Vivre Lyon 26

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LE MAGAZINE DES LYONNAIS —

AUTOMNE 2022 NUMÉRO 26 — VIVRE LYON Le magazine des Lyonnais — Trimestriel — Septembre / Octobre / Novembre 2022

Nouvelle formule

LYON 9

Le premier quartier zéro déchet de France

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SPORTS à tester de toute urgence !

SOCIÉTÉ

L’intégration des réfugiés par la cuisine

Maison Ma Bille

révolutionne la mode Rues Franklin et d’Enghien

Incontournable Le meilleur de la praline à Lyon L 12845 - 26 - F: 5,00 € - RD

HISTOIRE

Lyon, berceau du 7E ART



ÉDI TO

Il est l’heure…

D Vanessa Cornier Rédactrice en chef

e reprendre le travail, d’emprunter le chemin de l’école, de retrouver le quotidien, d’embrasser de nouvelles résolutions, d’ouvrir les yeux. Période la plus attendue de l’année, l’été a cette fois eu un goût amer. Une planète qui s’embrase, des températures qui s’envolent, une biodiversité en plein chaos. Trois ans pour garder une planète vivable, publiait le Giec. Un décompte qui commence dès aujourd’hui, pour ne pas dire hier. Si l’action n’est plus une option mais une nécessité, il est important de le faire à son rythme, un pas après l’autre, sans culpabiliser. À Lyon, les initiatives se bousculent. Première en France, le 9e arrondissement expérimente le zéro déchet à l’échelle d’un quartier. À deux pas de Bellecour, Maison Ma Bille propose une nouvelle manière de concevoir la mode, plus engagée écologiquement, mais aussi humainement. L’Atelier des nouveaux designs prône le do it yourself pour créer ses propres objets et vêtements. Un peu partout sur le territoire, les nouvelles adresses lyonnaises n’en finissent plus d’éclore, livrées dans un package qu’inclut instinctivement une conscience écologique et éthique. Prêt à préserver le monde de demain ?

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Siège social 55 boulevard Péreire 75017 Paris RCS 517 815 908 Gérant : Yann Crabé

RÉDACTION Vivre Lyon 14, rue du 24 Mars 1852 69009 Lyon Directeur de la publication Yann Crabé redac@vivrelyon.net

PUBLICITÉ CMI Media Régions Laurianne Fromentin 40, rue Laure Diebold 69009 Lyon 04 72 40 44 48

Rédactrice en chef Vanessa Cornier vanessa.c@vivrelyon.net Direction artistique & Design graphique Grand National Studio hello@grandnationalstudio.com Secrétaire de rédaction Marianne Ravel

Distribution France MLP Numéro commission paritaire 0922 K 93114 ISSN : 2494-3258 IMPRIMERIE Rotimpress Girona, Espagne

Journalistes & photographes Chloé Bridier Delphine Castel Vanessa Cornier Alisson Dessaigne Yanis Ourabah Marine Perrier Fanny Pincanon Nicolas Schiavi et Coline Vernay

Photo de couverture © Cécile Creiche Remerciements Merci à Camille Marion-Vigne et Nina Jouan-Zanetti, co-fondatrices de Maison Ma Bille à Lyon 2e maisonmabille.fr

Administration et finance Marjorie Batikian marjorie@vivrelyon.net

facebook.com/ vivrelyonmagazine

instagram.com/ vivrelyon

ABONNEMENTS Vivre Lyon marjorie@editionsvivre.fr

Le papier de ce magazine est issu de forêts gérées durablement et de sources contrôlées. pefc-france.org

VIVRE LYON est édité par Capitale Publishing SARL de presse au capital de 5 000 €

La reproduction, même partielle, des textes, photos et illustrations est interdite sans l’autorisation de CAPITALE PUBLISHING. Le contenu des textes n’engage que la responsabilité de leurs auteurs respectifs.

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© Rui Oliveira

© Yanis Ourabah

© Vanessa Cornier

SOMMA I RE

Culture —

La Biennale de Lyon revient pour une 16e édition Toutankhamon s’expose à La Sucrière p. 12 Cheveux mouillés, ou l’histoire d’une sirène aux cheveux crépus p. 14 Le retour du Marché Gare p. 16 Escape Game dans le Vieux Lyon du XVIIe siècle Le cinéma de demain avec Filmoramax p. 17 Damn ! Une librairie internationale à la Guill’ p. 18 Lyon, capitale du cinéma p. 20 Rencontre avec Tiago Guedes, nouveau directeur de la Maison de la danse p. 27

Food —

La praline rose sous toutes les formes p. 46

Une huile d’olive lyonnaise médaillée ! p. 30 Botani, table végétale avec vue Maison Baraban, nouveaux néo-traiteurs p. 32 Embarquement pour le Moyen-Orient avec la Maison géorgienne p. 33 Au Bœuf Citoyens ! des box pour mieux consommer la viande L’Ormiellerie ouvre sa cantine marocaine p. 34 Une fabrique à fromage en Presqu’île p. 36 Rencontre avec la boulangère Maye Lepoutre, rayon de soleil de la Croix-Rousse p. 40

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Green —

Hankō, nouveau paradis des plantes dans le 1er arrondissement p. 52 Une déco de fête 100 % éthique à Memphis Shop Restauration végétalienne chez Prana p. 53 Des graines pour prévenir la famine p. 54 Doctibike recycle les batteries Roulez (vert) jeunesse ! p. 55 Vers des créations écologiques avec L’Atelier des nouveaux designs p. 56 Lyon 9e, premier quartier zéro déchet de France ? p. 60


© Delphine Castel

© Cécile Creiche

© Mathilde Viana

V I V RE LYO N AU TO MNE 2022

Enquête —

L’intégration des personnes réfugiées par la cuisine p. 66

Portfolio — Émilie Ettori croque Lyon p. 76

Top 10 —

Les sports à tester absolument à la rentrée ! p. 84

Mode —

Le Coiffeur des petits Lyonnais p. 92

Des box pour confectionner ses vêtements Lyon sur les cabas p. 93

Lyon s’affiche sur les murs de la maison Manaaki, porte-bijoux minimalistes p. 111

Le temple de la mode des années 2000 p. 94

Sabrina Sallouh, artiste peintre au vin p. 112

Maison Ma Bille : tiers-lieu dédié au textile durable et engagé p. 98

Les filles du BTP : le bâtiment au féminin p. 119

Escapade —

Déco —

Un automne en Valais p. 123

Des histoires au bout du fil p. 108

+

Pickle Tableware twiste les assiettes de nos grand-mères Émile et Suzanne, temple de créateurs p. 109 Zoé Pignolet et ses broderies botaniques p. 110

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Carnet d’adresses p. 128 Aline Sam-Giao, directrice générale de l’Auditorium-Orchestre national de Lyon p. 130





Culture ×

“La culture porte et partage les émotions. Elle donne à l’humanité, et à chacun de nous, la joie et le bonheur de respirer.” Stéphane Théri, écrivain

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Fragilité et résistance

➀ ➀ Isabelle, Till & Sam

© Blandine Soulage

ART CONTEMPORAIN. Jusqu’au 31 décembre, la Biennale de Lyon vient proposer une nouvelle définition de la fragilité. Avec son Manifesto of fragility, elle décide d’en faire une force. Imaginée par les commissaires Sam Bardaouil et Till Fellrath, cette 16e Biennale établit le lien entre l’art et la vie. CB

16e Biennale de Lyon, Manifesto of fragility, jusqu’au 31 décembre labiennaledelyon.com ➂

Between Desire and Dread, 2019, oil on cotton, 62 x 86 Courtesy of the Artist and Night Gallery

➂ Amina

Exhibition view from Le Jardin en Soi, Loft Art Gallery, Casablanca, 2020

© Abderrahim Annag - Courtesy Loft Art Gallery

➁ Jesse Mockrin

Le tombeau du pharaon EXPOSITION. Cent ans en arrière, Howard Carter découvrait la tombe du petit roi d’Égypte Toutankhamon. Dès le 29 septembre, la Sucrière retrace cette épopée avec l’exposition immersive Toutankhamon – À la découverte du pharaon oublié. L’archéologue lui-même devient le narrateur de cette visite en quatre temps. De la découverte du tombeau aux retombées politiques et médiatiques de cette avancée historique, découvrez l’Égypte antique comme vous ne l’avez jamais vue. Vous arpenterez la réplique exacte du tombeau de Toutankhamon pour comprendre les rouages de la société au temps des pharaons. CB © Tempora

Toutankhamon – À la découverte du pharaon oublié. La Sucrière, Lyon 2e, dès le 29 septembre. Entrée entre 9 € et 17 € 012



Jolie sirène

Pourquoi avoir choisi la littérature jeunesse ? C’est quelque chose de tout bête, mais à la Fnac, le premier rayon dans lequel je me rends, c’est celui des albums jeunesse. Ce qui me plaît dans ces livres c’est la morale de fin, très innocente, très édulcorée. On ne tombe jamais dans des débats ultra violents ou ultra politiques. Pour moi, les enfants ont ce regard totalement innocent qui permet aux auteurs de raconter les choses de manière plus douce. Qu’est-ce qui vous inspire chez les sirènes ? J’ai toujours été fasciné par La Petite Sirène, c’est ce film de Disney qui m’a poussé à étudier le cinéma

© DR

Pour pallier le manque de représentation et de diversité dans les médias et la littérature jeunesse, Joshua s’est lancé dans l’écriture de son premier livre jeunesse. Cheveux mouillés retrace les aventures de Mélyka, une petite sirène noire aux cheveux crépus.

Joshua, auteur de l’album Cheveux mouillés

d’animation et l’illustration. Les sirènes font aussi partie des mythes et légendes présents aux Antilles. On les retrouve dans énormément de légendes aquatiques. C’est quand même fou qu’il n’y ait pas de petites sirènes noires dans les livres ! Pour moi, il fallait changer ça. Quelles épreuves l’héroïne Mélyka va-t-elle traverser ? Elle va faire face à toutes les difficultés que rencontrent les personnes aux cheveux crépus. Mélika devra affronter le regard des 014

autres, se questionner sur la beauté de ses cheveux. Elle va vouloir les changer, les dénaturer, pour finalement les accepter tels qu’ils sont. Le cheveu crépu est un cheveu qui est beau ! J’espère que Mélyka deviendra un modèle pour les enfants de couleur, qui ont souvent peu de princesses ou de personnages auxquels s’identifier. CB

@cheveuxmouillés sur Instagram pour se procurer le livre. 20 €



© Atelier CARTE BLANCHE architectes - Infographiste Olivier Sidler

Le retour du Marché Gare CONCERT. Après quatre ans de travaux, le quartier de La Confluence retrouve enfin sa salle de concert. Désormais, deux scènes animeront le mythique Marché Gare qui souhaite ouvrir la culture au plus grand nombre. Cela passe d’abord par la scène principale et ses 100 sièges supplémentaires, soit une capacité d’accueil de 400 personnes. Mais la grande nouveauté, c’est le Kiosk : avec sa centaine de places, il devient le lieu de rendez-vous pour les nouveaux artistes locaux et les Lyonnais en quête de découvertes musicales. Dans cette même optique d’accompagnement à la création artistique et de diversité musicale en ville, le Marché Gare propose des résidences et des ateliers pour les musiciens, chanteurs ou encore DJ. Artistes locaux, francophones et internationaux fouleront les nouvelles scènes du lieu dès la rentrée. Rendez-vous le 1er octobre pour découvrir gratuitement le nouveau Marché Gare. Une soirée animée par des DJ et concerts locaux, évidemment ! AD Marché Gare, Lyon 2e 016


Du grand cinéma FORMATS COURTS. Le Festival international du court-métrage Filmoramax, dirigé par le réalisateur et producteur lyonnais Arnaud Mizzon, est de retour du 27 septembre au 1er octobre. L’occasion de découvrir les futurs grands réalisateurs du cinéma français, et d’apercevoir des personnalités comme Ana Girardot, Lauriane Escaffre, ou Joyce Jonathan. JP

© DR

Programmation sur filmoramax.com

ESCAPE GAME. Partez à la rencontre de Giovanni, un jeune Italien du XVIIe siècle, venu à Lyon pour retrouver son oncle. Or, celui-ci vient de décéder de façon mystérieuse. À vous de percer ce mystère au travers d’un jeu de piste dans les rues du Vieux Lyon. Entre amis ou en famille, cet escape game en plein air est accessible également aux plus jeunes. Un conseil : soyez attentif à ce qui se trouve autour, de la cathédrale Saint-Jean à l’horloge aux Guignols. Des indices, disséminés dans une page Web dédiée, pourront vous guider. Pensez à prendre un carnet et un stylo, ça peut servir ! JP Durée : entre 2 h et 2 h 30. 2 à 6 personnes, à partir de 10 € par personne. Réservations sur imaginariumgame.fr 017

© Onirium Studio Graphique

Aidons Giovanni !


Photos © DR

Book, Buch, libro

Dans sa librairie internationale, Fiona partage ses coups de cœur.

LITTÉRATURE. C’est avant tout par passion que Fiona Dutrain a ouvert sa librairie internationale. Au cœur de la Guillotière, elle vous accueille dans son Damn Fine Bookstore. Le temps d’un café, vous pouvez venir découvrir les nouveautés de la littérature anglaise, portugaise, allemande, espagnole ou italienne. Lectrice de toujours et grande amatrice de littérature étrangère, Fiona ne pouvait que proposer une librairie sans frontières, où petites et grandes plumes du monde se côtoient. Romans à l’eau de rose, d’horreur ou essais littéraires ? Si vous hésitez encore, prenez-les tous, ou faites appel à Fiona qui saura vous guider. Avec des arrivages toutes les semaines, votre pile à lire n’aura pas le temps de désemplir. Le Damn Fine Bookclub est le rendez-vous de tous les passionnés de lecture. Une soirée à discuter de livres et d’auteurs, le tout en faisant de nouvelles rencontres, c’est le rêve non ? CB Damn Fine Bookstore, La Guillotière 018



Lyon, berceau e du 7 art

Il y a un peu moins de cent trente ans, les frères Lumière inventaient un appareil qui allait révolutionner le 7e art : le cinématographe. Si Lyon n’est pas le centre du cinéma actuel, la ville continue de faire vivre son histoire avec le cinéma. Texte Alisson Dessaigne

T

out commence avec Antoine Lumière, le « grand-père du cinéma ». En 1870, ce passionné d’images quitte Besançon avec sa famille pour rejoindre Lyon où il installe son studio de photographe. « Il est portraitiste. À l’époque, personne ne fait de photo soi-même, on va chez le portraitiste », explique Fabrice Calzetonni, responsable du service pédagogique à l’Institut Lumière. Auguste et Louis, les aînés de la fratrie qui comptera six enfants, ont alors respectivement 8 et 6 ans. « En 1880, Louis a 18 ans, Auguste 20, et ils mettent au point ce qui va s’appeler

la plaque étiquette bleue. C’est-à-dire une plaque de verre sur laquelle on peut faire de la photo soi-même. » Une innovation pour l’époque qui se vend à des millions d’exemplaires dans le monde et qui va faire la fortune de la famille. Antoine Lumière décide alors d’installer son usine dans le quartier de Monplaisir dans les années 1890 pour répondre à la demande industrielle. Les frères Lumière vont quant à eux travailler sur des innovations et créations autour de la photographie, de la médecine et surtout du cinéma avec une invention qui changera le cours de l’histoire. 020

© Collection Institut Lumière

Photos Voir mentions


Auguste et Louis Lumière dans leur laboratoire vers 1925

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“En 1906, la ville de Lyon accueille ses premières salles de cinéma permanentes” l’invention où tout le monde essaye de trouver l’innovation idéale, ce sont eux qui arrivent les premiers avec un appareil qui fonctionne parfaitement. » En 1895, Auguste et Louis Lumière déposent le brevet de leur cinématographe. Et le 28 décembre, au Grand Café de Paris, a lieu la première séance de cinéma publique. Les frères Lumière diffusent ce qui est alors considéré comme le tout premier film, La Sortie de l’usine Lumière. En tout, 1 500 films sont produits grâce au cinématographe.

© Institut Lumière / Photo Blandine Soulage

Les premiers sièges rouges lyonnais

La villa Lumière fait partie des rares vestiges de la famille Lumière.

© Bibliothèque Municipale de Lyon

Rendre le cinéma collectif

Bertrand Tavernier, premier président de l’Institut Lumière, et Bernard Chardère, cocréateur de l’Institut.

En 1894, Antoine Lumière découvre à Paris l’exposition du Kinétoscope de Thomas Edison et William Dickson. Si cette invention se veut révolutionnaire pour son époque, la première permettant de visionner des images animées, elle comporte une limite d’une personne par visionnage. À son retour à Lyon, Antoine Lumière confie alors une mission à ses fils : concevoir un appareil permettant de diffuser un film sur grand écran et à destination d’un public plus large. « Dans une espèce de course à 022

Dix ans plus tard, en 1906, la ville de Lyon accueille ses premières salles de cinéma permanentes. Elles vont rapidement s’étendre, passant de 7 salles en 1910 à 32 en seulement quatre ans. Parmi les premières : le Scala-Bouffes. Le lieu ouvre d’abord en tant que cabaret-théâtre en 1880, avant de se transformer en salle de cinéma en 1906. Le lieu est par la suite racheté par UGC et transformé en multiplexe de 7 salles en 1974 pour répondre à la hausse de sorties des films de l’époque. Elle devient les 7 Nefs en 1985 lors de son rachat par l’indépendant Lucien Adira. Puis les 8 Nefs lorsque celui-ci décide d’acquérir Le Paris en 1994, une salle de cinéma… pornographique. Le cinéma finira sa vie sous l’appellation de Pathé Cordeliers après un énième rachat et ne compte plus que 7 salles, le Paris était définitivement mis de côté. En 2016, le bail touche à sa fin et le groupe cesse l’exploitation de cette salle


© Bibliothèque Municipale de Lyon

Caméra Urban Bioscope, inspirée par le cinématographe

© Bibliothèque Municipale de Lyon

© Institut Lumière / Photo Jean-Luc Mège

Le premier cinématographe des frères Lumière

Les 1 400 films des frères Lumière conservés à l’Institut

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mythique qui ferme officiellement son rideau le 28 février. À cette même époque, un autre cinéma prend son envol. La société Pathé fonde à cette période cinq sociétés pour assurer l’exploitation de ses films en France. À Lyon, le Cinéma-Monopole s’installe au cœur de la rue Grolée. Le théâtre Pathé-Grolée voit alors le jour en 1907 et, dès l’année suivante, devient le premier cinéma permanent de la ville avec une programmation sur toute une soirée. Le cinéma va alors connaître plusieurs vies et différents noms. Il devient Le Grolée à la disparition du Cinéma-Monopole en 1929 puis CNP Grolée en 1982, après l’acquisition de la salle par le Cinéma national populaire de Robert Gilbert et Roger Planchon en 1976. Après un rachat controversé par Galeshka Moravioff en 1998 des trois CNP de la ville, le CNP Odéon ferme finalement ses portes en août 2009. Depuis 2012, le théâtre Comédie Odéon profite d’une seconde vie, loin du milieu cinématographique. Ce qui ne l’empêche pas de rester dans les mémoires. « Bertrand Tavernier m’a raconté à l’époque que quand Quentin Tarantino est venu à Lyon pour le Festival Lumière, il connaissait le lieu. C’était un endroit mythique dans le milieu du cinéma des années 50 et 60 », raconte Julien Poncet, l’actuel directeur du Comédie Odéon. Face aux fermetures et transformations des salles de cinéma en ville, la question se pose : quelles sont les plus anciennes salles de cinéma toujours ouvertes à Lyon ? Il s’agit du Lumière Fourmi et du Comœdia, ouverts en 1914 sous les noms de Lafayette et Berthelot.

