploitation. Mais aujourd’hui ces territoires sont en sursis. L’agriculture intensive appauvrit les sols ; ils sont menacés par la montée des eaux, ce sont des territoires chers à entretenir pour les collectivités, l’État et l’Europe. C’est un modèle qui s’essouffle si on considère le rapport entre le coût de l’entretien des infrastructures (digues, canaux,...) et la valeur économique générée par ses territoires (le polder, cf. indice pour évaluer l’opportunité de conquête).

une avancée des terres sur la mer. La pression démographique, les activités portuaires, le tourisme balnéaire ou l’agriculture sont des facteurs qui poussent les sociétés contemporaines à poldériser. Ce ne sont pas uniquement des pays développés, on pense ainsi à Dubaï, au Japon, aux Pays-Bas, etc. Mais que représentent les polders de nos jours ? Le polder est un espace géométrique, voire contraint, constitué de digues et d’un réseau hydraulique perfectionné. Ce lieu immobilisé dans ses limites et entre autre voué à l’agriculture intensive. Le paysage des polders en Europe représente une surface 15 000 km2. Le polder se caractérise par un paysage où le regard est constamment bloqué par un obstacle : la digue qui empêche de voir la mer.

Le polder ne révèle que rarement des traces du milieu naturel marin. C’est aussi un lieu où la présence du ciel est prépondérante, rythmé par le ballet incessant des nuages venus de la mer. La végétation arbustive et arborée n’apparaît que le long des canaux et près des fermes.

Paradoxalement on assiste à une poldérisation contemporaine dans les pays où d’autres pressions que celles énoncées précédemment imposent


31/128

Polder avant la tempĂŞte Charron - octobre 2011


32/128

La gestion hydraulique du marais

Canaux et rivières (255 km dont 150 km navigables) Écluse (16) Barrage (65)

Le Marais Poitevin existe tel qu’il est aujourd’hui grâce au système de drainage développé depuis des siècles (XIe siècle) afin de recueillir les eaux dans des petits canaux qui aboutissent eux-mêmes à des plus grands dans un système hydrographique très contraignant. Dans le cas du Marais Poitevin on rencontre parfois un système hydraulique «direct» qui permet à l’eau de transiter directement par des canaux d’un marais à la mer. Les ouvrages d’étagement des plans

d’eau sont des vannes, des martelières ou des batardeaux qui peuvent être complétés par des pompes pour accroître l’assèchement des polders et des marais. L’usage des pompes et des drains enterrés s’est surtout développé au XXe siècle.

1/ Porte à flot sur le canal de la Banche : ouverture à marée basse qui permet l’écoulement des eaux de l’amont. 2/ Vanne du canal de la Brie qui permet de maintenir les niveaux d’eau dans le canal et empêche l’entrée d’eau salée. 3/ Écluses du canal du Curé (idem) 4/ Martelière aux écluses du Brault (Charron) 5/ Croisement entre un porte-eau d’irrigation et un fossé d’assainissement 6/ Pompe de relèvement à Charron utilisée dans le drainage agricole 7/ Chenal du Curé dans la baie de l’Aiguillon : reçoit les eaux salées de la mer et l’eaux issue du drainage des polders 8/ Canal maritime de Marans


1

2

3

33/128

4

5

7

8

6


Écluses du Brault Canal ma ritime

port de Garde

Ca

na

ld

uG

rav

an

s

Ca

na

ld

e la

Ba

nch

Ca

na

Richebonne

34/128

port du Pavé

de Maran s

e

ld

e la

Ca

na

Brie

ld

e la

Bru

ne

îlot de Bourg Chapon

îlot de «Cravans»

digues

schorre

îlot de Charron

îlot de la «Palle»

hautes slikkes

La gestion hydraulique à l’échelle du site de Charron Le réseau hydraulique extrêmement dense dans les polders autour des îles de Charron constitue un maillage de canaux, fossé et chenaux plus ou moins larges et témoignent d’une maîtrise de l’eau sur ce territoire. Ils permettent ainsi l’assainissement des polders, favorisant la mise en culture des terres, principalement dédiées à la céréaliculture et au pâturage de bovins et d’ovins. Cet ancien marais maritime révèle des traces de l’ancienne zone intertidale (milieu affecté par la marée). On retrouve notamment les traces d’an-

ciens chenaux (cf. photo secteur des Salines à Charron). La sinuosité des fossés est héritée d’anciens chenaux autrefois exploités par les sauniers. Les canaux se caractérisent par leur linéarité et leur rectitude, ce sont de véritables césures dans le paysage linéaire du polder. Toujours en eaux, ils permettent l’écoulement des eaux d’assèchement issue des polders. Les chenaux sont les derniers maillons avant le rejet dans la baie. Ils présentent un caractère sinueux et une végétation halophyte, car ils sont soumis à la variation des marées.

Anciens chenaux (en pointillés) effacés par la création du polder (ici à Charron).


©Antoine Seiter

Fossé de drainage Secteur des Saline (Charron)

Canal secondaire de drainage Les grandes Mizottes à Charron

Chenal d’évacuation des eaux issues du drainage des polders vers la baie La Chaudière à Charron

berge maintenue par des pieux en bois

joncs

cultures

saule, frêne

2,5m 0,8m

0,8m

2m

0,5m

pompe de relèvement

Fossé de drainage agricole

Fossé secondaire de drainage

35/128

Canal de drainage au bord d’une route

saule, peuplier

jonc 6m végétation halophyte : obione, pucinelle, soude maritime 2,5m

4m 2,5m

Canal navigable (ex. Le Curé)

Chenal


3 ha

36/128

La Sèvre Niortaise dans le village de Coulon

Le marais mouillé

un paysage composé par l’eau

Bocage de frênes et saules têtards fossé de drainage + roselière parcelle gérée en pâturage extensif éco-tourisme (visite du marais en barque)

Marais mouillé dans les environs de Coulon

Le marais mouillé est resté longtemps inhabité car soumis à des inondations persistantes non maîtrisées par l’homme. La partie la plus encaissée du marais est constituée de tourbes (tourbières à carex, typhas, phragmites et fougères). Le développement du drainage et des aménagements hydraulique a permis progressivement d’assécher les terres pour l’agriculture et le pâturage et ainsi restreindre les zones de tourbières. Le marais mouillé se compose d’un paysage très boisé (bocage d’arbres têtards) où l’eau occupe une place fondamentale. Aujourd’hui cette partie est la plus «identitaire» du Marais Poitevin. Elle constitue la région touristique de la «Venise verte» dédiée principalement à l’éco-tourisme.


70 ha

37/128

Canal du Gravans, Richebonne (Charron)

Le marais desséché

un paysage dédié à l’agriculture intensive

digue d’argile haie bocagère peu développée agriculture intensive (céréaliculture) fossé de drainage élevages bovin et ovin

Polder agricole (Charron)

Le marais desséché est très étendu (50 000 ha), il occupe la moitié de la superficie totale du Marais Poitevin. Il se caractérise par un paysage plat, extrêmement monotone, composé d’un parcellaire géométrique fragmenté ponctuellement de canaux et de fossés rectilignes. Dédié principalement à l’agriculture intensive (céréaliculture) il était autrefois occupé par la mer. Les principaux canaux qui le parcourent étaient jadis des étiers soumis à la marée. Ils servaient à alimenter en eau de mer les nombreux marais salants qui bordaient, entre autre l’îlot calcaire de Triaize et de Champagné-les-Marais. Le marais mouillé est indispensable à l’équilibre du marais desséché, il constitue le bassin de retenue ou le réservoir d’eau douce selon les saisons.


Agriculture intensive et élevage

Occupation du sol dans le Marais Poitevin en 2004 Surfaces en herbe Maïs Céréales et oléoprotéagineux Autres surfaces agricoles

38/128 baie de l’Aiguillon

©www.info-marais-poitevin.com/occupation-sol

Le territoire du Marais Poitevin est cultivé à 80% de sa superficie totale. Si l’agriculture permet le maintien de celui-ci c’est avant tout la première activité économique du marais. À l’heure actuelle, la rentabilité et la pérennité des exploitations sont assurées par les grandes cultures dans des systèmes de polycultureélevage ou des systèmes céréaliers. On déplore l’intensification des cultures monospécifiques (céréales, maïs) au détriment de la polyculture depuis les années 1970. Cependant il faut noter que l’exode rural du début du XXe siècle avait inversé la tendance actuelle (déprise agricole du marais à cette époque). Sur un plan technique les grandes cultures peuvent êtres des compléments aux systèmes prairiaux et aux activités d’élevage (paille pour la litière). Sur le plan économique

et financier, c’est pour le moment le modèle agricole favorisé par les lobbies, qui prônent la rentabilité et de l’équilibre financier des exploitations. Sur une exploitation où les surfaces cultivées représentent 50% de la superficie totale, ces surfaces cultivées dégagent plus des 2/3 de l’EBE (excédent brut d’exploitation). Sur les 60 000 hectares de prairies naturelles humides cartographiés en 1973, quelque 33 000 hectares avaient disparu en 1990, au profit des cultures céréalières. Ainsi la France a été condamnée par la Cour de Justice Européenne le 25 novembre 1999 pour insuffisance de protection dans le Marais Poitevin au regard de la directive «Oiseaux», mettant en avant la disparition des prairies naturelles. Aujourd’hui ce milieu occupe 37243 ha du marais pour 47727 ha de terres cultivées.

Occupation des sols dans le Marais Poitevin entre 1970 et 1990 : disparition progressive des prairies naturelles

1970

1990 d’après SATEC Développement, 1991

prairie naturelle cultures Moyenne des prix d’une parcelle en 2010 marais poitevin : 2580E/ha plateau d’aunis : 3520E/ha Prix des prés : 2330E/ha (marais poitevin) 3460E/ha (plateau d’aunis)


39/128

polder agricole dédié à la céréaliculture (les grandes Mizottes à Charron)

Depuis la crise de l’élevage bovin vers la fin des années 1970, une reconversion systématique en cultures céréalières intensives après drainage, ruine définitivement la valeur biologique de ces marais, tant pour la flore endémique halophyte, que pour la faune liée à la position littorale de ces marais sur un des principaux axes de migration de l’ouest de l’Europe. Le maintien de l’élevage bovin et ovin dans le marais aujourd’hui en sursis et pourtant nécessaire à la sauvegarde des milieux prairiaux. Selon les éleveurs, leur activité n’est plus rentable dans le contexte actuel. Quel avenir peut-on envisager pour l’élevage dans le marais ?

pâturage dans le polder des Prés Cornut (mouton de prés salés)

Exploitations sur la commune de Charron : (inventaire INSEE Poitou-Charentes de 2000) • • • •

24 exploitations (36 en 1998) Superficie agricole utilisée : 2070 ha Terres labourables : 1492 ha 494 vaches

pâturage bovin dans le polder de la Cabane de Charron (charolaise et maraîchine)


9 ha

40/128

Parcelle en fermage (Château de Charron)

Le marais intermédiaire

paysage caractéristique du village de Charron

digue d’argile haie bocagère (Salix, Crataegus, ...) fossé de drainage urbanisation contemporaine

prairie pâturée (ovins ou bovins) schorre (végétation halophyte)

Pâture (route dir. Château de Charron)

Le marais intermédiaire est caractéristique des paysages dans lesquels s’inscrit le village de Charron. Ces anciens marais mouillés ont subit un aménagement hydraulique favorisant leur drainage et ont souvent été associés à un remembrement foncier. Malgré ces transformations violentes, on retrouve dans certaines zones la présence de l’eau en surface, notamment au niveau d’anciennes salines. La végétation souvent dense au niveau des zones humides compartimente l’espace en parcelles de petite taille (moins de 10 ha) en comparaison aux parcelles agricoles du marais desséché. De plus ces marais sont susceptibles de recevoir des crues hivernales. Cela a été le cas lors de l’inondation provoquée par la tempête Xynthia en février 2010 avec une hauteur d’eau de plus de 2 mètres dans les zones les plus basses.


41/128

Les marais des Salines / vue sur Bourg Chapon


42/128

Chenal secondaire dans les basses slikkes

Chenal principal dans les hautes slikkes

Herbus du schorre (joncs, obione, ...)

La vasière

chenal secondaire chenal digue d’argile

schorre slikke mytiliculture sur pieux de bouchot eau salée (mer) + eau douce (Sèvre Niortaise et eau de drainage)

Porte d’entrée littorale du Marais poitevin, la baie de l’Aiguillon, classée réserve naturelle, s’étend sur 5000 hectares. Elle est le théâtre des fluctuations des marées et révèle une étendue de vase (slikke et schorre) qui fabrique des paysages presque «lunaires». Elle est le lieu de rencontre des eaux continentales avec la mer. On y rencontre ainsi des espèces halophytes essentiellement composés par la strate herbacée (herbus du schorre et des hautes slikkes). Les «travailleurs de la mer» (ou mytiliculteurs) se sont appropriés cette baie pour y cultiver la moule de bouchot. Les moules placées sur des pieux, se développent dans le slikke où elles puisent les éléments nutritifs nécessaires à leur croissance.


vanne de la pointe aux herbes vanne de l’Épine

vanne des Wagons

le Gros Coin

le R

port du Pavé

43/128

nal

eau otur

che

chenal de Luçon

la Dive

vieu x

îlots de Charron

tai ior N vre

vanne du canal du Curé

d’après Zones humides du littoral français/Fernand Verger

la

ue la Raq

se

vanne de la Raque

Pointe de l’Aiguillon

ndes

a l d’Esn

chena

Esnandes

conchyliculture (moules sur pieux de bouchot) Pertuis Breton

La vasière de l’Anse de l’Aiguillon Bordure du marais et îles Polder Schorre Estran sablo-vaseux Hautes slikkes Basses slikkes bouchots dans la baie

Fonds ne découvrant jamais

*

slikke : du terme néerlandais «slijk», signifiant vase ou boue. La slikke est la partie inférieure de l’estran, celle qui est la plus souvent inondée ; à chaque marée haute, même de morte eau.

