Vivre Bordeaux 33

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AUTOMNE 2022 / NUMÉRO 33 —

LE MAGAZINE DES BORDELAIS —

VIVRE BORDEAUX Le magazine des Bordelais — Trimestriel — Septembre / Octobre / Novembre 2022

Top 10 Les plus beaux concept-stores bordelais Dans les cuisines du “Top Chef” Lilian Douchet CHARTRONS

Nouvelle formule

Coulisses

L’école des métiers d’art & d’artisanat

Hipanema

Sa fondatrice nous reçoit chez elle

BÈGLES

1000 m2 dédiés au street art

Tifenn, notre DOSSIER SKATE

virtuose du longboard L 15367 - 33 - F: 5,50 € - RD


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03/06/2022 10:55


ÉDI TO

Dites 33 ! E

n numérologie, 33 est considéré comme un puissant symbole de positivité et symboliserait l’expansion et la grandeur. Rien que ça ! On ne pouvait donc rêver mieux pour ce numéro d’automne qui fait entrer Vivre Bordeaux dans sa neuvième année d’existence. L’automne. Après ces longues semaines de forte chaleur et de sécheresse, difficile cette année de ne pas l’attendre avec une certaine impatience. Les jours raccourcissent certes, la lumière perd en intensité, la pluie est de retour, mais nous avons (enfin) retrouvé la fraîcheur matinale et tout un tas d’activités saisonnières s’ouvrent à nous. C’est le moment, par exemple, de reprendre la main sur votre terrasse ou votre jardin en suivant les sages conseils d’Odonates Paysages (page 92), de découvrir Bordeaux en marchant dans les pas de François Mauriac (page 22) ou de sortir en ville entre amis pour tester l’une des nouvelles tables girondines (page 38). Bref, d’aborder l’automne en se faisant plaisir, comme le proclame le « Top Chef » Lilian Douchet, fondateur avec son cousin Aliaum du nouveau restaurant Lil’Home, quai des Chartrons (page 45).

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Plaisir ne rime évidemment pas avec surconsommation. La crise énergétique liée à la guerre en Ukraine n’a fait que renforcer l’évidence d’une planète en surchauffe et l’impératif de vivre cette sobriété heureuse et intelligente si chère à Pierre Rabhi : réparer plutôt que remplacer (page 87), louer ses meubles au lieu d’acheter (page 124), s’habiller local et sur mesure (page 104)… Des alternatives existent, et vous en découvrirez d’autres dans ces pages.

Émilie Dubrul Rédactrice en chef




RÉDACTION Vivre Bordeaux 47, avenue Victor Hugo 33110 Le Bouscat

VIVRE BORDEAUX est édité par Capitale Publishing SARL de presse au capital de 5 000 €

Directeur de la publication Yann Crabé infos@vivrebordeaux.fr

Siège social 55, boulevard Pereire 75017 Paris RCS 517 815 908

Rédactrice en chef Émilie Dubrul emilie.d@vivrebordeaux.fr

Gérant : Yann Crabé Distribution France MLP

Direction artistique & Design graphique Grand National Studio hello@grandnationalstudio.com

Numéro commission paritaire 1122 K 92550 ISSN : 2416-9609

Secrétaire de rédaction Estelle Ruet

IMPRIMERIE Rotimpress Girona, Espagne

Journalistes & photographes Aline Chambras Marie Chevreau Martine Crespin Émilie Dubrul Nicolas Duffaure Pauline Gallard Claire Lafargue Myriam La Selve

Photo de couverture © Claire Lafargue

Administration et finance Marjorie Batikian marjorie@vivrebordeaux.fr

facebook.com/ vivrebordeaux

instagram.com/ vivrebordeaux

ABONNEMENTS Vivre Bordeaux marjorie@editionsvivre.fr PUBLICITÉ Catherine Haim 06 20 68 88 66 ch@vivrebordeaux.fr

Le papier de ce magazine est issu de forêts gérées durablement et de sources contrôlées. pefc-france.org

La reproduction, même partielle, des textes, photos et illustrations est interdite sans l’autorisation de CAPITALE PUBLISHING. Le contenu des textes n’engage que la responsabilité de leurs auteurs respectifs.

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SOMMA I RE

Culture —

Manga Kat, la librairie 100 % manga p.14 Le FAB(uleux) Festival des Arts de Bordeaux p.16 Entretien avec Max Ducos, l’ovni de l’illustration p.18

© Claire Lafargue

© Nicolas Duffaure

© Nicolas Duffaure

V I V RE B O RDEAUX AU TO MNE 2022

Food —

Dossier —

Élisa Leconte, la cuisine en partage p.40

Portfolio —

Entretien : Younesse Bouakkaoui et sa Table de Montaigne p.38

Lilian Douchet, un top chef à Bordeaux p.45

Librairie : Les 400 coups d’Isabelle Arnould p.20

Dans les cuisines solidaires de Marie Curry p.48

Itinérance urbaine : sur les traces de François Mauriac p.22

Wine —

Entretien croisé : Inventer le passé avec François Beaune et Carole Latast dans Les Sentes des Bassins p.26 Bègles : 1000m2 dédiés au street art p.32

Skate and the City : quand le skateboard investit la ville p.64

Guillaumit, artiste muraliste visionnaire p.76

Green —

Zoom sur la nouvelle plateforme écoresponsable pour consommer mieux p.84

Nous avons testé le « shinrin-yoku » p.55 Damien Grelat, négociant en vin à la pointe p.56 Langoiran. La nouvelle vie en bio du Château La Peyruche p.60

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Rencontre : Les Récoltants, la nouvelle cantinemarché de la rue Sainte-Colombe p.86


choosemarseille 30min

Envoyé à 19h32

C’est l’heure de l’apéro ?

Envoyé à 19h38

Lâche le Rouge et viens prendre un Jaune !

Envoyer un message : *L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération


SOMMA I RE

© Nicolas Duffaure

© Gil Roy

© Claire Lafargue

V I V RE B O RDEAUX AU TO MNE 2022

Murfy : réparer son électroménager devient un jeu d’enfant p.87

Le grand retour du « costard » féminin avec Odace p.107

Maison Hortis : l’ortie, une fibre d’avenir p.88

Alénore, de la maroquinerie chic et végane p.112

Entretien : l’art de penser son jardin avec Odonates Paysages p.92

Mode —

Rencontre avec Magali Cerdan, la nouvelle directrice de Bord’eau Village p.99

Rendez-vous chez Delphine Crech’Riou, fondatrice de la marque de bijoux Hipanema p.102

Visite : les aménagements éphémères de Cécile d’Amade-Briant, fondatrice de Casapiane p.129 La Philomathique À l’école des métiers d’art et de l’artisanat p.135

Top 10 —

Prêt-à-porter, accessoires, décoration... les concept-stores, lieux de shopping incontournables fleurissent partout dans la capitale girondine. Sélection.

Escapade — Nous avons testé le nouveau Center Parcs à 1 h de Bordeaux p.142

+ Carnet d’adresses p. 145

Déco —

Le Bordeaux de… Dominique Bordes, éditeur p.146

Se meubler malin et en quelques clics avec Kolibri location p.124

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Culture ×

“La créativité doit être sans limite.” Max Ducos, artiste. page 18

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LA librairie du manga BANDE DESSINÉE. Bordeaux a désormais une librairie 100 % manga, baptisée Manga Kat. Petite sœur de la librairie BD Krazy Kat, elle a ouvert le 6 mai 2022. « Aux débuts de Krazy Kat, il y a dix-huit ans, le manga c’était 0 % de notre marché. Aujourd’hui c’est 55 %. On était trop à l’étroit à Krazy, on ne pouvait plus répondre à la demande », explique Matthieu Saint-Denis, l’heureux patron de Krazy Kat et de Manga Kat. Dans la toute nouvelle librairie du 94 cours Alsace-Lorraine, où officient quatre libraires ultras spécialisés, on trouve plus de 40 000 mangas, classés selon une dizaine de catégories (aventure, thriller, baston, lgbtqia+, érotique ou jeunesse, notamment). « Nous avons fait le choix de ne pas adopter la classification traditionnelle japonaise beaucoup trop genrée », insiste Matthieu Saint-Denis. La librairie, qui ne désemplit pas depuis son ouverture, organise une soirée quiz blind-test chaque mois, des dédicaces, des rencontres éditeurs et de nombreuses autres animations. Elle a également lancé un club lecture et un club dessin. AC

LE PHÉNOMÈNE MANGA Les chiffres sont saisissants. Aujourd’hui, en France, une BD vendue sur deux est un manga. Entre 2020 et 2021, le marché du manga y a plus que doublé en valeur : + 124 %, soit 212,7 millions d’euros. One Piece, la série manga la plus vendue de tous les temps, affiche 23 millions d’exemplaires vendus en France depuis sa parution en 2000 et plus de 480 millions dans le monde.