CÉLÉBREZ LE CINÉMA À LYON Du 15 au 23 octobre, découvrez la 14e édition du Festival Lumière. Depuis 2009, cet événement rend hommage au cinéma international avec des invités de prestige. Cette année, Tim Burton succédera à Jane Campion et recevra le prix Lumière lors de la soirée d’ouverture. festival-lumiere.org

© Bibliothèque Municipale de Lyon

Lyon 8e, l’arrondissement des Lumière En tant que terre de naissance du cinématographe et de succès des frères Lumière, le 8e arrondissement de Lyon conserve de nombreuses traces de ce passage historique. Plus précisément, c’est le quartier 024

L’Institut Lumière, le hangar du premier film

Monplaisir qui est le témoin aujourd’hui de cette aventure avec ces plaques de rues, devenues des « claps de rues ». Et pourtant, ce n’était pas gagné ! « Dans les années 20, la famille part s’installer dans le sud de la France, raconte Fabrice Calzetonni et à la mort d’Auguste en 1954, les enfants, qui sont devenus les patrons, vont vendre à une entreprise anglaise. » Lorsque les Anglais quittent les lieux à la fin des années 70, l’usine est à l’abandon puis démolie, tout comme la villa d’Auguste et Louis. Ce sont Bertrand Tavernier et Bernard Chardère, premier directeur de l’Institut, qui vont réussir à sauver le hangar abandonné et la villa fermée d’Antoine Lumière. « La


Le musée de l’Institut Lumière retrace l’histoire du cinéma

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© Institut Lumière / Photo Jean-Luc Mège

© Institut Lumière / Photo Jean-Luc Mège

“Chaque année, le Festival Lumière, qui se tient à l’Institut Lumière, rend hommage au 7e art” démolition de cette maison était prévue. Il y a une journée où ça a été très physique. Les collectionneurs et cinéphiles ont barré la route aux bulldozers pendant que Bertrand Tavernier était à la mairie pour empêcher la démolition. » Du passage de la famille Lumière reste encore aujourd’hui le chemin SaintVictor sur lequel s’ouvraient les usines Lumière. Si ce nom de rue ne vous dit rien, ce n’est pas un hasard. En hommage à Antoine Lumière, décédé en 1911, et à La Sortie des usines Lumière, la rue a changé de nom et est devenue la rue du Premier-Film le 2 juin 1930. C’est au cœur de cette même villa qu’a ouvert en 1982 l’Institut Lumière qui n’a de cesse de se développer au fil du temps. Il s’est notamment agrandi en 1995 pour fêter le centenaire du cinéma. Puis en 2003, l’Institut a acquis les pièces manquantes de la collection et ouvert son musée. Parmi ces objets, « le fameux numéro 1, le cinématographe qui a fait la projection à Paris en 1895 ». Sans oublier, depuis 2009, le Festival Lumière qui se tient chaque année à l’Institut Lumière et qui rend hommage au 7e art à l’international. « Même si aujourd’hui il n’y a plus personne, à part un arrière-petit-fils qui vient toujours, l’Institut Lumière continue de faire vivre l’histoire de la famille Lumière. »


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© Rui Oliveira


‹ Tiago Guedes, nouveau directeur de la Maison de la danse

Texte Vanessa Cornier Photos Voir mentions

ON(L)Y DANSE Nouveau directeur de la Maison de la danse, le chorégraphe portugais Tiago Guedes a pris ses fonctions à temps plein le 1er septembre, succédant à Dominique Hervieu. Rencontre.

Votre projet ON(L)Y Danse – un futur partagé pour la danse à Lyon a conquis le jury, qui vous a nommé à l’unanimité parmi six candidats. Ça vous a surpris ? Bien sûr que oui ! Quand j’ai décidé de postuler à ce grand défi à la Maison de la danse et de la Biennale de Lyon, je me suis dit que c’était un bon moment. Ce genre d’opportunité ne se présente pas tous les jours. À Porto, je dirigeais depuis huit ans le Théâtre de la Ville et le festival Dias da Dança où la danse était au cœur du projet. Je programmais aussi du théâtre, des marionnettes, etc. Ici à Lyon, j’avais pleinement connaissance de ce qui se faisait, car nous étions aussi partenaires du Pôle européen de

création. […] J’ai beaucoup travaillé pour ce projet, ON(L)Y Danse, j’ai fait ça de façon très libre, j’ai osé. En quoi consiste votre projet ? Il est complexe dans le sens où il a une très grande ampleur. Il lie la Maison de la danse, la Biennale de la danse et les Ateliers de la danse. La base est de casser les frontières entre ces projets et d’imaginer quelque chose où la danse est centrale. Il y a différents axes d’entrée. D’abord les artistes au cœur du projet. J’en ai invité neuf, qui vont investir le plateau de la Maison, la Biennale ou les Ateliers. Certains ont un parcours de travail énorme, comme Lia Rodrigues, François Chaignaud ou Jan Martens. D’autres sont 027

très jeunes comme Nach ou le Collectif ES. On a imaginé avec eux des cartes blanches ; il s’agit de les amener à réfléchir avec nous à la programmation. Il y a un autre axe d’entrée dans le projet que j’appelle « Aller au-delà » : au-delà des frontières de la Maison de la danse, avec des créations qui ne sont pas des créations maison. C’est le cas de la Cabane de la danse, qui va nous permettre de présenter nos projets dans les villes de la région ne possédant pas de théâtre. On s’installera dans des gymnases, des salles communales, etc. Dans la même lignée, il y a le 8e Festival, un temps fort autour du 8e. On va travailler avec les forces vives de cet arrondissement : mairie,


© Marco Cappelletti

© Phile Deprez

Jan Martens, any attempt will end in crushed bodies and shattered bones

LA (MAISON DE LA) DANSE FAIT SA RENTRÉE ! « Cette saison est très intéressante car très diverse. Elle présente les esthétiques de la danse, et des chorégraphes qui viennent régulièrement à Lyon comme Angelin Preljocaj, Rachid Ouramdane et Maguy Marin. On y découvre aussi d’autres noms comme Marco da Silva Ferreira, Anne Teresa De Keersmaeker, mais aussi Jan Martens qui sera présent au début de la saison avec un spectacle magnifique. » Découvrez l’intégralité de la programmation 2022-2023 sur maisondeladanse.com

bibliothèques, gymnases, Nouveau Théâtre du 8e. On a imaginé un rendez-vous culturel où le corps est central, avec une programmation pluridisciplinaire, protéiforme. Au-delà de la temporalité de la Biennale : il lie les deux biennales [2023 et 2025]. On a imaginé un projet de coopération artistique, avec cinq programmateurs invités de cinq endroits du monde : Rio de Janeiro, New York, Mozambique, Taïwan et Australie. Ils vont choisir cinq artistes de ces régions, et ensemble on va imaginer, pour 2025, un forum mondial de réflexion sur l’état de la danse dans le monde. L’idée est de développer des projets là où se situent les artistes, puis de les faire venir à la Biennale. Cette dernière servira de support pour ces personnes qui n’ont pas les conditions des artistes européens. Au-delà des Ateliers de la danse : on va imaginer un projet en octobre 2023, bien avant l’ouverture des Ateliers en octobre 2025. Parallèlement à la mise en place du chantier, nous allons développer un projet dans le quartier de l’îlot Kennedy avec les écoles, la maison senior, les voisins et les ouvriers, qui travaillent aussi avec le 028

corps, à l’image des danseurs. L’idée est d’engager les équipes qui vont construire cet outil de travail pour la danse au cœur du projet artistique. D’où vient votre intérêt pour Lyon ? Lyon est une ville qui bouge. Elle est culturellement intéressante. L’histoire de la danse y est très importante. La danse a toujours été construite et rêvée à partir de Lyon. C’est une marque identitaire à la Maison et à la Biennale. Posséder ce passé et ce patrimoine, et pouvoir oser imaginer le futur de la danse, est inédit ! Que représente la danse pour vous ? Quel est son rôle ? La danse est une discipline magnifique. Elle peut prendre des formes esthétiques différentes, elle se connecte beaucoup avec les autres disciplines : théâtre, art visuel, architecture. Elle est un langage universel. Beaucoup de personnes pratiquent la danse sans le savoir. Tout le monde bouge, les gens dansent seuls à la maison, ils sortent en boîte de nuit. Le mouvement est partout. […] La danse, c’est un état du monde vers le corps. Elle est comme une radiographie de la société.


Food ×

“Dans les souvenirs d’enfance de chaque bon cuisinier se trouvent une grande cuisine, une cuisinière en marche, un gâteau qui cuit et une maman.” Barbara Costikyan, écrivaine culinaire

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© Oliv et sens

Huile d’olive médaillée GASTRONOMIE. La meilleure huile d’olive catégorie France est lyonnaise ! Nommée par le concours international JOOP au Japon, Oliv et Sens porte fièrement sa médaille d’or grâce au travail de Myriam Ritter et David Cornet. Ils présentent cinq huiles différentes, chacune créée à partir d’une seule variété d’olive, et qualifiées de « vierge extra », donc triturées directement après la récolte. La dernière, elle, est fabriquée à l’ancienne. Oliv et Sens propose également pas moins de 19 tartinades composées de tapenades ou de confits, idéales en été comme en hiver, des gammes spécifiques étant proposées suivant la saison. Sans additif, colorant ou conservateur, ces huiles bio sont travaillées aujourd’hui par les plus grands chefs. Pour la rentrée, Myriam et David désirent étendre leur gamme en mettant à l’honneur leur propre miel, et en proposant des coffrets variés, en fonction des saisons. olivetsens.com 030



Touche végétale TABLE AVEC VUE. Ouvert cet été, Botani est le nouveau restaurant qui surplombe la piscine du Rhône. Un spot à la vue imprenable dont on attendait avec impatience la réouverture. Côté cuisine, les plats sont élaborés à partir de produits locaux et avec une offre à 50 % végétarienne. Plus qu’un simple restaurant, Botani est également une jardinerie urbaine qui propose des plantes cultivées de manière écoresponsable. FP

© Botani

Botani, Lyon 7e. Du mardi au samedi de 12 h à 0 h 30 Formule du midi entrée, plat et dessert à 21 €

Néo-traiteurs

© Maison Baraban

FORMULE COMPLÈTE. Imaginée par Philippe Descournut, Hugo Bossard et Cédric Vaujany, trois amis diplômés de l’Institut Paul Bocuse, Maison Baraban est une nouvelle adresse fraîchement installée à Villeurbanne. Un concept de néo-traiteurs qui propose une offre gourmande et conviviale avec des recettes coquines et modernes, aussi bien adaptées à une clientèle de bureau qu’à des événements à la maison. Au menu : plats classiques revisités, pâtisseries salées, viandes confites, salades, plats végétariens mais aussi des plateaux apéro bien garnis. Des recettes présentées sous vide ou prêtes à l’emploi, parfaites pour ripailler, entre amis ou en famille, toujours sans chichi mais avec goût et élégance. FP Maison Baraban, Villeurbanne maison-baraban.fr 032


© DR

© Fridon

Retrouvez La Maison géorgienne à La Commune, Lyon 7e, du mardi au dimanche.

Voyage en Géorgie Nino et Nina sont sœurs. Depuis avril, elles proposent de découvrir, à La Commune, les recettes géorgiennes avec lesquelles elles ont grandi. Leur objectif ? Ouvrir à terme un restaurant en ville.

Quelle est l’histoire de La Maison géorgienne ? On travaillait toutes les deux séparément dans la restauration et on avait très envie de faire découvrir la cuisine géorgienne de notre enfance. Ce n’est pas quelque chose que les gens connaissent. On trouve quelques restaurants en France, comme à Nice ou Paris, mais c’est rare. On voulait amener cette cuisine à Lyon, parce que c’est notre métier et notre savoir-faire. La Commune était la solution idéale pour s’installer et commencer. Le projet est d’ouvrir un restaurant à Lyon. Quand prévoyez-vous d’ouvrir ce restaurant, La Maison géorgienne ? Nous sommes arrivées en avril à La Commune. Ça fonctionne sur six mois, renouvelable deux ou trois fois. Nous espérons que d’ici dix-huit mois nous serons en mesure d’ouvrir le restaurant. 033

C’est souvent ce qui se passe ici, les restaurants tournent. La clientèle est habituée et connaît nos recettes. On s’y sent bien, les gens adorent notre cuisine. On a beaucoup de bons retours. Comment définir la cuisine géorgienne ? C’est une cuisine très riche avec beaucoup de fromages. Un peu comme ici en France, on en a une grande variété. On utilise beaucoup de noix, salées ou sucrées. Nous proposons des plats typiques de nos régions géorgiennes, dont nous ne changeons jamais les recettes. Notre savoir-faire, nous l’avons acquis grâce à nos parents. Nous avons choisi un maximum de produits locaux, notamment pour les légumes, mais aussi la viande qui est locale et bio. Nous voulons de bons produits qui mettent en valeur notre culture gastronomique. AD


Mieux consommer

© L’Ormiellerie

BARBACK. Bons vivants, Thierry Lahon et ses amis ont décidé, après les confinements, de fonder Au Bœuf Citoyens ! Une idée inspirée d’un constat simple : les Occidentaux ne consomment que 20 % des pièces de bœuf ! Après cette prise de conscience, ils ont décidé de se lancer et de proposer des coffrets de viande de bœuf, livrés à domicile, comprenant tous les morceaux, de l’onglet à la hampe. L’occasion de découvrir de nouvelles recettes, disponibles sur leur site et concoctées par des chefs. Une playlist adaptée pourra même vous guider lors des temps de cuisson ! JP Coffrets à partir de 53 € sur le site auboeufcitoyens.fr

Cantine marocaine

Photos © Sandrine Saadi

GOURMANDISE. Avec une cuisine qui mélange traditions marocaines et techniques apprises lors de leur passage à l’Institut Paul Bocuse, les deux sœurs Kenza et Aïda semblent avoir trouvé le combo gagnant. Dans leur salon de thé/ cantine du 6e, elles invitent les Lyonnais à déguster leurs célèbres cigares au miel revisités version salée et sucrée, dans une vaisselle chinée à Marrakech. Un voyage des sens qui se poursuit à la carte, entre formule déjeuner et brunch le week-end. CB L’Ormiellerie, Lyon 6e 034



Fabrique à fromages urbaine

Texte Marine Perrier

Photos Yanis Ourabah

C’est dans le quartier de la Guillotière que la seule et unique laiterie de Lyon a ouvert ses portes en 2021. Un projet initié par Anaïs Duraffourg qui confectionne, avec Lucas et Émilie, ses propres fromages et yaourts à partir de lait biologique.

Lucas et Anaïs


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urassienne de naissance et fille de parents producteurs fromagers, Anaïs Duraffourg baigne dans cet univers depuis son enfance. Après avoir suivi une formation à La Laiterie de Paris auprès de Pierre Coulon, fromager et professeur à l’Ifopca, elle a l’idée de réaliser un concept similaire : La Laiterie de Lyon. Cette nouvelle adresse qui porte bien son nom par son unicité au sein de la capitale des Gaules est arrivée dans un contexte postconfinement, où le retour aux commerces de proximité était le bienvenu. Si Anaïs et Émilie, son associée, s’occupent de la vie de l’entreprise, Lucas met du cœur à l’ouvrage dans la conception des fromages et yaourts.

Du fromage façonné à la Guill’ Dans son atelier de 90 m² ouvert sur la rue Mortier, Lucas façonne les spécialités de La Laiterie : petitpont, inspiré du saint-marcellin, cervelle des canuts, fromage blanc, faisselle, halloumi chypriote et skyr sont soigneusement préparés par ce jeune fromager. Si la création du fromage est sa principale caractéristique,

cette laiterie crée également « des yaourts à partir de produits de saison, tels que la verveine, la menthe ou la fraise », énonce Anaïs. « Le lait arrive les mardis matin, puis nous lançons les fabrications le reste de la semaine. La vie de la laiterie se fait en fonction de cet arrivage », explique l’entrepreneuse. Des produits conçus à partir de lait bio qui provient de la commune de Luzinay dans le département de l’Isère, et dont le prix fut un de ses engagements premiers : « La rémunération de la filière étant 0 37

“Lucas façonne les spécialités de La Laiterie : petit pont, cervelle des canuts, fromage blanc, faisselle, halloumi chypriote et skyr”


“L’un de nos objectifs était de fixer le prix le plus juste possible, soit 95 centimes pour du lait biologique” deux fois plus élevée que la moyenne nationale, l’un de nos objectifs était de fixer le prix le plus juste possible, soit 95 centimes pour du lait biologique. »

Lyon sous le charme de La Laiterie C’est dans une vitrine des plus alléchantes que les fromages de La Laiterie de Lyon prennent place. Une envie de déguster ces merveilles et de discuter avec Anaïs et Émilie s’impose alors comme une évidence dans ce lieu où « l’esprit village » retentit une fois les portes poussées.

Implantée depuis plus d’un an, La Laiterie de Lyon est un endroit où les Lyonnais bons vivants y trouvent leur compte : ambiance conviviale, fromages et yaourts faits maison, vins nature ou encore charcuteries sont les maîtres mots de cette nouvelle institution. « Notre laiterie propose également des produits tout droit venus de Longes, chez Anaïs Devun, éleveuse de cochons bio de plein air avec qui nous sommes fières de collaborer. Nous proposons également des produits de revente, c’est-à-dire des fromages que nous ne faisons pas nous-mêmes, tels que du morbier 038

ou encore du gorgonzola. » Si cet espace est dédié à la vente de leurs mets, certains restaurants comme Ubuntu à Croix-Paquet ou encore La Cocagne, situé non loin de l’établissement, proposent les petites confections de Lucas. Mais cela ne s’arrête pas là : les épiceries Ma ferme en ville aux Brotteaux, Vrac en Vil’ à Villeurbanne, Patate à Saint-Paul et 3 Ptits Pois à Jean Macé seraient en possession de fromages et yaourts signés La Laiterie de Lyon. Et parce que Anaïs et Émilie souhaitent partager leur passion, elles organiseront prochainement des ateliers et des dégustations dans cet endroit où fabriquer du fromage au cœur de Lyon n’est pas impossible. facebook.com/laiteriedelyon



Texte Vanessa Cornier Photos Yanis Ourabah

L’art du pain au levain Il suffit de se laisser guider par la douce odeur du pain croustillant sorti du four pour la trouver au hasard de la rue des Pierres Plantées. Tenue d’une main de maître(sse) par la boulangère Maye Lepoutre, mexicaine d’origine, la boulangerie Bonomia régale depuis quelques mois déjà les Croix-Roussiens et autres amateurs de pain artisanal au levain 100 % bio, pétri « con amor ».

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aux graines torréfiées, ou au Titus, excellent pain de seigle intégral à base de farine de petit épeautre, à la mie dense, pour ressentir les premiers papillons d’une histoire d’amour naissante.