*

schorre : du terme néerlandais «schor», c’est la partie supérieure des étendues intertidales, faite de sédiments fins accumulés par les pleines mers et couverte d’une végétation halophile.

* mizotte : terme local désignant le schorre, celui développer à proximité des digues


Charron

Courants à marée descendante dans le pertuis Breton 44/128 île de Ré la Rochelle

Apport d’eau douce dans le pertuis Breton (traces de dessalure, marée haute, coef. 120)

L’incidence écologique des marées ne se limite pas à l’étagement des peuplements littoraux car la propagation de l’onde interfère avec la configuration topographique du bassin où elle chemine. La marée provoque en effet le déplacement de masses d’eau considérables et engendre un ensemble complexe de courants littoraux alternatifs. «La baie connaît un apport sédimentaire important alimenté autant par les rivières que par la mer (le dépôt de vase varie selon les lieux mais peut atteindre 18 cm par an). Ce processus de sédimentation influe directement sur la typologie du milieu naturel et notamment de la struc-

ture des slikkes et des schorres. La baie de l’Aiguillon, au niveau naturel constitue un wadden, il est soumis au régime de balancement des marées et est constitué de vastes estrans faits d’un sédiment de fine granulométrie. Cette baie de 50 km2 au débouché de l’estuaire de la Sèvre Niortaise et du Marais Poitevin connaît un inexorable comblement. Ainsi 70 millions de m3 ont été apportés entre 1860 et 1960. Les dépôts sont plus élevés dans la partie supérieure de la haute slikke, phénomène accentuée par la végétation pionnière à spartine, que sur le schorre ou dans les parties basses de la haute slikke. La moyenne mensuelle de dépôt est de l’ordre de 1

mm sur le schorre typique, 4 mm sur la marge maritime du schorre, 8 mm dans la zone intermédiaire slikke-schorre et de 4 à 7 mm sur la haute slikke. Ce colmatage de l’anse est accentué par l’action de l’homme qui a construit des digues ; en effet, il diminue le volume d’eau qui pénètre dans l’anse et en sort à chaque marée, et favorise à son tour, la progression de la flèche littorale de l’Aiguillon, favorisant la sédimentation par dépôt de vase très fine à son arrière. L’essentiel du dépôt des vases fines se produit lors de l’étale de pleine mer. Par ailleurs l’envasement de la baie de l’Aiguillon est favorisée entre autre par la conchyliculture, soit les tables à huîtres et les bouchots. Ces


Avocette élégante

polder

fossé

réseau fasciculé

Bernache cravant (migrateur)

ancienne digue

Pluvier argenté

bouchots

chenal majeur digue

Bécasseau variable

basse slikke schorre tables ostréicoles

haute slikke

45/128

Courlis cendré

10-20‰

0,3-1‰

Schéma des milieux de l’Anse de l’Aiguillon

installations favorisent le dépôt de vase en brisant l’énergie des courants et de la houle (de 50% au moins). Par ailleurs le mucus rejeté par les mollusques après filtration de l’eau de mer contribue à accroître le taux de sédimentation et assure la stabilité des vases. Ainsi on constate un exhaussement de 1 à 2 cm par an qui peut compromettre à brève échéance les installations de conchyliculture qui finissent par s’envaser et doivent être déplacées vers le large».1 La baie de l’Aiguillon offre des terrains particulièrement attractifs pour 1. D’après BOURNÉRIAS M. ; Guides naturalistes des côtes de France : La côte atlantique entre Loire et Gironde

les oiseaux. La vasière littorale avec sa faune benthique abondante (organismes aquatiques), la végétation halophile et basse des schorres, les plans d’eau salée et douce des marais, les canaux, les roselières fournissent des sites propices à la nourriture, au repos ainsi qu’au nichage de l’avifaune. Il s’agit aussi d’une zone d’escale importante pour les oiseaux d’eau migrateurs. Bordant 3700 ha de vasière, les près salés occupent plus de 1100 ha et ont tendance à s’étendre. Ces espaces placés en réserves naturelles présentent une large diversité de peuplements.

*

wadden : ensemble de l’étendue intertidale des estrans faits de sédiments fins des mers à marée, sans y inclure les schorres.


Travailler avec la mer : la production des moules de Bouchot

60 mm

1

La Ponte

développement des larves métamorphose + fixation Larves véligères Larves trochophores 2

Le Captage

Mytilus edulis

46/128

5

Distribution

Après un an sur le bouchot, les moules sont cueillies mécaniquement sur le bateau pour être lavées, triées et conditionnées pour l’expédition et la vente.

4

Cordes en fibres de coco = support aux larves

• vente directe • vente sur les marchés, super marché La moule de bouchot est désormais commercialisée sous l’appellation «LA CHARRON». Cette marque est la propriété du Syndicat Mytilicole de Charron.

La Récolte

Récolte des naissains lorsque les pieux sont trop chargé : - anticiper l’arrivée des tempêtes - maîtriser la densité des moules sur le pieu

naissains bouée

3

flotteurs

Le Boudinage

filières en pleine mer

amarrage

1 à 2 rangée de moules

filet-tube

- Les jeunes moules (nouvelains) sont introduites dans un filet-tube. - Le boudin est ensuite entouré autour du pieu. - Les moules sortent du filet et se fixent, les plus fortes se développant à l’extérieur du pieu. - Il faudra éclaircir de nouveau les pieux jusqu’au développement de tous les individus.

pieux de bouchot dans la vasière

Temps de développement : •12 à 14 mois pour les moules de bouchot • 8 à 10 mois pour les moules de filière

Rendement d’un pieu : 15 à 60 kg (moyenne de 30 kg) Prix de vente : +/- 2E/kg

Le catinage consiste à entourer les pieux de filets pour que les moules ne soient pas emportées par les tempêtes. Les algues sont enlevées régulièrement et les invasions de prédateurs surveillées.


47/128

Charron - Boucholeurs arrivant des bouchots


48/128

Port de mouillage du Pavé

Port de Garde dans les derniers méandres de la Sèvre Niortaise

La culture de la moule de bouchot sur le littoral français trouve son origine à Charron. En effet, l’histoire raconte «qu’à la suite d’un naufrage sur les côtes charentaises en 1235, l’irlandais Patrick Walton tendit des filets à marée basse pour capturer des oiseaux. Il s’aperçut que sur les piquets soutenant les filets se fixaient des moules. L’idée lui vint alors de planter des piquets en ligne pour récolter les moules : le premier bouchot était né. Longtemps, cette technique d’élevage sur bouchots ne s’est pratiquée que sur la côte atlantique française, région où le naissain se fixe naturellement sur les pieux. Le terme «bouchot» vient de la contraction des mots gaéliques désignant bout (clôture) et chout ou chot (bois) : clôture en bois ».

De nos jours, le bouchot désigne une ligne de pieux (120 à 200 pieux) régulièrement espacés sur 100 m de long. Les lignes sont souvent doubles. Les bouchots sont espacés de 25 mètres et 1 hectare de terrain contient donc 5 bouchots. Les pieux ont une longueur de 3 à 6 mètres et sont en chêne (plus résistant), en châtaignier, et plus récemment en bois du Brésil. Les pieux sont plantés dans la vase à l’aide d’une lance à eau. Les cultures marines ne sont pas en reste car la baie de l’Aiguillon est célèbre pour ses exploitations mytilicoles. Ainsi, avec une production de 7 à 10 000 tonnes par an, la baie de l’Aiguillon et le pertuis breton apportent 15 à 20 % de la production mytilicole nationale. Les méthodes de production évo-

luent : bien qu’étant encore majoritaire, la production de moules de bouchot cède petit à petit la place aux moules de filières. L’élevage en pleine mer, même s’il crée de nouvelles contraintes comme la taille des navires ou l’exposition plus grandes aux tempêtes ; offre des avantages indéniables : affranchissement par rapport aux coefficients et aux heures des marées, cycle de production plus court, mécanisation de la production. Cependant l’apparition de l’aquaculture off-shore révèle des conflits d’usage notamment avec les associations de plaisanciers.


49/128

Mytiliculteurs préparant de nouveaux pieux de bouchot Port du Pavé à Charron


50/128

le tourisme La première activité économique qui s’opère sur le territoire du marais est l’agriculture (céréaliculture et mytiliculture). Vient ensuite le tourisme, avec une importante fréquentation qui se concentre sur la «Venise Verte» autours de la batellerie et des anciennes Abbayes. Le tourisme balnéaire sur les communes de l’Aiguillon-sur-Mer, la Faute-sur-mer, la Tranche est très important mais il semble qu’il y ait peu d’impacts sur le marais. Le tourisme dans le Marais Poitevin est évalué à 700 000 visiteurs par an avec un séjour moyen d’une journée. Les sites touristiques principaux étant situés dans le marais mouillé aux alentour de Coulon, ce qui ne représente que 5 % du territoire.

D’une manière générale, les touristes qui sont sur le littoral ou de passage, profitent de la proximité du Marais pour le découvrir à travers une promenade (en barque, en vélo, en voiture) ou en visitant une installation particulière (exposition, réserve naturelle, etc.). Le tourisme vert ne peut constituer, du moins à court et moyen terme, qu’une ressource marginale à l’échelle du territoire. Dans la baie de l’Aiguillon et le pertuis Breton, la mytiliculture avec les fameuses moules de bouchots, ainsi que l’ostréiculture font vivre une trentaine d’entreprises. Le maintien du marais Poitevin représente un coût et des efforts importants qui ne sont possibles que s’il conserve des activités économiques et une agricul-

ture dynamique. À l’heure actuelle, le village de Charron n’est pas réellement intégré au «circuit touristique classique» du Marais Poitevin. Au-delà des impacts qu’il a subi avec la tempête Xynthia, le village offre des potentialités touristiques du fait de sa position sur la façade littorale du Marais Poitevin. À mon sens, les paysages «lunaires» de la baie de l’Aiguillon ainsi que le village insulaire méritent d’être arpentés et découverts par les touristes. Le développement du tourisme doit se faire dans la mesure du possible à l’échelle du Marais Poitevin. Cela permettrait aux touristes qui découvrent le marais de comprendre ce territoire par l’interdépendance des entités paysagères.


51/128

Plan d’eau de chasse à la tonne (rive gauche Sèvre Niortaise à Charron)

la chasse à la tonne La chasse dans le marais, dite «chasse à la tonne», est ancrée en CharenteMaritime et fait partie intégrante de la culture des habitants. Cette technique de chasse consiste à attirer des oiseaux sauvages (canards) à la nuit tombée, à proximité d’un repaire à l’aide de canards «appelant» sélectionné pour leur chant. À partir des années 80, la chasse traditionnelle est devenue une activité lucrative. Dans les anciennes bosses, les chasseurs creusent des abris, appelés des tonnes où ils guettent les canards sauvages, les oies sauvages, les pluviers, les sarcelles et les vanneaux. La chasse se déroule au bord d’un plan d’eau de faible profondeur, dépression généralement relictuelle de l’époque des marais salants, ali-

menté en eau par des fossés adjacents ou par un système de pompage. Les prélèvements bimensuels en eau son toutefois controversés par les environnementaliste et gérants des zones humides car lorsqu’ils sont effectués pendant les périodes d’étiages les plus bas (août-octobre) ils perturbent la gestion du niveau de l’eau dans le reste du marais. Cette technique de chasse captive de nombreux néophytes et un certain commerce se développe autour de cette tradition (chasse payante, privatisation des plans d’eau, etc). Le second conflit d’usage est lié à la pratique de cette activité dans des zones protégées par la directives oiseaux, les zones de protection spéciale, les ZNIEFF...


> Gestion & protections Principaux syndicats présents sur la commune de Charron A.S.A des Marais de Charron Nord (350 ha) A.S.F des Marais de Cravans, Lavinaud (920 ha) A.S.F des Marais d’Andilly, Charron, Longèves (1641 ha) A.S.A des Marais de Brie, La Pénissière (922 ha)

52/128

Charron

© COSYMDAH

A.S.F des Marais de Saint-Michel, Cosses, Saint Léonard et Bernay (2515 ha)

Organisation syndicale à l’échelle du marais (COSYMDAH) La gestion du Marais Poitevin est réalisée par un syndicat mixte. Ce syndicat est regroupé sous l’appellation de Parc Interrégional du Marais Poitevin. Historiquement le marais a été labellisé en Parc Naturel Régional de 1979 à 1996. Le fonctionnement et l’organisation du Parc Interrégional du Marais Poitevin sont régis par le Code Général des Collectivités Territoriales et par ses propres statuts. Ce Parc interrégional est composé de 81 communes. Tous les adhérents du Parc sont co-signataires d’un Contrat de Territoire. Il permet de fixer les grandes orientations et missions du Parc. Chaque année, les collectivités adhérentes définissent les actions prioritaires sur le Marais Poitevin et mobilisent les fonds d’investissement et de fonctionnement néces-

saires à la mise en oeuvre des projets. À la différence d’un simple syndicat «intercommunal», un syndicat «mixte» regroupe des collectivités d’échelons différents : commune, département, région. Organisme de droit public, une telle structure est gérée par un comité syndical composé des délégués des différentes collectivités adhérentes. Celles-ci sont représentées en son sein au prorata de leur «poids» respectif. Les syndicats de marais, héritiers des créateurs du marais, sont propriétaires et gestionnaires des ouvrages hydrauliques privés d’intérêt collectif. Notons que le Marais Poitevin est constitué essentiellement de propriétés privées. Les propriétaires sont organisés depuis 1646 pour les premiers, en associations syn-

dicales de marais. Les syndicats de marais entretiennent les ouvrages hydrauliques privés d’intérêt collectif (canaux, écluses) et gèrent l’eau dans leur réseau. Les propriétaires payent chaque année une taxe de marais pour l’entretien et la gestion du marais. Ce territoire est couvert par 41 associations de marais (cf. carte ci-dessus). On dénombre 25 associations de marais couvrant près de 57 000 hectares, qui ont été créée en 2004, leur coordination étant la COSYMDAH. Cet organisme assure leur représentation auprès des instances politiques et administratives. Les syndicats du Nord Aunis en Charente Maritime étaient déjà fédérés autour du SYHNA et plus largement au niveau du département 17 par l’UNIMA. Les grands émissaires


53/128

(Sèvre Niortaise) qui ont eu pendant longtemps une vocation de navigation sont du domaine public et sont gérés par l’État et/ou les collectivités locales. Les gestionnaires des marais atlantiques sont confrontés à l’entretien et à la gestion des réseaux hydrauliques et de leurs ouvrages. Le Syndicat Intercommunal d’Aménagement Hydraulique (SIAH) du Curé, permet d’optimiser les frais d’entretien des réseaux hydrauliques, favorise une meilleure planification des travaux entre les communes et une lisibilité accrue pour les pouvoirs publics. Le syndicat mixte hydraulique du Nord Aunis (SYHNA) qui structure la solidarité amont-aval des bassins versants, permet une promotion des efforts pour l’aménagement

raisonné et la gestion de l’eau, assure une représentativité du territoire au sein des instances qui influent sur l’eau et les zones humides. C’est, par exemple, le SYHNA qui coordonne l’action de lutte contre les ragondins et l’enlèvement de la Jussie.