© Nicolas Duffaure

Source : GfK Market Intelligence

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Matic Sofa Piero Lissoni, 2021

GALERIE TOURNY

23, cours de Verdun 33000 Bordeaux - Tél. 05 56 44 35 48 www.galerie-tourny.fr

Photo: Federico Cedrone


© Pierre Planchenault

Un festival décalé & bucolique ARTS. Surnommé « le sculpteur du vent », l’artiste néerlandais Théo Jansen est l’invité d’honneur de la nouvelle édition du FAB. Ainsi, ses créatures cinétiques monumentales « Strandbeests », dont les vidéos sur les plages de La Haye ont fait le tour du monde, investiront les jardins de l’Hôtel de Ville jusqu’au mois de janvier 2023. Car cette année encore, de nombreuses propositions gratuites occuperont l’espace public : l’opéra Pagaï et ses utopies éphémères, les trapèzes volants de la compagnie CirkVOST, les chorégraphies participatives de la compagnie Volubilis, ouvertes à tous, ou encore l’invitation à une transhumance urbaine, des Côteaux de Bassens aux berges de la Garonne. Avec pour thématique « l’eau dans la vie », sujet oh combien sensible en ces temps de changement climatique, la Garonne (et ses cours d’eau) sera l’autre grand invité de cette 7e édition. Rendez-vous le samedi 1er octobre pour une inauguration dans le « jardin secret » du Carré-Colonnes. ED fab.festivalbordeaux.com

Patrimoine

© Leonid Andronov

L’INFO. Après plus de 14 ans de fermeture à laquelle s’est ajoutée une longue bataille juridique entre 2007 et 2018, le mystérieux château Descas devrait bientôt rouvrir ses portes en tant que salle de spectacles d’une capacité de 630 places. Les travaux ont commencé en juillet dernier pour une ouverture prévue en janvier 2023. MCH 016


Philippe LARBIDE

— 4, rue Franklin. 33000 BORDEAUX 05 56 48 24 04

Heures d’ouverture : du mardi au samedi de 9h à 18h Instagram : philippe_coiffure


Une créativité sans limite

Vous venez de sortir Le Vieil Homme et la Mare, c’est très différent de vos précédents ouvrages. Oui, c’est assez différent visuellement, ce vieil homme qui se fait exproprier et qui cherche un endroit pour sa mare. C’est une sorte de métaphore de la fertilité. Mon prochain livre sortira en mars 2023, sur l’histoire d’un paysage habité par l’homme, au fil de la marée. Aujourd’hui, j’ai beaucoup de liberté. Vous faites partie de ces enfants qui ne se sont jamais arrêtés de dessiner ? Exactement. Sauf qu’à l’adolescence, le dessin d’enfant devient peinture. Après avoir dessiné des

© Nicolas Duffaure

Max Ducos est un ovni. Max (« Oui c’est un prénom! » nous précise-t-il) est un artiste total, superstar de la littérature jeunesse, peintre depuis toujours. Après le carton de son exposition personnelle à la galerie Pia Pia aux Chartrons, ce Bordelais en quête d’explorations artistiques, toujours empreintes d’art et de poésie, nous livre ses confidences. dragons, un jour, on découvre le monde des artistes. Je me suis passionné pour les monographies de peintre, avec des techniques nouvelles, des langages nouveaux, et il y a eu un tournant. Vous aviez un artiste de prédilection ? Salvador Dali, c’est le premier livre d’art qu’on m’a offert. Ado, je le regardais religieusement tous les soirs. Comment avez-vous eu envie de devenir artiste? J’ai toujours peint ! Au début, je pensais devenir architecte comme mon père, mais il fallait être très bon en maths. J’étais fort en dessin, nul dans toutes les autres matières ! 018

Au collège, on ne m’avait jamais évoqué le monde du livre, on ne me disait pas que dessiner c’est un métier. Aux Arts Décoratifs à Paris, j’ai hésité avec le design, mais je craignais d’être limité. La créativité doit être sans limite ! J’ai choisi l’image imprimée pour pouvoir créer une œuvre dans son intégralité. L’enfance est le fil rouge de votre créativité. Le lien à l’enfance est très présent dans mon œuvre, comme dans ma dernière exposition, sur le bassin d’Arcachon. À Bordeaux, les gens sont très attachés au bassin, ils y ont passé leur enfance. Or, dans la vie de quelqu’un, rien n’est plus important que les souvenirs d’enfance. PG



SES DERNIERS COUPS DE CŒUR

© Nicolas Duffaure

Adulte. Les Chats éraflés de Camille Goudeau (Gallimard) : Soizic, 22 ans, décide sur un coup de tête de devenir bouquiniste à Paris... Jeunesse. Dix de plus, dix de moins de Marie Mirgaine (Albin Michel) : l’histoire de Mouche qui accueille à bras ouverts tous ceux qui frappent à sa porte : « Dix de plus dix de moins, il y a toujours de la place à la maison. »

Les 400 coups d’Isabelle Arnould LIBRAIRIE. À 60 ans, Isabelle Arnould a décidé de quitter son poste de bibliothécaire jeunesse à la médiathèque de Talence pour ouvrir sa propre librairie en plein centre de Bordeaux : « Pendant le confinement, j’ai eu le temps de réfléchir et je me suis dit que pour mes dernières années de travail, j’avais envie de changement, j’avais envie que ça bouge. » Et ça a bougé ! En janvier 2021, elle ouvre sa librairie, baptisée Les 400 coups en hommage à François Truffaut qu’elle adore et aussi pour se moquer un peu d’elle-même : « À mon âge, une reconversion... » Dix-huit mois plus tard, Isabelle Arnould ne regrette rien. Elle a su trouver sa clientèle, organise des lectures, a monté un club de lecture, et a même noué de belles relations : « Quand on vend un livre, il y a plein de choses qui se passent, les gens peuvent se confier, et je suis devenue amie avec certains clients. » Dans sa petite boutique située en face du tribunal, aux murs orangés et à la décoration soignée, on trouve un coin jeunesse, bien fourni, et une riche sélection de littérature adulte faite par ses soins. AC 020


PUBL I-C OMMU N IQU É

BoConcept, design durable & modulable Le bois est dans leur ADN. La personnalisation, leur marque de fabrique. L’enseigne danoise BoConcept implantée à Bordeaux depuis 2005 fête cette année ses 70 ans. L’occasion de revisiter ses intérieurs sans rien perdre de son « hygge* ». Coup de projecteur.

C’

est l’histoire d’un petit atelier d’ébénistes devenu l’une des plus belles maisons de mobilier design haut de gamme. Fondé il y a 70 ans dans la petite ville danoise de Herning par Jens Ærthøj et Tage Mølholm, BoConcept développe des meubles design et fonctionnels qui sont encore aujourd’hui produits au Danemark. La marque collabore également avec de nombreux designers internationaux pour ses collections exclusives. Ce qui fait la particularité de l’enseigne scandinave, c’est sa capacité à concevoir puis réaliser des intérieurs uniques et expressifs. « Nous ne sommes pas un magasin de meubles comme les autres. D’ailleurs, nous n’avons pas de stock et fabriquons à la demande. Notre force, c’est le service : travailler l’intérieur des maisons en cocréation avec le client. 80% de nos effectifs sont des décorateurs, des scénographes, des designers et travaillent sur de l’accompagnement de projets » explique Denis Jardin, le propriétaire des magasins bordelais.

Scandinavian Way of Life : le sur-mesure

Comme le dit le designer danois Morten Georgsen, une solution de rangement adaptée doit « correspondre à votre intérieur, répondre à vos besoins et être agréable à regarder ». Ainsi, chez BoConcept, tous les meubles

INFOS PRATIQUES Rendez-vous dans le tout nouveau showroom du hangar 18, sur le site de Bord’eau Village inauguré le 19 septembre dernier. Showroom ouvert 7j/7 de 10h-19h.