Le boulanger est une boulangère

“Quand on achète du pain, on a un produit d’apparence très simple, passé par les mains d’un artisan qui y a mis tout son savoir-faire, tout son amour aussi”

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a chaleur est écrasante en ce jour d’été où nous partons à la rencontre de Maye au petit matin. Malgré les températures caniculaires auxquelles même nos smartphones ne résistent pas, l’artisane est aux fourneaux, plus active que jamais. Le temps file et il lui faudra être prête pour l’arrivée de ses premiers clients dans deux heures. Parce que ici les pains et brioches sont 100 % artisanaux (fait de plus en plus rare à Lyon pour être souligné !), Maye enchaîne les fournées, vérifie les cuissons, s’assure de la bonne santé de son levain, et façonne les produits qui viendront trôner dans sa vitrine. Synonyme de simplicité, générosité et bienveillance, Bonomia – pour bonhomie en français – se veut une boulangerie de quartier artisanale sans prétention. Et pourtant il suffit de goûter au pain porridge, excessivement moelleux, au pain 0 42

Chez Bonomia, le féminin prime. Une histoire de joyeux hasard à laquelle se sont greffées, depuis l’ouverture de la boulangerie le 29 mars dernier, Meg-Anne et Aurore, boulangères également. Exception à la règle tacite selon laquelle la boulangerie serait une affaire d’hommes. « On voit peu de femmes en boulangerie, confirme Maye, car il y a cette croyance selon laquelle on ne peut pas porter les sacs de farine, trop lourds, que le métier est trop fatigant, trop difficile. Finalement, dans une boulangerie, la femme est toujours l’épouse du boulanger. C’est elle qui accueille les clients, s’occupe des ventes. C’est pourquoi il est important de montrer qu’une femme peut vraiment tout faire. Malgré les journées éreintantes et la lourdeur des sacs de 25 kg à soulever, on peut le faire. On est là et on y va, il n’y a pas de limites. » Maman de deux jeunes enfants, diplômée en chimie des plantes, Maye a connu une carrière de biologiste avant de se réorienter vers la pâtisserie – au sein de la brigade du pâtissier et chocolatier lyonnais Guillaume Flochon, dans le 9e –, puis de la boulangerie. « En France, le pain est très important, plus que la pâtisserie. Quand j’ai compris que je voulais faire de la boulangerie, j’ai su que je ferais du bon pain avec des produits simples, bruts et de qualité. Pour ça il fallait que j’ouvre mon propre commerce. Je voulais aussi avoir un endroit où partager ma passion avec les clients. Le pain est le symbole même du partage. »


LA BOULANGERIE EN CHIFFRES – Plus de 6 milliards de baguettes de pain sont produites chaque année dans près de 35000 points de vente et boulangeriespâtisseries de France. – En 1900, 328 kg de pain étaient consommés par les Français chaque année contre 45 kg aujourd’hui. – 81 pains régionaux (hors pains spéciaux) sont proposés en France. – 120 g, c’est la dose quotidienne moyenne de pain que consomme un Français (soit trois fois moins que dans les années 50). – 69 % des boulangeries-pâtisseries sont dirigées par un couple, 25 % par un homme seul, et seulement 6 % par une femme seule. 043


“La pâte est le reflet de notre humeur. Si tu es en colère, ça va se ressentir dans ta manière de la façonner, dans tes gestes… Il faut être gentille avec elle”

© vanessa Cornier

Art vivant

Bonomia, Lyon 1er bonomia-boulangerie.fr

« Il faut du temps pour faire un bon pain », souffle Maye d’une voix experte. Si le premier confinement avait fait pousser des ailes d’apprentis boulangers à la plupart d’entre nous, le retour à la réalité a prouvé combien le (bon) pain peut s’avérer complexe à réaliser. « Il y a peu d’ingrédients dans le pain, il est donc plus compliqué de rattraper la pâte. Elle peut être capricieuse. La pâte est le reflet de notre humeur. Si tu es en colère, ça va se ressentir dans ta manière de la façonner, dans tes gestes… Il faut être gentille avec elle. » Particularité de la maison : le levain, fil rouge des produits proposés dans la boulangerie. « Le levain est une bactérie de levures, c’est ce qui 044

donne l’acidité du pain. Il existe trois sortes de levain : liquide, pâteux et dur. Ici on utilise un levain pâteux de blé, de riz, et de petit épeautre. Il faut nourrir les trois, avec de la farine et de l’eau, puis les conserver au frigo. Pendant les vacances, on emporte chacune un peu de levain avec nous. Ainsi nous réalisons différentes souches au cas où il arriverait quelque chose. Les levains sont comme des bébés. Si tu les laisses dans un coin, ils vont mourir. Certains artisans y ajoutent du jus de pomme ou même du sang. Le levain est très personnel, c’est la signature du boulanger. Mon pain n’aura pas le même goût que celui de quelqu’un d’autre qui travaille aussi le levain. » En plus de permettre une bonne conservation du pain, le levain a la particularité d’être plus digeste, au point de convenir à des personnes intolérantes au gluten. « Ici on est sur une longue fermentation [entre 18 heures et 24 heures] à froid, permettant aux ingrédients de se stabiliser, et au gluten d’être prédigéré. » Une attention quotidienne, signature artisanale de Bonomia. « Le pain d’aujourd’hui est différent du pain d’hier et de demain. Il y a ce côté vivant qui se joue. C’est pour ça qu’ils n’ont pas toujours exactement le même volume, ou la même forme suivant la manière dont je les façonne. […] En boulangerie, on utilise tous nos sens. Pour faire du bon pain, il faut l’observer, l’écouter, le (res)sentir… Quand on achète du pain, on a un produit d’apparence très simple, passé par les mains d’un artisan qui y a mis tout son savoir-faire, tout son amour aussi. Ça représente beaucoup pour nous. »

Tournez moulins ! Avec son fournil ouvert sur la boutique, Maye travaille en toute transparence, le sourire aussi lumineux à 7 heures du matin qu’à 19 h 30 lorsqu’elle tire le rideau de fer sur une journée bien remplie. « La bonhomie, c’est la simplicité. Je me sens


© vanessa Cornier

plus à l’aise en montrant les coulisses ; le métier n’a pas de sens sinon. Quand on entre ici, on peut voir, discuter, comprendre comment les produits ont été faits, quels différents types de farine sont utilisés. » Ici l’eau est filtrée et les ingrédients sont d’origine biologique, de la farine au beurre, permettant au pain (sans additif) d’être conservé plus longtemps. « Je récupère ma farine directement chez des petits producteurs que j’ai mis beaucoup de temps à trouver : pour la farine de blé ancien, je me rends dans la Loire, le petit épeautre vient de la Drôme, etc. Parler avec les paysans, manger ensemble le dimanche… j’adore ça ! C’est le genre de lien social qui n’a pas de prix. Il faut donner de la visibilité à ces paysans qui travaillent pour ne pas laisser mourir la diversité au niveau des blés. C’est super important. » Meg-Anne et Aurore ont rapidement rejoint l’aventure Bonomia.

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Voir la vie en praline rose Elle fait la fierté des Lyonnais qui aiment rappeler que c’est ici qu’elle a été imaginée. La praline rose est une des saveurs sucrées indissociables de la gastronomie lyonnaise. Croquante et colorée, elle est mise en valeur par les pâtissiers sous différentes formes.

Texte Alisson Dessaigne Photos Voir mentions

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© iuliia_n


© Acanto pizza

© Praluline

La légendaire brioche Il s’agit probablement de la spécialité la plus connue et la plus dégustée en France. Un beau jour de 1955, Auguste Pralus pose dans la vitrine de sa pâtisserie roannaise un nouveau dessert qui va rapidement devenir incontournable. En près de 70 ans, la recette de la Praluline n’a pas changé : une brioche au beurre croustillante et fondante à la fois, garnie de pralines roses faites maison et préparée sur place, parfois même devant les clients. Si la brioche n’est pas lyonnaise, la Praluline reste l’un des symboles de la ville. Il n’y a qu’à voir la file d’attente devant la boutique Pralus de Saint-Jean pour comprendre l’engouement des Lyonnais et des touristes pour ce dessert ! Mais si la Praluline est la recette la plus repandue, elle n’est néanmoins pas la première brioche aux pralines roses préparée en France. Il faut remonter au XIXe siècle pour voir apparaître la brioche de Saint-Genix. Imaginée par Pierre Lalubby dans sa pâtisserie de Saint-Genix-sur-Guiers, la brioche prend également le nom de gâteau Lalubby.

“La tarte à la praline est devenu le dessert emblématique de la ville par excellence” La tarte 100 % lyonnaise Celle-ci vient bien de Lyon ! Si les origines de la tarte aux pralines sont à vrai dire plutôt floues, c’est bien Alain Chapel qui, en 1975, redécouvre ce dessert gourmand et coloré. Le chef étoilé lyonnais s’approprie alors cette recette et la met à la carte de son restaurant de Mionnay, dans l’Ain. Il ne faut pas attendre bien longtemps pour que les bouchons lyonnais fassent de même et la tarte aux pralines devient alors le dessert emblématique de la ville par excellence. Depuis, toutes les grandes pâtisseries lyonnaises en proposent leur propre version. Tarte à l’ancienne avec une pâte sablée aux amandes chez Sève, fin sablé aux pralines croquantes pour la boulangerie Jocteur ou revisitée façon voyage Lyon-Tokyo par Sébastien Bouillet où praline, yuzu et pamplemousse se rencontrent… La meilleure façon de trouver votre tarte aux pralines préférée, c’est de goûter !

© Studio Beguin

La praline glacée

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Rien de tel, lors d’une envie gourmande et fraîche, qu’un dessert glacé à la praline. À Lyon, nombreux sont les glaciers à proposer des recettes à base de praline rose, un indispensable à leur carte estivale. Parmi eux, Nardone, le plus ancien glacier de Lyon. Si l’aventure commence en 1899, ce n’est qu’en 1929 qu’Antonio Nardone arrive en ville, dans le 5e arrondissement. Ici, la praline rose se déguste seule ou au cœur d’un délicieux dessert


À Lyon, capitale de la gastronomie, nombreux sont les cuisiniers et pâtissiers à mettre en valeur la culture étrangère dans leurs établissements. Et quoi de mieux que d’ajouter une petite touche locale à leur carte ? Depuis 2014, Piece of Cake propose de délicieuses pâtisseries artisanales préparées à base de produits locaux dans son atelier du 7e arrondissement. Récemment, ils ont ajouté à leur vitrine une toute nouvelle recette : une babka, dessert traditionnel polonais, revisitée à la lyonnaise avec des pralines roses. Les desserts typiquement américains ne résistent pas non plus à la tentation rose. La praline s’invite ainsi ponctuellement dans les cupcakes faits maison de Little Petits Gâteaux, le salon de thé dédié à cette pâtisserie gourmande. Si vous êtes plutôt Viva Italia et que la frontière entre le sucré et le salé ne vous effraie pas, alors rendezvous dans le 7e arrondissement de Lyon. Chez Acanto, vous pouvez déguster une pizza… à la praline rose. La Cucu la Praline est un dessert à partager avec une pâte à la farine de blé local, de délicieuses pralines roses et une crème de Bresse pour la rendre à la fois onctueuse et craquante. Quand dégusterons-nous des sushis à la praline ?

© Philippe Jalin

IL ÉTAIT UNE FOIS LA PRALINE ROSE…

© Soha cookie

La praline internationale

La praline trouve son origine au XVIIe siècle. Cuisinier maladroit ou demande du duc, les légendes sont multiples pour raconter la naissance de cette sucrerie qui tient son nom de César, comte du Plessis-Praslin. Il faudra attendre le XVIIIe siècle pour qu’un pâtissier lyonnais décide de proposer une praline rose, inspirée par les roseraies.

➀ Praluline ➁ Acanto ➂ Pralus © Little petits gâteaux

glacé imaginé par l’établissement. Chez Nataly’s Café, quelques mètres plus loin, la praline rose se veut doublement gourmande. Pour accompagner votre glace à la praline, préparée par la Turbine à saveur, producteur artisanal de l’Isère, l’établissement vous propose en topping un coulis à la praline rose fait maison. Une glace à la praline rose avec supplément de praline rose, on ne peut pas faire plus gourmand… et plus rose !

➃ Maison Sève ➅

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➄ Soha cookie ➅ Little Petits Gâteaux


➀ Piece of Cake ➁ Saint Jean Délices

© Saint Jean Délices

La praline à emporter partout

UNE COMPÉTITION PRALINÉE Du 27 au 30 octobre, au cœur du château de Lacroix-Laval, se tiendra le tout premier Mondial de la praline. Artisans, apprentis et pâtissiers s’affronteront pour élire la meilleure brioche, la meilleure tarte et la meilleure recette innovante à base de praline rose ! À cette occasion ouvriront également un marché rose de créations autour de la praline rose et une exposition pour revenir sur l’histoire de la sucrerie préférée des Lyonnais.

Le cookie est devenu, ces dernières années, la pâtisserie par excellence pour les petits plaisirs de mijournée. Il est revisité en version moelleuse, version américaine ou version briochée pour varier les plaisirs. Et que serait un cookie shop lyonnais sans sa recette locale toute rose ? Chez Coney Cookies, on parle sobrement du Lyonnais, où pralines et chocolat au lait font un mariage réussi et craquant à tomber. Chez Soha Cookie, on mélange la mythique brioche aux pralines et le cookie aux pépites de chocolat blanc pour une recette incroyable. Notre coup de cœur ? Le Pinky de Gatookie avec ses pralines et son caramel à la praline rose qui rend le tout encore plus gourmand. Depuis 2021, le chef Grégory Cuilleron propose au Groupama Stadium sa propre version du cookie à la praline. Rien de plus lyonnais qu’une praline rose pour soutenir l’OL ! 050

La création sucrée de Saint Jean Rendre la praline rose encore plus gourmande qu’elle ne l’est déjà ? C’est possible ! Depuis 2018, Saint Jean Délices propose une recette dont l’établissement est le précurseur en ville : le nougat à la praline rose. Lorsque la boutique a ouvert ses portes en 2015, le couple imaginait déjà ce projet gourmand. Il leur a fallu près de deux ans pour convaincre les artisans avec lesquels ils travaillent de se lancer dans cette nouvelle sucrerie. Ils sont alors partis de zéro pour trouver la recette idéale et unique encore à l’époque. Résultat ? Un nougat tendre et fondant à souhait, auquel on retire du sucre pour équilibrer avec la douceur de la praline rose. Des ingrédients travaillés directement avec leurs artisans producteurs d’amandes et de miel. Et une praline qui provient, bien évidemment, de leur propre atelier !

© Nataly’s cafe

© Piece of Cake

➂ Nataly’s Café


Green ×

“Le monde naturel est la principale source d’excitation ; la plus grande source de beauté visuelle ; la plus grande source d’intérêt intellectuel. C’est la plus grande source de tellement dans la vie qui rend la vie digne d’être vécue.” David Attenborough, réalisateur et naturaliste

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© DR

Au bonheur des plantes SHOPPING VÉGÉTAL. Hankō, réputé pour ses box mensuelles de plantes d’intérieur, souffle sa première bougie. Pour l’occasion, son dirigeant Maxime Thevenon ouvre à la rentrée une boutique physique dans le 1er arrondissement – la toute première ! On y trouve des boutures 100 % maison, une grande sélection de plantes, ainsi que la mise à disposition d’accessoires, d’engrais ou de substrats en vrac. Hankō devient par ailleurs la première boutique à Lyon à proposer des boutures de plantes rares. Plus qu’un magasin de plantes, vous découvrirez aussi un espace de vie. Pour vous accompagner pleinement, Hankō vous invite à participer à différents ateliers sur des thèmes variés comme le bouturage, le rempotage ou encore l’entretien de vos plantes. Après l’effort, le réconfort ! Vous pourrez vous reposer et discuter ensuite avec les membres de l’équipe au milieu des plantes dans un espace café créé pour l’occasion. Pas d’inquiétude, l’expédition de colis de plantes qui a fait leur succès continue partout en France et en Europe. JP Hankō, 2 rue de Fargues, Lyon 1 052


Une fête 100 % éthique DÉCO. L’art de la fête se ressent chez Memphis Shop, avec un petit truc en plus. Tous les produits festifs sont éthiques, recyclables, compostables, voire comestibles ! Ainsi vous pourrez boire votre café tout en dégustant sa tasse composée de biscuit nappé de chocolat. Ingénieux ! JP © Alice Pieri

Memphis shop, Lyon 6e, memphis-shop.com

Assiette healthy VÉGÉTALIEN. Sensible à l’alimentation macrobiotique, Pierre Baronian a eu l’idée de fonder Prana. Ce restaurant végétalien situé dans le 2e arrondissement, près de Perrache, est basé sur des valeurs simples : le bien-être dans l’assiette, l’écologie et la qualité. Ici, les produits sont de saison, et les producteurs locaux. Plus qu’un lieu de restauration, Prana est aussi un lieu de culture et de partage. À la rentrée, des conférences, animations culturelles ainsi que des débats d’idées ouverts à tous vont investir des lieux. JP

© Prana

Prana, Lyon 2e. Ouvert le midi du mardi au samedi et le soir du jeudi au samedi. 19,5 € la formule entrée, plat et dessert. 053


Lutter contre le changement climatique

Photos © CRBA

L’ethnobotaniste Stéphane Crozat a créé le CRBA (Centre de ressources de botanique appliquée) en 2008. Une association pluridisciplinaire qui permet de mettre en avant de nombreuses actions et recherches. Depuis quelque temps, le CRBA conserve des graines pour prévenir une famine mondiale.

Stéphane Crozat, directeur du CRBA.

Comment définiriez-vous les actions du CRBA ? Il faut le voir comme une boîte à outils au service de différentes problématiques principalement liées à l’agriculture et l’environnement. Cette association a une approche pluridisciplinaire, de l’agronomie en passant par l’anthropologie ou l’agriculture. Aujourd’hui, l’enjeu du CRBA est la question de l’adaptation au changement climatique, dans un contexte d’autonomie et de survie alimentaires. Pour faire face à ce phénomène, vous conservez des graines qui peuvent notamment survivre en cas de grand changement climatique.

Comment sélectionnez-vous ces variétés ? À la suite de recherches que j’ai pu faire pour le CNRS, je me suis demandé s’il restait des variétés. Dans la région, il existe une vingtaine de variétés locales de légumes et de fruits. Je me suis rendu compte qu’on en trouvait dans le monde entier, notamment dans les banques de semences. On fait face aujourd’hui à un changement climatique, il ne s’agit pas uniquement d’une histoire de chaleur. Il faut donc aller collecter les ressources génétiques dans les régions hypercontinentales où il y a une immense diversité de climats. 054

Êtes-vous inquiet quant à l’avenir de notre planète et de nos ressources alimentaires ? Je ne peux pas dire que je suis inquiet, ça serait irresponsable. Je vois dans mon quotidien des changements tellement rapides que s’en est inquiétant. L’objectif du CRBA est précisément de trouver des solutions, mais ça suppose de changer plein de choses et rapidement. Tout un chacun peut agir ! Une fois que le consommateur impose ses choix, l’économie est obligée de suivre. JP

crba.fr


Batteries recyclables

Photos © Doctibike

ÉCOLOGIE. Réparer et reconditionner la batterie de votre vélo électrique ? C’est désormais possible grâce à l’entreprise lyonnaise Doctibike. Vélos, trottinettes, scooters électriques… Doctibike bichonne vos véhicules à assistance électrique pour éviter le gaspillage et la surconsommation. JP Doctibike, Villeurbanne. Plus d’informations sur doctibike.com

ROULEZ JEUNESSE. Lancé dans la métropole de Lyon, Freevélo’v permet aux jeunes les moins favorisés de louer un vélo gratuitement pendant une durée de trois mois minimum et jusqu’à un an. Dispositif unique en Europe, Freevélo’v s’adresse aux étudiants boursiers et aux jeunes en situation d’insertion, de 18 à 25 ans. Une flotte de 10000 vélos verts résistants, confortables et surtout reconditionnés dans des ateliers qui emploient eux aussi des mécaniciens en parcours d’insertion professionnelle. Un service de prêt qui a pour objectif d’offrir aux jeunes un moyen de déplacement gratuit et ainsi leur permettre de trouver un emploi plus facilement. FP Pour savoir si vous êtes éligible, rendez-vous sur freevelov.grandlyon.com

© Thierry Fournier-Métropole de Lyon

Bicyclette verte

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© Laurence Daniere


Repenser la création Notre ère de surconsommation n’est plus viable. Comment s’en sortir sans tout détruire ? Comment continuer de créer sans empirer la situation écologique ? L’Atelier des nouveaux designs a bien une petite idée… Texte Coline Vernay Photos Voir mentions

Trop de déchets ? Où ça des déchets ? Le Larousse nous rappelle que le mot « déchet » vient de « déchoir », faisant référence, à l’origine, à « Ce qui tombe d’une matière qu’on travaille ». Considérer une chose comme un « déchet », c’est le voir comme un reste inutile, c’est bien une question de regard. Les démarches d’upcycling – ou surcycling – appellent à changer de regard, en utilisant comme matière première ce qui était catégorisé comme « déchet ». En les « sortant de la benne » pour les utiliser tels quels, on évite la consommation d’énergie nécessaire au recyclage, ou qu’ils rejoignent d’autres choses enfouies sous terre, ou encore qu’ils partent en fumée dans l’atmosphère saturée. En refusant les matériaux neufs, les adeptes de ce mode de création limitent également l’extraction de ressources, la consommation de nouvelles matières, d’eau, 0 57

d’énergie… Un simple geste qui témoigne d’un changement radical dans la façon de percevoir la création, intégrant comme base la revalorisation de matière.

Un projet collectif L’idée d’ouvrir un espace dédié à ces pratiques est née dans la tête de Jess Wellard (créatrice des accessoires et du mobilier JW Upcycled Design), à son arrivée à Lyon. Le concept résonne dans son réseau de créateurs et créatrices, et l’Atelier des nouveaux designs sera cofondé avec Laure Nebout-Reyx (créatrice de la marque de prêt-à-porter Alory) et Charlie Carpene (développeur). Une équipe entière s’agrège autour de l’association : bricoleurs et bricoleuses aux spécialités variées, les savoir-faire s’entremêlent. Laure témoigne : « Rejoindre ce collectif a fait évoluer mes pratiques. Chacun considère la matière première à sa manière. Pour moi c’est


© Marie Gina © Marie Gina

“Les démarches d’upcycling – ou surcycling – appellent à changer de regard sur les déchets”

le tissu, pour d’autres le bois, le fil… Être côte à côte ouvre le champ des possibles, permet de découvrir des pratiques hyper intéressantes… Avant je travaillais seule chez moi, ce lieu m’a permis d’avoir des collègues, de discuter lorsque je fais face à une difficulté, de créer avec eux des projets en collaboration… On s’entraide. »

Revoir la base : sauver la matière

L’Atelier des nouveaux designs, Lyon 2e nouveauxdesigns.fr

Dans l’Atelier des nouveaux designs, toute une partie est dédiée à la matériauthèque. Cet espace stocke des matériaux qui devaient initialement être jetés, et les propose à la vente à prix libre ou à tout petits prix. 058

« Nous avons du bois, du tissu… tout est vendu au kilo. Alors oui, ça occupe beaucoup d’espace et on ne fait pas du tout de chiffre d’affaires dessus, mais l’idée est de rendre accessibles ces matières, de parler à tous et toutes du concept de l’upcycling. Notre association n’a pas encore trouvé l’équilibre économique donc nous n’avons pas de salariés actuellement, mais pas mal de bénévoles permettent de faire fonctionner la structure », explique Laure, cofondatrice. Cette importante réserve, qui manquait à Lyon depuis la fermeture du Frich Market, est également complémentaire de celle de Mineka, plutôt axée sur les matériaux de construction. Elle permet à tous les curieux d’élaborer des projets de transformation de matières, d’apprendre à concevoir autrement, en se basant sur ce qui est déjà là, disponible, en attente d’une nouvelle vie.