* COSYMDAH : Coordination des

Syndicats de Marais de la Baie de l’Aiguillon pour le Maintien Durable des Activités Humaines

* UNIMA : Union des marais de Charente-Maritime * SYHNA : Syndicat Hydraulique du Nord-Aunis *

A.S.A : Association Syndicale Autorisée

* A.S.F : Association Syndicale Forcée

Organigramme Parc interrégional du Marais Poitevin COSYMDAH Syndicats gestionnaires

(Ex. ASA des marais de Charron)

propriétaires privés


La gestion des zones humides

SAGE Vendée

SAGE Sèvre Niortaise et Marais Poitevin Marais Poitevin Baie de l’Aiguillon

54/128

Les grandes zones humides à l’échelle nationale

Depuis la seconde moitié du XXe siècle se pose la question du devenir et de l’altération des zones humides en Europe (Convention de Ramsar) et en France. De 1960 à 1990 on observe la disparition de 50% de la surface des zones humides en France. La loi sur l’eau (janvier 1992) ainsi que la loi littorale (janvier 1986) condamnent aujourd’hui les actes directs ou indirects de dégradation de ces milieux extrêmement sensibles à l’anthropisation. La gestion de l’eau à l’échelle du Marais Poitevin est prise en charge par une institution complémentaire dans ses actions et ses orientations à la COSYMDAH. C’est le SAGE (Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux) qui permet la coordination des actions à l’échelle du bassin hydrographique. Il dépasse les frontières administratives souvent

La gestion du marais par le SAGE

inadaptées à une gestion cohérente. La consommation en eau par l’agriculture (drainage, pompage, etc.) intensive et la transformation de plus de 30 000 ha de prairies humides en zones de culture intensive (Schéma d’Aménagement des Marais de l’Ouest) ont contribué au déclassement du marais en PNR. La déconcentration des instances de gestion et de contrôle ne permettent pas une garantie de protection fasse à la pression du lobby productiviste. Ainsi les SAGE tente d’exprimer des enjeux stratégiques qui concilient une agriculture rentable, une activité humaine adaptée et une protection des zones humides du marais. Par ailleurs, est né récemment le projet d’un Parc Naturel Marin, géré par un conseil de gestion, composé d’acteurs locaux représentant les différents usagers de l’espace marin.

Une des actions motivés par ce projet est d’améliorer la qualité des eaux marines qui sont complètement tributaires des actions anthropiques du continent. Au delà d’une simple protection de la zone humide ce sont bien les activités socio-économiques qu’il faut adapter et intégrer dans les actions de préservation des milieux. En effet la simple dénomination d’un espace par un statut de protection environnemental a généralement tendance a figer le milieu et à l’enclaver par rapport au contexte global dans lequel il s’insère. Ainsi classer un marais en Zone Natura 2000 au sein d’un polder agricole dédié à la céréaliculture, productrice d’intrants a t-il un sens? C’est une façon de contourner le problème de fond ?


Les zones de protection sur le marais Zone protégée et zones d’intervention du Conservatoire du Littoral Politique foncière de sauvegarde de l’espace littoral par une structure publique d’État

Réserve Naturelle Régionale

Compétences attribuées au Conseil Régional

Site naturel classé Label officiel français qui désigne les sites naturels dont l’intérêt paysager, artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque exceptionnel justifie un suivi qualitatif sous la forme d’une autorisation préalable pour les travaux susceptibles de modifier l’état ou l’apparence du territoire protégé.

Arrêté préfectoral de protection de biotope

L’APB est proposé par l’État, en la personne du préfet et généralement étudié par les DREAL. Protège un habitat naturel ou biotope abritant une ou plusieurs espèces animales et/ ou végétales sauvages et protégées.

ZICO : protection des oiseaux Identification et protection des zones d’accueil des oiseaux.

ZNIEFF 1&2 : zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique Les ZNIEFF n’instituent pas de protection juridique mais elle est un inventaire de la richesse écologique d’un territoire qui peut constituer le fondement de protections réglementaires.

ZSC (zone spéciale de conservation, reconnue à l’échelle européenne) Site naturel ou semi-naturel désigné par les États membres de l’Union Européenne. Conservation du patrimoine naturel du site en bon état.

55/128


56/128

3/5

de l’oubli de la menace

> Vivre avec la menace : aux origines du village de Charron > L’occupation contemporaine des sols


+

+

=

57/128


> Vivre avec la menace : aux origines du village de Charron

58/128

rue de la Rochelle/Janvier 2012

Originellement le village de Charron s’est développé sur les parties hautes des îlots calcaires (+4 m au minimum). Les premiers habitants (néolithique) qui ont investi les lieux ce sont installés dans des zones hors d’eau, à cette époque les îlots étaient encore dans une zone d’estran subissant la fluctuation des marées (la mer était 5 m plus bas que le niveau actuel). Cette «culture» du territoire insulaire a perduré ainsi jusqu’au début du XXe siècle et s’est progressivement délité pour laisser place à un sentiment de confiance et de maîtrise sur la Nature, renforcé par les avancées techniques de la gestion hydraulique des marais (digue, drainage, assainissement). La cartographie ci-contre présente le village de Charron dans les années

1950, où il est aisé de discerner le bourg ancien (en rouge), construit sous la forme de village-rue, avec une densité urbaine favorisée par la mitoyenneté du bâti. Le village s’est développé sur les îlots les plus proches de la mer, permettant des accès directs sur la baie et les cultures de bouchots. L’organisation des parcelles est influencée par la topographie, la route centrale trace un axe de symétrie en travers de l’îlot (au point le plus haut) et dessert de part et d’autre les maisons d’habitations qui ont pignon sur rue. La partie arrière du bâti est généralement dédié à une fonction vivrière (potager, fourrage agricole, etc.). La position «stratégique» du village de Charron sur l’Estuaire de la Sèvre

Niortaise a joué un rôle au moyen âge, notamment pendant la guerre de Cent ans. Et cela s’est confirmé par la suite avec le commerce du blé et l’expansion de la mytiliculture où la Sèvre Niortaise servait de voie de communication. De cet essor socioéconomique, en témoignent le château de Charron (XVIe) ainsi que les fondations de l’Abbaye (XIe siècle) et contribue au patrimoine bâti du village. Les secteurs anciens du bourg ont donc toujours étaient à l’abri des tempêtes et des submersions marines. En effet, les inondations provoquées par la tempête Xynthia ont principalement touché les zones pavillonnaires contemporaines (secteur de la Marina par exemple), construites dans les parties basses des îlots de Charron.


re N iort aise Sèv

Bourg Chapon Port du Pavé

Ancienne Abbaye Château de Charron

Secteur de la Marina

59/128

Bourg de Charron

Baie de l’Aiguillon

n

©IGN

Photo aérienne IGN 1950


Urbanisation du village en 1950 (bourg ancien)

port de Garde

bourg Chapon château

60/128

bourg de Charron

2

1

n

Arrière-cour jardinée (potager, vignes, stockage) /±300m2 Densité urbaine favorisée par la mitoyenneté Route principale traversant le village

1

2

Schéma urbain du bourg ancien Entrée sud du village (±1950)

Rue du Château (±1950)

L’observation de ces anciennes cartes postales de Charron (1950) nous révèle l’implantation originelle du bourg dans le marais. Les parties hautes sont occupées par les maisons d’habitations, à une hauteur suffisante pour ne pas être atteintes par les inondations et l’humidité permanente du marais. On distingue

nettement l’espace de l’ancien marais (pointillés verts), déjà asséché à cette époque. L’urbanisation contemporaine va d’ailleurs investir ces zones dès les années 1970.


Urbanisation du village en 2010 (avant la tempête Xynthia) port de Garde

quartier de la Marina

2

bourg Chapon château

61/128 bourg de Charron

1

n

Parcelle individuelle jardinée/±1000m2

Maison contemporaine individuelle

1

2

Schéma urbain de l’habitat contemporain (zone pavillonnaire)

Rue de la Laisse (±1970)

Clos des Hautes Groies (±1990)

L’habitat contemporain est caractérisé soit par la maison individuelle implanté dans une parcelle de grande taille (environ 1000m2), soit sous forme de zone pavillonnaire définie par lots, dont la forme urbaine reste souvent déconnectée du bourg ancien. On observe deux types de secteurs d’implantation du

bâti contemporain : des zones basses en bordure d’îlot (autrefois occupée par les marais) et les parties hautes des îlots (qui étaient alors cultivées). Ce sont uniquement les zones basses qui ont été inondés lors de la tempête Xynthia. On pense ainsi aux maison rue de la Laisse, ou encore la zone pavillonnaire de la Marina.


62/128

Étalement urbain dans les zones basses de l’îlot = secteur inondable

Bourg ancien de Charron implanté sur les partie haute de l’îlot (vue est)

©Google StreetView

©Google StreetView

Polder agricole dédié à la céréaliculture

Occupation contemporaine des parties basses de l’îlot (2m)

Tissu urbain ancien rue de Tissu urbain ancien rue Pierre Loti (hauteurs du bourg Chapon) la Laisse (bourg de Charron)

Prairie pâturée par des ovins = secteur inondable

Bordure nord de l’îlot du bourg Chapon


63/128

Bâti ancien, rue de la Rochelle, îlot de bourg Charron (Janvier 2012)

Vue sud sur le secteur des Salines depuis l’îlot de Charron (Oct.2011)

espace public à Charron dans un polder agricole = secteur inondable (Oct. 2011)

bâti contemporain construit sur les hauteurs de bourg Chapon après la tempête Xynthia (Oct. 2011)

bâti contemporain en ZDS (Oct. 2011)


> L’occupation contemporaine des sols

Bourg Chapon

64/128

MARAIS INTERMÉDIAIRE Bourg de Charron

schorre

AGRICULTURE CÉRÉALIÈRE

polder agricole

Bâti contemporain Bâti ancien

îlot calcaire marais intermédiaire/ îlot cultivé/ prairie permanente céréaliculture habité

marais intermédiaire/ prairie permanente

céréaliculture


65/128

Aires urbaines de la Rochelle

io

Rég

-C

itou

o nP

s

nte

re ha

n

are

71 052 (1999)* d = 53, 7 hab/km2

98 095 (1999) d = 3,8 hab/km2

Ch

*dont 60701 sur les communes littorales

Résidences secondaires

e

tim

ari

te-M

La position de Charron à seulement 17 Km de la Rochelle, soit 15 min en voiture par la D9 a favorisé l’installation des néo-ruraux dès la fin des années 1990 et en moins de 10 ans le village a accueilli plus de 600 nouveaux habitants. La Rochelle est le premier bassin d’emplois de la région surtout dans les secteurs secondaires et tertiaires. Par conséquent, on assiste à des mouvements de populations dans les différentes aires urbaines de la ville, facteur d’une dislocation urbaine, souvent favorisée par le développement des zones pavillonnaires. À cela s’ajoute le développement ces dernières décennies, des résidences secondaires sur la frange littorale. Ainsi, au nord de Charron, leur

nombre a explosé dans les cités balnéaires comme à la Faute-sur-Mer (85% du parc immobilier). Ces villes balnéaires ont un double visage : surpeuplée l’été et désertée l’hiver. On ne compte peu de résidences secondaires dans le village de Charron, qui est habité toute l’année par les mytiliculteurs, les pêcheurs, les agriculteurs, ... et l’offre en services de proximité est assez bien pourvue (par contre il n’y a pas de médecin) pour permettre de ne pas avoir à se déplacer vers un centre urbain plus important.


Commerces, équipements, services à Charron

66/128

zone de solidarité

L’inventaire (non exhaustif) des commerces, services et équipements présents à Charron montre une offre importante et variée compte tenu de la démographie. Il convient donc de les préserver au mieux et en particulier d’un point de vue topographique. En effet on constate que certains bâtiments sont situés dans des zones basses (ancien marais) et sont vulnérables à la submersion marine. Les équipements sportifs du village sont

aussi concernés. Cela concerne le terrain de foot, le court de tennis et le dojo. Tous ces équipements sont implantés dans le quartier de la Marina, qui a été entièrement submergé et classé en zone de solidarité. Quel est le devenir de ce type de structure dans un contexte de mutation urbaine du village (déconstruction des zones de solidarité) et de vulnérabilité à la submersion marine? Dans le processus de reconstruction

du village ainsi que dans l’adaptation au risque, la qualité du cadre de vie est à préserver.