- y compris les rangements, les tables, les chaises et les canapés - peuvent être adaptés à votre goût et à votre style de vie par le choix des dimensions, de la couleur, des matériaux et de plus de 120 tissus et cuirs. Salons, salle à manger, bureau… les possibilités de personnalisations donnent aux intérieurs leur caractère unique. « Nous développons les palettes de couleurs à partir des envies de nos clients, ainsi que des prévisions de tendances. De cette façon, nous pouvons proposer des créations 021

design haut de gamme, tendances et abordables ». BoConcept ne s’adresse pas « aux purs fans du design qui collectionnent les signatures », mais à des personnes qui regardent les tendances et recherchent la simplicité, le savoir-faire, la fonctionnalité, le style, sans faire l’impasse sur le raffinement ou la qualité des matériaux. * Le hygge (prononcé « hugueu ») signifie créer une atmosphère chaleureuse et profiter des belles choses de la vie avec les personnes que l’on aime.


Dans les pas de François Mauriac Découvrir notre ville en marchant sur les traces de l’un de ses enfants les plus illustres, François Mauriac, telle est l’idée de la Bibliothèque de Bordeaux. À la clé, un rallye pédestre qui ravira aussi bien les amoureux de littérature que d’architecture et de patrimoine.

Texte Martine Crespin Photos Nicolas Duffaure

Bordeaux, c’est mon enfance et mon adolescence détachées de moi, pétrifiées. On ne choisit pas sa ville natale. Qu’on l’aime ou non, on la porte avec soi, dans le cœur, dans les yeux, sur la peau. On la touche, on la respire et elle vous accompagne, tout au long de la vie. » C’est en partant de ce constat que la Bibliothèque de Mériadeck a eu l’idée de construire un parcours de deux heures, conçu comme une passionnante enquête à la recherche des lieux qui ont vu passer « notre » prix Nobel de littérature (1952). Démarrons ce pèlerinage devant la bibliothèque, dont les auvents

reproduisent des documents patrimoniaux, notamment une page du manuscrit de Coups de couteau de François Mauriac. Puis, direction le centre ville, via le Palais de Justice, place de la République, fréquentée, bien malgré elle, par Thérèse Desqueyroux, grande figure romanesque de son œuvre. Le lycée Montaigne, cours Victor Hugo, ne fut pas le théâtre d’exploits du jeune homme : en effet, il y redoubla sa terminale, après un échec au bac philo. Passez sous la Grosse Cloche, beffroi de l’ancien hôtel de ville datant du XIIIe siècle et, à l’angle des rues Saint-James et Teulère, un immeuble opulent, qui possède encore sa vitrine d’origine, abritait la boutique de vêtements tenue par son grand-père maternel, Raymond. En continuant tout droit, vous arrivez rue du Pas Saint-Georges, où ses parents se sont installés et où il est né, au numéro 86. Une plaque en forme d’hommage figure sur la façade. Difficile d’occulter la place Pey-Ber0 22

land et la cathédrale Saint-André. Lorsqu’il revenait de la faculté de lettres ( aujourd’hui le musée d’Aquitaine), l’étudiant y faisait des haltes spirituelles… et rafraîchissantes par temps de canicule ! Oubliez la statue de Jacques Chaban-Delmas, regrettable fausse note esthétique, même si celui-ci, alors maire de Bordeaux, honora « le grand homme » pour ses 80 ans, lors d’une cérémonie officielle au Grand Théâtre de Bordeaux, le 18 octobre 1965. Un petit tour rue Margaux, au numéro 22, où la famille va s’installer de 1899 à 1903, puis en empruntant la rue Castillon, vous ne pourrez pas manquer les façades bleues de l’empire Mollat. De même que l’église Notre-Dame, construite à la fin du XVIIe siècle, dont l’écrivain se souvient avec une ironie mordante, lors des messes de Noël dans Bordeaux, une enfance. « Rappelle-toi ces messes cossues, recueillies, cette atmosphère de dévotion riche… et si près de la sainte table et du festin



“Bordeaux, c’est mon enfance et mon adolescence détachées de moi, pétrifiées”

mystique, les truffes dont toute la paroisse était embaumée. » Et s’il se souvient avoir joué dans le bassin du Monument aux Girondins, il a fait des Quinconces un souvenir tenace : « On s’asseyait au centre, face aux colonnes rostrales. C’était par cette porte ouverte sur le fleuve qu’arrivait enfin le souffle ; il venait de loin, il montait avec la marée du fond de l’océan. »

L’un des « Trois M » Bibliothèque Mériadeck, espace Bordeaux et l’Aquitaine (niveau 2) mauriac2020.bordeaux.fr Centre François Mauriac de Malagar : malagar.fr

Puis pour l’habitué du jardin public, dont « l’odeur des tilleuls donnait soif », là où la promenade prend fin, difficile de ne pas relever l’anecdote concernant le vol de la statue de Zadkine, sculpteur qu’il avait adoubé pour la réalisation de son buste installé sous les frondaisons 024

en octobre 1985, pour le centenaire de sa naissance. Las ! Un peu plus tard, en 1993, il sera volé, remplacé par une copie et… retrouvé deux ans plus tard dans une décharge. Pour éviter toute tentation, par délibération du Conseil Municipal de Bordeaux, il sera mis à disposition du Centre François Mauriac. Quant au plâtre original, il est conservé au musée d’Aquitaine. Et c’est ainsi que s’achève cette ballade sur les traces de l’un de nos fameux « Trois M ». Nous vient alors l’envie de rouvrir les livres de poche aux pages jaunies, dont les héroïnes, qu’elles se nomment Thérèse, Félicité ou Mathilde, bien que corsetées au-delà du raisonnable, nous parlent de caractères d’une furieuse modernité. C’est ce qui fait le talent de Mauriac.


LES PIONNIERS DU Blek le Rat Epsylon Point Jacques Villeglé Jean Faucheur Jef Aérosol Miss Tic OX Speedy Graphito VLP Zlotykamien DU 22 OCTOBRE 2022 AU 09 AVRIL 2023

Institut Culturel Bernard Magrez 16 rue de Tivoli – Bordeaux Tram D – Arrêt Barrière du Médoc

Informations & Réservations institut-bernard-magrez.com 05.56.81.72.77

Exposition organisée sous le mécénat du Château Pape Clément, Grand Cru Classé de Graves

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UNE EXPOSITION HISTORIQUE SUR LA CRÉATION DU STREET ART EN FRANCE


Inventer le passé 17 nouvelles. 17 dessins. Le livre illustré Les Sentes des Bassins, fruit de la collaboration entre l’écrivain François Beaune et la plasticienne Carole Lataste, est publié aux éditions bordelaises N’A QU’1 ŒIL. Interview croisée.

Texte Aline Chambras Illustrations Carole Lataste

Pouvez-vous vous présenter ? Carole Lataste : Je suis béarnaise et plasticienne. Je travaille aussi pour l’association N’A QU’1 ŒIL fondée au siècle dernier [1996] à Bordeaux par des plasticiens soucieux de mener une recherche plastique autour du livre et de ses mises en vie. L’idée globale, c’est de fabriquer des objets plastiques qui n’ont pas forcément une vocation commerciale. La spécialité des éditions N’A QU’1 ŒIL, c’est la conception de livres envisagés comme supports de recherche, des livres différents et pas tout faits pareil. Avec deux axes principaux : des livres réalisés en ateliers d’édition, avec des gens qui ne font pas de livres d’habitude et des livres réalisés avec des auteurs et/ou des plasticiens, dans lesquels il s’agit de donner corps, à quatre mains, à deux démarches, deux univers via la création d’un troisième espace de rencontre sans compromis. C’est ce que nous avons tenté de faire François et moi avec le livre Les Sentes des Bassins, lui aux textes, moi aux illustrations. Enfin, en tant que plasticienne, j’utilise aussi bien le dessin (au Bic bleu, mais pas seulement), que la sculpture, l’installation, le texte, le geste. Je ne veux pas me cantonner à un 0 26



“Je ne veux pas me cantonner à un médium. Ce qui est intéressant c’est ce qu’on raconte, le reste ce ne sont que des outils pour le faire”