Une boutique d’une nouvelle forme L’Atelier des nouveaux designs, c’est aussi une boutique associative présentant une quinzaine d’artisans, principalement de la région AURA. On peut y trouver aussi bien des vêtements et accessoires que de la papeterie, de la vaisselle, du mobilier… tous produits à partir de matière revalorisée. Chaque personne y vendant ses


Parallèlement à l’objectif écologique, l’envie des fondateurs est de permettre au plus grand nombre de se réapproprier des outils et savoir-faire : les ateliers et « café du lundi » sont là pour ça. « L’atelier est mon espace de travail quotidien, d’autres viennent une ou deux fois par semaine, ou ponctuellement selon les ateliers thématiques (réaliser un point de broderie, coudre des poches, etc.). D’autres moments sont dédiés aux ateliers libres où chacun peut venir avec son projet personnel : couture, tricot, crochet… Les familles et les enfants sont aussi

bienvenus », explique Laure. Les tarifs se veulent accessibles : l’adhésion est à prix libre (à partir de 2 €) pour l’année, et les ateliers en moyenne à 35 € pour 1 h 30. Toujours dans l’idée de mutualisation, une outilthèque est accessible aux adhérents. Plus qu’une vitrine et un lieu de vente soutenant les artisans locaux, l’Atelier des nouveaux designs est un espace faisant naître et vivre des projets en phase avec notre époque, qui prouvent que sobriété peut s’accorder avec créativité, beauté et plaisir d’être ensemble.

© Atelier des Nouveaux Designs

Un atelier ? Des ateliers !

“Parallèlement à l’objectif écologique, le but des fondateurs est de permettre au plus grand nombre de se réapproprier des outils et savoir-faire”

© Laurence Daniere

créations est membre de l’association, et beaucoup s’engagent – en échange de frais de commissions réduits – à tenir des permanences d’ouverture.

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Texte Vanessa Cornier Photos Voir mentions

Lyon 9 , futur quartier zéro déchet ? e

Après l’expérimentation d’une rue zéro déchet à Paris, c’est au tour de Lyon de tenter l’expérience… à l’échelle d’un quartier ! Une première en France qui voit le jour dans le 9e arrondissement.

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l était une fois un territoire sans mégots de cigarette qui s’installent sous vos semelles, sans emballages ou autres canettes usagées abandonnés sur les trottoirs de la ville, sans éclairage inutile ou pollution numérique… Adieu les sacs plastiques et les suremballages ! Tout cela vous semble utopique ? Le quartier de Valmy en rêve ! Si le 9e arrondissement entend changer les choses avec son nouveau projet écologique, il est évident que le processus pourra s’avérer long.

Du Paradis à Valmy « Essayer, s’amuser, s’entraider autour de la réduction des déchets » : c’est l’objectif de l’expérimentation Quartier Zéro Déchet coportéé par les associations Mouvement de palier et Zéro Déchet Lyon avec la Ville de Lyon. Pour comprendre le projet, il faut remonter en 2017, dans le 10e arrondissement de Paris, rue de Paradis. C’est ici que l’idée d’un « territoire vert » a initialement germé. Un an plus tard, les chiffres parlaient d’eux-mêmes : 060

une diminution de 18 % des ordures ménagères, une baisse de 4,5 % des déchets collectés dans les bacs jaunes, une multiplication significative des composteurs et lombricomposteurs distribués aux résidents… Tout ça à l’échelle d’une rue seulement ! Des résultats encourageants qui ont inspiré les acteurs du 9e arrondissement, dans les limites des frontières de Vaise, Rochecardon-Industrie, Valmy, et de leurs territoires alentour. « Lorsque j’ai pris connaissance de


© Vanessa Cornier

Claire Dulière, coordinatrice du pôle plaidoyer au sein de l’association Zéro Déchet Lyon

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© Nicolas Boudier © Igisheva Maria

“En tant que commerçants, on joue pour une survie collective qui va bien au-delà de nos petites affaires, c’est une manière de vivre ensemble, de faire attention les uns aux autres” CHIFFRES CLÉS (à l’échelle de la métropole de Lyon) -3 50 000 tonnes de CO2 et 216 tonnes d’autres polluants émis chaque année par les deux incinérateurs métropolitains pour traiter les ordures ménagères résiduelles produites par les habitants et entreprises. – 221 sites de compostage partagés (44 pour les établissements scolaires). -2 389 silos à verre en activité, soit 1 silo pour 546 habitants. – 19 déchèteries fixes. – 1/3 de nos déchets sont constitués de biodéchets. Enjeux de l’expérimentation du Quartier Zéro Déchet – 1 000 € d’économie par an et par foyer – Jusqu’à 47 % en moins de sacs-poubelle.

la rue Zéro Déchet à Paris, je me suis demandé ce qu’on pouvait faire à Lyon, très riche en associations, initiatives, entrepreneuriat, bénévoles, explique Claire Dulière, coordinatrice du pôle plaidoyer au sein de l’association Zéro Déchet Lyon. J’ai parlé de cette rue avec l’équipe de Mouvement de palier, et on a commencé à rêver : comment pouvait-on faire plus grand que la rue de Paradis ? »

Concrètement, ça se passe comment ? D’une durée expérimentale de trois ans, le projet vise à « rendre visibles les actions qui ont déjà été mises en place, sensibiliser et accompagner les commerçants et résidents dans la réduction de leurs déchets, développe Claire Dulière. Il s’agit également de mettre en lien les acteurs. Par exemple, le petit jardin du parc Roquette souffre d’une baisse des fréquentations. D’un autre côté, le club d’échecs organise régulièrement des animations. Nous allons donc 062

Au TNG, le zéro déchet se traduit de la programmation au fonctionnement du théâtre.

tenter de les mettre en relation afin que les enfants du club puissent découvrir et s’occuper du jardin. Tout le monde est gagnant, ça fait vivre le projet. Ces petites connexions paraissent toutes bêtes, mais elles peuvent permettre de faire vivre une association. » Événements, mise en place de nouveaux outils, ou encore campagnes et ateliers de sensibilisation rythmeront ces trois années afin d’aider ceux qui le souhaitent à aller plus loin dans la réduction des déchets, ou à simplement faire le premier pas. « Nous souhaitons influencer le comportement des gens dans leur propre intérêt. Leur donner un petit coup de pouce avec un mode de communication visuel ludique au sol qui les inciterait à jeter leurs déchets à la poubelle, par exemple, ou encore en développant la seconde main et l’entraide, énumère Claire. Nous voulons également accompagner les professionnels, les entreprises, les salariés, et inclure les structures publiques. On a déjà démarché pas mal d’établissements comme la médiathèque, le centre social, la mairie, le Théâtre Nouvelle Génération, les écoles, le collège. L’idée est de les aider à être proactifs dans leur structure et d’imaginer ensemble ce qui peut être mis en place au niveau du grand public. […] Quant aux commerces, il s’agirait dans un premier temps de les encourager à accepter les contenants. Ils pourraient également jouer le jeu pendant une semaine en ne


Des commerçants (déjà) engagés De Vaise à Valmy, la conscience écologique est fortement présente dans les foyers, avec la multiplication des composteurs mutualisés, comme dans les boutiques du quartier. Lionel Bosnier, président de l’association de

commerçants Les Vitrines de Vaise et gérant de la librairie Les Mangeurs d’étoiles, confirme : « Souvent, on peut penser que les commerçants sont réactionnaires, axés sur des valeurs individuelles de bénéfices. En fait à Vaise il y a un certain nombre de commerces comme l’épicerie zéro déchet Eldora D’Oz, le centre esthétique Après la pluie, ma librairie, et bien d’autres qui sont déjà engagés à titre individuel, ce qui engendre des répercussions professionnelles. Ainsi tous nos projets sont étudiés à l’aune 063

➀ Lionel Bosnier, gérant de la librairie Les Mangeurs d’étoiles ➁ Victor, boulanger au 9e Pain ➂ Anaïs Bourgeois, administratrice de production au TNG ➃ Matthieu Bourgeon, gérant des Vins de Vaise ➄ Caroline Heydrickx, cogérante de Fenotte ➅ Cyril Lopez, artisan fleuriste, gérant du Dahlia Shop

© Vanessa Cornier © Vanessa Cornier

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distribuant aucun sac plastique. Nous souhaitons aussi aider les restaurateurs au niveau du compostage. Il faut que l’approche soit ludique et facile pour tout le monde. »

© Fenotte

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© j.chizhe © Monstar Studio

© Halfpoint

“À l’image des commerçants des vitrines de Vaise, les initiatives en faveur de la transition écologique sont nombreuses dans le 9e”

LE ZÉRO DÉCHET PAS À PAS Véritable coup de pouce dans votre démarche de réduction des déchets, le groupe Facebook « Entraide apprentis zéro déchet à Lyon » permet d’échanger autour de pratiques, bons plans, conseils et astuces.

de la responsabilité écologique et environnementale. Cet aspect fait partie intégrante de nos éléments lourds de réflexion sur une animation dans le quartier […]. Pour Noël prochain, nous avons imaginé installer, sur la place de Paris, une décoration entièrement recyclée plutôt qu’un sapin. En partenariat avec l’atelier participatif de réparation de vélo Change de chaîne, nous allons réaliser un arbre de Noël composé de vélos inutilisables. » À l’image des commerçants des vitrines de Vaise, les initiatives en faveur de la transition écologique sont nombreuses dans le 9e. Avec son principe de plats proposés dans des bocaux en verre réutilisables, le traiteur militant Fenotte permet l’économie de 350 grammes 064

de déchets d’emballage par personne. Dans la même veine, la cantine locale Belle Lurette est une habituée du compostage et du circuit court. Victor, boulanger au 9ème Pain, calibre au plus juste les baguettes qui, si elles ne sont pas vendues, sont ensuite recyclées. Quelques mètres plus loin, le fleuriste Cyril Lopez, gérant du Dahlia Shop spécialisé dans la fleur française de saison, n’utilise que des emballages recyclés pour ses clients. Le caviste Matthieu Bourgeon, gérant des Vins de Vaise, est membre de la communauté Adelphe, agréée par l’État pour accompagner les entreprises dans le recyclage de leurs emballages ménagers. Pour n’en citer que quelques-uns… La démarche se traduit à une échelle encore plus grande dans l’enceinte du TNG – Théâtre Nouvelle Génération – où la question environnementale est présente de la programmation au fonctionnement interne du théâtre, en passant par la mobilité. « Nous avons adressé une


© Jean-François-LIxon

Lancement du projet Lyon 9, Quartier Zéro Déchet

demande à la Métropole afin qu’ils rajoutent des vélos à proximité. Un partenariat avec les TCL étant l’idéal puisque les bus ne circulent plus à partir de 21 heures, confie Anaïs Bourgeois, administratrice de production. Nous avons également réduit nos déchets numériques et essayons au mieux de mutualiser les tournées en rationalisant tous nos déplacements et en privilégiant le train. Il y a aussi au TNG une vraie réflexion autour de la seconde vie de nos spectacles. Par exemple, nous recyclons la plupart de nos décors. »

Les limites du zéro déchet Figure d’exemple, la mairie du 9e multiplie les initiatives en interne comme en externe. Ainsi une réflexion a été portée sur la pollution numérique, et les mails et pièces jointes considérablement réduits. « Lors de nos réceptions, pour éviter la vaisselle jetable, nous proposons des portions individuelles dans des assiettes en porcelaine », précise la mairesse Anne Braibant avant d’ajouter : « Ce n’est pas si simple de mettre en place des actions, car nous sommes dépendants de certains marchés et de pratiques. » Limite évidente à certains écogestes, les contenants en verre sont interdits lors d’événements sur la voie publique,

pour des questions de sécurité. « Plutôt que de revenir aux verres en plastique, nous avons préféré les eco cups », poursuit madame Braibant. Des contraintes que rencontrent Lionel Bosnier et ses collègues. « Le recyclage est compliqué par rapport à son coût. C’est l’un des investissements les plus lourds au sein de notre association, souligne-t-il. Mais comment faire autrement ? Au-delà d’être des commerçants, nous sommes des citoyens utilisateurs d’un bien collectif qu’est notre quartier. On subit des canicules, des dysfonctionnements permanents, sans oublier la crise de l’énergie. Nous sommes obligés de réfléchir à ça. On agit pour nos enfants, pour nous. En tant que commerçants, on se mobilise pour une survie collective qui va bien au-delà de nos petites affaires, c’est une manière de vivre ensemble, de faire attention les uns aux autres. »

Zéro Déchet Lyon 31, quai Hippolyte Jaÿr, Lyon 9e zerodechetlyon.org Mouvement de palier 21, place Tolozan, Lyon 1er mouvementdepallier.fr Idées 9 (site de composteurs) composteur9.jimdofree.com

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AU PROGRAMME CET AUTOMNE – La Voie est libre, le 24 septembre Grande rue de Vaise, rue du Marché et rue du Mont d’or. Au programme : braderie des commerces, marché de créateurs et créatrices locaux, tablées partagées avec les restaurateurs sous le signe de l’anti-gaspillage alimentaire, et gratiféria (bourse aux dons et aux trocs) où déposer vos objets inutilisés ou oubliés dans vos placards. – Semaine bleue, le 4 octobre à la mairie du 9e, entre stand Quartier Zéro Déchet et animation pour les seniors avec la fabrication d’éponges et de sacs de course lavables avec des vieux vêtements. – Escales solidaires, le 5 octobre, atelier antigaspillage alimentaire avec Récup’ & gamelle. – Place de Paris, le 8 octobre, de nombreuses animations autour du zéro déchet auront lieu lors du marché alimentaire. – Les petites cantines, semaine du 10 octobre, café-discussion sur le thème « Gérer son budget et tenter le zéro déchet ». Infos et programmation complète sur le site zerodechetlyon.org


© Manon Gouhier


‹ Dîner solidaire organisé par l’association Weavers

ENQUÊTE

L’INTÉGRATION DES PERSONNES RÉFUGIÉES PAR LA CUISINE Ils sont plus de 100 millions dans le monde en situation de déplacements forcés, dont 36 millions de réfugiés, demandeurs d’asile ou apatrides. Un niveau jamais atteint depuis 1945. Deuxième ville d’accueil en France, Lyon enregistre une moyenne de 900 nouvelles demandes d’asile par an contre 1 000 pour la capitale. Son point fort : sa richesse culinaire, secteur d’intégration privilégié par ces personnes ayant parfois tout perdu, en quête d’un nouveau départ. Réalisée par Vanessa Cornier Photos DR (sauf mentions)

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ENQU ÊTE

ertains arrivent en avion, d’autres en bateau ou à pied, déposés par un passeur ou aidés par une connaissance ou une association. Les guerres, la famine, les épidémies ou encore les catastrophes naturelles les poussent à quitter leur pays à la recherche de meilleures conditions de vie. « Le nombre de réfugiés augmente en région AuvergneRhône-Alpes, car ils sont incités à s’installer aussi dans d’autres régions que l’Île-de-France », souligne Olivier Borius, directeur adjoint de l’intégration chez Forum Réfugiés.

Un aller sans retour Laisser derrière soi son pays, ses amis, sa famille, ses repères. Sa vie en somme. Fuir pour survivre, contraint et forcé de trouver de l’oxygène ailleurs. Awa, Layal, Ruba, Armand, Chanda, Sadia s’en rappelleront à jamais, souvenirs indélébiles de leur route de l’exil semée d’obstacles tellement douloureux qu’aujourd’hui encore les mots ne suffisent pas à les décrire. Cofondatrice de Cheers Burger et La Petite Syrienne, restaurant – et traiteur – à La Commune, Ruba Khatib est arrivée en France avec son mari Mhiar en 2016, cinq ans après avoir quitté la Syrie d’où elle s’était échappée de prison. « Là-bas, l’incarcération fait partie de notre quotidien. Certains de mes amis y sont même nés car leur mère était emprisonnée. Moi on m’a 068

arrêtée lors d’une manifestation car j’étais opposée au régime. J’ai pu m’enfuir avant de traverser le Liban, Oman, puis d’arriver seule à Dubaï. » Femme alaouite clamant son besoin de liberté, Ruba aurait très certainement péri si elle n’avait pas pris la fuite. « Daech a commencé à tuer les gens dans la rue. J’ai vu mes amis mourir, mon mari une partie de sa famille et ses amis être tués sous ses yeux. Il a porté leurs corps… Ceux qui survivaient étaient enfermés. Dans les prisons nous étions entassés comme des sardines, sans électricité, frappés sans raison. Moi j’ai eu de la chance de ne pas être violée. Le plus dur était la présence des enfants. Je me souviens de ce jour où j’attendais le jugement, enfermée avec les autres dans l’obscurité du sous-sol. Lorsque j’ai monté les marches pour recevoir ma sentence et que la lumière est apparue, j’ai réalisé qu’un enfant de 10 ans était attaché à moi d’un côté, une personne de 80 ans de l’autre, tous deux également jugés pour terrorisme car opposés au pouvoir. Comment peut-on condamner un enfant et un vieillard ? » Comme Ruba, Sadia Hessabi, cheffe chez Kaboulyon, a été déracinée de son pays d’origine. Alors âgée de 14 ans, elle a quitté l’Afghanistan en 1991. « Je suis passée du statut d’enfant à celui d’adulte. » La raison : la guerre. « Je me souviens de ma tante, touchée par un éclat d’obus alors qu’elle pétrissait la pâte du pain. La fumée… les cris… La scène était horrible. Je vivais dans une maison à Kaboul, les bombardements étaient partout dans les rues. Il y avait de nombreux enfants à qui il manquait une jambe, un bras, beaucoup d’orphelins. » Après le décès de son père lorsqu’elle avait 9 ans, puis de sa mère quatre ans plus tard, Sadia a quitté seule l’Afghanistan, invitée à vivre en France par un oncle dont elle n’avait jamais entendu parler. « J’ai mis un an à partir. Il me fallait d’abord réunir de l’argent [30 000 afghanis, l’équivalent de 334 €] pour avancer mon âge sur mes papiers afin de pouvoir voyager seule. Dans ma valise j’ai emporté les diplômes de mon père, mes bulletins de notes – j’étais très forte à l’école ! –, des photos, deux tapis et quelques vêtements. » Pour la première fois, Sadia prend l’avion. « C’était un 747 Ariana Airlines qui faisait Kaboul-Moscou, Moscou-Prague, Prague-Paris. Quand l’avion a décollé, ça m’a fait un truc au ventre. Je voyais les montagnes partir et je ne pouvais déjà plus parler à quiconque. En Afghanistan il y avait mes tantes, mes voisins, mes souvenirs. D’un coup plus rien.


© Anne Bouillot

© La Petite Syrienne

Et hop, en l’air ! C’est à ce moment-là que j’ai réalisé. Je pleurais. J’essayais d’apercevoir à travers le hublot la tombe de mes parents. C’était un déchirement total entre le cœur et le corps. » À sa première escale à Moscou, Sadia cherche en vain à retrouver le lien avec son pays. « Pour me rassurer, j’ai sorti ma petite radio rouge, à la recherche de ma station favorite. Je voulais entendre parler perse. Ma déception fut immense : je ne savais pas que les ondes changeaient d’un pays à l’autre. » Le lendemain, elle retrouve son oncle et sa femme à l’aéroport de Roissy. « Ils m’ont emmenée à Chalon-sur-Saône. 550 km de voiture. Je ne voyais personne, qu’une autoroute, puis du foin. J’ai cru qu’ils m’emmenaient à l’autre bout du monde ! Lorsqu’on s’est arrêtés sur une aire d’autoroute, j’ai été choquée par cette abondance de nourriture. Ça n’avait rien à voir avec l’Afghanistan où nous étions rationnés et où la plupart des commerces avaient fermé. La première chose que j’ai choisie a été une andouillette-frites. Mon oncle a voulu me prévenir, “Attention c’est du porc !”. Je me suis dit, personne ne va décider à ma place ! Je lui ai alors répondu que non, j’en avais déjà mangé. Ce qui était faux. Je me rappelle avoir trouvé ça dégoûtant. » Pour Armand Hasanpapaj aussi la vie a changé du jour au lendemain quand, un soir de 2012, ses parents lui annoncent qu’il faut quitter l’Albanie sur-le-champ pour une affaire de vendetta. Il a 16 ans. « J’avais une vie confortable, des amis, une famille, j’étais danseur professionnel dans une troupe de folklore albanais, on partait en tournée… Le matin du 14 décembre, tout s’est arrêté brutalement.

Danseur professionnel en Albanie, Armand Hasanpapaj excelle à Lyon en tant que chef cuisinier.

© Mathilde Viana

Après un parcours du combattant, Ruba Khatib a créé avec son mari La Petite Syrienne.