Les routes

bourg Chapon vers Marans

67/128

bourg de Charron

D105

9

D0

chemin communal liaison secondaire liaison principale

La mise en place des différents accès au village a accompagné la transformation progressive du marais. Le système de voirie est généralement en surplomb par rapport au site sur lequel il est implanté. On distingue trois type d’implantation de voirie : les chemins communaux, le réseau secondaire (liaison locale) et le réseau viaire principal (route rectiligne). Une partie du réseau est implanté sur les parties hautes des îlots, cependant

vers la Rochelle (15km)

les routes qui traversent le marais peuvent être submergées, empêchant l’accès de secours par exemple. Les chemins communaux sont constitués de terre empierrée, ils sont utilisés par les éleveurs, chasseurs, pêcheurs et promeneurs. Partant de la bordure continentale, ces chemins se terminent généralement en impasse dans le marais. Les liaisons locales sont praticables en voiture

vers la Rochelle (15km)

n

et correspondent à d’anciens chemins communaux. La sinuosité de ces accès est dépendante des formes topographiques des îlots de Charron. L’apparition des routes rectilignes est liée aux grands travaux d’assainissement qui ont abouti au creusement de canaux rectilignes. Ces grands axes traversant le marais ne prennent plus en compte la topographie du marais et empruntent le chemin le plus direct.


68/128

4/5 un

paysage vulnérable

> Xynthia, une tempête « catastrophique » > Une réponse dans l’urgence > L’influence du changement climatique ?


69/128


Xynthia une tempête «catastrophique»

1 1/ Vents violents à plus de 140 km/h : poussent l’eau vers la côte et provoquent une élévation du niveau. 2/ Marée haute (phase de pleine mer de vives eaux, 6,48m à la Rochelle) : coefficient de 102

70/128

2

3

Carte des prévisions météo émise lors de la tempête Xynthia de 2010.

Facteurs d’élévation du niveau de la mer lors de la tempête Xynthia.

Dans la nuit du 27 au 28 février 2010, une tempête d’une rare violence, la tempête Xynthia, s’est abattue sur les littoraux charentais et vendéens.

Il faut cependant noter que ces tempêtes n’étaient pas aussi meurtrières que ne l’a été la tempête Xynthia. «Les catastrophes naturelles, contre lesquelles l’homme à du mal à se prémunir, ont généré un devoir d’oubli assez systématique au cours des cinquante dernières années».1

On parle alors de catastrophe car de nombreux territoires ont été inondés. En plus des terres agricoles dévastées et des zones habitées ravagées, on dénombre 53 morts en France, dont le plus grand nombre et situé sur la bande littorale inondée. Si l’on remonte dans l’histoire du climat, il est facile de constater que la façade atlantique est régulièrement exposée à ce genre de tempêtes. Historiquement on parle alors de «vimer» pour désigner une tempête avec submersion. Voici une liste non exhaustive de vimers qui ont marqué l’histoire du littoral français : 10 août 1518 / 15 février 1957 / 23 janvier 1890 / 09 janvier 1924 / 16 novembre 1940 / 27 décembre 1999.

C’est le cumule de plusieurs facteurs physiques en plus de la marée haute de fort coefficient, qui a permis le caractère exceptionnel et difficilement «prévisible» de la surcote : - le vent a provoqué un afflux d’eau sur la côte - la diminution de la pression atmosphérique a entraîné une hausse du niveau de la mer, à raison de 1 cm pour 1 hPa.

1. Garnier E. - Extrait de «La tempête Xynthia face à l’histoire ; Submersions et tsunamis sur les littoraux français du MoyenÂge à nos jours.

3/ Dépression atmosphérique : 973 hPa, soit un rehaussement de 35 cm.

Un événement extrême, tel que défini par les climatologues et les météorologues, désigne bien un phénomène climatique qui s’écarte fortement d’une valeur moyenne avec des conséquences négatives pour l’être humain et l’environnement. D’après les données du Service Hydrographique et Océanographique de la Marine (SHOM), cette surcote a été maximale dans l’anse de l’Aiguillon et sur les côtes de Charente-Maritime. Elle a atteint environ 1,5 m dans le port de la Rochelle. La configuration des événements qui ont engendré la submersion marine est singulière mais elle n’est pas exceptionnelle. Elle peut donc se reproduire avec des paramètres majorés : - vitesse de vent plus forte - coefficient de marée plus élevés - afflux d’eau continentaux


Baie de l’Aiguillon

Charron

Marans

marais Poitevin

Pertuis Breton

île de Ré la Rochelle

71/100

Pertuis d’Antioche

DÉPARTEMENT DE LA CHARENTE-MARITIME

île d’Oléron île d’Aix

marais de Rochefort

marais de Brouage

trait de côte actuel Pertuis de Maumusson

océan inondation après Xynthia marais de la Seudre

Inondations du littoral Charentais suite à la tempête Xynthia données DDTM 17

Estuaire de la Gironde

0km

5km 2,5km

n


St-Michelen-l’Herm

l’Aiguillon/mer

l’île d’Elle

la Faute/mer île de la Dive

Marans

le y La

vre

72/128

i

N

ise

ta or

îlots de Charron

photo quartier Marina

cote des 3m

Baie de l’Aiguillon

Pertuis Breton Esnandes

Inondations de 1999 et 2010 Inondation 1999 (Martin) Inondation de 2010 (Xynthia) Bordure et marais îlot calcaire schorre slikke (estran) eaux permanentes

Les conséquences de la tempête Xynthia se sont essentiellement traduit par de fortes inondations sur les littoraux charentais et vendéens. On remarque que les entrées d’eau correspondent aux anciens marais maritimes poldérisés au cours du temps : les marais de la Seudre, de Brouage, de Rochefort, le marais Poitevin. Mais l’eau est aussi remontée par les estuaire, dans le Lay au niveau de la Faute/mer et l’Aiguillon/mer, par la Sèvre Niortaise à Charron, par la Seudre et par la Gironde. Les îles de Ré et d’Oléron ont aussi fortement été touchées (l’île de Ré à été décomposée en quatre îlots géologiques originels). Dans la baie de l’Aiguillon, l’inondation a été particulièrement violente et souligne son extrême vulnérabilité

face à ce type d’événement. L’eau a pénétré dans les polders sur plus de 5 km et a atteint la cote des 4 m (voire plus dans certains secteurs), reprenant en une nuit les terres conquises pendant des siècles. Au lendemain de la tempête, le village de Charron a retrouvé son insularité et les quatre îlots se dessinaient nettement dans la plaine inondée. Lors de la tempête Martin de 1999, une légère inondation avait couvert les polders agricoles situés juste derrière la digue ouest de Charron et s’était arrêté au niveau de la digue morte. Hors mis un contexte météorologique et océanographique différent, cet événement n’a pas assez été pris au sérieux par les collectivités pour affronter une nouvelle tempête.


pont mobile du Brault

Départementale 9

Sèvre Niortaise

73/128 îlot de Bourg Chapon

secteur des salines rue du 14 Juillet secteur mytilicole

digue morte

quartier de la Marina

digue ouest de Charron à Esnandes schorre

Quartier de la Marina (Charron) Au lendemain de la tempête Xynthia, fév. 2010 ©DDTM17


©DDTM17

3// Le port du Corps de Garde (vue sud)

©DDTM17

2// Entrée Est sur le bourg de Chapon

©DDTM17

©DDTM17

©DDTM17

1// Vue nord sur les îles de Charron

©DDTM17

74/128

4// Digue nord, rive gauche de la Sèvre Niortaise, Charron

5// Digue ouest (les Grandes Mizottes)

Île de la Dive après la tempête Xynthia

La fragilité des ouvrages de défense contre la mer au moment de la tempête Xynthia est en partie due à l’abandon des pratiques traditionnelles liées à la mer et à l’arrivée d’une nouvelle population de culture plus urbaine. En matière de gestion des digues, l’entretien était effectué depuis le Moyen Âge et jusqu’au XVIIe siècle par les habitants des îles et du littoral. On parlait de «bien commun», à une époque où la solidarité vis-à-vis du risque se traduisait par une implication sur le terrain. Par la suite, l’État prend la respon-

sabilité de l’entretien et du maintien des ouvrages, mais après la Révolution française, il se désengage et fait intervenir les «piqueurs de digues» administrés des Ponts et Chaussées. Le passage de ces responsabilités aux collectivités locales, substituées aux pouvoirs publics va engendrer un abandon progressif, favorisé par le manque de moyens et la raréfaction des événements au cours de ces cinquante dernières années. Pour N. Gérard-Camphuis, directeur du Centre européen de prévention du risque inondation (Cepri), «la

première difficulté du plan digues va être d’identifier les propriétaires des digues. Pour un tiers du linéaire de digues (3000 à 3500 km), soit le propriétaire n’existe pas, soit il ne remplit pas son rôle d’entretien des digues». «Le ministère chargé de l’environnement estime le linéaire de digues entre 8000 et 10 000 km, dont 7600 km d’entre elles atteignent plus de un mètre de hauteur. Parmi elles, 1000 kilomètres sont considérées à risque.»


3

4

2

75/128 2m

îlots de Charron

3m 5

1

La «violence» de la submersion est due à l’entrée des eaux marines de façon soudaine, suite à la rupture des digues d’argile. Ces ouvrages ont été fragilisés et dégradés par l’action répété de la houle. L’entrée de l’eau dans les polders a généré de fort courant, projetant l’eau avec force sur les bâtiments d’habitation. La submersion au niveau des digues s’est traduite sous plusieurs formes : - dans le cas de la submersion devant la digue, la houle vient taper sur l’ouvrage et l’eau passe par dessus par intermittence

- la submersion derrière la digue par surverse, où la cote du plan d’eau étant supérieure à celle du sommet de l’ouvrage - la submersion par rupture de la digue La submersion est souvent temporaires (quelques heures à quelques dizaines d’heures), notamment à cause du phénomène de marée ou/et de la période des ondes de tempête.

Dégradation du système de défense contre la mer et courants générés par la submersion données DDTM 17 + SOGREAH

zone submergée écoulement fort écoulement moyen écoulement faible brèche localisée dégradations multiples érosion (dégradations ponctuelles) érosion ou recul de la protection digue d’argile limite du schorre


Houle provoquée par les rafales de vent (160 km)

Érosion interne et de surface de l’ouvrage

Impacts hydrauliques sur les digues d’argile.

Sèvre Niortaise

76/128

Polder agricole (département Véndée)

Digue d’argile

Digue d’argile

Polder de «la Loge Salée»

îlot de Bourg Chapon secteur des Salines

Coupe 1

Schorre (rive droite de la Sèvre Niortaise) Sèvre Niortaise

îlot de Bourg Chapon

les Groies

Digue d’argile

Port du Pavé

Coupe 2

Sèvre Niortaise

basse slikke

haute slikke

schorre

extrémité îlot de Charron

digue d’argile digue morte

Polder de la Cabane de Charron

Coupe 3 schorre

Sèvre Niortaise

Coupe 4

basse slikke

haute slikke

digue d’argile

Pré du Bas de la Laisse

îlot de Charron


2 3

4

1

Coupes de détails de l’inondation les Prés Cornut extrémité de l’îlot de Charron

le Moulin du Bois

secteur des Salines

fermes de la «Grâce de Dieu»

77/128

Richebonne

îlot du «Cravans»

îlot de la «Palle» secteur des Salines


hauteur d’eau atteinte au cours de l’inondation

©DDTM17

©DDTM17

78/128

Maison d’habitation à Charron, après l’inondation provoquée par la tempête Xynthia (fév.2010)

Rue de la Laisse après l’inondation (Charron, fév.2010)

L’inondation provoquée par la tempête Xynthia a atteint dans les zones basses des anciens marais des hauteurs de plus de 4 m (ngf). Après le retrait progressif des flots, c’est-àdire à marée basse, les stigmates de la catastrophe se sont peu à peu révélés. Au traumatisme subit par les habitants sinistrés, s’ajoute la gestion des dégâts matériels, des biens. Généralement peu d’éléments peuvent être récupérés, l’eau vaseuse s’est infiltrée dans le moindre interstice. La structure des bâtiments peut aussi avoir été endommagée, les fondations sont parfois atteintes et ne garantissent plus la rigidité de la structure d’habitation. À l’échelle de l’îlot, voire du village, ce sont tous les réseaux qui sont impactés : réseaux erdf, réseaux d’eau

potable, ainsi que tout le système de drainage des polders agricoles (fossés, canaux, chenaux). Au total, on dénombre 250 maisons sinistrées à Charron, soit une maison sur quatre. Les habitants sinistrés ont généralement céder leur bien à l’État lorsque cela leur était proposé (bien classé en zone de solidarité). Certains habitants ont cependant fait le choix de rester chez eux et de reconstruire, tout en restant couvert par les assurances.

Réfection de voirie (Charron, oct.2011)


©DDTM17

79/128

Eaux marines stagnant dans un polder (Charron, mars.2010)

Tas de gypse dans un polder agricole (Charron, oct.2011)

On compte 52 000 hectares de terres agricoles noyées par la tempête Xynthia de février 2010. Après avoir favorisé l’évacuation de l’eau des parcelles, les agriculteurs ont réalisé un travail mécanique dans les champs durant l’été pour fissurer le sol en profondeur et émietter les mottes de terre en surface. Ils ont ensuite épandu du gypse afin de redonner au sol une structure poreuse, rétablir la circulation de l’eau et abaisser la salinité par drainage.

L’évacuation du sel concentré dans les premiers horizons est dépendante de la fréquence des précipitations. Les dosages d’apports en gypse et la programmation des interventions lourdes sur les exploitations agricoles ont pris appui sur des analyses de terre régulièrement pratiquées par l’ensemble des techniciens pour évaluer la restauration des sols. Dans la baie de l’Aiguillon, 37 000 tonnes de gypse ont été mobilisées pour 4000 ha de terres agricoles impactées.

Le gypse est constitué de sulfate de calcium hydraté. Il joue un rôle de captage du sodium (sel), évite la formation de croûtes sur le terrain, et assure une meilleure hydrométrie. En temps normal il sert à amender les terres.