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LE LIVRE

médium. Ce qui est intéressant c’est ce qu’on raconte, le reste ce ne sont que des outils pour le faire. François Beaune : Je suis auvergnat d’origine, j’ai longtemps vécu à Lyon et aujourd’hui j’habite à Marseille. Je suis écrivain depuis 2009. J’écris des romans, de la fiction mais aussi de la non-fiction. Comme Carole, mon travail consiste le plus souvent à partir de la parole des gens. Même quand j’écris de la fiction, je commence toujours par collecter une matière première auprès des « vraies gens », dans le réel, dont je me nourris ensuite pour construire mes personnages. Ce sont les gens ordinaires qui m’intéressent, ce sont eux les héros de ce monde. Je fais d’ailleurs aussi de la radio. J’ai, par exemple, réalisé une série de quatre documentaires pour l’émission radiophonique LSD, La Série Documentaire, de France Culture, qui s’appelait La Vie ordinaire dans nos

cités. Un des épisodes se passe dans le quartier Bacalan à Bordeaux.* Comment est né votre livre Les Sentes des Bassins ? François Beaune : Nous nous sommes retrouvés autour d’un projet d’écriture participative L’Odyssée du possible, orchestré par Jean-François Buisson de l’association Les Vivres de l’Art de Bacalan. Le thème était les sentes, ces petits chemins à mobilité douce qui structurent le tout nouveau quartier des Bassins à Flot. Il s’agissait de mettre en récit de façon poétique un territoire par ses habitants, à partir de cet élément topographique singulier. J’y étais invité en tant qu’artiste résident. C’est là que j’ai découvert le travail de dessin de Carole au stylo Bic, hyperréaliste. Et je me suis dit que ça marcherait bien pour faire un livre illustré sur les sentes des Bassins à Flot. Je l’ai appelée.

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Tout, vous saurez tout sur les Bassins à Flot, et même ce qui n’y a jamais existé. Des estancots – ces bars clandestins où l’on sert des marquisettes – à la pêche à la loutre en passant par l’histoire du Bordeaux rock et de ces groupes en ST (Stalag, Strychnine ou les Stilettos), François Beaune mêle l’histoire, la vraie, aux histoires qui se brodent dans les imaginaires. À ses côtés, Carole Lataste, à coups de Bic bleu, croque ces savoureux récits et leur donne des visages. De ce tendre mélange entre textes et dessins, fiction et réel, naît un livre drôle et poétique, qui emprunte les doux chemins de la mythologie. Les Sentes des Bassins, François Beaune & Carole Lataste, éditions N’A QU’1 ŒIL, avril 2022, 96 pages, 12,50 €


POUR ALLER PLUS LOIN L’Odyssée du possible est un projet d’écriture collaboratif autour du quartier de Bacalan, dont le premier volet s’est tenu en 2021. Il s’adresse aux associations, habitants, entreprises, écoles, passants. Le but ? Rassembler des récits imaginaires et des témoignages au sujet de l’histoire passée, présente et future du quartier de Bacalan et de ses sentes. L’objectif in fine est de traduire ces contes en œuvres artistiques (peinture, slam, théâtre, danse, musique, photographie...). lesvivresdelart.org/ evenement/odyssee-du-possible naqu1oeil.com 19, rue Bouquière à Bordeaux

Comment s’est passée votre collaboration à quatre mains, textes et dessins ? François Beaune : L’idée était de ré-imaginer ce que peuvent être les sentes, réalisées sur d’anciennes friches industrielles, de leur inventer une histoire à partir de leur nom respectif. Il y a la sente de la Désirade, la sente des Radoubs, la sente Marie-Galante, le passage de la Nelly. En tout, 17 lieux à explorer, inventer et épuiser. J’aimais vraiment cette idée : créer un imaginaire dans un quartier tout neuf qui n’a pas vraiment d’imaginaire. Où il n’y a pas vraiment d’histoire. C’est comme une sorte de mythologie. Dans le livre, tout est faux même si, pour l’écrire, j’ai puisé dans le réel : je me suis beaucoup documenté sur le passé du quartier, son histoire portuaire, industrielle, et je l’ai beaucoup parcouru pour y rencontrer et y interroger ses habitants. Carole Lataste : Mon travail de dessin venait après le texte. J’ai lu les nouvelles

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de François. Puis il m’a donné une liste des habitants qu’il avait rencontrés. Avec d’autres que je connaissais déjà, je les ai pris en photo, ainsi que des éléments du quartier. J’ai conçu des montages, pour ensuite réaliser les dessins au stylo Bic bleu. Ce livre accouchera-t-il d’autres projets ? Carole Lataste : J’aimerais reproduire les dessins sur une série d’assiettes, des « Parlantes ». La couleur bleue du stylo Bic est un écho au bleu de Sèvres. J’ai réalisé des tirages numérotés et signés et encadré les dessins originaux, pour pouvoir continuer à les exposer. François Beaune : Un des habitants du quartier que j’ai rencontré en écrivant ce livre est devenu un ami. Il m’a raconté énormément de choses sur Bacalan. C’est lui qui me l’a vraiment fait découvrir. Ses histoires, j’en ai fait une nouvelle qui sortira en novembre dans la revue Bastille. Son titre c’est L’Euro 2016. Là encore, je suis parti du réel pour le fictionner.


“L’idée était de ré-imaginer ce que peuvent être les sentes, de leur inventer une histoire à partir de leur nom respectif ”

*franceculture.fr/ emissions/lsd-laserie-documentaire/ la-famille-a-bacalan

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Texte Myriam La Selve

Photos Émilie Dubrul (sauf mentions)

1000 m — de — créativité 2

C’est dans les anciens bureaux et entrepôts de la marque DDP à Bègles que l’association 1000m2 est née en 2019. Cet espace composé de 800m2 d’ateliers d’artistes et de 200m2 de galerie d’art est dédié à l’art urbain. Un lieu atypique où cohabitent neuf artistes qui souhaitent faire rayonner le street art au-delà des murs et des frontières girondines. Découverte.

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I

l y a quelques années, Laurent Caillet, le créateur de DDP, a décidé de revoir la configuration de son bâtiment d’environ 6000m 2. Il en a conservé une partie pour sa marque et a mis en location les mètres carrés restants à différentes entreprises et associations, avec le souhait « de créer un espace dédié à la culture urbaine et contemporaine ». De ce

postulat est né le projet 1000m 2. À son bord, Peggy Texereau, chargée de coordonner les différentes actions de l’association, d’animer la galerie et de veiller sur la joyeuse bande d’artistes en résidence. Neuf garçons pleins d’avenir dont certains œuvraient déjà ensemble au sein du collectif Transfert et s’étaient côtoyés aux Vivres de l’art. Le point commun entre Charl Zarl, Darry Perier, Epis, Jean Rooble, Landroïd, Mr Vincent, MT., Tomas Lacque et Trakt ? Ils font partie des figures majeures de l’art urbain bordelais. Et ils ont tous conservé leur goût pour la peinture à la bombe même si aujourd’hui, chacun s’est spécialisé dans un domaine précis : le post-graffiti, les arts graphiques, la scénographie, le tatouage éphémère… Des œuvres qu’il est d’ailleurs possible d’admirer dès l’entrée du bâtiment, sur les façades du parking qui fait face à la brasserie PIP.