Cheffe réputée à Lyon, Sadia Hessabi perpétue, avec Kaboulyon, ses origines, ses racines afghanes et son sens du partage.

“Je suis passée du statut d’enfant à celui d’adulte” 069


© Vanessa Cornier

ENQU ÊTE

© Mathilde Viana

Cheffe cuisinière, Awa Sylla a démarré une nouvelle vie à Lyon avec sa petite fille.

REFUGEE FOOD : AU-DELÀ DU FESTIVAL Plus qu’un festival culinaire présent dans dix villes en France et à Genève, Refugee Food est une association œuvrant à l’accompagnement des cuisiniers réfugiés vers l’insertion professionnelle, un emploi, la formation en français et en cuisine, ou encore l’ouverture d’un service traiteur, d’un établissement de restauration, d’un comptoir, etc. refugee-food.org

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On est partis au Kosovo, puis en France, sans rien dire à personne pour être discrets. Une fois en France avec mes parents et mon frère, on a vite déchanté. On ne parlait pas français. On ne connaissait personne. On dormait dans un gymnase avec plein d’Albanais autour de nous. Je pleurais tout le temps, je voulais retrouver mon pays. » Papa d’une magnifique petite fille, Armand a depuis pris une revanche sur la vie. Candidat remarqué à la télévision dans le programme Objectif Top Chef en 2019, et finaliste du challenge Foie gras, il a fait ses classes dans les brigades du Gourmet de Sèze, des Trois Dômes, de la Mère Brazier et de Régis Marcon avant de devenir sous-chef dans le restaurant italien Mimo à Lyon. Star des réseaux sociaux, il réunit plus de 830 000 abonnés sur TikTok, 43 000 sur Instagram, 90 000 sur Snapchat, où il partage ses recettes, pour la plupart albanaises, avec bien souvent la présence d’une invitée d’exception : sa maman, pâtissière du temps de l’Albanie.

De migrant à réfugié Point de départ, le chemin de l’exil n’est qu’une partie de l’iceberg. S’ensuit un parcours du combattant pour obtenir le statut de réfugié. « Papa n’arrivait pas à nous enregistrer comme réfugiés, se souvient Armand. On allait de ville en ville pour se faire inscrire. On dormait dans la rue. Le temps était glacial, on était assis sur un trottoir. À Chambéry, on a même dormi à côté de la porte de la mairie où les gens entraient le matin pour travailler avec leur tenue bien propre. Ils ne nous voyaient pas. On était transparents. Alors on est partis à Lyon, où on a été pris en charge par Forum réfugiés. Ils nous ont trouvé un logement dans un hôtel de Bron. Après la rue, c’était un palace. » Si le nombre de places d’hébergement a tendance à augmenter dans le Rhône comme en France, les demandes d’asile évoluent également à la hausse. « Environ 45 % des demandeurs d’asile sont hébergés. Les 55 % restants sont à la rue, dans des squats, à l’hôtel ou logés chez des compatriotes, avec toute l’instabilité que cela peut signifier », précise Olivier Borius. Il faudra de six mois à un an, parfois plus, pour qu’un demandeur d’asile obtienne le statut de réfugié. Une période durant laquelle il a le droit au maintien sur le territoire, à une aide financière (6,8 € par jour pour une personne seule), un hébergement s’il reste de la place, l’accès aux soins et à la scolarité pour les enfants de 6 à 16 ans. Si la


Le chef réfugié syrien Mohammad Elkhaldy (à droite) et le restaurateur lyonnais Hubert Vergoin au Refugee Food Festival

FORUM RÉFUGIÉS Association loi 1901 sans but lucratif créée en 1982. Forum réfugiés œuvre pour l’accueil des réfugiés, la défense du droit d’asile et la promotion de l’état de droit. forumrefugies.org

© Vanessa Cornier

demande d’asile est acceptée par l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides), le demandeur devient une personne protégée et dispose d’un mois pour quitter le logement qui lui a été attribué dans un lieu d’accueil dédié. Le cas échéant, il peut faire un recours devant la CNDA (Cour nationale de droit d’asile) dans un délai d’un mois. Si la demande est refusée, la Préfecture adresse au demandeur une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). À Lyon, des associations comme Weavers, Forum réfugiés ou encore Singa accompagnent les demandeurs dans leurs démarches et/ou leur intégration via des programmes spécifiques. Bénéficiaire, Awa Sylla a quitté la Côte d’Ivoire en 2010, au moment de la crise ivoirienne. Maman d’une petite fille, la jeune femme a traversé le Ghana, le Bénin, le Mali, le Burkina Faso, le Maroc et enfin la Mauritanie avant d’atterrir à Lyon en 2019, après neuf années d’exil. En France, cette cheffe de cuisine qui a travaillé dans les plus grands palaces a appris à lire et à écrire. Elle suit aujourd’hui des formations en cuisine pour pouvoir un jour ouvrir son propre restaurant à Lyon. Awa se souvient avec émotion de son arrivée à Lyon. « J’avais dans une main ma petite fille alors âgée de 8 mois, dans l’autre un sac que l’on m’avait remis en Mauritanie, signe de reconnaissance. Une fois arrivée à l’aéroport, Olga, de l’association Forum réfugiés, m’attendait. C’était le début d’une nouvelle vie. Je n’oublierai jamais cette femme ! » Traumatisée par son chemin de l’exil, Awa espère avoir la force de s’exprimer un jour pour aider les femmes qui, comme elle, ont connu le pire. « Quand je regarde tout ce chemin parcouru, je vois que je suis un guerrier qui a combattu la jungle pour arriver jusqu’ici. Ça me donne le courage d’aller de l’avant. J’ai encore besoin de travailler sur ce que j’ai vécu pour faire sortir ma voix. J’ai l’impression de trouver enfin ma place, ici en France. Je me trouve où je dois être. Ma fille et moi sommes protégées. »

© Benjamin Loyseau

“Quand je regarde tout ce chemin parcouru, je vois que je suis un guerrier qui a combattu la jungle pour arriver jusqu’ici. Ça me donne le courage d’aller de l’avant”

Olivier Borius, directeur de l’intégration chez Forum réfugiés

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ENQU ÊTE

“Ne parlant pas français, je ne pouvais pas communiquer avec les autres. La cuisine m’a permis de créer un lien” Une nouvelle vie aux fourneaux Armand était danseur professionnel, Ruba était directrice des ressources humaines, Layal travaillait dans le marketing, etc. Contraints de tirer un trait sur leur vie professionnelle d’avant, ils ont dû se reconvertir. Deuxième secteur d’intégration – après celui du nettoyage –, la restauration leur a donné une nouvelle chance à Lyon. Chaque année, autour du 20 juin, Journée mondiale des réfugiés, le Refugee Food Festival met en lumière ces hommes et ces femmes qui, au-delà de leur statut de réfugié, sont avant tout des cuisiniers de talent. « Rencontrer l’autre à travers sa cuisine et son patrimoine culinaire était pour nous un bon moyen de favoriser les échanges et l’accueil des personnes réfugiées en France », souligne Fanny Borrot, directrice du festival et du développement de l’association Refugee Food. L’idée : permettre à ces chefs, pendant une dizaine de jours, de partager leur cuisine dans divers restaurants de la ville, lors de repas à quatre mains ou de cartes blanches. « Dans les médias, le discours autour des personnes réfugiées était assez misérabiliste, relève Fanny Borrot. On avait envie de prendre le contre-pied, et de dire non, ces populations-là ont des talents, des savoir-faire, elles ont des choses à nous apporter, et on va le démontrer. » Fidèle du festival, Sadia Hessabi a découvert sur le tard les bienfaits de la cuisine. Cheffe traiteur chez Kaboulyon et à ses heures formatrice à l’Institut Paul Bocuse, elle est passée par une carrière d’aidesoignante avant de tout envoyer balader pour se consacrer à la cuisine afghane où elle excelle. « Plus jeune, on m’a mise sous pilule car mes règles avaient disparu. À ce moment-là j’ai commencé à vivre l’inceste de la part d’un oncle qui m’avait fait venir en France. Des années plus tard, à 17 ans, j’ai compris que ce n’était pas normal. J’ai alors affronté mon oncle qui m’a annoncé brutalement que mes parents n’étaient 072

pas mes géniteurs. J’avais été adoptée. Mon monde s’est écroulé. Je n’avais plus d’identité. Physiquement j’étais là, mais à l’intérieur j’avais disparu. Je voulais quitter cette famille. » Maman de deux enfants, elle décide un jour de changer de vie. « Ma première grossesse m’a ramenée à l’Afghanistan. Ma deuxième m’a fait me poser des questions sur ma vie. Je me suis recentrée sur moi. » En 2017, elle se forme à la cuisine. « J’avais envie de partager ma cuisine. Aujourd’hui je fais ce que j’ai envie de faire ! » Lors de la 5e édition du Refugee Food festival, en juin dernier, Layal Khatib a quant à elle collaboré avec le chef Pierre Tardy pour élaborer un menu francosyrien au restaurant Belle Lurette. Aujourd’hui traiteur spécialisé dans la cuisine levantine, la jeune femme au sourire lumineux prône une cuisine sans frontières. « Avec la cuisine, on peut visiter d’autres pays, faire le tour du monde si on le souhaite », s’enthousiasme Layal pour qui la cuisine a été une planche de salut dès son arrivée en France, en 2015. « On voulait juste survivre… Je suis arrivée en France avec mon mari et mes deux enfants après un long voyage. Ne parlant pas français, je ne pouvais pas communiquer avec les autres. La cuisine m’a permis de créer un lien. Plus qu’une passion, c’est mon identité. » À Lyon, Layal a retrouvé ses parents, également exilés, dans un petit appartement qu’elle et sa famille ont partagé avec son frère et sa belle-sœur. Faute de moyens, la jeune femme s’est mise à cuisiner pour nourrir sa famille. « Le pain était à 1 € ! Tout était si cher pour des personnes comme nous qui venions de Syrie et qui avions si peu d’argent. Les Français nous ont expliqué comment faire nos courses, comment aller au marché. J’ai alors commencé à apprendre à faire moi-même ce pain. J’ai aussi appris à réaliser les éclairs pâtissiers car mes enfants voulaient en manger. Sauf qu’on était 10 à habiter ensemble, et qu’acheter ces pâtisseries pour tout le monde nous aurait coûté 30 €.


LA CHARTE DES 1000

© Marie Piessat

© Mathilde Viana

Lancée en 2016 par la Ville de Lyon et par la Maison de l’emploi (devenue Maison métropolitaine d’insertion pour l’emploi), la Charte des 1000 entreprises pour l’insertion et l’emploi rassemblait 1 139 entreprises signataires en 2020. Elle permet, à chaque entreprise signataire, de mener des actions opérationnelles en faveur de l’emploi et de l’insertion, et d’avoir un interlocuteur dédié à cela. grandlyon.com

Quand le Refugee Food Festival rencontre les Muses de l’Opéra.

Armand Hasanpapaj et sa maman unissent leurs talents culinaires au Bistrot du potager.

© Vanessa Cornier

Nous ne pouvions pas nous le permettre. On s’est mis à cuisiner la nourriture traditionnelle, et à ouvrir les portes de notre maison pour faire goûter notre cuisine. Je n’avais pas assez d’argent pour retourner sur les bancs de l’école, alors j’ai étudié en ligne afin d’éduquer mon œil à observer les techniques des professionnels, j’ai travaillé avec un chef pour comprendre la cuisine française, apprendre le dressage. » De cette expérience est née le traiteur La levantine. « Je savais qu’à Lyon, capitale de la gastronomie, la cuisine était très importante. Le problème c’est que les gens ne savent pas cuisiner, mes amis ne cuisinent jamais, ne m’ont jamais fait goûter leurs plats. On mangeait toujours de la ratatouille ou de la raclette ! Je devais m’adapter à cette culture avec laquelle je vivais désormais. J’ai donc commencé à marier les deux cuisines. J’ai par exemple revisité l’éclair version salée, avec des herbes, j’ai fait des cookies avec du tahin, des dates… Il n’y a aucune limite en cuisine. Je peux faire ce que je veux et personne ne peut me dire d’arrêter. »

Être cheffe réfugiée Cuisinière de talent, Layal Khatib partage à Lyon son amour de la cuisine avec La Levantine traiteur.

Être réfugié est une épreuve à part entière. L’être au féminin l’est d’autant plus. « À l’échelle mondiale ce sont 07 3


© Manon Gouhier

ENQU ÊTE

Fraîchement diplômée, Chanda Meas espère un jour ouvrir son propre restaurant.

plutôt les femmes qui sont des migrantes, puisqu’elles sont, du fait de leur genre, plus à même de connaître des persécutions. Le migrant est surtout une migrante seule avec enfant », précise Flora Vidal Marron, fondatrice et directrice de l’association Weavers. Dans ce cadre, elle a développé chez Weavers le programme Des étoiles et des femmes. Un dispositif de formation visant à amener ces femmes éloignées du milieu de l’emploi vers un CAP cuisine en alternance. « On se charge de les préformer, de les suivre tout au long du parcours et de trouver les chefs qui vont les prendre en stage. » Parmi ces employeurs, le Ninkasi, signataire de la charte des 1 000 entreprises pour l’insertion et l’emploi de la Métropole, nourrit l’espoir de recruter huit candidats. « Nous employons des personnes réfugiées de manière isolée, ce qui n’est pas évident, confie Sandrine Sicard, cheffe des opérations RH. Le fait que Weavers propose un accompagnement, une formation sur les métiers de la restauration, le vocabulaire et le savoir-être, nous a tout de suite intéressés. Ce type de profil [réfugié] amène beaucoup d’humanité dans nos établissements. Le relationnel est plus riche. En intégrant ces personnes, les équipes sont plus soudées. Ça crée une vraie cohésion de groupe. La différence est pour nous essentielle. Elle mène à la 074

tolérance et à une ouverture d’esprit. Ça se ressent aussi du côté de nos clients qui sont tous très différents. C’est ce qui fait la richesse du Ninkasi. » Fraîchement diplômée, Chanda Meas a rejoint la promotion 2021-2022 Des étoiles et des femmes. « Quand j’ai décroché mon CAP, j’ai versé quelques larmes. J’étais fière de moi ! Cette reconnaissance de mes pairs m’apporte une certaine assurance. » Réfugiée politique en 1982, Chanda a d’abord été élevée au Viêtnam par des parents expatriés cambodgiens. Fille d’une fratrie de huit enfants, elle a fui son pays à l’âge de 5 ans avec son grand frère, sous la tutelle de sa tante à qui le père de Chanda avait confié ses deux cadets. « Je n’ai plus jamais revu mes parents. Mon père est décédé en prison. Ma mère est morte de chagrin. » Chanda grandit en France où elle a travaillé dans la restauration collective avant de reprendre les bancs de l’école à 49 ans pour enfin s’épanouir dans une cuisine qui lui correspond, riche de ses cultures multiples. « La cuisine, c’est ma passion. Voir les gens rayonner lorsqu’ils dégustent mes plats, c’est magique. » Auteur du dîner solidaire Weavers, le chef cuisinier triplement étoilé et parrain de la Cité de la gastronomie à Lyon, Régis Marcon, porte les projets d’inclusion dans son ADN. « J’ai toujours été amené à accueillir des jeunes, des femmes, des hommes, des réfugiés, des personnes en situation de handicap. En ce moment on travaille avec un Malien qui a vu ses parents mourir devant lui, assassinés. Il a des capacités extraordinaires ! Il y a aussi cette jeune Ukrainienne qui en un mois a fait des progrès fabuleux en français. C’est une fierté de les voir évoluer. Le fait d’avoir des étrangers, avec des regards et des cultures différents, enrichit considérablement notre cuisine. […] Lors du dîner solidaire, j’ai été agréablement surpris par le réel engagement de ces cuisinières . On voit qu’elles ont l’habitude de se débrouiller pour faire à manger au quotidien à leur famille. C’est ce qui fait le charme de ce métier, l’envie de cuisiner pour les autres. »

L’heure du bilan « Quand j’étais à Oman, j’avais de l’argent mais je n’avais pas de pays, se remémore Layal Khatib. Aujourd’hui je me fiche d’avoir de l’argent, j’ai un pays. Mes enfants et mon mari sont en sécurité et heureux. Je peux voir mes parents tous les jours. C’est à mon tour d’aider, et j’espère le faire avec La Levantine traiteur. Je veux juste cuisiner, partager… Bien sûr je dois travailler encore plus que les autres pour montrer ce que je vaux, moi qui suis différente avec mon foulard autour des cheveux et ma culture syrienne. Mais quand on a déjà perdu un pays, ce qu’on peut perdre ensuite ce n’est rien. Chaque jour je me sens plus forte, même si je n’ai pas d’argent. Regarde-moi, je suis assise à une terrasse de Lyon à boire un café avec toi. Qu’est-ce que je peux vouloir de plus ? »


© Julie Lambert

“La cuisine, c’est ma passion. C’est aussi une échappatoire. Voir les gens rayonner lorsqu’ils dégustent mes plats, c’est magique”

Flora Vidal-Marron, fondatrice de Weavers

WEAVERS Organisation à but non lucratif créée en 2015, Weavers s’est donné pour mission de former et faciliter le recrutement des personnes exilées. weaversfrance.org

MERCI AUX CHEFS Awa Sylla Chanda Meas Layal Khatib La Levantine 06 99 92 77 48 lalevantine.traiteur@gmail.com instagram.com/ lalevantine.traiteur

Avec son programme Des étoiles et des femmes, l’association Weavers forme les femmes à la cuisine.

Sadia Hessabi Kaboulyon 45, av. Jean Jaurès, Décines 06 50 44 94 91 kaboulyon@gmail.com kaboulyon.eatbu.com Armand Hasanpapaj Mimo 14, rue de la Thibaudière, Lyon 7e Instagram : @armand_ hasanpapaj TikTok : @armandhasanpapaj

Photos © Manon Gouhier

Ruba Khatib La Petite Syrienne Food truck: 96, bd des Belges, Lyon 6e Échoppe : La Commune, 3, rue Pré-Gaudry, Lyon 7e 06 40 32 96 25 khatibruba@gmail.com lapetitesyrienne.com

Le 20 juin dernier, Régis Marcon signait le dîner solidaire Weavers au Grand Hôtel-Dieu.

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Cheers Burger La Commune 3, rue Pré-Gaudry, Lyon 7e


PORTFOLI O

Émilie Ettori croque Lyon À la confluence du Rhône et de la Saône



Vue plongeante sur le quartier Saint-Vincent, Lyon 1er

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PORTFOLI O

© Emilie Ettori

É

tudiante en école d’architecture, Émilie se passionne pour les cours d’aquarelle et de croquis de rue. « Je dessinais tous mes croquis à la main, ce qui est la méthode traditionnelle enseignée, mais plus vraiment pratiquée aujourd’hui. » Dans l’agence d’architectes pour laquelle elle travaille, Émilie réalise des chantiers atypiques comme la réhabilitation d’abbaye. Pendant ses trois années en agence, elle s’amuse à dessiner, pour les clients, des vues en axonométrie de leur projet : des perspectives en 3D, vues d’en haut, plus compréhensibles que les plans. Émilie se met ensuite à son compte et participe à des concours pour l’agence. « Pendant les moments de latence où on attendait les résultats, je me suis remise à dessiner à la main. » Elle commence alors par croquer la montée de la Grande-Côte à Croix-Rousse. Elle poursuit avec d’autres quartiers de Lyon, « puis les personnes que je connaissais m’ont demandé de dessiner la vue depuis chez eux. C’est là que j’ai réalisé que les gens étaient vraiment attachés à leur quartier ». C’est ainsi que lui vient l’idée de croquer les différents quartiers et espaces de la ville. Mis à part une année au Québec pour les études, Émilie a toujours vécu à Lyon qu’elle connaît sur le bout des doigts. Plans, vues en 3D, tracés de rues, dessins de façades pour les bâtiments plus spécifiques de la ville… Émilie donne un maximum de précisions à ces dessins afin de les rendre les plus fidèles possibles à la réalité. « C’est un peu la compilation de tous ces petits détails qui font mon style. » Émilie s’intéresse notamment aux coins les moins représentés de Lyon, même en photo. Parmi ces quartiers-là, Jean Macé et bientôt Vaise et Valmy. Une façon pour elle de rendre hommage aux quartiers

En savoir plus sur Émilie Ettori Instagram : @emilieettori_illustration Facebook : @emilieettoriillustration Site internet : emilieettori-illustration.com

que les Lyonnais aiment. « J’adore observer la réaction des gens qui cherchent un repère dans mes dessins et qui, dès qu’ils l’identifient, retrouvent leurs rues. » Son cœur de clientèle ? Les Lyonnais qui ont quitté la ville et à qui Lyon manque tant. « C’est comme ça qu’on voit qu’une ville te marque. » AD

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PORTFOLI O

Les neuf arrondissements de Lyon et leurs monuments

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Panorama de Lyon, du Grand Hôtel-Dieu à Fourvière

Plongée dans le quartier Saint-Paul, Lyon 5e

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PORTFOLI O

Le plateau de la Croix-Rousse et son Gros Caillou, Lyon 4e

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L’incontournable place des Terreaux, Lyon 1er

La tour Crayon, Part-Dieu

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SÉLEC TI ON

Texte Fanny Pincanon

10 ACTIVITÉS À TESTER À LA RENTRÉE © DR

Vous cherchez un nouveau sport à pratiquer cette année ? Du plus cardio au plus mental en passant par le plus freestyle, découvrez notre sélection d’activités sportives tendance à essayer à Lyon.