Globalement, dans les prairies, l’inondation a fortement diminué la pousse de l’herbe au printemps et amoindri la récolte de foin, dégradant le stock de fourrages pour l’hiver, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Elle a également affecté

la flore en favorisant les espèces halophytes et cet effet se répercutera sur plusieurs années. En ce qui concerne les céréales, le bilan de la campagne 2010 a été catastrophique. La forte salinité du sol a détruit les blés semés à l’automne 2009 et compromis la croissance des cultures de printemps (orge, tournesol…) En dispersant les argiles, le sel a engendré des problèmes d’instabilité de la structure du sol. Gypse : - 45 €/ha (en 2010) - subventionné à 55% par l’État + le Département - les rendements ont été divisés par 7


©FranceSoir

80/128

Signalétique des travaux effectués sur la digue ouest de Charron à Esnandes (Charron, oct.2011)

Travaux agricoles dans le polder des «Grandes Mizottes» (Charron, oct.2011)

Travaux de confortement des digues d’argile (Charron,2011)

Au 1er février 2011, 1113 biens ont fait l’objet d’un accord pour une acquisition amiable. À ce jour, 225 M€ ont été engagés par l’État sur le fonds de prévention des risques naturels majeurs, correspondant au rachat effectif de 876 habitations. Au 2 février 2011, 794 actes de vente ont été signés pour 200,5 M€ dont : - 325 actes pour 94,75 M€ en Charente Maritime - 469 actes pour 105,8 M€ en Vendée. Depuis 1995, diverses mesures de réduction de la vulnérabilité et de prévention des risques sont financées par le fond de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), ou fonds Barnier : - expropriations ou acquisitions de biens (acquisitions amiables des biens menacés ou sinistrés) - évacuations et relogement des personnes exposées - délocalisations - information préventive

- élaboration des plans de prévention des risques naturels d’inondation (PPRN) - études de prévention et études de prise en compte des risques dans l’aménagement des collectivités locales concernées par un PPRNI - subvention aux études et travaux de prévention des collectivités territoriales.

détruits, soit 50% des ouvrages côtiers (220 km). En Vendée, ce sont 83 kilomètres de cordons dunaires endommagés, un quart de ces dunes a subi un recul supérieur à 10 m et 80 km de digues de premier rang ont été détruites par submersion ou érosion marine, soit 75% du linéaire des ouvrages côtiers de ce département (212 km). Dans ces deux départements, 190 chantiers sont soutenus, pour un montant total de travaux de 42,6M€, dont 26,2 M€ d’aides de l’État (ministères de l’écologie, de l’intérieur, fonds de prévention des risques naturels majeurs).

Ce fonds est alimenté par un prélèvement obligatoire dans le cadre des régimes d’assurances des dommages des particuliers et des entreprises. Le prélèvement, qui représente environ 165 millions d’euros en 2010, a progressivement été augmenté depuis 2007 pour répondre à une utilisation de plus en plus large de ce fonds afin de renforcer la prévention des risques naturels. En Charente-Maritime, près de 120 km d’ouvrages de défense contre la mer ont été endommagés voire

Les travaux sur réquisition ainsi réalisés concernent 46 opérations dans ces 2 départements et s’élèvent à 10,7 M€ financés à 100% par l’État, dont 6,5 M€ en Charente-Maritime (32 opérations) et 4,2 M€ en Vendée (14 opérations situées principalement dans le Sud Vendée, où la tempête a été meurtrière).


« Compte tenu de l’effet des digues sur le reflux des eaux, une précaution élémentaire aurait dû être prise depuis longtemps : dans les zones à risques élevés de submersion, il ne doit plus être possible de construire des logements derrière les digues. Car tôt ou tard, quelle que soit leur hauteur, quelle que soit leur solidité, celles-ci sont un jour submergées » (discours du président de la République à la Roche-sur-Yon, le 16 mars 2010). Le Plan national Submersions Rapides (PSR) mis en place après la tempête par le gouvernement rappelle par ailleurs qu’aucun ouvrage de protection (digue ou bassin de stockage) ne peut être considéré comme sans danger. A ce titre, et conformément aux engagements du président de la République, aucune digue nouvelle ne pourra être autorisée pour ouvrir à l’urbanisation de nouveaux secteurs. La culture du risque lié à la sub-

Manifestation des habitants de Charron réclament le confortement des digues (9 mai 2011)

mersion marine a toujours habité les sociétés vivant dans les polders. Cependant, est-il aujourd’hui envisageable de tout miser sur les ouvrages de défense contre la mer ? Lutter contre la mer avec des digues est-il le seul moyen de pérenniser le développement socio-économique sur ce territoire ? Les moyens techniques et la connaissance du paysage nous permettent aujourd’hui de nous adapter à une «contrainte naturelle». En s’inscrivant dans une logique de «développement durable» n’est-il pas possible de vivre autrement avec la menace ? La tempête Xynthia a donné à voir le paysage et considérer l’approche du risque différemment. L’État à initier depuis, la révision ou la création des PPRL et la mise en place des PAPI (Programme d’Action de Prévention des Inondations). Cette relecture du paysage prend énormément de temps et fige les démarches de

©Libération

©Charente-Libre

©Libération

Le président N. Sarkozy en visite de terrain à Charron (16 mars 2010)

Réclamations dans le village de Charron (2010)

reconstruction des territoires sinistrés. Un clivage s’est créé entre les habitants sinistrés qui ont souhaités rester vivre dans ces territoires et les politiques publiques. Les habitants se sont d’ailleurs regroupées sous forme d’associations afin de se faire entendre de façon plus concrète et assurer le rôle que l’État n’a pas assumer : accompagner et informer les populations sinistrées.

81/128


Les PPRL en région Poitou-Charentes

Limites administratives de la commune

îlots de Charron

82/128

Communes disposant d’un PPRL approuvé

Nouvelles communes couvertes par un PPRL Communes déjà couvertes par un PPRL dont la révision est nécessaire

Secteur couvert par l’étude de réalisation du PPRL

Communes déjà couvertes par un PPRL dont la révision n’est pas prioritaire

Avant la submersion provoquée par la tempête Xynthia en février 2010, la commune de Charron ne disposait pas de Plan de Prévention au Risques Littoraux (PPRL - submersion et érosion). Les inondations consécutives à la tempête ont mis en évidence une couverture insuffisante des territoires de la région Poitou-Charente par des PPRL. Ainsi la tempête à impliquée 62 nouvelles communes encore non couvertes par ce plan dans cette région. «Les PPRL ont pour objet de délimiter : - les zones de risques forts dans lesquelles l’urbanisation peut être interdite - les zones de risques moyens à faibles où les constructions sont soumises à des conditions de réalisation,

Le PPRL de la commune de Charron

d’utilisation ou d’exploitation. Dans ces zones, des mesures peuvent être prises pour réduire l’exposition au risque ainsi que la vulnérabilité des biens existants et des personnes. Leur objectif est de limiter l’impact, tant pour les vies humaines que pour les dommages aux divers bâtiments et activités. Cela se fait en limitant l’implantation du bâti en zone à risques, en préservant des champs d’expansion de crues et aussi en prescrivant des mesures de renforcement du bâti existant. À l’heure actuelle le périmètre d’étude permettant la réalisation du PPRL de Charron a été défini selon la limite administrative de la commune. Cette limite a-t-elle un sens dans le cadre où l’on sait pertinemment que lors

de submersions marines, ce n’est pas uniquement la commune de Charron qui est impactée mais l’ensemble des territoires situés entre 0 et 3 m (ngf) dans la baie de l’Aiguillon ? Quelle cohérence territoriale est à envisager dans la création de ce type de plan qui ont valeur de protection civile ? L’eau, est un élément qui évolue en fonction de paramètres physiques comme la topographie, la nature des sols, la végétation et non en fonction de données administratives. La gestion et «l’aménagement» de ce territoire vulnérable doit se faire en cohérence avec sa géomorphologie et pas uniquement ses limites administratives. Les PPRL ne devraient pas être dans son esprit avoir une arrière pensée de garde-fous juridiques pour les col-


©Le Figaro

83/128

lectivités mais devraient réellement envisager des mesures plus effectives en matière de protection au sens large (personnes, biens et paysage). Dans ce sens l’État développe depuis 2002 le dispositif PAPI, qui permet la mise en oeuvre d’une politique globale, pensée à l’échelle du bassin de risque. Par ailleurs l’État a débloqué un budget de 500 millions d’euros pour développer le «plan digues», qui prévoit le renforcement de 1200 km de digues fluviales et maritimes. Mais permet aussi de mettre l’accent sur la prévention, avec l’identification des «zones à hauts risques» de submersion, qui bénéficieront d’un plan de prévention des risques (PPR) dans les trois ans. Le plan digues suggère

également un transfert de compétences aux communes et départements avec des contrôles renforcés et des sanctions. «La volonté, légitime d’ailleurs, des Français de protéger leur famille des tempêtes ne doit pas nous enfermer dans un carcan. Les digues françaises sont non seulement inefficaces car délabrées mais elles remettent en cause la libre circulation des vents et des marées mondiales, qui est un principe démocratique avec lequel je ne transigerais pas» - «On va inciter les français à investir dans leur propre digue avec des aides du type déductions d’impôts...» (discours de François Fillon, extrait du Journal Marianne du 07/03/2010). Enfin intervient le Plan National Submersions Rapides. Il couvre les risques de submersions marines,

inondations par ruissellement ou crues soudaines, ruptures de digues fluviales ou maritimes et s’articule autour de quatre axes prioritaires qui recouvrent plus de soixante actions: - la maîtrise de l’urbanisation et l’adaptation du bâti - l’amélioration des systèmes de surveillance, de prévision, de vigilance et d’alerte - la fiabilité des ouvrages et des systèmes de protection - le renforcement de la culture du risque.


> Une réponse dans l’urgence ZDS du port de Garde : - 3 habitations - 6 locaux professionnels ZDS rue du port : - 23 habitations - 1 local professionnel

ZDS du Pont du Brault : - 5 habitations

ZDS des Écluses : - 3 maisons éclusières - 1 local

ZDS rues du Canada et du Bas-Bizet : - 1 habitation

84/128

ZDS du lieu-dit Montifaut : - 3 habitations

2 1 ZDS rues de la Marina, des Retz et des Tamaris : - 59 habitations - 2 locaux professionnels

3

ZDS rue du 19 mars 1962 et rue des Ecoles : - 18 habitations - 6 locaux professionnels ZDS route D9 : - 5 habitations

ZDS secteur des Salines : - 38 habitations - 3 locaux professionnels

ZDS rues de la Rochelle, de la Laisse et du 14 juillet : - 47 habitations

ZDS rue de la Serpentine : - 9 habitations

ZDS ferme des Vrillandes Neuves : - 1 habitations

Carte des zones de solidarité définies par la DDTM17 et l’État en 2010. (données DDTM 17)


Modélisation de la hauteur d’eau dans les maisons situées en zone de solidarité

85/128

1,90 m

1,90 m

1m

1m

0m 0m

1

Secteur du «Prés du Tappe-cul» Bâti ancien (<1950), H = 2 m (ngf)

Dans un deuxième temps, les services de l’État (DDTM 17) ont identifié les bâtiments situés dans les zones de «danger extrême», c’est-à-dire les territoires inondés au minimum à 1 mètre d’eau ou qui, inondées à un niveau proche de cette cote sont implantés dans des secteurs isolés où l’évacuation de l’eau est susceptible de prendre beaucoup de temps. Les hauteurs d’eau constatées à Charron lors de la tempête Xynthia sont représentatives de l’événement de

Intérieur

référence et peuvent être prises en compte pour identifier les constructions dangereuses pour leurs occupants. Ces secteurs sont définis par des zonages réalisés en fonction de la topographie, du cadastre et des hauteurs d’eau relevées sur le terrain. En Vendée et en Charente-Maritime, les maisons sont pratiquement toutes de plain-pied, sans vide sanitaire ou surélévation du plancher. Il y a donc peu de différence entre la hauteur

d’eau sur terrain naturel et la hauteur d’eau dans l’habitation. Ces zones appelées en premier lieu «zones noires» ont été renommées par la suite «zones de solidarité» (ZDS). L’ensemble des biens immobiliers situés dans ces zones, ont été achetés à l’amiable ou par expropriation par l’État. Cependant certains biens classés en ZDS ont fait l’objet de contestations, la plupart étant inondés seulement par quelques centimètres d’eau ou construites sur des


1,90 m

86/128

1m 1,90 m

0m 1m

0m

2

Secteur du «Prés du Tappe-cul» Bâti contemporain (>1950), H = 3 m ngf

buttes. Au final, une douzaine de ZDS ont été déterminées sur la commune de Charron. Elles concernent essentiellement les habitations construites dans les points bas du village, au pied des îlots, dans des marais remblayés ou des polders agricoles. Les ZDS comptent 190 résidences principales, 31 résidences secondaires, 24 locaux professionnels et le reste étant des locaux annexes (dépendances,...). La zone de solidarité principale de la commune est située à l’intersection des deux îlots habités, celui du

bourg de Charon et celui de bourg Chapon. Ce secteur regroupe plus de 160 habitations sur 47 ha et constituait à l’origine le prolongement des deux bourgs dans les parties basses des îlots. Après la définition de ces zones, les quartiers «fantômes» sont restés en l’état pendant presque deux ans avant que les premières pelleteuses entament la phase de déconstruction de ceux-ci. Ce sentiment d’abandon était d’autant plus fort que la végétation spontanée avait repoussé parmi

Intérieur

les objets abandonnés à la hâte par les anciens habitants. Les habitations situées en ZDS sont ensuite déconstruites et les terrains sont nettoyés pour n’y laisser que la terre nue ainsi que les arbres représentant un «intérêt paysager» (selon les services de l’État). Rappelons que 73 maisons ont déjà été déconstruites à Charron où 123 autres le seront ultérieurement. Les maisons présentant un caractère patrimonial ou difficile à détruire sans affecter les


1,90 m

87/128

1m

0m

3

Rue du 14 Juillet Bâti contemporain (>1950), H = 3 m ngf

habitations mitoyennes feront, au cas par cas, l’objet d’un examen en liaison avec le maire pour une réaffectation sans habitant.. L’opportunité d’avoir suivi la transformation de ces «no man’s land» a permis de constituer un travail de mémoire photographique des lieux. (cf. annexe). La mutation rapide et violente de ces territoires se traduit donc par l’effacement des stigmates de la tempête Xynthia, par la déconstruction des habitations inon-

dées. Pourquoi les collectivités locales favorisent l’effacement des stigmates de la tempête ? Les quartiers situés en ZDS fabriquent un «décor sinistre» et dégradant vis-à-vis des habitations situées à proximité. La démolition des maisons des ZDS est un véritable soulagement pour ces habitants, c’est un signe de renouveau, permettant peut-être de mieux surmonter le traumatisme du sinistre? Quelle éléments feront donc mémoire de l’événement si l’en-

semble des ZDS est «nettoyé» et gommé ? Quelle culture du risque transmettre aux générations futures qui viendront vivre à Charron ? Les interventions envisagées dans ce paysage vulnérable seront déterminantes dans l’appréhension du risque associé à ces territoires !