© Isabelle Guillot

“Les neuf artistes en résidence font partie des figures majeures de l’art urbain bordelais”

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AGENDA Dans les murs de 1000m2 En octobre : l’artiste plasticienne Chloé Sagnol (ex-résidente de 1000m2) viendra exposer son travail conjuguant design et sculpture. En décembre : une exposition collective avec un line-up d’artistes locaux, nationaux et internationaux. Hors les murs en septembre Jean Rooble réalisera une peinture murale lors du festival punk de Mont-de-Marsan début septembre et participera avec l’artiste Trakt à l’exposition « Memento #3, souviens-toi » à la Maison BYAA du 22 septembre au 02 octobre à Libourne. Trakt réalisera une peinture au showroom de l’Atelier D’éco Solidaire à l’occasion des journées portes ouvertes et des 10 ans de la Recyclerie les 16 et 17 septembre à Bordeaux. Il interviendra également lors du festival « Paul Peinture et le chapiteau les oiseaux de tapages » du 15 au 17 septembre à Créon. Actu et infos sur @1000m2_ et 1000m2.org

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“Dès la rentrée, la galerie prendra des airs de showroom en proposant une collection permanente”

© 1000 m2

© Isabelle Guillot

À l’instar d’un espace de coworking, 1000m2 est un lieu collectif, où tout est fait pour que les artistes puissent créer dans les meilleures conditions et mettre leurs savoir-faire et leurs pratiques en synergie. Dans cet espace artistique atypique et inspirant, la mission de Peggy est double : défendre une certaine ligne artistique urbaine et contemporaine en développant la fréquentation de la galerie à travers des expositions, événements culturels, ateliers ou conférences et faire connaître le travail des artistes en résidence sur le territoire et au-delà. Ainsi, dès la rentrée, la galerie prendra des airs de showroom en proposant une collection permanente et des expositions temporaires grâce à des prêts d’œuvres. Peggy envisage également de mettre en place un principe de leasing d’œuvres ainsi que des expositions itinérantes. « Je suis à la recherche de vitrines de commerçants pour proposer des installations éphémères comme celles place du Parlement, nous précise-t-elle. À bon entendeur... » La galerie accueille le public tous les vendredis et samedis de 14 h à 19 h en période d’exposition et organise occasionnellement des ateliers d’initiations artistiques pour les plus jeunes : scolaires, centres de loisirs, ou encore le programme Opus du Rocher de Palmer. Ouverte en décembre 2020, ce n’est que depuis cette année que 1000m2 peut pleinement remplir son objectif artistique. Les 6 et 7 mai derniers, l’association a enfin pu organiser un évènement d’ouverture digne de ce nom et accueillir pas moins de 550 personnes chaque jour.

© 1000 m2

Un lieu confidentiel et ouvert à la fois

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Food ×

“S’il n’y a qu’une seule chose qui doit rester à la fin, c’est le plaisir.” Lilian Douchet, restaurateur. page 45

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Younesse chez Montaigne L’un des chefs les plus talentueux de la scène bordelaise est aussi l’un des plus discrets. Il faut aller débusquer Younesse Bouakkaoui à La Table de Montaigne, au sein du bel hôtel particulier du centre-ville où il officie.

Des pros qui ont compté dans votre initiation ? Quand j’ai vu à la télé un reportage sur Bernard Pacaud, le chef 3*de L’Ambroisie à Paris qui racontait qu’il était parti de rien, orphelin, arborant un polo Lacoste, le comble du chic pour moi à cette époque, je me suis dit que moi aussi, je pouvais y arriver. Ensuite, à Cordeillan-Bages, avec Thierry Marx, qui avait refusé mon CV à trois reprises. J’ai bien fait d’insister, j’y suis resté sept ans, et j’ai beaucoup appris du chef et de son second, J.L. Rocha. Pendant les deux mois de fermeture du restaurant, le chef emmenait quelques-uns d’entre nous

© Nicolas Duffaure

Votre parcours : classique ou atypique ? Atypique, car issu d’une modeste famille d’émigrés marocains, j’ai été déscolarisé très jeune et le monde de la restauration m’était totalement étranger. Il a fallu la volonté d’un super patron d’apprentissage pour me remettre sur les rails d’une formation et d’une éducation. Élevé aux tagines, j’ignorais tout de la gastronomie.

pour une tournée en Asie. Je découvrais tout : les voyages, le monde, d’autres saveurs. Depuis 2019, vous dirigez les cuisines de La Table de Montaigne, adresse élégante installée dans les salons cossus de l’hôtel du Palais-Gallien. À quoi ressemble votre style ? Je crois pratiquer une cuisine d’inspiration française et néanmoins créative. Mes menus changent toutes les quatre semaines (39 € le midi, le soir 69 € en cinq chapitres et 87 € en sept) 038

et j’ai à cœur de faire des propositions apparemment simples. Pas d’intitulés alambiqués, où le client se perd et ne comprend rien. Chez moi, je propose en ce moment l’œuf, la tomate, le maigre, l’agneau, la carotte, la figue… mais bien entendu, travaillés à ma manière, expliquée par mon alter ego en salle, Étienne Pontarini. Et quand cet homme délicieux, secret, au talent évident ne se consacre pas à ses clients, il profite de ses deux petites filles, dont la passion est : « les crêpes de papa » ! MC


Douceurs sucrées

© DR

GOURMANDISE. La pâtisserie Mots Doux a été inaugurée le 13 mai au croisement des rues Fondaudège et Francis Martin. En passant la porte, on entre dans un monde acidulé aux tons pastel et à l’ambiance ultracosy. Ici, l’objectif est de revisiter certains classiques de la pâtisserie française en y ajoutant une touche d’originalité ! MCH

Notre pain quotidien

© DR

FAIT MAISON. Cyrille et Florian Lamour aiment les défis. En 2016, du haut de leurs 20 ans, ils ouvrent leur première boulangerie rue Judaïque et remportent dans la foulée l’émission « Meilleure Boulangerie de France » en 2016. Depuis, la queue ne désemplit pas, semaine comme week-end. Le jeune couple de passionnés s’affaire à produire quotidiennement des viennoiseries, pâtisseries et une offre de snacking faite maison à partir de farines biologiques ou d’agriculture raisonnée en circuit court. Le 2 août dernier, ils ont ouvert leur deuxième boulangerie-pâtisserie version XXL au 167 avenue Louis Barthou à Caudéran. Outre leurs recettes classiques qui font leur succès depuis six ans, ils y proposent des nouveautés comme une gamme de chocolats et de glaces artisanales. MLS 039


© Claire Lafargue

Coupdefood pour Élisa

Atelier culinaire de 2h suivi du repas : 45 € Prestation traiteur sur demande jusqu’à 50 personnes Plus d’informations sur coupdefoodbordeaux.fr

EXPÉRIENCE. Après une carrière dans l’immobilier, Élisa Leconte s’est lancée dans le métier de traiteur, en ajoutant à son offre des ateliers culinaires. Depuis, son carnet de commandes ne désemplit pas. La recette de son succès ? Une cuisine normale pour des gens normaux. Avec Coupdefood, Élisa a à cœur de transmettre sa passion en proposant des ateliers qui lui ressemblent, où l’on partage une cuisine simple et conviviale. Ici pas de chichi, les recettes sont très faciles à reproduire à la maison et réalisées à partir d’ingrédients sains et colorés. Car elle ne s’en cache pas, elle a souvent été déçue « des cours de cuisine magistraux et démonstratifs où l’on ne reproduit jamais les recettes faute du bon matériel ; trop professionnels, trop d’ingrédients, et une succession d’étapes fastidieuses et rigoureuses. » C’est dans sa cuisine XXL située à Pessac qu’Élisa organise des ateliers culinaires jusqu’à six personnes. Seul, en couple, en famille ou en teambuilding, tous viennent avec la promesse d’adopter une cuisine simple et équilibrée mais surtout de passer un bon moment. Et le pari est réussi. C’est dans un esprit bon enfant que chacun met la main à la pâte avant de déguster un repas savoureux et peu calorique, avant de repartir rassasiés et le sourire aux lèvres. Entre votre cours de yoga et de céramique, pourquoi ne pas vous laissez tenter par un cours de cuisine ? MLS 040



Biche, oh ma biche

© Xxxxxxx

PARTAGE. En lançant Bichette le 21 juin dernier, Stessy et Nicolas signent leur 8e établissement girondin, et pas des moins colorés. Installé au cœur des Halles de Bacalan, à l’arrière du restaurant Le Familia, ce nouveau bar à bière (9 références de bières pression) joue à fond la carte seventies, sans tomber dans le kitsch : couleurs chaudes, mobilier rétro confortable, playlist tubesque, affiches graphiques, sans oublier un long bar aux airs de diner américain. Entre deux gorgées, on se met sous la dent quelques délicatesses du Sud-Ouest : crousti’comté de Pierre Rollet à partager, hot dog à la saucisse knack artisanale de Gilles Pécastaing à Pissos, tacos au cochon fermier du Béarn... et plus encore. Situé à deux pas de la Cité du Vin, Bichette est l’endroit idéal pour se poser après une petite visite culturelle ! ED

ITALIAN STYLE. Depuis son ouverture en 2017, le café Mirabelle connaît un franc succès dans le quartier des Chartrons. Depuis cet été, la clientèle d’habitués n’a qu’à traverser la rue pour déguster les pizzas du Mirabella. La pâte est élaborée chaque matin à partir de farines françaises, la charcuterie et le fromage tranchés « minute » proviennent de France et d’Italie et l’huile d’olive de Grèce. Difficile de faire son choix parmi une dizaine de pizzas à base de crème d’Isigny, d’épinards ou de sauce tomate provençale, sans oublier la délicieuse burrata au pesto et éclats de pistaches et de noisettes. À déguster sur place ou à emporter. MLS pizzeriamirabella.fr 042

© Mirabellla

La nouvelle pizzeria des Chartrons




Le nouveau défi de Lilian Début mai, auréolé du prestige lié à son exposition télévisuelle, s’installait dans le Port de la Lune un jeune chef, Lilian Douchet. La première marche d’un parcours qui ne lui a pas épargné les surprises.