Le plus nippon CHANBARA. Discipline dérivée du kendo, le chanbara est né de la volonté des samouraïs à vouloir démocratiser leur art et le rendre plus accessible, notamment aux enfants. Sorte d’escrime japonaise, ce sport se pratique avec différentes armes, en mousse ou gonflables, telles que le kodachi, le choken, le yari… Arrivé en France dans les années 90, c’est au CLAM que vous pourrez le découvrir, seul dojo lyonnais à le proposer. Deux cours ont ouvert pour la rentrée : un pour enfants (à partir de 7 ans) et un pour adultes, tous niveaux confondus. Au programme : initiation aux différentes techniques de frappe, pratique de cinq sortes d’armes et petits combats.

Photos © DR

CLAM. 34, rue Marietton, Lyon 9e. clam-lyon.fr

Le plus sexy

Photos © Arnaud Combellas

POM-POM GIRLS. Vous pensiez que les cours de pom-pom girls n’étaient réservés qu’aux étudiantes des séries américaines ? Détrompez-vous ! Direction la Shines Academy, créée en 2015 à Lyon par Mégane, passionnée de danse et de gymnastique. Dans cette école, pas de figures acrobatiques mais des cours de danse avec pompons, très sportive et sexy à la fois. Si vous intégrez l’équipe adulte, vous participerez également à de nombreux shows, animations et manifestations dans la région. Nouveauté à la rentrée, la Shines Academy s’ouvre aussi aux adolescentes avec une section Junior pour les 11/14 ans et Teen pour les 14/17 ans. shinesacademy.fr 085


SÉLEC TI ON

Le plus cardio CORDE À SAUTER. Exercice bien connu des boxeurs, la corde à sauter est l’une des activités sportives les plus complètes pour se muscler le corps et améliorer son cardio. Autre atout : elle nécessite un équipement basique, corde et baskets, et peut se pratiquer un peu partout. Redevenue tendance il y a quelques saisons, ce jouet de notre enfance permet de se défouler, se tonifier et perdre du poids rapidement. Attention, il est conseillé aux débutants de commencer doucement puis d’augmenter la durée des exercices progressivement. Si vous souhaitez être encadré, le club de fitness Genae propose des cours de corde à sauter de 25 min, à partir de 16 ans.

Photos © Arthur Viguier

Genae Bron et Écully genaeclub.com

Le plus tendance PADEL. Connaissez-vous le padel ? Pas le sport d’eau en vogue l’été mais celui qui se joue avec des raquettes. Activité en plein essor en France, elle mêle les techniques du tennis, du squash et du badminton et nous vient tout droit du Mexique. En Espagne, il est même pratiqué par plus de 4,5 millions de joueurs. Sa particularité est de se jouer exclusivement à quatre, avec une raquette sans cordes et percée de trous, sur un court plus petit que celui du tennis, entouré de murs et de grillages. Si les débuts peuvent s’avérer un peu laborieux, les sensations arrivent vite pour en faire un loisir amusant, convivial et très addictif ! Pour le pratiquer, rendez-vous au club All in Padel avec sa team de choc composée d’athlètes de haut niveau tels que Jo-Wilfried Tsonga et Johan Bergeron, quadruple champion de France de padel. Au pied du Groupama Stadium, le club aux infrastructures haut de gamme propose notamment six terrains de padel indoor avec différents tarifs et abonnements, des cours individuels, collectifs, stages, pour tous les niveaux. © DR

All in Padel. Pôle de loisirs OL Vallée. 2, avenue Simone Veil, Décines-Charpieu allin-padel.com 086


© Laurent Farges

Le plus insolite HOCKEY SUBAQUATIQUE. Sport encore assez méconnu en France, le hockey subaquatique existe pourtant depuis les années 50 en Angleterre. Version sousmarine du hockey classique, il a la particularité de se jouer en apnée à 2,50 m de profondeur, à

six contre six et sans gardien. Le but est de faire progresser un palet à l’aide d’une crosse, mais sans contact physique entre les joueurs. Un sport qui nécessite donc du cardio et beaucoup d’endurance ! À Lyon, différents entraînements sont proposés par le LSM Hockey

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qui compte une équipe féminine et deux masculines, engagées au championnat régional et qualifiées pour le championnat de France. LSM Plongée. 207, rue Marcel Mérieux, Lyon 7e lsm-plongee.com


SÉLEC TI ON

Le plus urbain SKATEBOARD. Lyon compte parmi les plus hauts lieux de la glisse en France, elle est même devenue la capitale française du skateboard. Si ce sport vous tente mais que vous n’êtes pas encore prêt à glisser sur les nombreuses rampes de la ville, l’association Roule propose des cours particuliers pour débutants, d’environ une heure, ainsi que des cours de perfectionnement. L’avantage du club, qui compte quatre professeurs, est de s’adapter à vos besoins et de proposer des séances dans le skatepark le plus proche de chez vous. Sessions gratuites tous les mercredis soir avec initiations et informations au skatepark de Perrache. © DR

Roule qui peut. 06 72 66 71 00 instagram.com/rqp_skateclub 089


Le plus « badass » ROLLER DERBY. Arrivé en France il y a une dizaine d’années, le roller derby, sport de contact et de vitesse sur patins à roulettes, continue de séduire et d’attirer un public toujours grandissant. Au Lyon United Roller Derby, unique club de la métropole lyonnaise, vous pourrez intégrer trois équipes féminines selon votre niveau : les Faux Soyeuses, les GoreGones ou les Bugneuses, ainsi qu’une équipe masculine et une d’arbitres. À noter que le club applique une politique inclusive de genre au sein des équipes, ce qui signifie que chaque personne peut choisir le groupe sportif du genre de son choix. Autre bonne nouvelle pour les plus frileuses, il n’est pas nécessaire de savoir patiner ! Les cours débutants commencent par un apprentissage technique et théorique. Plus d’excuse pour ne pas chausser ses plus beaux patins, enfiler son casque, ses genouillères et se trouver un surnom drôle et provoc’ !

Photos © DR

lyonroller.fr/discipline/roller-derby

Le plus mental

© Laurent Robert

APNÉE. Vous cherchez un sport qui demande de la concentration, de la maîtrise de soi et de l’endurance physique et mentale ? Alors l’apnée est faite pour vous. Discipline qui fascine depuis le film Le Grand Bleu, elle permet d’explorer ses propres limites et de mieux connaître son corps et son souffle. Un sport idéal pour apprendre à faire le vide, se concentrer et maîtriser ses sensations. Au club Cyrnéa vous pourrez essayer l’apnée statique, dynamique et également la fosse pour faire de la profondeur. Des cours débutants sont proposés chaque année pour s’initier, à partir de 18 ans, ainsi que des cours pour apnéistes confirmés. cyrnea.net 089


SÉLEC TI ON

Le plus freestyle BASKET 3X3. Le basket 3x3 est né de la culture urbaine dans les rues des grandes villes américaines, sur les fameux playgrounds de quartier. Après avoir longtemps été pratiquée de manière informelle, cette discipline qui monte en France a fait son entrée aux derniers J.O. de Tokyo. Les matchs, de dix minutes et en 21 points, se disputent sur un terrain coupé en deux et avec un seul panier. Dunks spectaculaires, un contre un, freestyle… tout est fait pour assurer le show ! À Lyon, vous pouvez le pratiquer au SELGT Basket Ball dans le cadre de deux équipes loisirs et mixtes ouvertes aux plus de 18 ans.

Photos © DR

SELGT. 95, rue Croix-Barret, Lyon 8e selgt.fr

Le plus flottant

Photos © DR

ONEWHEEL. Planche électrique à une roue, d’origine californienne, le Onewheel offre des sensations uniques de glisse et de flottaison. Si vous souhaitez tenter l’expérience, Float Life Europe, boutique en ligne d’accessoires et de planches, vient tout juste de créer la Onewheel school à Lyon. Différentes formules sont proposées : location libre à la journée, séance découverte, évasion, stages de trois sessions et des formules sur mesure. Avec la séance découverte, parfaite pour l’initiation, rendez-vous au parc de la Tête d’or pour une balade détente de 1 h 15. Planche, casque et protections fournis. À partir de 10 ans. Float Life 06 11 99 03 40 floatlife-europe.com 090


Mode ×

“Vaines bagatelles qu’ils semblent être, les vêtements ont,

disent-ils, un destin plus important que de nous tenir chaud. Ils changent notre vision du monde et le point de vue du monde sur nous.” Virginia Woolf, écrivaine moderniste

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© Le Coiffeur des petits Lyonnais

© Veres Production

© Vincent Hurdequint

Le salon prône une gamme de shampoings 100 % bio et végans.

Coupes de gones Le Coiffeur des Petits Lyonnais met à l’honneur les enfants. Ici, ils sont traités comme des adultes… avec quelques privilèges. Deuxième salon dédié aux enfants et adolescents à Lyon, ce lieu aux allures de salon de coiffure classique, mais chic, permet aux enfants de se faire coiffer comme les grands. Gérant de l’établissement, Lionel Giboulot souligne un besoin profond et une absence d’offres dans ce domaine. « C’est difficile pour un parent d’emmener son enfant dans

un salon classique, il y a toujours une petite gêne si les enfants bougent », constate le coiffeur.

Le bien-être des enfants d’abord Soucieux de mettre les familles à l’aise, Lionel a choisi Marion Nicolas comme responsable du salon. Avec un diplôme de petite enfance en poche, elle a une approche toute particulière avec les bambins. Pour préserver la santé des plus jeunes, plus sensibles aux produits chimiques, Le Coiffeur des Petits Lyonnais prône une gamme de shampoings et autres produits 100 % bio et végans. Les coiffeurs leur ont également mis à disposition de nombreux jouets en bois, mousse ou livres pour patienter. Les plus grands, eux, ont droit à des tablettes. 092

Moments privilégiés Véritable salon où l’on prend son temps, Le Coiffeur des Petits Lyonnais est avant tout un lieu de partage. Grâce à la formule duo, les parents peuvent venir se faire coiffer au même titre que leurs enfants. Distribution de chocolats pour Pâques, atelier maquillage pour le carnaval ou encore ateliers lecture. Des événements sont également proposés au salon tout au long de l’année. Prochainement, il sera même possible de privatiser le lieu pendant deux heures, le temps d’un anniversaire. Avec quatre ou cinq copains, les enfants pourront découvrir, auprès de professionnels, l’art de la coiffure, ainsi que plusieurs surprises ! JP lecoiffeurdespetitslyonnais.fr


Passion couture DIY. Fabriquer ses vêtements même si l’on n’est pas une couturière aguerrie, c’est possible ! Marie Mouly et Margot Tiret ont créé Jolilab et ses box kit de couture livrées à domicile. Chaque mois, vous pourrez recevoir une nouvelle pièce surprise à coudre et à sublimer. Des boîtes pleines de surprises à la portée de tous, y compris des débutants. Un guide « pas à pas » glissé dans le coffret, ainsi qu’un lien vers un tuto vidéo permettent de ne rater aucune étape. Sans oublier le tissu (made in France), le fil, le patron et les boutons. Il ne reste plus qu’à vous lancer ! JP © DR

Box à 42 € sur Jolilab.fr

Cabas lyonnais © Kufu – produits sous licence officielle de la Ville de Lyon

I LOVE LYON. Sacs, pochons, cabas… Kufu facilite les courses zéro déchet grâce à sa gamme d’accessoires faits main, fabriqués à base de tissus recyclés. Elle rend désormais honneur à la ville avec une collection spéciale en hommage aux plus beaux monuments de Lyon. Pour un shopping pur gones ! JP 17 € le pochon, 21 € le sac, 27 € le grand cabas sur kufu.fr 0 93


Chères années 2000 Adopter le look des années 2000, ça se mérite ! C’est sur la montée des Carmélites que Marine Bochaton a installé sa friperie branchée Hello Cutie Vintage. La jeune femme chine pour ses clients des pépites tout droit sorties d’un clip ou d’une sitcom des années 2000. Jean taille basse, baggy, top en mesh… Nostalgie garantie.

Texte Chloé Bridier Photos Delphine Castel

ICÔNES Nous sommes en 2001, Britney Spears foule le tapis rouge des American Music Award au bras de Justin Timberlake dans un look total denim. Elle est la véritable ambassadrice de cette tendance très kitsch. La chanteuse a inspiré de nombreuses adolescentes. Mais impossible d’oublier Ashley Tisdale et ses looks toujours au point : jupe à paillettes par-dessus un jean large, boa à plumes roses et sac à sequins.

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omme l’évoque si bien cette phrase prononcée au moins une fois par toutes les mamans ou autres adultes responsables : la mode est un éternel recommencement. Alors après le retour du pantalon patte d’éléphant des années 70, ou du K-Way des années 80, c’est au tour du jean taille basse des années 2000 de revenir sur le devant de la scène. Ce qui est loin de déplaire à Marine, l’heureuse propriétaire de la friperie Hello Cutie Vintage. La Lyonnaise a choisi de redonner vie à un ancien local délabré et l’a transformé en une chambre d’adolescente du début des années 2000. Le calendrier qui trône à côté de la caisse donne le ton, nous sommes de retour en 2003. Une décoration pensée dans les moindres détails, à l’image de la jeune femme et de ses copines. « Plusieurs de ces petits objets ont été chinés par mes 094

proches. Le lit par exemple, c’est l’idée d’une de mes meilleures amies. On a passé pas mal de soirées à coller toutes les affiches, à trouver des objets sympas, ça s’est fait de façon assez marrante ! » raconte Marine en rigolant. Les posters de Shakira et des Spice Girls, les coupures de magazines people, les fameuses figurines de dauphins en toc, elle a vraiment pensé à tout… jusqu’au splendide cierge à l’effigie de Britney Spears, clin d’œil des années passées. Et si tout y est si bien agencé, c’est aussi parce que Marine se souvient parfaitement de ses propres années primaire et collège. « J’écoutais en boucle la reprise de I Love Rock’n’Roll par Britney. Je me produisais même en spectacle devant mes parents avec l’outfit très cliché composé de tongs plates-formes, du fameux pantacourt et du haut dos nu, explique-t-elle le sourire aux


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littérature. « Il y a cinq ans, dans les rues de Montréal, je voyais déjà des jeunes filles porter fièrement les tendances des années 2000. Je trouve que sur ce point-là, le Canada était plus avancé que la France. Ça m’a vraiment poussée à me lancer », précise-t-elle. Finalement, le confinement aura eu raison de ce projet, poussant la jeune femme à rentrer en France. Un business plan bien établi et de nombreuses recherches plus tard, elle a pu dénicher cet ancien local et réaliser son rêve. Hello Cutie Vintage, c’est la continuité de cette adolescence qui passe trop vite, un côté « un peu ado attardée » comme le dit la jeune femme qui a toujours fièrement arboré ce look très Y2K.

“Les posters de Shakira et des Spice Girls, les coupures de magazines people, les fameuses figurines de dauphins en toc… Marine a pensé à tout. Jusqu’au splendide cierge à l’effigie de Britney Spears, clin d’œil des années passées” DE LA TÊTE AU PIED La tendance ne s’arrête pas aux vêtements et aux chaussures. Le fard bleu clair irisé, les barrettes papillon, le serre-tête zigzag ou encore le spiky bun, ce fameux chignon plaqué avec quelques mèches qui dépassent, sont de nouveaux à la mode.

lèvres. Je m’inspirais énormément de Britney et de Christina Aguilera car elles étaient super intenses. Elles faisaient exactement ce qu’elles voulaient. Elles étaient badass, quoi ! »

Un nouveau tournant C’était à Montréal que cette boutique de seconde main aurait dû voir le jour, là où Marine Bochaton effectuait alors une thèse en 096


« Il y a encore quelques années, on se moquait pas mal de la façon dont je m’habillais. Mes potes me chambraient gentiment – “C’est vraiment n’importe quoi tes fringues années 2000.” Cette friperie, c’est un clin d’œil à tout ce que l’on a pu me dire ! »

Une friperie inclusive Les pièces sont triées, avec soin, par catégories : un portant pour les chemises, un pour les tops en mesh, un autre pour les jeans, cargos et baggys ou encore une étagère pour les accessoires… ce qui permet de facilement s’y retrouver. La boutique offre aussi un large choix de tailles pour que chacun puisse trouver son bonheur. La réserve regorge quant à elle de nombreuses

trouvailles qui font leur apparition au fil des semaines. « Ce qui me plaît le plus, c’est de faire des kilomètres et des kilomètres pour trouver des pépites. Je parcours la France pour me rendre dans des brocantes et des vide-greniers à la recherche de la pièce coup de cœur qui plaira à mes clients. Je fais aussi parfois appel aux associations solidaires. Si j’ai ouvert cette friperie, c’est parce que j’ai toujours adoré chiner ! » En collaboration avec d’autres créateurs lyonnais, Marine organise de nombreux événements à thèmes, comme des soirées Halloween, des ateliers manucure ou des séances de tarot ! De quoi rassembler des passionnés de mode, de musique ou de tatouage autour d’un verre.

LES INCONTOURNABLES Les trois pièces « années 2000 » à absolument avoir dans son dressing, selon notre spécialiste Marine Bochaton, sont le teeshirt à message « abominable » d’une très ancienne collection de la marque Jennyfer, le pantalon cargo parachute « très clip de RNB », et la « robe de pouffe », aussi moulante que voyante…

Hello Cutie Vintage Lyon 1er Retrouvez toutes les nouveautés sur l’Instagram @hellocutievintage

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Texte Vanessa Cornier Photos Cécile Creiche / Maison Ma Bille (sauf mention)

Mode durable et solidaire Espace de coworking, atelier de production, bureau d’études, pimperie, fab lab, ateliers pratiques et théoriques ouverts au public… Maison Ma Bille, c’est tout ça à la fois, et bien plus encore. Un établissement aussi insolite que révolutionnaire, dédié au textile engagé et durable.

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ermettre aux créateurs de travailler de manière locale. C’est l’objectif premier de Maison Ma Bille, imaginée par Camille et Nina. Amies à la ville, ces deux associées ont en commun le souci du travail bien fait, dans de bonnes conditions humaines et écologiques. Comme une évidence, elles ont créé en septembre 2020 leur tiers-lieu dans le deuxième bassin textile de France : Lyon. Un concept précurseur unique en France. Sorte de lieu hybride, de la confection textile à l’innovation.