Processus de dĂŠconstruction des zones de solidaritĂŠ

88/128

Maison en ZDS rue du 14 Juillet - Charron Juillet 2011


89/128

(en haut) Maison en ZDS (en bas) ZDS après dÊmolition rue de la Marina - Charron Octobre 2011 et Janvier 2012


90/128

DÊconstruction au bulldozer d’une maison en ZDS rue de la Marina - Charron Octobre 2011


91/128

ZDS après déconstruction et «nettoyage» du sol rue de la Marina - Charron Janvier 2012


92/128

Zone de tri des matĂŠriaux issus de la dĂŠconstruction des habitations en ZDS rue de la Marina - Charron Octobre 2011


93/128

Maisons situĂŠes en ZDS en cours de dĂŠconstruction rue de la Marina - Charron Octobre 2011


ŠAntoine Seiter

94/128

Stockage temporaire des fondations des maisons dĂŠtruites rue de la Marina et rue du Port - Charron Janvier 2011


ŠAntoine Seiter

95/128

Évacuation des fondations rue de la Marina - Charron Janvier 2011


96/128

Maison avec étage (R+1) en ZDS

L’île habitée

Maison construite sur une butte en ZDS

Cabines de plage mobiles Boulogne-sur-Mer - début XXe Métaphore d’un habitat «nomade» adapté à la menace ?

= La maison avec étage

La submersion marine provoquée par la tempête Xynthia remet en cause d’une part le choix d’implantation du bâti contemporain mais aussi le choix architectural des maisons qui ont été inondées en Charente-Maritime et en Vendée. «On constate de façon non négligeable que sur les 41 personnes décédés dans ces deux départements, 32 ont péri dans des maisons de plain pied (sans étage ou pièce refuge). Cela montre un lien évident entre le type de bâti et la mortalité dans le cas des submersions marines. Dans les communes littorales atlantiques, la prédominance du bâti de plain pied résulte d’un modèle de croissance immobilière qui répond à une demande locale. Le type de

Habiter la menace autrement ?

population, les règles d’urbanisme, le coût du foncier et de l’immobilier, la taille décroissante des foyers et la tradition urbanistique locale ont dissuadé la construction de maisons à étage. De plus, très peu d’habitations avaient des ouvrants de toit ou des trappes d’accès permettant soit aux personnes valides de se hisser sur le toit soit aux secours de pénétrer dans les habitations. Certains sinistrés ont dû défoncer le plafond pour accéder aux combles et les pompiers ont été obligés parfois de soulever les tuiles pour pouvoir accéder à l’intérieur de l’habitation. Les plans de prévention des risques en place dans certaines communes n’imposaient pas ces mesures de réduction de la dangerosité du bâti.

Ces difficultés d’accès ont été renforcées par les volets roulants électriques. Ce dispositif de fermeture des ouvrants s’est révélé être un véritable piège, car, l’électricité étant coupée, les sinistrés n’ont pu ouvrir les volets et les secours ont été retardés dans l’accès à l’intérieur des habitations». L’adaptation à la menace doit passer par le choix d’implantation du bâti dans le territoire mais aussi par le choix du type de bâti. La connaissance du territoire de Charron permet d’orienter ces orientations. Les points hauts des îlots calcaires situés à plus de 4 m constituent une alternative envisageable. Mais dans le cas où cela n’est pas possible


îlot de bourg Chapon

îlot de Charron

97/128

bâti contemporain bâti ancien

il faut envisager un type d’habitat beaucoup plus souple, intégrant de nouveaux concepts de construction. La question de la «résilience» se pose lorsqu’il s’agit de reconstruire après une catastrophe. Comment reconstruire ? Où reconstruire ? Il existe peut d’exemple de ville qui ne se sont pas reconstruites après une catastrophe, si ce n’est les territoires qui ont subi une catastrophe nucléaire comme celle de Tchernobyl en 1986. On observe plusieurs types de réactions après une catastrophe : - les sociétés qui reviennent en arrière et effacent les stigmates de la catastrophe. - les sociétés qui se relèvent mais

Projection du bâti existant après la déconstruction de l’ensemble des ZDS.

garde la mémoire de l’événement ; soit en gardant des éléments représentatifs de la catastrophe dans le paysage, soit en abordant une attitude qui vise à refaire quelque chose de mieux et de plus grand encore (ex. World Trade Center 11 Septembre 2001). Quelle mémoire doit-on garder du lieu ? Que sera ce lieu dans 30 ans? Peut-on imaginer une acceptation, une digestion de la catastrophe ? Le cas de Charron et plus largement celui de la baie de l’Aiguillon se place dans une situation d’oubli et d’effacement des stigmates de la tempête par la déconstruction des habitations sinistrés. Les villages sinistrés se reconstruisent autrement, dans

des zones à l’abri des inondations. La volonté commémorative engagée par les populations locales à chaque «anniversaire» de la catastrophe, permet de cultiver la mémoire de l’événement et donc du risque associé à ces territoires vulnérables. Mais comment garder la mémoire dans le paysage ? Quel héritage culturel du paysage transmettre aux générations futures ?


98/128

L’Atelier Littoral de Charente-Maritime

Suite à la tempête Xynthia dans le département de la Charente-Maritime, l’État à sollicité la formation d’un groupe de travail : l’Atelier Littoral. Son l’objectif est de définir le devenir des zones de solidarité après leur démantèlement. L’Atelier Littoral a pour mission de faire le lien entre les décisions de l’État et les élus locaux. Voici comment il se définit : «Une équipe pluridisciplinaire d’experts de haut niveau, mise à disposition des élus pendant une année, apporte un regard extérieur neuf sur le territoire, susceptible de débloquer des situations. La démarche cherche des nouveaux modes de faire : penser le territoire par le projet, et non seulement par les protections ou les contraintes, organiser et anticiper le développe-

ment futur pour valoriser les espaces à protéger.» Il est porté par : - le Ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement - la Direction Générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature - la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages - la Préfecture ainsi que la DDTM de Charente-Maritime et la DREAL Poitou-Charente L’objectif final étant de soumettre aux élus locaux des orientations d’aménagements des zones de solidarité et plus largement à l’échelle du grand territoire (intercommunal, SCOT). Cet atelier concerne en tout 26 communes du département, dont celle de Charron. Les premières

orientations proposées pour le site de Charron concerne essentiellement la ZDS principale, située à l’intersection des deux îlots habités de Charron et bourg Chapon. La réponse envisagée est-elle à la hauteur des enjeux soulevés par la submersion marine provoquée par la tempête Xynthia ? Le périmètre défini pour la ZDS peut-il être le périmètre d’un projet de paysage cohérent ? À mon sens la seule réponse dans le périmètre de la ZDS ne peut en aucun cas résoudre les problèmes et les stigmates de ce territoire. Nous avons vu en amont que ce territoire doit être abordé par son hydrographie, sa topographie, sa vulnérabilité aux inondations et pas uniquement par son découpage administratif !


Synthèse personnelle des premières intentions proposées par l’Atelier Littoral pour la ZDS principale du site de Charron en 2011.

Emplacement du futur camping

Promenade «plantée» (Port de Garde)

99/128

Traitement végétal des bordures d’îlot

«Jardin touristique des moules de Charron»

«Parc du marais»

Vergers - Potagers

Favoriser l’écoulement de l’eau Limite de la ZDS


> L’influence du changement climatique ?

100/128

Modélisation de la montée des eaux en Europe (cas d’une élévation du niveau de la mer de 1,50 m)

Une élévation du niveau de la mer a été constaté depuis plus d’un siècle. Le réchauffement climatique provoqué par l’effet de serre pourrait accélérer ce mouvement. Au XXe siècle le niveau moyen des océan s’est élevé de 18 cm, soit 1,80 mm/an. Depuis 1993 cette élévation s’est accélérée, en effet aujourd’hui la mer monte de 3,30 mm/an. D’ici la fin du siècle (horizon 2100) le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) prévoient une élévation de 0,80 à 1,00 m. On distingue trois causes à ce phénomène qui jouent un rôle équivalent : - l’effet stérique, c’est la dilatation de la partie superficielle de la masse océanique sous l’effet de son

réchauffement - la fonte des glaciers de montagnes - la fonte des calottes glacières du Groenland et de l’Antarctique. Quel devenir est à envisager par exemple pour les îles Maldives situées seulement à 1 ou 2 m au-dessus du niveau de l’océan ? Cet archipel compte 300 000 habitants dont 1/3 est concentré sur l’île de Malé, la capitale. Ces îles-atolls sont les «figures emblématiques» de l’urgence climatique. Le changement climatique pose la question de l’accès aux ressources et de l’aménagement du territoire. Ses conséquences provoqueront l’apparition d’une nouvelle classe de réfugiés : les réfugiés cliamatiques ! Quelles solutions apporter en

réponse à la montée des eaux ? Aujourd’hui les Pays-Bas s’entoure d’énormes barrières ou digues. Existe t-il d’autres solutions ou formes d’adaptations à ce phénomène qui concerne en priorité les territoires poldérisés. La montée des eaux concerne aussi les côtes à falaises qui subissent une érosion intense, où la seule solution est l’abandon du territoire. Résister et préserver les territoires face à la mer ? La question des polders est centrale car les hommes ont convertis des espaces amphibies en territoires productifs et économiques. L’ingénierie lourde pour lutter face à l’évolution du niveau de la mer est envisageable pour les territoires qui représentent des enjeux économiques important comme les


101/128

île de Malé, capitale des Maldives Située à seulement 2 m au-dessus du niveau de la mer


pleines mers moyennes pleines mers moyennes niveau moyen de la mer niveau moyen de la mer basses mers moyennes basses mers moyennes

niveaux actuels 102/128

montée des niveaux

L’élévation du niveau général de la mer et niveaux locaux de marée (d’après «Zones humides du littoral français»-Fernand Verger

grands ports et les villes côtières. Ces protections ont un coût de construction mais aussi un coût récurent d’entretien.

sager d’ici 50 ou 100 ans ? Quelle capacité d’adaptation sera déployée ? Quelle relation anticiper entre développement et adaptation ?

En plus de la question de sécurité civile, l’analyse coûts-bénéfices semble être un enjeux déterminent sur les actions à menées sur ces territoires vulnérables. La politique du recul stratégique ou politique du réalignement consiste à démonter des digues, à abandonner des polders => à accepter le recul ! Il ne faut pas aménager contre le risque mais plutôt aménager en tenant compte du risque.

«Dans son rapport sur le coût des impacts du réchauffement climatique de septembre dernier, l’Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique (ONERC) chiffrait à plusieurs dizaines de milliards d’euros d’ici 2100, la destruction de logements causée par le recul de la côte (érosion ou submersion marine) pour la seule région LanguedocRoussillon ! Solution envisagée par l’Onerc : construire en retrait des côtes. Mais les communes littorales soumises à de très fortes pressions résidentielles et touristiques l’enten-

Quelle sera la trajectoire de développement pour ces territoires ? Quelle évolution de cette société est à envi-

dront-elles de cette oreille ?».1 Il convient de rappeler que l’élévation générale du niveau des océans ne signifie pas la même augmentation dans tous les points du littoral. Une élévation du niveau de la mer est constatée depuis plus d’un siècle. À la Rochelle, la station marine de la Palice a relevé sur la période 18912000 une hausse de 33,5 cm, bien plus rapide que la tendance planétaire moyenne (2,8 mm/an sur 18911951 et 3,3 mm/an sur 1951-2000). Dans le cadre du projet de paysage appliqué à Charron, sera pris en compte le cas extrême annoncé par le GIEC. C’est-à-dire l’élévation du niveau moyen des océans de 1 m 1. Victor Roux-Goeke Actu-Environnement (publié le 03/03/2010)


Modélisation de la hauteur d’eau avec une élévation de 1 m. 103/128

d’ici 2100 ajouté à la côte maximale de référence qui est celle de la tempête Xynthia. Une élévation du niveau moyen de la mer n’est pas non plus obligatoirement accompagnée d’une élévation égale des niveaux de basses mers et de pleines mers. Il faut donc avoir une extrême prudence dans les visions prospectives. Le marais intermédiaire dans lequel sont implantés les îlots calcaires du village de Charron correspond à la zone de contact immédiat avec l’Anse de l’Aiguillon et donc la mer. Il est situé a une altitude moyenne de 3 mètres, le plaçant ainsi à 2 mètres au-dessous des eaux marines les plus hautes (cote de référence Xynthia).