Texte Martine Crespin Photos Nicolas Duffaure

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i son nom vous est familier, c’est que vous faites partie des millions de téléspectateurs fans de Top Chef (la saison 13), émission culinaire à laquelle il a participé et à l’issue de laquelle il a eu envie d’ouvrir son propre restaurant. Las, c’était compter sans un sacré virus qui a mis l’économie au point mort durant de longs mois de confinement. Et pourtant, fort d’un parcours culinaire sans faute auprès des étoilés parisiens, sa cuisine maîtrisée et sa technique hors pair lui donnaient toutes ses chances ! Il lui faudra attendre ce début mai pour ouvrir, sur les quais, en

plein quartier des Chartrons, « son » resto, baptisé Lil’Home. Une création menée à bien avec l’appui de son cousin et associé, Aliaume Gonthier, issu du management dans la grande distribution. À l’intérieur des deux maisons « hollandaises », seul témoignage du négoce bordelais des vins au XVIIe (le reste des quais datant du XVIIIe), la déco est particulièrement réussie. Mix chaleureux et audacieux de design confortable et d’éléments de type brasserie, pile poil dans l’air du temps avec sa belle vaisselle artisanale, son mur d’eau, son mur végétal, ses matériaux naturels et ses bouquets de fleurs séchées…

goût, la couleur, les textures et les saveurs. Les produits régionaux sont largement représentés dans les assiettes : huîtres, porc noir de Bigorre, poissons de la criée d’Arcachon, pain de Biscarosse, chocolats d’Origines (à Darwin), vins de Bordeaux, Lillet… Seul le poivre a voyagé depuis Timut, mais on ne lui en veut pas. Soucieux de « cuisiner durable », Lilian a fait du principe « rien ne se perd, tout se transforme » son mantra. Les légumes sont utilisés dans leur totalité, ce qui n’est pas servi dans l’assiette se retrouve dans les bouillons concentrés et jus aromatiques qu’il affectionne particulièrement.

Bistronomie

Question d'équilibre

Très attentif au sourcing de ses produits, Lilian, 29 ans, profil beau gosse un peu speed, fait des 70 couverts de la salle et de la vaste terrasse, face à la Garonne, un terrain de jeu percutant. Midi et soir, il revendique un style bistronomique, qui fait la part belle à une exploration sur le

Parmi les highlights de sa carte estivale, une déclinaison de betterave et burrata crémeuse, le poisson du moment servi avec des pommes de terre herbacées et une émulsion de coquillages, un œuf parfait avec sa déclinaison de petits pois et farce au moût de raisin, une aubergine confite laquée

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“J’aime jouer avec les textures, dans un subtil équilibre entre le cru, le croustillant, le mou et le fondant. S’il n’y a qu’une seule chose qui doit rester à la fin, c’est le plaisir”

au miso, des crevettes snackées servies avec un médaillon de lotte en aïoli, un carpaccio de kiwi, sorbet pomme et mousse cardamome, ainsi que des propositions gourmandes pour les végétariens. Plus sages, l’entrecôte de bœuf de Bazas, polenta crémeuse, champignons et asperges blanches ou bien la poitrine de porc confite, déclinaison de carottes et sauce saté. « J’aime jouer avec les textures, dans un subtil équilibre entre le cru, le croustillant, le mou et le fondant », affirme cette étoile montante de la gastronomie qui n’a pas eu peur de s’installer à quelques encablures

Ouvert du mercredi au samedi de 11 h à 23 h, le dimanche de 11 h à 15 h. lilhome-restaurant.fr

de son mentor de Top Chef, Philippe Etchebest !

Une cuisine ambitieuse Les Bordelais y redécouvrent avec délice la tradition de l’apéro (after-work en bon français) en terrasse, mais servi avec une carte de tapas qui n’ont rien à voir avec les banales planches proposées à l’envi, un peu partout en ville. Et cela fait toute la différence ! Pour accompagner un « Champagne gourmand », un cocktail, un mocktail fruité ou un verre de vin, pourquoi ne pas savourer une huître travaillée avec sa chantilly acidulée, une focaccia et son caviar d’aubergine, des concombres en saumure, avec une ricotta herbacée, un « finger croque » à l’Ossau-Irraty ? Désormais à la tête d’un autre établissement parisien, Dame Augustine, dans le quartier des Gobelins, cet amateur de challenge court beaucoup, entre deux TGV, entre Bordeaux et Paris. Celui qui, enfant, préférait les émissions de 046

Joël Robuchon aux dessins animés avoue avoir toujours eu « la cuisine dans la peau ». Avec pour modèle Yannick Alléno (dont nous avons la chance de pouvoir déguster la cuisine à Saint-Émilion, à La Table de Pavie), Lilian ne réfute pas son caractère déterminé et ambitieux. Appuyé par une équipe qui demande encore à être consolidée, soutenu par son cousin Aliaume, omniprésent à Lil’Home, il a pour objectif de plaire au plus grand nombre sans jamais craindre d’en faire trop. Il témoigne d’une génération qui rabat ce drôle de jeu de la gastronomie où la figure du roi s’est longtemps disputée entre le chef et le restaurateur. Libre de papillonner au joli vent du faire savoir autant que du savoir-faire, il navigue avec aisance dans un style de restauration résolument contemporaine. « S’il n’y a qu’une seule chose qui doit rester à la fin, c’est le plaisir », proclame-t-il. Cela tombe bien : les gastronomes bordelais en redemandent !


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Texte Émilie Dubrul Photos Marie Curry (sauf mention)

Dans les cuisines de Marie Curry Après avoir créé les premières éditions du Refugees Food Festival à Bordeaux, avoir monté le réseau de restaurateurs solidaires Ernest ou encore mené des actions d’aide alimentaire d’urgence au Garage Moderne, Sandrine Clément s’est associée à Élise Thorel pour créer Marie Curry, une entreprise sociale qui permet aux femmes issues de l’immigration d’entreprendre via leur matrimoine culinaire. Reportage.

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achats et bien sûr les rudiments de la cuisine professionnelle. Car concevoir des plats pour 50 personnes, ça ne s’improvise pas. » L’idée étant aussi de valoriser leur matrimoine culinaire tout en respectant les codes du traiteur contemporain comme « concevoir des menus équilibrés en termes de saveurs, d’ingrédients, de saisonnalités, etc. »

Une communauté d’entraide

C’

est un service de traiteur pas comme les autres. Iran, Guyane, Maroc, Ile Maurice, Arménie : Si la musique adoucit les mœurs, il ne fait aucun doute que la cuisine, quant à elle, fait voyager les papilles. Chez Marie Curry, cerise sur le gâteau, elle rassemble des femmes issues de l’immigration autour de plats du pays dont elles sont originaires. Et en leur permettant de vivre de leur passion en devenant cheffes de restaurant ou traiteurs à leur compte. « Nous sommes en relation avec tout un maillage d’institutions publiques et d’associations qui jouent un rôle de prescripteurs auprès de ces femmes, explique Élise Thorel, la cofondatrice de l’entreprise. Mais certaines viennent à nous par le bouche-à-oreille. »

“Créer son entreprise peut être un long chemin semé d’embûches”