L’économie locale au cœur du projet « La première fois que j’ai essayé de produire mes pièces en France, j’ai été confrontée à toutes les difficultés qu’on peut rencontrer lorsqu’on fabrique en petites quantités dans les limites des frontières de l’Hexagone, se souvient Camille. Je n’arrivais pas à sourcer des fournisseurs qui acceptent de travailler avec nous, ni à obtenir les bonnes machines ou à être entendue par les plus gros que moi car j’étais toute petite… » De ces problèmes insolvables, Camille a alors l’idée de réunir, dans un seul et 098

même lieu, tous les corps de métier et outils nécessaires à la confection de vêtements locale et respectueuse de l’environnement. Styliste, designer, graphiste, prototypiste, modéliste, couturier… La palette d’expertise est infinie. Les marques en carence de main-d’œuvre peuvent ainsi se reposer sur Maison Ma Bille de A à Z dans leur processus de production ou encore leur confier la confection uniquement. Un mode de production qui peut s’avérer économique, contrairement aux légendes urbaines. « L’un de nos clients faisait fabriquer ses très


Camille Marion-Vigne et Nina Jouan-Zanetti, porteuses de l’entreprise sociale et solidaire Maison Ma Bille

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© vanessa Cornier

“Styliste, designer, graphiste, prototypiste, modéliste, couturier… L’ensemble des corps de métier sont présents chez Maison Ma Bille” POUR UNE MODE PLUS DURABLE Afin de sensibiliser le grand public à une consommation des vêtements plus durable et sociale, Maison Ma Bille organise, dans ses locaux de Lyon 2e, des événements et ateliers autour du textile, de la teinture, ou encore de la broderie. Plus d’informations sur maisonmabille.fr

beaux plaids en Chine, soit un coût de production de 25 € hors frais de transport par pièce, explique Solenn, en charge du stylisme. Depuis que nous l’avons accompagné sur un repositionnement de la marque, il a un produit tissé en France, avec des fils français recyclés, qui ne coûte que 28 € pièce. Il n’y a plus de frais de transport, l’empreinte carbone est nettement différente. »

Un concept vertueux Entreprise sociale et solidaire, Maison Ma Bille ne tergiverse pas avec ses valeurs. « Nous avons des engagements juridiques qui ont vocation à nous donner un sens dans la société à tous les niveaux », rappelle Camille. Ainsi les salaires sont bloqués entre le plus bas et le plus haut, 50 % des bénéfices sont investis dans l’économie sociale et solidaire et des partenariats sont mis en place avec des structures de l’économie sociale et solidaire comme les chantiers 100

d’insertion et les associations. « Ce sont surtout des valeurs intrinsèques, confie Camille. J’ai tendance à ne pas aimer jeter, à être quelqu’un d’ouvert et à croire au partage des richesses plutôt qu’au capitalisme. Il s’agit d’engagements moraux. Lorsque j’ai écrit le business plan en recensant les différentes actions, les comptables m’ont dit “T’es complètement fêlée ! Pourquoi tu fais un truc aussi compliqué ? ” Nina et moi on y croyait. On avait envie de créer quelque chose qui permette à d’autres gens de s’émanciper de leur situation personnelle. » Ainsi Camille et Nina favorisent, dans leur recrutement, des profils pour qui l’intégration est une nécessité, voire une urgence, des réfugiés politiques aux personnes en insertion. « Travailler dans le social, lorsqu’on est une entreprise, demande de l’investissement de temps et une façon différente de travailler. Quand on se retrouve face à quelqu’un qui ne parle pas français, c’est plus difficile, car nous n’avons aucune aide de ce côté-là, or on a un vrai rôle social à jouer. Et ces personnes ont de réelles compétences. »

De l’upcycling à tous les niveaux « Un jour, j’ai plaqué ma vie d’avant et je me suis retrouvée sans argent pour reconstruire quelque chose, se souvient Camille. J’ai tout fait à la débrouille : j’ai trouvé des meubles dans la rue, j’ai vidé les maisons de personnes qui n’avaient plus besoin de leurs possessions matérielles. À l’arrivée, j’ai créé un lieu de vie vraiment très chouette. Tout le monde me disait “C’est incroyable ce que tu as fait !” Ce jour-là, j’ai compris qu’il était possible de faire quelque chose avec pas grand-chose. » Mot d’ordre de la Maison, l’upcycling est l’un des challenges quotidiens de Camille et Nina, qui collectent les déchets textiles de professionnels ainsi que les vêtements de particuliers. « Le


Dans son fab lab, Maison Ma Bille accueille en résidence des porteurs de projet.

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© vanessa Cornier

© vanessa Cornier

OBLIGATION DE RECYCLER Depuis le 1er janvier 2022, de nouvelles dispositions de la loi antigaspillage pour une économie circulaire, dite loi Agec, sont entrées en vigueur. Il est désormais interdit aux industriels de détruire les invendus non alimentaires neufs, sous peine d’une amende de 15 000 €. Une disposition visant à réduire considérablement l’émission de gaz à effet de serre, mais aussi à valoriser la rénovation, le réemploi ou le don.

“Ici les salaires sont bloqués et 50 % des bénéfices sont investis dans l’économie sociale et solidaire” problème de l’upcycling est qu’il est souvent mis en place par de tous petits créateurs dont le modèle économique n’est pas très construit. Ils le font chez eux, ne comptent pas leurs heures. Il n’y a aucune rentabilité; il est donc impossible de reproduire ce système à grande échelle. Chez Maison Ma Bille, nous nous positionnons comme porteur de solution parce qu’on a un vrai savoir-faire pour fabriquer les pièces. Dans le cas d’une confection classique, on a un rouleau de tissu, un patron, et on applique le patron sur le tissu. La coupe dépend donc du patron. Quand on fait de l’upcycling, c’est complètement l’inverse : on récupère des morceaux de tissus qui ne sont pas forcément en rouleau, et c’est à partir de ça 102

que nous devons recréer quelque chose. C’est beaucoup plus complexe. Aujourd’hui, chez Maison Ma Bille, nous sommes capables de développer de l’upcycling. On est considéré comme un ovni car on sort de plusieurs décennies d’entreprises qui ont affirmé que le recyclage n’avait pas d’intérêt. En parallèle, on commence à travailler sur de vrais sujets de recherche et développement. Avec un industriel, nous avons réfléchi à une solution d’une coupe automatisée, avec un système de caméra et une coupe au laser, pour pouvoir découper des pièces qui ne sont pas en rouleau. L’intérêt est de trouver un moyen d’industrialiser l’upcycling et de réduire ainsi l’impact écologique de l’industrie de la mode. »


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Tendance vintage

À la manière de Sophia Amoruso, fondatrice du site Nasty Gal, Juliette a créé une friperie en ligne « vintage chic » où elle met à l’honneur des pièces coup de cœur qu’elle chine. Dans son atelier, qu’elle partage avec son compagnon musicien, elle entrepose ses nombreux vêtements et colis. Des pièces chinées et upcyclées que la jeune femme porte sur son site afin de moderniser le « vintage sur cintre ».

Texte Chloé Bridier Photos Faut le voir porté

“J’ai commencé à vendre mes propres vêtements sur Vinted. Très vite, je me suis mise à chiner pour les autres”

D’où vous vient cette passion pour la chine ? Mon père a toujours adoré les bonnes affaires et les vide-greniers où il me traînait souvent lorsque j’étais plus jeune. Le côté « charity shop » et boutiques associatives est venu plus tard, quand je suis allée à Londres, à 18 ans. À mon retour en France, j’ai trouvé l’équivalent chez Emmaüs, mais ça n’avait pas la même saveur. À Lyon, il n’y avait encore que très peu de friperies. Une de mes copines en possédait une, on y allait tout le temps, c’était assez dément. J’ai profité d’un échange universitaire pour dévaliser toutes les boutiques associatives avant de revenir en France avec un excédent de plusieurs kilos. Pourtant j’avais déjà légué une partie de ces fringues ! Je me souviens encore des 65 € que j’ai dû payer à l’aéroport… 104

Comment est née votre friperie en ligne ? Je pense que c’est le hasard qui a fait les choses. J’ai fait des études de droit, travaillé dans un service RH pendant deux ans, puis j’ai rencontré mon copain qui est producteur de musique. On a alors lancé notre groupe, Octavio Mai, pour lequel on a rapidement signé un label. Malheureusement, on n’a pas pu en vivre et obtenir notre intermittence aussi rapidement qu’on l’aurait voulu. Pour compenser, j’ai commencé à vendre mes propres vêtements sur Vinted. Très vite, je me suis mise à chiner pour les autres, dans des associations partenaires. C’est comme cela qu’est née Faut le voir porté, en août 2019. J’ai fini par quitter Vinted pour lancer mon propre site internet et mon compte Instagram. C’est né par hasard, mais c’est très vite devenu mon activité principale !


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“Je crée aussi mes propres vêtements avec des pièces upcyclées”

Pourquoi ce nom, Faut le voir porté ? Mes copines me disaient souvent : « Cette robe est moche sur cintre, mais une fois que tu la portes et que tu l’accessoirises, ça rend tout de suite mieux. » J’ai toujours à cœur de bien présenter les pièces que je vends, de leur rendre justice. C’est vraiment quelque chose qui plaît aux gens, qui leur donne envie d’acheter ! Où dénichez-vous vos pépites ? Au début, je ne chinais qu’en boutiques associatives. Certes, ça a un prix car tout est mieux organisé, mais c’est assez confortable, puisque les vêtements sont déjà triés et en très bon état. Ça, c’était avant le Covid qui a bousculé pas mal de choses. J’ai dû commencer à me diversifier. J’ai notamment signé une convention avec une association près de chez moi, ce qui me permet d’accéder directement au centre de tri. Le boulot est différent, très physique, et il me prend beaucoup de temps car tout est dans des gros

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sacs et je dois sélectionner les pièces qui m’intéressent. C’est vraiment une loterie, ça m’est déjà arrivé de tomber sur des sacs avec des vêtements Guy Laroche et autres grosses pépites. J’achète aussi auprès de particuliers, en direct ou sur internet. C’est une grande chaîne, j’achète en gros lots pour revendre mes pièces « coup de cœur » qui feront le bonheur des acheteurs ! Je crée aussi mes propres vêtements avec des pièces upcyclées ! Quelle est votre période vintage favorite ? Je ne fonctionne pas vraiment par période, mais au coup de cœur, en fonction des couleurs et des coupes. Mais je reviens souvent vers les années 70-80, voire 90 pour certaines pièces. J’ai un peu plus de mal avec les années 2000, même si je commence à me faire à l’idée de leur grand retour !

fautlevoirporte.com


Déco ×

“Les designers et les gens, en général, sont trop attirés par le « nouveau ». Mais rien ne vieillit plus vite que la « nouveauté ».” Marcel Wanders, designer

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Histoires au bout du fil Transformer des téléphones à cadran en boîtes à histoires. C’est le projet de Samy Rabih, « Une histoire au bout du fil ». Développeur sur le web depuis quinze ans, ce touche-à-tout sème de la poésie à ses heures perdues.

Comment est né le projet Une histoire au bout du fil ? Je fais partie de Muséomix, une association qui organise des événements annuels dans des musées. Sur trois jours, 50 personnes doivent soumettre de nouvelles manières de présenter les œuvres des musées. Des installations au service des œuvres. En 2021, j’ai apporté un téléphone que j’avais bricolé pour en faire une boîte à sons. Le téléphone est maintenant à Strasbourg, au Musée de sismologie. Ça a commencé comme ça.

Comment transformez-vous ces téléphones en boîte à sons ? Je me suis formé sur des choses que je maîtrisais moins bien : l’impression 3D, l’électronique, la programmation. Il y a d’abord de la recherche, car chaque appareil est différent. Pour les programmer, ce n’est pas bien compliqué. Les clients m’apportent leurs sons ou histoires et je n’ai plus qu’à relier le bouton au son correspondant. Il y a bien sûr toute la partie technique, mais dans le fond quand on se penche dessus, ce n’est pas si complexe. Je maîtrise la totalité de la chaîne, donc je peux en faire de tous les usages possibles. Pensez-vous développer ce concept pour qu’il prenne de l’ampleur ? Je ne veux pas que cela devienne mon activité principale, j’aime l’idée que ce soit un side project. J’ai tout de même beaucoup de projets et d’envie. Je réfléchis actuellement à une idée de livres d’or audio pour les mariages. Vous décrochez, vous laissez un message et vous raccrochez. Ce serait un super objet souvenir pour les mariés. JP unehistoireauboutdufil.fr Instagram @unehistoireauboutdufil

Photos © Lulu la Lucette

À partir de 250-300 € le téléphone à histoires

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© Edwige Lamy

Les assiettes de Mamie ART DE LA TABLE. Le service en porcelaine désuet de nos grand-mères reprend vie grâce au travail de l’artiste Axelle Brétignière et sa marque Pickles Tableware. L’artiste transforme de la vaisselle vintage en œuvres chics et singulières. Sur les étagères de son atelier, assiettes, tasses ou plats aux couleurs vives ou pastel twistés par Axelle trônent fièrement en attendant d’être réinvestis par de futurs acquéreurs. Marseillaise d’origine, la jeune femme confie être sensible à la philosophie « zéro déchet ». « J’ai eu envie de m’inscrire là-dedans, lorsque la mairie de Roubaix, où je travaillais alors, a essayé de mettre en avant le zéro déchet. Produire de toute pièce ne faisait absolument pas sens pour moi. » JP À partir de 25 € l’assiette. En vente dans la boutique Tandem, Lyon 3e

Temple de créateurs

© Emile et Suzanne

CONCEPT STORE. Bijou, prêtà-porter, décoration, vaisselle… Les petits créateurs sont mis à l’honneur chez Émile et Suzanne, nouveau concept store en Presqu’île. Valérie Shepherd, la maîtresse des lieux, aime avant tout les jolies histoires qu’elle se plaît à partager avec les clients de cette adresse cosy et élégante. JP Émile et Suzanne, Lyon 2e emileetsuzanne.fr 109


Photos © Marion Saupin

Flore brodée

Zoé Pignolet zoepignolet.fr

NATURE. « Je fais des compositions qui sont mises sous cadre comme un arrêt sur image. » Passionnée par la nature depuis son plus jeune âge, Zoé Pignolet imagine avec Limbe des broderies botaniques à l’image de ce milieu qui l’inspire et qui lui permet de s’évader. « Je crée des plantes imaginaires et un univers botanique où la broderie devient volume et s’échappe de son support. » L’histoire commence à la capitale. Après un diplôme à l’École Duperré, Zoé a travaillé pendant près de sept ans comme styliste broderie dans un atelier pour la haute couture à Paris. En décembre 2020, elle a décidé de se lancer comme artiste indépendante et de s’installer à Lyon. Depuis, l’artiste manipule principalement la soie, avec laquelle elle joue sur la transparence, et utilise les techniques traditionnelles à l’aiguille et au crochet. Bégonia, Aramé, Ambleteuse… Elle encadre ses créations, comme un cabinet de curiosités d’un jardin qui n’existe que dans les rêves. AD 110


Lyon sur le mur ILLUSTRATION. Avoir sa ville dans la peau, c’est bien. Chez soi, c’est encore mieux ! L’illustratrice Émilie Ettori propose un papier peint écoresponsable tiré de ses dessins de Lyon vu du ciel. Bellecour, la Presqu’île et les neuf arrondissements de la ville s’invitent chez vous ! Il ne vous reste qu’à faire votre choix… Et à coller le papier. AD

Photos © Manaaki

© Emilie Ettori

À partir de 250 €, à retrouver sur emilieettori-illustration.com

Ode à l’élégance ARTISANAT. Manaaki signifie « Prend soin » en Maori. Un clin d’œil à la Nouvelle-Zélande, ce pays qui fascine tant la jeune créatrice. Avec ses porte-bijoux, Ana célèbre le voyage, la modernité et l’élégance. Des présentoirs, écoconçus à travers un circuit court régional, qui viennent délicatement mettre en valeur colliers et boucles d’oreilles. La toute nouvelle gamme « Antoinette » est 100 % écoresponsable, confectionnée en plastique recyclé issu de la région lyonnaise. Avec Haut les cœurs, Ana sélectionne des bijoux de qualité, originaux et faits en France. Manaaki met en valeur les bijoux, Haut les cœurs, les créateurs ! CB Manaaki, présentoirs entre 10 € et 81 €. manaaki.fr 111


Hommage viticole

« Le vin est à la fois une science et un art : l’un parle à la raison, l’autre à l’émotion. » Artiste peintre formée à l’ingénierie, la Lyonnaise Sabrina Sallouh a trouvé dans la peinture au vin le miroir parfait de la femme complexe qu’elle est aujourd’hui. Une technique picturale aux possibilités infinies…

Texte Vanessa Cornier Photos Yanis Ourabah

“Au début, je prenais des millésimes récents. Ce n’était pas très intéressant car les couleurs étaient à peu près similaires d’une bouteille à l’autre”

«

Un vendredi, avant 20 heures, j’ai voulu essayer. N’ayant pas de vin sous la main, je me suis rendue à la supérette de mon quartier. Accroupie dans le rayon, à hauteur des bouteilles bon marché, je tentais de comprendre comment trouver les bonnes couleurs. Il n’y avait que du rouge. J’en ai pris trois. Pour voir… » Curieuse de nature, Sabrina Sallouh, plus connue sous le nom de Sabrina Wine Art, s’est lancée dans le grand bain – ou plutôt la grande cuvée – de la peinture au vin un soir d’août 2018, après quelques recherches sur internet. « De retour chez moi ce soir-là, je me suis dit, il faut y aller ! J’avais préparé plein de pots d’eau, sorti mon set d’aquarelle. J’ai posé ma feuille de Canson, avant de reproduire les techniques d’aquarelle que j’avais vues sur YouTube. » À l’aide d’un pinceau, Sabrina commence par

déposer une goutte de vin, pur. « Mais la goutte restait à sa place, rien ne se passait. Deuxième essai : je mouille la feuille de papier, puis dépose de nouveau du vin, et là je vois ma feuille gondoler. C’est dire les lacunes que j’avais en la matière ! Il y avait trop d’eau. J’ai alors laissé le vin s’évaporer dans une assiette : l’eau a diminué et il restait des pigments. Sauf qu’une odeur hyper forte d’alcool se dégageait dans ma cuisine. Je ne pouvais pas aller au rythme de l’évaporation, il fallait accélérer le processus. J’ai donc réduit le vin à la casserole en le faisant chauffer. C’est ce qui m’a permis d’obtenir les matières que j’utilise aujourd’hui. »

Slasheuse à temps plein Pour découvrir ce qui a réellement poussé Sabrina Sallouh à se lancer dans cet art rare en France, qui trouve ses origines durant la


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Renaissance, il faut comprendre son parcours. Entrepreneuse, elle fait partie de cette nouvelle génération de slasheuses. Terme en référence au symbole « / », désignant ces touche-à-tout qui s’épanouissent en exerçant plusieurs activités. Ainsi Sabrina est à la fois artiste peintre au vin, cofondatrice de Daliasoft, un logiciel de pilotage de l’activité viticole pour vignerons, négociants et coopératives, et fondatrice

de Deal to lead, programme de formation en négociation dédié aux femmes. C’est d’ailleurs cette dernière facette qui lui a permis de faire le lien avec son appétence pour l’art et l’artisanat. « J’ai toujours eu une sensibilité pour l’aquarelle, j’aimais dessiner. Depuis longtemps j’avais un attrait pour l’art, je voulais être styliste, mais ça n’a jamais été une voie possible dans l’environnement dans lequel j’ai grandi. Ce n’était pas un métier d’avenir. Comme j’avais des capacités à l’école, mes parents m’ont encouragée à les explorer. Je suis partie en école d’ingénieur. Ça m’a beaucoup aidée à me structurer. J’ai appris comment conceptualiser des problèmes, des apprentissages, des savoirs, comment les transmettre. » Lors de ses études, Sabrina prend conscience du manque de confiance en soi des femmes. « Elles étaient peu nombreuses dans mon école

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d’ingénieur. La place des femmes dans le domaine technique et scientifique a toujours été compliquée. » Engagée dans des associations et réseaux féminins en lien avec le féminisme et l’« empouvoirement », et sensible au désarroi des femmes, Sabrina se lance, quelques années plus tard, dans la formation des femmes, plus spécifiquement autour de la créativité et le leadership. « J’ai exploré des formations et des ateliers pour des accompagnements en créativité. J’ai ensuite décidé d’introduire une démarche artistique dans ces ateliers pour le côté ludique, mais aussi pour déconstruire le processus créatif de ces femmes qui se posaient des limites, persuadées qu’elles n’étaient pas capables. J’ai voulu utiliser quelque chose d’original, facile à mettre en œuvre, en lien avec ce que j’aimais. J’ai pensé à la peinture au café, car je trouvais sympa de détourner


“Derrière chaque vin se cache un vigneron qui s’est cassé la tête pour le produire. Je veux lui faire honneur.”

APPRENDRE À DESSINER Sabrina propose des ateliers de peinture au vin. L’occasion d’apprendre les ficelles de cette technique si particulière en réalisant une composition abstraite. Durée 2 h 30. Tarif 65 € Informations et réservations sur sabrinawineart.com

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C’EST DANS LES TUYAUX ! Sabrina Sallouh sortira, cet automne, la collection About Time, des horloges haut de gamme représentant un triptyque, symbole du temps qui passe.