Sa vulnérabilité se voit donc renforcée du fait de l’ensemble des prévisions anticipées par les experts du changement climatique. Il semble donc légitime de s’interroger sur les menaces qui pèsent sur le Marais Poitevin, ses paysages et ses sociétés. L’élévation attendue du niveau de la mer implique l’augmentation de la fréquence des tempêtes, des risques accrus d’inondation, d’érosion et de salinisation des espaces côtiers. «Si l’augmentation de la profondeur d’eau à l’extérieur des digues n’est pas compensée par une sédimentation équivalente, l’augmentation de la profondeur provoquera une diminution de la réfraction de la houle qui se traduira inévitablement par une énergie plus grande sur le litto-

ral. Cette plus grande énergie peut entraîner une grande vulnérabilité des ouvrages de défense contre la mer (...) L’évolution du niveau de la mer peut provoquer des modifications hydrologiques des écoulements superficiels. L’hydrologie littorale des zones de marais où de très faibles dénivellations déterminent le sens et le débit des écoulements risque d’être gravement perturbée».2 Quelles sont les adaptations à prévoir ? Quelles techniques mettre en œuvre ? Quelles innovations développer ? Quels coûts cela engendrera t-il ?

2. Extrait de «Zones humides du littoral français» - Fernand Verger


104/128

5/5 vivre

avec la menace

> La posture actuelle de l’État et des collectivités territoriales > D’autres scénarios envisageables ? > La démarche de projet


105/128


> La posture actuelle de l’État et des collectivités territoriales

Maintien de la céréaliculture et de l’élevage dans les polders agricoles

106/128

Construction de nouvelles zones pavillonnaires sur les points hauts

Déconstruction des maisons classées en ZDS

Restauration des digues de retrait 5m Restauration et élévation des digues principales (ouest et nord)

réparation de la digue nord a été validée et sera financée selon les modalités définies par le Plan digue. Mais la commune doit avoir validé son PAPI pour recevoir les modalités de financement. Les travaux sont prévus pour l’été 2013. L’ensemble des démarches qui permettent aux petites collectivités à faible potentiel fiscal de réaliser des travaux de restauration et d’entretien des digues est extrêmement contraignant et laborieux.

Part des financeurs des travaux des ouvrages de défense contre la mer selon le Plan Digue

PLAN DIGUE

La position de l’État et des collectivités territoriales est de résister et de lutter face à la menace. Les moyens techniques et financiers mis en œuvre (Plan digue) ont pour objectifs de renforcer le système de défense contre la mer et de réactiver les digues de retrait. Préserver les polders de la submersion marine est une priorité, pour ne pas revivre l’événement du 27-28 février 2010. À Charron la digue ouest a déjà été restaurée et rehaussée à la hauteur de 5 m, soit la cote de référence de la tempête Xynthia. La somme de 4M d’euros engendrés par les travaux de

40%

Collectivités, syndicats et Union Européenne

20%

Conseil Général

40%

État


> D’autres scénarios envisageables ?

Nous avons vu précédemment que les politiques publiques s’orientent vers la lutte contre la submersion marine pour favoriser le maintien des espaces acquis sur l’océan au cours du temps. Mais d’autres scénarios peuvent être envisagés pour le site de Charron : - On pense au cas extrême où la population abandonne ce territoire devenu trop vulnérable et instable face aux événements climatiques et à la montée des eaux. Dans ce cas, les ouvrages de défense contre la mer se dégraderaient progressivement. Les eaux marines pénétreraient et stagneraient dans les polders. Cela aurait pour conséquence la transformation des parcelles agricoles et des prairies en marais maritimes plus ou moins saumâtres. - Un autre scénario envisageable, serait celui de la fermeture de l’anse de l’Aiguillon, déjà évoqué dans les années 1960. Ce choix d’aménagement entraînerait la disparition de la vasière actuelle dont les terres acquises seraient dédiées à l’agriculture. La mytilicuture n’existerait plus sous forme de bouchot mais uniquement en filières de pleine mer. Ce

scénario est celui de l’exploitation des ressources et de la production agricole intensive. Le système de défense devrait alors être développé de façon radicale (digue ouvragée) pour faire face aux tempêtes et à la montée des eaux. Cependant il est important de noter que les politiques publiques ne s’engagent plus dans des processus de poldérisation en Europe depuis la fin des années 1960. Les raisons sont d’ordre économique et environnementales. Ce scénario n’est donc pas adapté au cas de Charron. - Le scénario qui permet à l’homme de renouer avec la mer est celui de «la cohabitation». C’est celui qui prend en considération les risques associés à ce territoire. La dépoldérisation en est une application, mais ce n’est pas l’unique réponse. L’adaptation tient compte de l’habitat, des milieux, des activités socio-économiques, de la sécurité civile. Ce scénario considère les activités inhérentes au territoire d’étude et tente de les adapter de façon pérenne à la menace, à la montée des eaux, au changement climatique. C’est ce scénario que je tente de privilégier à travers le projet de paysage appliqué au site de Charron.

107/128

Scénario de l’abandon

Scénario de poldérisation

Scénario de la cohabitation


Les différentes techniques de dépoldéraisation

108/128 Entrée de la mer contrôlée par une écluse ou une porte à marée au niveau de la digue principale.

«Dépoldériser peut aider à rehausser l’attractivité d’espaces ruraux en crise et constitue une réponse moins coûteuse et plus respectueuse de l’environnement à l’élévation du niveau marin et à ses corollaires. La dépoldérisation nous paraît également offrir un certain intérêt paysager, sur des littoraux en proie à la poursuite de l’urbanisation, de même qu’un intérêt écologique, pour favoriser la renaissance de marais maritimes ou estuariens hautement productifs, dans un contexte de raréfaction des zones humides. Dépoldériser ponctuellement ne constitue donc pas une pratique d’aménagement qui serait sans fondements et contraire à l’Histoire, mais une adaptation à l’évolution de la société et une forme plus ration-

Entrée de la mer favorisée par la création d’une brèche effectuée dans la digue principale.

Entrée de la mer favorisée par le retrait de la digue.

nelle de gestion du territoire.»1

à marée montante. Ceci est extrêmement bénéfique à la mytiliculture et à l’ostréiculture qui sont dépendantes de la qualités des eaux.

La dépoldérisation c’est «déposséder» ou affaiblir le polder de sa protection contre la mer. La dépoldérisation défensive correpond à l’adaptation à l’élévation du niveau de la mer ainsi qu’aux tempêtes. La dépoldérisation par brèche favorise la diversité et la mixité des paysages : anciens paysage agricole et nouveau paysage de lagune. Les avantages écologiques de la dépoldérisation se traduisent par une meilleure épuration des eaux terrestres avant leur arrivée en mer. Les eaux maritimes sont aussi filtrées lorsqu’elles pénètrent dans la lagune 1. Lydie Goeldner-Gianella «Dépoldériser en Europe Ocidentale»


Schéma de dépoldérisation (zone hachurée) du polder de Graveyron dans le bassin d’Arcachon

Dépoldérisation accidentelle par la formation d’une brèche dans la digue du polder de Graveyron.

«Les digues appartiennent à des associations syndicales autorisées (ASA), qui les gèrent. Si ces associations sont conscientes de la valeur de leurs digues, elles se sont sans doute plus préoccupées du drainage et de l’économie de l’eau aux fins de production que de protection. Ne faut-il pas favoriser d’avantage les contacts entre gestionnaires, associations syndicales, associations de protection de la nature et pouvoirs politiques ? Il faut comparer les frais entraînés par le confortement d’une digue aux bénéfices à en tirer. Sous cet angle, la dépoldérisation n’est pas toujours un désavantage. Penser un territoire en termes de défense côtière implique une appréhension tant dans le sens longitudinal que

transversal des dynamiques morphosédimentaires et hydrauliques qui lui sont associées. L’événement Xynthia met en exergue un défaut de stratégie globale et de gestion, et plus largement la difficulté qui existe à définir un réel projet de territoire. L’entretien et les choix de défense côtière sont rendus d’autant plus complexes que les acteurs concernés sont nombreux et que les structures font l’objet d’un important morcellement. Une association entre les ASA et les institutions ou associations protectrices de l’environnement serait sans doute la voie à suivre».1 1. Fernand Verger «Mission d’information sur les raisons des dégâts provoqués par la tempête Xynthia» (19/05/2010)

109/128

«L’initiative réglementaire relève de l’État français, ensuite appliquée par ses services déconcentrés (préfets). En Grande-Bretagne, la réglementation résulte d’un consensus étatique et local, et son application relève des pouvoirs locaux. Cette différence témoigne de deux cultures législatives opposées : une tradition française du texte de loi, et une tradition jurisprudentielle britannique. Moins marquée par des échelons intermédiaires, l’organisation institutionnelle britannique implique également une coopération plus directe entre les villes et le pouvoir central.»2

2. Roland Castro dans «Vivre le fleuve»


Les secteurs d’actions potentiels

110/128

Le quartier de la Marina aujourd’hui déconstruit

1

3

4

2

La zone de «l’ancienne saline»

La digue ouest dans le secteur de la Marina

Les polders de «la cabane de Charron» et du «Pré du Bas de la Laisse

5

Les bordures d’îlots de Charron et de Bourg Chapon

n 0m

250m

100m

500m


> La démarche de projet Frise chronologique prospective tempête Xynthia submersion importante 28/02/2010

tempête Joachim inondations rive gauche de la Sèvre Niortaise

début des travaux de la digue nord 07/2013

15/12/2011 09/2011 début des travaux de démolition des ZDS à Charron

09/2012 fin des travaux de démolition des ZDS à Charron

+ lancement étude du PAPI + appel d’offre DREAL (naturalisation des ZDS)

La démarche de projet appliquée au site de Charron prend son origine dans la définition des zones de solidarité après la tempête Xynthia. En effet, le paysage du Marais Poitevin et ses dynamiques ne s’arrêtent pas au seul cadrage dessiné par les services de l’État. Quel devenir peuton envisager pour ce futur «noman’s land» que sont ZDS ? L’approche de projet tente de définir les enjeux que soulève la mutation de cette zone. Ils concernent la qualité du paysage dans sa dimension écologique, de sa protection vis-à-vis de la submersion et des activités socio-économiques associées. Dans ce sens la ZDS doit être considérée dans le contexte dans lequel elle s’inscrit, Charron constituant

l’entrée littorale du Marais Poitevin. La position de cette ZDS et les transformations qu’elle va subir (démolition des habitations inondées, renaturalisation) méritent une réflexion globale et cohérente à l’échelle du village et du Marais. Les sites d’interventions repérés cicontre sont des pistes potentielles de sites de projet qui répondent à une logique d’interdépendance du territoire. Les orientations privilégiées dans le projet sont celles de l’adaptation à la menace et de la cohabitation. L’adaptation permet de pérenniser les activités du marais tout en conciliant la qualité du paysage et la protection civile. Le choix de la dépoldérisation défensive s’inscrit dans une

- élévation du niveau de la mer (+1m d’ici 2100 selon les experts du GIEC) - nouvelles tempêtes éventuelles ?

démarche durable et basée sur l’anticipation. La pérennisation de ces paysages implique le maintien des activités qui les façonnent : l’agriculture, la mytiliculture, l’élevage bovin, etc. Il semble donc essentiel de fédérer ses activités dans le projet paysage.

111/128


DDTM 17 + DREAL déconstruction + renaturalisation*

112/128

ZDS principale de Charron • 162 maisons d’habitation à déconstruire • 47 ha • Prix d’achat par l’État (maison+parcelle) = ± 250 000 E/maison Soit environ 40,5M d’Euros pour la zone

Renaturalisation ou oubli de la menace ? Le processus de déconstruction des ZDS tend à gommer les stigmates de la tempête et laisse vacant un territoire de projet. L’objectif des services de l’État (DREAL+DDTM) est de renaturaliser la zone (restauration écologique) = végétaliser le lieu avec des espèces indigènes • Quelle place occupe cette ZDS au-delà du périmètre défini ? • Quelle mutation peut-on envisager ?

État actuel

Orientations


113/128 Objectifs : - Répondre aux problèmes de submersion - Répondre aux problèmes environnementaux - Prendre en compte les activités socio-économiques associées à ce territoire - Répondre à la demande en logements

Un territoire d’interdépendances !

Marais Poitevin

- Retrouver un équilibre aujourd’hui perturbé - Anticiper l’évolution des paysages sous l’influence du changement climatique Concilier protection, usages, humain et économie

Charron comme entrée littorale sur le Marais Poitevin


Première esquisse regroupant les intentions de projet (FÊvrier 2012)

114/128


Le projet de paysage est articulé autour d’axes majeurs qui sont : - La création d’une lagune, zone tampon, qui reçoit autant les eaux de drainage des polders agricoles que les eaux marines lors de la marée montante. Cette éponge naturelle déploie des milieux saumâtres bordés de roselière et couverts d’une végétation halophyte. La lagune assainit les eaux avant le rejet en mer. - La brèche créée dans la digue est la zone de rencontre entre le milieu marin et le milieu terrestre. C’est une zone fragile dont le maintien est fondamentale pour le bon fonctionnement hydraulique de la lagune. - Le schorre est ainsi étendu au-delà de la digue. La sédimentation progressive qui s’effectue à son niveau constitue un terrain en pente qui vient freiner la houle lors des grandes tempêtes. Cette protection douce est primordiale pour se prémunir des submersions marines. - L’adaptation des infrastructures se fait en fonction des hauteurs d’eau. - L’adaptation des activités est anticipée.

115/128


«L’urbanisme doit s’organiser autour de sa géographie. Il faut reconsidérer la construction en zone inondable». Roland Castro dans «Vivre le fleuve»

116/128

Route submersible, passage du Goie à Noîrmoutier

Potagers flottants en Birmanie sur le lac Inle

Les références présentées ci-contre sont des exemples d’adaptation à des milieux inondables. Trois formes d’habitat prédominent : l’habitat sur butte, l’habitat sur pilotis et l’habitat flottant. Dans chacun de ces exemples, l’adaptation prend en compte la menace et permet ainsi le développement d’une société dans un milieu à risque. Les références de maisons flottantes aux Pays-Bas constituent un exemple concret de réalisation sur des terrains sensibles à la montée des eaux. La démarche du projet de paysage sur le site de Charron doit se faire dans une optique d’innovations techniques. L’adaptation impose une nouvelle façon de vivre un territoire.