Mélange de saveurs Derrière les fourneaux de la jeune société située à Artigues-près-Bordeaux, Khuzama, d’origine syrienne est en pleine préparation d’un buffet. Au menu ce jour-là : des bouchées de riz aux légumes enveloppées dans des feuilles de brick (appelées Ouzi), d’une salade fatouche et autres mezze dont elle a le secret. Des spécialités au bon goût d’ailleurs (Alep) qui viendront réveiller les papilles d’une cinquantaine de personnes le soir même. Dans l’atelier d’à côté, d’incroyables effluves d’herbes aromatiques fraîchement coupées attirent le nez ! Nariné Lalayan, d’origine arménienne, apporte les dernières pincées de menthe à une sauce au yaourt qui accompagnera ses mantis, de délicieuses ravioles à la viande. Avec les rouleaux d’aubergines aux noix en guise d’entrée ou les fameux baklavas, c’est une des spécialités culinaires arméniennes qu’elle propose souvent dans ses lunchbags. Les deux femmes sont encadrées par Florent Lasseran, le chef exécutif qui accompagne ces femmes dans leur projet de reconversion. « Je leur apprends par exemple à faire un devis, la liste des 0 50

« Pendant les confinements, j’ai monté de l’aide alimentaire au Garage Moderne. Élise est venue cuisiner bénévolement, et très vite nous avons échangé sur la place de la femme en cuisine, raconte Sandrine Clément. De nos discussions est ressortie la volonté de pérenniser une action pour les femmes dans les métiers de la restauration. » En fondant Marie Curry en mai 2020, Sandrine et Élise se sont ainsi donné plusieurs missions : accompagner les femmes dans la création et le développement de leur entreprise de traiteur indépendant en jouant un rôle de porteur d’affaires. Et les accompagner dans leur reconversion professionnelle. « Soit dans l’emploi avec des postes salariés au sein de notre société de traiteur et d’ici fin 2022 de notre restaurant rue Causserouge à Saint Michel [au cœur du tiers-lieu La Manuco, cf encadré]. Soit dans l’accompagnement de leur projet entrepreneurial .» Sandrine, en charge des ateliers, a par exemple mis en place un atelier Urssaf. Durant trois heures, Ursula, Mokhigoul, Raihana ou encore Maryam vont aborder l’aspect administratif de leur future entreprise. Choix du statut juridique, calcul des cotisations, paiements des salaires, déclaration des revenus, etc. « Créer son entreprise peut être un long chemin semé d’embûches. Mieux vaut être bien préparé », souligne Sandrine.

Un laboratoire partagé Chez Marie Curry, les cuisinières ont accès gratuitement à un laboratoire professionnel aux normes, ce qui est souvent un des plus gros freins lors-


C’EST DANS LES TUYAUX

© Émilie Dubrul

À l’automne prochain, Marie Curry prendra en charge les cuisines du restaurant du nouveau tierslieu La Manuco dans le quartier Saint-Michel (rue Causserouge). Cet espace de 800m2 géré par ATIS et InCité Bordeaux Métropole Territoires accueillera 8 associations bordelaises, ainsi que des logements sociaux. Voilà qui devrait donner du grain à moudre aux futures chefs formées par l’association.

“Chez Marie Curry, les cuisinières ont accès gratuitement à un laboratoire professionnel aux normes” 0 51


Les jeudis et vendredis, Marie Curry propose des plats à emporter pour les particuliers d’Artigues-prèsBordeaux.

qu’on souhaite se lancer en cuisine. « D’autant qu’aujourd’hui, les labos partagés sur la Métropole sont hors de prix, précise Élise. Idéalement, nous aimerions monter deux laboratoires à Bordeaux, un rive droite et l’autre rive gauche, car toutes les femmes ne sont pas véhiculées. » Elles sont également coachées de manière individuelle sur des problématiques personnelles comme l’obtention du permis de conduire ou l’apprentissage du français. « Nous jouons un rôle de relais. Dans certains cas, on fait appel au CIDFF qui les met en relation avec des professionnels compétents. » Ou de façon collective sur les gestes techniques professionnels, le format cocktail ou encore l’écoresponsabilité par de la sensibilisation

“Aujourd’hui, Marie Curry accompagne une quinzaine de femmes aux profils très variés” aux attentes des consommateurs. Pour Élise et Sandrine il était important de travailler « à la ré-inclusion des cheffes dans le circuit alimentaire. » Ainsi, toutes les prestations de traiteur sont réalisées à partir de produits locaux, issus de l’agriculture biologique ou a minima raisonnée. « Nous sélectionnons soigneusement nos producteur(trice) s et fournisseur(e)s avec qui nous partageons l’amour des bonnes choses » souligne Sandrine. Une démarche environnementale empreinte du mou0 52

vement Slow food qui s’invite aussi bien dans les assiettes que lors des repas. « Pour limiter les déchets des repas et de nos évènements, nous utilisons les consignes bordelaises Boxeaty. Les huiles de friture sont collectées par une entreprise spécialisée pour être recyclées. Et nous aimerions aussi travailler avec Bicycompost pour la gestion de nos déchets alimentaires. » Aujourd’hui, Marie Curry accompagne une quinzaine de femmes aux profils très variés. Certaines sont en apprentissage du français, d’autres sont détentrices de diplômes qui ne sont pas reconnus en France, d’autres encore n’ont aucune expérience professionnelle. Mais elles ont en commun cette volonté de participer à une aventure collective qui vise à promouvoir une gastronomie inclusive et durable.


Wine ×

“J’estime le bordeaux, surtout dans sa vieillesse ; j’aime tous les vins francs, parce qu’ils font aimer.” Alfred de Musset

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L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération

Le charme du Manège

© Émilie Dubrul

TERROIR. Situé au cœur des vignes du Château Léognan, en lieu et place des anciennes écuries du domaine, le restaurant Le Manège est aujourd’hui une destination oenotouristique qui compte. Derrière les fourneaux de cette table bistronomique orchestrée par la cheffe exécutive Flora Mikula, le jeune chef de cuisine avignonnais Gaël Derrien offre une cuisine généreuse et inventive, ancrée dans les racines de ce terroir d’exception. Ouvert tous les jours, sauf le dimanche soir. ED

Un air de campagne

© DR

FESTIVAL. Envie de fuir l’agitation bordelaise ? Direction une vraie belle campagne, au cœur du vignoble libournais, où le Château Prieuré Marquet vous invite à sa table. Confortablement installé dans la cuisine ou sur la sublime terrasse surplombant le vignoble, vous aurez droit à une cuisine d’auteur, interprétée par le chef Richard Stepien. Pour cet amoureux de notre patrimoine gastronomique, rien ne vaut les beaux produits de nos filières girondines et l’on retrouve dans l’assiette, généreuse, un festival de saveurs à l’accent du terroir. Brouillade aux truffes, asperges du Blayais, foie gras mi-cuit, volaille fermière, magret de canard, bœuf et poissons selon les arrivages… le tout arrosé des délicieux vins de la propriété ! MC Uniquement sur réservation au 05 57 49 41 70 054


© Émilie Dubrul

Une expérience à découvrir en format de 2h le mardi et de 3h le mercredi. La réservation se fait directement auprès de la guide, Marie-Christine Noël, 48h à l’avance, au 06 50 54 01 56. La prestation se finit toujours par la dégustation d’un verre de vin de la propriété, Grand Cru classé de Graves.

Faire un câlin à un arbre ? EXPÉRIENCE. On l’appelle couramment bain de forêt, de manière plus savante sylvothérapie, ou carrément érudite « shinrin-yoku », puisque cette tradition est héritée du Japon. Une pratique répandue là-bas, beaucoup plus rare chez nous… Aussi avons-nous eu envie d’en savoir plus, avec la proposition du Château Olivier, à Léognan. Rendez-vous devant cette magnifique bâtisse, en petit groupe (8 personnes maxi), équipés de bonnes chaussures de marche, regroupés autour de la guide, Marie-Christine Noël, qui nous propose « lenteur et silence pour des invitations sensorielles variées, distillées au long d’un parcours qui ne s’apparente en rien à une performance sportive. » Ici, il est question d’observation du paysage, de ralentir le pas, de capter l’atmosphère, les chants d’oiseaux, les parfums, de ressentir les couleurs, de contempler, de partager un peu de son moi intime, en toute sobriété, et d’une respiration avec un arbre, de l’offrande votive d’un spécimen choisi à quelqu’un... Une cérémonie du thé (aux épines de pin) et un petit grignotage arrivent en point d’orgue à ce bain de forêt dont les vertus sont désormais reconnues par de nombreux thérapeutes. MC 055


Texte Martine Crespin Photos Nicolas Duffaure

Damien Grelat, négociant 2.0 Bureau design, chemise Ralph Lauren et outils technologiques de pointe : Damien Grelat n’a rien de la caricature facile du négociant en vins old school. À 36 ans, déjà fort d’une belle expérience, il a fait de sa société Carrière & Associés un nom qui compte sur la place de Bordeaux.