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“Un même vin peut avoir différentes nuances selon sa réduction” un outil du quotidien. Mais je ne bois pas de café et les couleurs sont assez limitantes. J’ai alors cherché comment changer les attributs pour rester dans une boisson. C’est comme ça que j’ai pensé au vin. La palette de couleurs me semblait intéressante. »

Sur le chemin de l’expertise « Je n’étais pas spécialement amatrice de vin. Ma consommation se limitait à un verre ou deux en soirée. » Rapidement, Sabrina cherche à en savoir plus. « Je me disais que quelqu’un y avait forcément pensé. J’ai cherché “peinture au vin” sur Google et suis tombée sur cet en-tête : “Technique très peu utilisée car très

compliquée.” En observant les images, ça ne m’a pas semblé spécialement joli. Ça voulait dire que j’étais capable d’avoir un avis dessus ! » La complexité affirmée de cette technique peu habituelle rend le challenge d’autant plus intéressant aux yeux de l’artiste, qui voit en cette méconnaissance de la peinture au vin une place d’autant plus vaste pour l’expérimenter. Sabrina découvre ainsi le milieu viticole et ses possibilités infinies : les cépages, les domaines, les régions, etc. Blanc, rosé, rouge, elle expérimente la palette de nuances infinies qu’offre le nectar des dieux. « La complexité vient de l’aspect très liquide du vin. Pour transformer la matière, la retravailler, il faut attendre qu’elle sèche à chaque couche. » Pour développer sa technique et obtenir des nuances, Sabrina monte rapidement en gamme. « Au début,

je prenais des millésimes récents, pas très élaborés. Ce n’était pas très intéressant car les couleurs étaient à peu près similaires d’une bouteille à l’autre. Petit à petit j’ai pris de meilleurs vins. Au fur et à mesure je m’intéressais moins à la couleur, plus à la matière. Un même vin peut avoir différentes nuances selon sa réduction. Je ne mélange jamais les vins sur la toile, car je veux que les vignerons puissent reconnaître leur travail. Derrière chaque vin se cache un vigneron qui s’est cassé la tête pour le produire. Je veux lui rendre honneur. » Au fil du temps, elle passe d’amatrice de crus à experte. « J’apprends à jouer avec… »

Peintures vivantes Avec les vins en biodynamie, de nouvelles perspectives s’offrent à Sabrina. Les couleurs sont plus intenses, les tableaux se mettent à vivre, au sens propre du terme. « J’ai commencé à comprendre le rapport à la lune et à ses cycles. » De cette rencontre découle la série de tableaux Biodynamie, des œuvres que Sabrina peint avec des vins produits en biodynamie les soirs de pleine lune. « C’était important pour moi d’avoir cette démarche jusqu’au-boutiste dans ma création. » Lui vient alors l’idée de prendre ces lunes peintes en photo, pour témoigner de leur évolution : le jour de sa réalisation, puis une nouvelle deux semaines plus tard lors de la nouvelle lune, et de même lors de la pleine lune. « On pouvait voir que le tableau changeait de couleur. Le vin est une matière vivante, l’œuvre poursuit son évolution. Je réfléchis les tableaux comme une expérience faisant pleinement partie de l’approche artistique. Je raconte l’histoire du vin, l’histoire du vivant. »

En savoir plus Retrouvez les œuvres de Sabrina Sallouh chez divers cavistes de Lyon, parmi lesquels L’Œnothèque, à Lyon 7e, et TrioVino, à Lyon 2e. sabrinawineart.com

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Le bâtiment au féminin Des femmes aux métiers longtemps réservés à la gent masculine ont choisi de se réunir sous le hashtag #les_filles_du_btp. Sur Instagram, elles partagent leur quotidien, leurs galères, leurs aventures. Plus que des collègues, elles ont créé un véritable groupe de copines uni et soudé. Texte Chloé Bridier

© Delphine Castel

Photos Voir mentions

Alice LarocheDelorme

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© Sabine Serrad

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lus grande, je serais plombière, peintre ou électricienne… Les métiers du bâtiment se racontent désormais au féminin. En 2020, la Fédération française du bâtiment a recensé 12,3 % de femmes dans le BTP, avec une parité presque atteinte pour la fonction de peintre en bâtiment. Un chiffre qui progresse doucement, mais sûrement, car les mentalités changent, les chantiers se féminisent et des collectifs comme Les filles du BTP voient le jour. Début du premier confinement, Florence et Géraldine, elles-mêmes artisanes peintres en bâtiment et fondatrices de l’entreprise Ladies AT WORK, ont l’idée de créer un groupe de discussion et d’entraide réunissant plusieurs femmes dans le bâtiment. Au départ, elles ne sont qu’une dizaine qui échangent sur leur parcours respectif, leur quotidien en temps de Covid et tissent, très vite, de jolies amitiés. Les mois passent, et de nouveaux noms s’ajoutent à la conversation. Le 8 mars 2021, à l’occasion de la Journée internationale du droit des femmes, ce joyeux collectif se lance sur Instagram. À travers ce dernier ou leur compte personnel, ces plombières, décoratrices d’intérieur ou peintres en bâtiment documentent leurs journées de travail, l’avancée de leurs chantiers grâce à des vidéos et des posts réguliers. Bienveillance et humour sont toujours de mise pour balayer les clichés et les mésaventures. Au-delà du virtuel, ces « wonder women » se retrouvent lors de travaux en commun et d’apéritifs géants. À l’avenir, le groupe envisage de monter son association pour promouvoir les droits des femmes dans le milieu du bâtiment.

Julie Coulon

Une sororité Si le groupe a été fondé par un duo parisien, il évolue à l’échelle nationale. À Lyon, des femmes comme Julie et Alice n’ont pas hésité à répondre à l’appel et à rejoindre cette « belle aventure ». Si aujourd’hui, Alice LarocheDelorme embrasse sa carrière d’artisane peintre, au début, rien ne la prédestinait à évoluer dans le bâtiment. Étudiante en lettres 119

“Les nanas sont en capacité de créer quelque chose de nouveau et de différent dans les métiers du bâtiment”


Photos © Delphine Castel

“Quand je me rends sur les chantiers, je vois de plus en plus d’artisanes ! On a maintenant des plombières, ce qui ne se voyait jamais avant” et histoire de l’art, à l’obtention de son diplôme elle aspire à une carrière plus manuelle, comme la restauration de patrimoine. « Je suis tombée sur une formation, proposée par les Compagnons du Tour de France, pour obtenir le titre professionnel de peintre en décor. Malheureusement, pour pouvoir s’y inscrire, il fallait être détenteur d’un CAP de peintre en bâtiment. Alors, ni une, ni deux, j’ai trouvé une entreprise, passé mon CAP, mon brevet professionnel et finalement ce titre de peintre en décor. » Avec tout ce package, elle décide finalement de rester au sein de l’entreprise où elle a réalisé son apprentissage et où elle s’épanouit pendant sept ans. Alice finit par

quitter cette société pour voler de ses propres ailes. Très vite, elle est rejointe par une apprentie, puis une deuxième, qui sont maintenant salariées et toujours à ses côtés. « Pour certains chantiers, je fais souvent appel aux mêmes soustraitantes, qui sont aussi mes amies. En fait, sans que je le fasse exprès, mon entourage professionnel est essentiellement féminin. Il m’arrive quand même de travailler avec des hommes, mais c’est vrai que j’ai tendance à privilégier mon cercle proche, avec qui je sais que tout se passera bien. » Et quand on lui demande des recommandations, la cheffe d’entreprise favorise les électriciennes, les menuisières ou les carreleuses. La solidarité 120

féminine avant tout. « Quand je vois des nanas comme Kelly Cruz [une carreleuse qui compte un million d’abonnés sur TikTok], qui ont une grande visibilité et un fort impact sur les jeunes générations, je me dis que nous sommes sur la bonne voie. Je suppose aussi que la manière dont on travaille joue sur la féminisation du secteur. On va peut-être s’appuyer sur des valeurs différentes de celles des hommes, en privilégiant l’humain, l’entraide et le travail bien fait. Selon moi, il faut rappeler que les nanas ont autant leur place que les hommes dans ce domaine, car elles sont en capacité de créer quelque chose de nouveau et de différent dans les métiers du bâtiment. »


Photos © Sabine Serrad

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Se reconvertir par passion

Alice Laroche-Delorme / @a.l.teampainting Sainte Foy lès Lyon

un intérieur en accord avec leurs souhaits et leurs besoins. « Mon client idéal : les familles urbaines, car j’en fais moi-même partie, donc je connais très bien les problématiques, le manque de place, de rangements… » Bien entourée, elle enchaîne les chantiers et les prestations, et peut compter sur le groupe WhatsApp Archi&Cie où elle échange avec les architectes et décoratrices d’intérieur lyonnaises. « Je suis dans un métier qui a toujours été assez féminin, je ne peux pas forcément revendiquer d’avoir accéléré les choses. Par contre, quand je me rends sur les chantiers, je vois de plus en plus d’artisanes ! On a maintenant des plombières, ce qui ne se voyait jamais avant, des électriciennes, des peintres… »

“En 2020, la Fédération française du bâtiment a recensé 12,3 % de femmes dans le BTP”

Photos © Sabine Serrad

En savoir plus Julie Coulon/ @latableadessins latableadessins.com

Ingénieure en gestion de projet, Julie Coulon a décidé, il y a trois ans, d’écouter son cœur et d’effectuer une formation à distance en architecture d’intérieur. Un véritable métier passion : « C’est un domaine qui m’intéresse depuis le lycée. J’ai toujours aimé rénover les appartements de mes amis, les conseiller. Je savais que ➁ faite pour ça ! Lorsque j’avais j’étais un coup de mou, dans mon ancien job, je me demandais, et si c’était le bon moment de changer de voie ? Et si, et si… Après beaucoup de “si”, j’ai décidé de m’écouter, de me former à l’architecture d’intérieur et de fonder La table à dessins. » Aujourd’hui, c’est sans regret que Julie œuvre auprès de ses clients pour leur offrir

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× “Nous vivons dans un monde merveilleux qui regorge de beauté, de charme et d’aventure. Il n’y a pas de fin aux aventures que nous pouvons avoir, si seulement nous les cherchons avec les yeux ouverts.” Jawaharlal Nehru, homme d’État

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Valais : un automne sous le soleil suisse Que faire en Valais ? À trois petites heures de Lyon, cette grande échancrure alpine qui s’étire au sud de la Suisse est ensoleillée près de 300 jours par an. En automne, c’est un terrain de jeu sans fin pour les amateurs de sport, de patrimoine ou de gastronomie. Du grand glacier d’Aletsch aux vignobles surplombant Sion, en passant par le Cervin ou les Dents du Midi, voici une poignée d’expériences à vivre dans le canton du Valais, en attendant que l’hiver ne pointe son nez ! Texte Lucas Lahargoue

© Suisse Tourisme / Jan Geerk

Photos Voir mentions

Randonneurs près de Saas-Fee/Saastal.


© Litescape Media

des ponts suspendus qui se balancent. Trois heures et demie d’effort suffisent pour arriver au bout de ce parcours sportif, en équilibre dans un milieu de rocailles. Frissons garantis ! Après tant de suées, pause détente. La station de Loèche-les-Bains abrite les plus grands bains thermaux d’Europe. Que vous soyez en couple ou en famille, trois heures de barbotage dans les piscines extérieures, les bains à bulles et autres toboggans de cette destination thermale d’altitude vous remettent d’aplomb.

La station de Loèche-les-Bains

Mêler l’effort au réconfort Le Valais est la plus grande région viticole de Suisse. En automne, les paysages changent de couleur. Les vignes revêtent des ocres et des bruns qui paraissent dorés sous les rayons du soleil. Le domaine des Celliers de Sion se visite facilement sur des vélos électriques. Une application mobile permet d’errer en autonomie entre les parcelles d’Humagne, de Petite Arvine ou de Pinot Gris plantées en terrasses, en surplomb de la vallée du Rhône. Juste en face, à Thyon, c’est aussi en e-bike que l’on pédale à travers les pâturages, pour un tour gourmand dans le Val d’Hérens. Dans la roue d’un guide qui connaît cette vallée par 125

© Valais/Wallis Promotion - Pascal Gertschen

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irection les sommets. Le Rhône qui traverse tout le Valais se faufile au pied de hautes montagnes. 45 sommets dépassent les 4 000m d’altitude. 680 glaciers dévalent les pentes dont le grand glacier d’Aletsch qui coule sur 20km. C’est le plus grand des Alpes ! Il fait partie d’une région classée à l’Unesco depuis 2001. Un itinéraire de randonnée écume ces paysages grandioses. Pendant quatre jours, chaussures aux pieds, bâtons en main, on traverse des ponts suspendus, on pénètre dans la réserve naturelle de la forêt d’Aletsch, et on dort dans des auberges de montagne authentiques en plein coeur des montagnes. De l’autre côté du canton, au départ de la Région Dents du Midi, un trek de 70km sillonne le massif du Chablais. Il relie Champéry au petit village lacustre de Saint-Gingolph en quatre jours. Les décors sont époustouflants et les journées de marche se terminent dans des refuges pleins d’âme, où l’on sent battre le pouls de la montagne. Mais pas besoin d’être aventurier au long cours pour profiter du Valais en automne. Dans la Gorge Alpine de Saas-Fee/ Saastal, une via ferrata aligne des câbles en acier, des échelles, des tyroliennes ou

© Valais/Wallis Promotion - Tamara Berger

La Région Dents du Midi

Tour gourmand à Thyon, dans le Val d’Hérens

45 sommets dépassent 4000 m d’altitude dans les Alpes valaisannes


© Gornergrat Bahn - Christian Pfammatter

Rand’eau resto

© Florian Bouvet Fournier

Le Gornergrat qui permet d’accéder à Zooom the Matterhorn

Plusieurs TER quotidiens circulent entre Lyon Part-Dieu et Genève. Le trajet minimum dure 1h57. sncf-connect.fr Ensuite, il faut emprunter un intercité pour le Valais, direct ou avec changement. Les départs sont nombreux, et réguliers cff.ch En voiture, comptez environ 3h de route entre Lyon et le Valais.

SE RENSEIGNER valais.ch suisse.com/automne

BOOKER TOUTES LES EXPÉRIENCES valais.ch/shop

Le Valais est riche d’un patrimoine naturel et culturel encore bien vivants

Le château de Stockalper

© Suisse Tourisme / Jan Geerk

Y ALLER

coeur, on fait halte dans les meilleures adresses pour un repas en quatre temps. Apéritif dans un restaurant d’alpage, plat du jour dans un établissement familial… chaque étape permet de découvrir un plat local, typique de la région, et fait de produits locaux. Depuis le village de Veysonnaz, c’est à pied que des « Rand’eau resto » suivent le cours des Bisses, jolis canaux historiques d’irrigation, creusés à flanc de relief pour diriger l’eau des torrents vers les vignes ou les vergers. Au hameau de Planchouet, une pause déjeuner permet de reprendre des forces grâce à trois plats aux saveurs 100 % locales. La balade se termine à Nendaz, toujours au son de l’eau qui coule dans ces paysages enchanteurs. 126

Un canton de nature… et de culture Rendez-vous en fond de vallée. Après ces balades gastronomiques en pleine nature, le digestif se sirote à Martigny. Depuis 1889 la distillerie Morand y récolte les fruits du coin pour élaborer des sirops et spiritueux. Son eau-de-vie de poires Williams est célèbre, et conclut à merveille un repas automnal en Valais. Ensuite, pour les amoureux des chiens, une visite chez Barryland s’impose : c’est l’unique musée consacré aux chiens St-Bernard où l’on peut les admirer dans un parc. A l’autre bout du canton, dans la commune de Brigue, le château de Stockalper est aussi immanquable. Cet impressionnant palais hérissé de trois hautes tours à bulbes témoigne de la richesse d’un homme. Kaspar Stockalper était l’une des fortunes du pays au XVIIe siècle. Son château est parfaitement conservé et se visite jusqu’à la fin du mois d’octobre. Mais en Valais, le patrimoine n’est pas qu’ancien. Sur les hauteurs de Zermatt, le Gornergat, ce train à crémaillère historique et écologique permet de se hisser jusqu’à 3 100m d’altitude. Apparait alors le centre de découverte multimédia « Zooom the Matterhorn » inauguré en 2021. Périscopes, images 3D, et vols virtuels en parapente permettent d’approcher le Cervin au plus près. Une incursion dans l’environnement direct de ce sommet mythique. L’une des images de la Suisse éternelle.


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C A RNET D ’ A D R E S S E S

Culture

p. 12 La Sucrière 49-50 quai Rambaud 69002 Lyon p. 16 Le Marché Gare 34, rue Casimir Périer 69002 Lyon p. 18 Damn Fine Bookstore 20 rue Bechevelin 69007 Lyon p. 20 Institut Lumière Rue du Premier Film 69008 Lyon p. 26 Maison de la danse 8, avenue Jean Mermoz 69008 Lyon

Food

p. 32 Botani 8, quai Claude Bernard 69007 Lyon Maison Baraban 58, cours Tolstoï 69100 Villeurbanne p. 33 La Maison géorgienne La Commune 3, rue Pré-Gaudry 69007 Lyon p. 34 L’Ormiellerie 34, rue Juliette Récamier 69006 Lyon

p. 36 La Laiterie 9, rue Mortier 69003 Lyon p. 40 Bonomia 9, rue des Pierres Plantées 69001 Lyon p. 46 Pralus 27, rue Saint-Jean 69005 Lyon Sève Les Halles Paul Bocuse 102, cour Lafayette 69003 Lyon Pâtisserie Bouillet – Frères Lumière 78, avenue des Frères Lumière 69008 Lyon

Coney Cookies 10, rue Saint-Polycarpe 69001 Lyon Soha Cookie 31, cour Franklin Roosevelt 69006 Lyon Saint-Jean Délices 19, rue Saint-Jean 69005 Lyon

Green

p. 52 Hankō 2, rue de Fargues 69001 Lyon p. 53 Memphis Shop 32, rue Pierre Corneille 69006 Lyon

Jocteur 5, place Henri Barbusse 69009 Lyon

Prana 5, rue Duhamel 69002 Lyon

Nardone 3, place Ennemond Fousseret 69005 Lyon

p. 54 CRBA 357, rue de l’Église 69390 Charly

Nataly’s Café 70, rue Saint-Jean 69005 Lyon

p. 55 Doctibike 254, rue Francis de Pressensé 69100 Villeurbanne

Piece of cake 5, rue d’Aguesseau 69007 Lyon Little Petits Gâteaux 30, rue des Remparts d’Ainay 69002 Lyon

p. 56 L’Atelier des nouveaux designs 49, rue Smith 69002 Lyon

Acanto 12, rue Pré-Gaudry 69007 Lyon

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Mode

p. 92 Le Coiffeur des petits lyonnais 5, place Benoît Crepu 69005 Lyon p. 94 Hello Cutie Vintage 3 montée des Carmélites 69001 Lyon p. 98 Maison Ma Bille 56, rue Franklin 69002 Lyon 6, rue d’Enghien 69002 Lyon

Déco

p. 109 Émile et Suzanne 22 rue des Remparts d’Ainay 69002 Lyon Tandem 1, pl. Aristide Briand 69003 Lyon p. 112 L’Œnothèque 3, rue Marc Bloch 69007 Lyon TrioVino 23, rue Childebert 69002 Lyon



LE LYON D E …

Aline Sam-Giao Directrice générale de l’Auditorium-Orchestre national de Lyon, Aline Sam-Giao évoque le pouvoir d’attraction de la métropole lyonnaise et la prochaine saison d’un lieu culturel emblématique. Texte Nicolas Schiavi Photo Ava du Parc

A

près des études à l’IEP de Paris et un détour anglais à l’université du Sussex, Aline Sam-Giao entame sa carrière à la Fondation Royaumont puis au Poème harmonique. Spécialisée dans la gestion des institutions culturelles, elle est administratrice générale de l’Orchestre des Pays de Savoie pendant huit ans. Elle évoque des premiers contacts avec Lyon liés au quartier Confluence et aux spectacles de l’Opéra. En 2017, elle prend la direction de l’Auditorium de Lyon et se remémore « un accueil formidable du milieu culturel lyonnais, inscrit dans la collaboration ». Si elle loue la camaraderie de la profession, elle se confie également sur les possibilités d’une ville toujours plus verte. « Je me déplace surtout à vélo et j’aime beaucoup l’allée végétale de la rue Garibaldi. Il y a parfois des senteurs de forêt tropicale. C’est un bonheur ! » décrit-elle. Alors que l’Auditorium entame une nouvelle saison, Aline Sam-Giao révèle les grandes lignes d’une programmation marquée par ses résonnances avec l’actualité. « Nous en sommes en prise avec la réalité et

SES ADRESSES Restauration Le Noze « J’aime leur cuisine, légère et raffinée. C’est calme, lumineux et confortable. J’adore aussi l’ambiance familiale. » 13, rue du Griffon, Lyon 1er L’Étage « On emprunte un escalier dans un immeuble, puis on arrive dans une petite salle confidentielle qui donne sur la place des Terreaux. C’est de la grande gastronomie, originale et savoureuse. » 4, place des Terreaux, Lyon 1er

le thème de la guerre traverse toute notre saison. » En phase avec les grands enjeux de ce monde, l’ONL propose un concert-conférence sur la résilience et le pouvoir de l’art. Sans oublier le cycle des symphonies de Beethoven et la présence de l’artiste multifacette Alexandre Tharaud. Le point culminant de la saison ? Un concert gratuit au parc de la Tête d’or le 24 juin 2023 ! 130

Détente Piika « Un studio de yoga très agréable avec un style de yoga dynamique. Nathalie, la professeure, est extrêmement inspirante. » 35, rue Tronchet, Lyon 6e Shopping L’Asragale « Une librairie indépendante dans laquelle on trouve tout : livres pour enfants, bandes dessinées, romans, guides de voyage… Il y a tout le temps du monde. » 108, rue de Sèze, Lyon 6e



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