Montagne dans les polders de Hollande (L=5km H=2km) - Thijs Zonneveld

Habitat vernaculaire sur butte de sable à Beau Duc en Camargue

Habitat sur pilotis imaginé par l’agence MVRDV

Habitat sur pilotis imaginé par l’agence MMW Architects

Tea House sur pilotis dessinée par l’architect Liu Jiakun

Structure flottante de béton utilisée pour le débarquement de la 2nde Guerre Mondiale

Maisons flottantes à Maasbommel, aux Pays-Bas

Maisons flottantes à Hamsterdam dessinées par les architectes de la société Monteflore

117/128


Annexe

> Parenthèse photographique Travail collaboratif avec un photographe «Portrait de Charron 2012» (Antoine Seiter)

Fuji Moyen format (4,5x6 mm)

118/128

Il existe différentes façons de retranscrire un paysage arpenté. Cela dépend bien entendu du support de représentation mais aussi de son auteur. Le choix de cette collaboration avec un photographe a pour objectif d’apporter un regard peut-être plus sensible des paysages de Charron et de ses habitants ? Le projet de paysage développé à l’occasion du TFE se traduit par une proposition d’aménagement sur un site donné, en fonction de problématiques définies. Comment considérer les habitants de Charron à travers ce projet de paysage ? L’utilisation de l’outil photographique permet le témoignage de l’identité d’un lieu et de ses habitants. Deux thèmes photographiques ont été définis par l’auteur (A. Seiter), dont voici la présentation : « Le projet est de photographier le

village de Charron sous deux aspects: - Dans un premier temps, par les traces visuelles de l’histoires du lieu. L’histoire proche avec l’événement Xynthia et plus lointaine avec le passé mytilicole et maritime - Dans un deuxième temps, en se tournant vers les habitants, des témoins plus sensibles. La première partie consistera à mettre en valeur les traces qui témoignent indirectement de l’évènement Xynthia. L’idée, est de prendre également en compte le paysage maritime qui entoure Charron, pour ne pas oublier la dimension naturelle dans lequel le village est implanté. Il semble évident de ne pas seulement se focaliser sur les stigmates de Xynthia. Il s’avère important de montrer l’environnement dans lequel à toujours été implanté Charron bien qu’on pourrait presque l’oublier en ne voyant plus que les dégâts de la tempête.

La seconde partie consiste a passer par les habitants. Ce sont eux qui font la vie du village, et qui pensent son futur. Je souhaite travailler en particulier avec les adolescents de Charron. Ils représentent à mon sens la partie la plus intéressante de la population face à la crise qu’est en train de vivre le village. Du fait de leur jeune âge, ils reflètent une totale innocence face à la catastrophe dans le sens où ils n’avaient absolument pas conscience de vivre dans un lieu vulnérable. La plupart d’entre eux n’ont probablement pas vécu la catastrophe de la même manière qu’un adulte plus conscient de la situation. C’est cette distance par rapport à l’événement qui m’intéresse». Les photos proposées ci-après ne représentent qu’une ébauche du premier thème. Le second thème est en cours de réalisation.


119/128

Espace dédié à l’activité mytilicole derrière la digue

Espace dédié à l’activité mytilicole derrière la digue


120/128

Port du Pavé

Port du Pavé


121/128

Zone de dĂŠconstruction la Faute/Mer

ChampagnĂŠ-les-Marais


122/128

« Il y a des vases que la haute mer recouvre encore, celles que les grandes marées seules atteignent, celles qui déjà se dessèchent et sont en passe de devenir, à l’abri de plusieurs épaisseurs de tamarins, terres de pâturage et bientôt de culture, à moins que la mer, dans un accès de colère, ne s’empare à nouveau de ce qui s’est édifié à son insu ou de ce qu’elle a laissé faire, mais qui reste son bien ».1 1. Louis Chevalier «Classes laborieuses, classes dangereuses»


Conclusion La vulnérabilité de ces paysages et la souffrance éprouvée par les populations sinistrées suite à la tempête Xynthia doivent permettre un renouveau. Se reconstruire, oui, mais autrement. Il semble aujourd’hui évident que le climat change. Les conséquences de ces bouleversements dans un laps de temps incertain suivant les différents scénarii des climatologues se feront néanmoins ressentir d’ici la fin du siècle. Il faut s’adapter et cohabiter avec le risque ! La reconstruction de Charron est une opportunité pour proposer de nouvelles solutions. Sa position sur le littoral le rend plus vulnérable aux événements climatiques et justifie donc une réponse urgente et adaptée. Le cas de Charron n’est pas isolé et pourrait avoir valeur d’exemple.

123/128


Bibliographie Ouvrages :

124/128

• Bahamon Alejandro et Alvarez Ana Maria ; Habitat lacustre ; L’architecture : du vernaculaire au contemporain, ed. l’inédite ; 2009 • BOURNÉRIAS Marcel, POMEROL Charles, TURQUIER Yves ; Guides naturalistes des côtes de France : La côte atlantique entre Loire et Gironde (Vendée - Aunis - Saintonge) ; ed. Delachaux et Niestlé ; 1986 • Le Brun Annie ; Perspective dépravée, entre catastrophe réelle et catastrophe imaginaire ; ed. du Sandre ; septembre 2011 • Compère Gaston ; Polders, les noces de l’eau, de la terre et du ciel ; ed. La renaissance du livre ; 2000 • Corbin Alain et Richard Hélène ; La mer, terreur et fascination ; ed. Seuil ; 2004 • L’ENSP ; Les Carnets du paysage n°17 : Des défis climatiques (article p.51, Polders du XXIe siècle : des paysages diversifiés et mouvants dans un contexte de changement climatique et d’évolution sociale) ; ed. Actes Sud ; 2008 • Gabilly Jean, Carriou Elie ; Poitou, Vendée, Charentes ; Guides géologiques régionaux ; ed. Masson ; 1997 • Garnier Emmanuel et Surville Frédéric ; La tempête Xynthia face à l’histoire, Submersions et tsunamis sur les littoraux français du Moyen-Âge à nos jours ; ed. Le Croît Vif ; 2011 • Lamunière Inès ; Habiter la menace ; ed. architecture albums, presse polytechniques et universitaires romandes • Michel François ; Le tour de France d’un géologue, Nos paysages ont une histoire ; ed. Delachaux et niestlé, BRGM ; 2008 • Mourier Pierre-François : Les cicatrices du paysage / Après la tempête, essai d’écologie scientifique ; Actes Sud/ENSP/Centre du Paysage ; 2000 • Paskoff Roland ; Côtes en Danger, ed. l’Harmattan, 1992 • Paskoff Roland ; Les littoraux : impact des aménagements sur leur évolution ; ed. Armand colin 1998 • Pilar Echavarria M. ; Architecture portative, environnements imprévisibles, ed. Links • Rousseaux Éric ; Petite histoire, Marais Poitevin : Geste éditions ; 2009 • Verger Fernand ; Zone humides du littoral français ; ed. Belin ; 2009 • Willemin Véronique ; Maisons sur l’eau ; collection anarchitecture, ed. alternatives ; 2008

Mémoires : • Demasse Yoahn ; Le réchauffement climatique, une nouvelle dynamique au marais de Brouage ; TFE 2009 • Morisseau Grégory ; En Somme, rendre la terre à la mer… ; TFE 2006

Films et émissions radio : • Tarkovski Andrei ; Stalker ; 1979 • Kahn S., Duvat V. et Magnan A. ; Climat : quels littoraux seront sous l’eau ? ; émission du 08.02.2012 à 14h00 sur France Culture • Reghezza M. ; La question de la résilience à Sendaï et Fukushima, un an après la catastrophe ; France Inter - La tête au carré ; émission du 16/02/2012

Cartes : • Carte IGN 1/25000e La rochelle, Anse de l’Aiguillon (1329 ET) • Carte géologique 1/50000e BRGM L’Aiguillon-sur-Mer (608)

Revues : • PaiseaDos N°1 ; Revista de paisajismo ; Holanda / NetherLands ; 2009 • ‘Scape n°2 ; The international magazine for landscape architecture and urbanism ; Facing Climate Change ; 2007


Sitographie Marais Poitevin :

• http://sig.pays-aunis.fr • http://www.pays-aunis.fr • http://www.observatoire-environnement.org • http://www.paysage-poitou-charentes.org • http://chlb14.free.fr/ • http://www.info-marais-poitevin.com • http://www.epmp-marais-poitevin.fr/ • http://www.observatoire-environnement.org • https://www.geoplateforme17.fr/accueil • http://marais-poitevin.org/html/ • http://www.eau-loire-bretagne.fr/espace_documentaire/documents_en_ligne/guides_zones_humides • http://www.sig.forum-marais-atl.com • http://www.zones-humides.eaufrance.fr/

Baie de l’Aiguillon :

• http://www.baie-aiguillon.reserves-naturelles.org • http://envlit.ifremer.fr/region/basse_normandie/activites/conchyliculture/mytiliculture • http://www.fao.org/fishery/culturedspecies/Mytilus_edulis/fr • http://aquaculture-aquablog.blogspot.com/2009/09/en-tout-temps-les-moules-gardent-la.html • http://www.durivaud.com/accueil.html,1,1,0,0,0 • http://envlit.ifremer.fr/region/poitou_charentes/documents

Charron :

• http://charron17.over-blog.com/ • page facebook de Charron

Agriculture :

• http://agreste.agriculture.gouv.fr/en-region/poitou-charentes • http://www.usagypsum.com/agricultural-gypsum-fr • http://www.poitou-charentes.inra.fr/toute_l_actu/archives/2010__1/tempete_xynthia_consequences_pour_les_agriculteurs

Xynthia et risque de submersion :

• http://www.marianne2.fr/Xynthia-les-sinistres-victimes-des-manoeuvres-politiques • http://www.cepri.net/fr/95/Logement_resilient.html • http://www.senat.fr/rap/r09-647-1/r09-647-11.html

Changement climatique :

• http://www.zones-humides.eaufrance.fr/?q=node/738 • http://news.nationalpost.com/2012/02/09/see-how-japan-has-rebuilt-in-the-11-months-since-the-earthquake-and-tsunami/ • http://www.psmsl.org/ • http://www.cmar.csiro.au/sealevel/index.html

Dépoldérisation et innovations techniques :

• http://bonnenouvelle.blog.lemonde.fr/2010/03/02/face-a-la-mer-lhabitat-flottant/ • http://www.liberation.fr/week-end/0101549117-marcher-sur-l-eau • http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geoc

125/128


126/128


version pdf 127/128


Réinventer (?) un paysage «sinistrable» Au sud de l’anse de l’Aiguillon, dans les derniers méandres de la Sèvre Niortaise émerge la commune littorale de Charron. Ce village insulaire décomposé en quatre îlots s’est implanté dans un territoire artificiel : un marais maritime transformé en polder. C’est un paysage anthropisé dont les terres gagnées sur la mer sont pleinement consacrées à l’agriculture. Paysage horizontal ouvert sur un ciel qui impose les couleurs, les nuances, la baie de l’Aiguillon se découvre au gré des marées et laisse apparaître une étendue de vase piquetée par les pieux du bouchot qui rappelle l’importance de l’activité mytilicole de la région. Ce territoire subit depuis des siècles les aléas climatiques et la rigueur des tempêtes marines. Pour se protéger les hommes y ont dressé des digues, système de «défense» contre la mer et déployé un réseau de canaux drainants. Jusqu’au XVIIIe siècle l’entretien des digues était régulier, la société de l’époque connaissait la vulnérabilité du site, susceptible de submersions marines en périodes de grosses tempêtes. Les sociétés littorales contemporaines semblent avoir négligé ce que les précurseurs ont mis en place. Peu à peu l’entretien des digues a été délaissé, le modèle des zones pavillonaires semble avoir convaincu cette nouvelle population qui sous-estime finalement le risque inhérent à ce territoire. Dans la nuit du 27 au 28 février 2010 la tempête Xynthia ravage le littoral atlantique. Les côtes vendéennes et charentaises n’ont pas été épargnées. Au lendemain de la catastrophe, Charron a retrouvé son insularité ! Cependant les habitations situées en point bas ont été dévastées. En plus des dégâts matériels, on dénombre trois victimes emportées par les eaux. Sous l’action conjugué d’un fort coefficient de marée et d’une houle violente, les digues usées n’ont pas résisté et ont rompu, laissant pénétrer l’eau comme dans une cuvette. Les zones urbaines les plus fortements touchées ont par la suite été classées en «zones de solidarité» (ou zones noires). L’État rachète et détruit les habitations, les propriétaires sont relogés. 25 % de la population fixe a déserté le village, plus de 200 habitations vont être démolies. Charron tente de se reconstruire ! Que faire de ces zones de solidarité après l’acquisition puis la destruction des maisons par l’Etat ? Quel avenir pour le village ? Quelle réversibilité pour ces paysages stigmatisés ? Doit-on continuer à habiter ce littoral de la même façon ? Et par conséquent comment habiter les territoires du risque ? Comment «soigner» un paysage sinistré en gardant la mémoire de la force naturelle ? Comment prendre en compte les différents échelons décisionnaires au niveau du politique ? Quels sont les rôles et les interventions du paysagiste dans cette situation ? Dans un contexte de réchauffement climatique et de montée du niveau de la mer : quel avenir envisager pour le village ? Et à plus large échelle pour le littoral et le Marais Poitevin ?

L École Nationale Supérieure de la Nature et du Paysage de Blois

9 rue de la Chocolaterie - 41 000 Blois Tél : +33 (0) 2 54 78 37 00 E-mail : ensnp@ensnp.fr Site internet : www.ensnp.fr


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.