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L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération

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out a commencé dans le Sauternais où il a grandi, sous l’autorité bienveillante d’un beau-père qui l’initie au vin et à la dégustation. Pendant les vacances, le jeune Damien travaille à la vigne et son premier coup de cœur est un précieux flacon d’Yquem, reçu pour ses 18 ans. Mais pour cet enfant de commerçants, l’envie de voyager et de se frotter à d’autres civilisations l’emporte. Études de langues étrangères appliquées : anglais – classique – et mandarin. C’est là qu’il va rencontrer sa future femme, Bong,

“Pendant près de dix ans, je me suis frotté à ce qui fait la noblesse de l’un des plus vieux métiers de Bordeaux avec des mentors”

boutique@caves-carriere.fr

fille de boat people aujourd’hui collaboratrice de l’Angélus. Un séjour en fac à Taïwan et un diplôme de l’IPC Vins et Spiritueux plus tard, voici notre jeune couple sur le marché du travail. Damien entame sa formation de terrain avec Eugène Raoux, un grand nom de la profession. Celui-ci lui fait rencontrer ceux qui comptent, les Dulong, Castéja et surtout, Hubert de Boüard, ambassadeurs des vins de Bordeaux dans le monde entier. « Pendant près de dix ans, je me suis frotté à ce qui fait la noblesse de l’un des plus vieux métiers de Bordeaux, avec des mentors qui ont su me faire partager leurs compétences et leur passion. »

Fou de vin Autre rencontre déterminante, celle d’Éric Carrière, milieu de terrain de l’équipe de France de foot, qui a fait les beaux jours des équipes de Nantes et de Lyon. Fou de vin, installé à Dijon où il a développé une affaire de négoce tournée évidemment vers les Bourgogne. « Tout a débuté au cours d’une campagne primeurs, lorsque j’étais directeur export à Palmer, où il m’a exprimé son envie d’avoir un pied à Bordeaux. Nous avons rapidement sympathisé et après m’avoir invité à visiter sa structure en Bourgogne, l’idée de prolonger les Caves Carrière en terre bordelaise était née. » Et c’est ainsi qu’en ce début d’année, le pacte d’associés est signé et la société Carrière & Associés en place. Installé dans des locaux qui font davantage penser à un bel appartement qu’à des bureaux, Damien a confié à son ami de Cabanes et Châteaux le soin de meubler et décorer les lieux. Salon confortable, salle à manger – salle de dégustation au design impeccable, avec sa table en marbre XXL 058

et sa cuisine où vient officier Antton Lesobre, un chef qui quitte la brigade de Vivien Durand pour des prestations pros ou amicales à la demande.

Décomplexer les pratiques Dans le bureau, trône un outil technologique que Damien et Éric sont les seuls à posséder à Bordeaux, appelé « la vitre », dont le maniement est faussement simple. Il suffit de toquer, comme à une porte et s’ouvrent alors, à la demande, un ou plusieurs écrans qui permettent de se mettre en relation, en grand format, avec les bureaux de Dijon. La distance est abolie et l’effet « waouh » garanti, dès lors qu’un client entre dans le bureau où « la vitre » est allumée en permanence. Un petit bijou déniché par Éric Carrière, au salon de la Tech de Las Vegas ! Avec l’appui de Caroline et de Clémence, Damien tient à conserver les fondamentaux d’un métier appris auprès des « anciens », mais il mise aussi sur la maîtrise du « Trade », des techniques de marketing, le profilage des clients, l’analyse du panier moyen pour ajouter à cette image de « marchand de vins » un côté explorateur. Il n’a pas envie de casser les codes d’une profession dont le rôle demeure majeur dans la réputation de Bordeaux, mais plutôt de décomplexer des pratiques qui ont fait leurs preuves, et doivent désormais prendre en compte les apports technologiques et numériques d’une génération 2.0. L’un des petits plaisirs de Damien ? Découvrir sur les cartes de restaurants prestigieux du Sud-Ouest qu’il fréquente quelques-uns des crus qu’il a sélectionnés et vendus, en fonction de leur positionnement. Comme au Gabriel ou au Logis de la Cadène, à Saint-Émilion, où touristes et œnophiles avertis peuvent se régaler…


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L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération

Une nouvelle vie en bio Dans le mondovino bordelais, une propriété a fait le pari réussi du bio et de la biodiversité : le Château La Peyruche. Une dynamique prometteuse portée par son jeune propriétaire. Coup de projecteur. Texte et photos Émilie Dubrul

I

l y a encore quelques années, Charles Weisgerber n’y connaissait rien au monde du vin. C’est lui qui le dit, avec une désarmante franchise. Il est aujourd’hui responsable d’environ 20 hectares de vignes et est désormais intarissable sur l’oxygénation des moûts de raisin. Après avoir été consultant dans le secteur des assurances, il assume « d’être arrivé ici comme une fleur pour changer de vie, mettre les mains dans la terre et devenir agriculteur. Quand j’étais gamin, j’ai grandi dans une maison de campagne. Après des années en ville, j’ai senti que je m’étais trop éloigné de la nature, que je vivais hors sol comme dans une serre. En 2016, j’ai eu un déclic, un vrai ras-le-bol de la vie citadine. » La décision paternelle d’investir dans une propriété viticole impulsera ce changement de vie radical. « Ce que nous avons aimé ici, ce sont ces vignes d’un seul tenant qui entourent le château », raconte le

père de Charles et chef d’entreprise Bertrand Weisgerber. L’histoire familiale du lieu a également résonné en eux. « Cette propriété était dirigée par la même famille depuis 1882, quatre générations s’y sont succédé, ajoute Charles. Il y avait un vrai projet de transformation à mener avec un potentiel. Nous pouvions y mettre notre patte mais sans faire table rase. Nous avons voulu faire les choses dans la continuité tout en renouvelant une propriété vieillissante. »

Un été à haut risque À quelques encablures de Bordeaux, en AOC Cadillac-Côtes de Bordeaux, le discret château La Peyruche est posé au milieu de magnifiques coteaux qui dominent la Garonne et offre au regard du visiteur un paysage digne de la Toscane. Un long chemin forestier caillouteux permet d’accéder à ce petit hameau constitué de quatre maisons (dont 060


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20 hectares de vignes d’un seul tenant entourent la propriété.

Cette année, le Château La Peyruche dévoile son premier millésime bio, un délicieux rosé issu d’un assemblage de parcelles plantées sur des sols de graves rouges et argilocalcaires. Disponible sur le site de la propriété à partir de 9€ TTC la bouteille.

la principale, la maison de maître, entièrement rénovée, date du XVIIe siècle), d’un pigeonnier et de bâtiments techniques. Depuis 2019, un trio de passionnés a donc inauguré une nouvelle époque pour cette propriété familiale : Bertrand gère l’aspect commercial, Charles le cultural et David Sarry est le faiseur de vin. « Nous avons lancé un travail de fond dans les vignes et sommes sur un plan de renouvellement du vignoble d’environ 1,5 hectare par an. C’est physiquement fastidieux mais nous n’avons pas le choix, car nombre de vignes ont le même âge, ce qui est un handicap », raconte Charles. En ce milieu d’été touché par la sécheresse, le néovigneron s’inquiète du manque d’eau sur ses jeunes plants. Si un été sec et chaud peut-être un atout pour la qualité des vins, il peut aussi impacter le rendement. « La vigne est en stress hydrique. Heureusement, nous n’avons pas trop effeuillé afin d’offrir de l’ombre aux grappes de raisin. » Sous un soleil de plomb, Charles ne désarme pas : armé d’une houe et de beaucoup d’huile de coude, il désherbe à la main ses nouveaux pieds de vignes. « Cette année, nous sommes passés au zéro déchet dans le vi062

gnoble », raconte-t-il, convaincu qu’il est possible de changer les pratiques agricoles. Ici, la décision de travailler en viticulture biologique ne se limite pas à la vigne. Inspiré par le travail de Delphine et Benoît Vinet du Domaine Émile Grelier et de nombreuses lectures, le vigneron se fait également accompagner en agroforesterie par Alain Canet d’Arbres et Paysages 33. « L’idée est de ramener des arbres et des arbustes dans les contre-allées. De casser ce paysage de monoculture, cet océan de vignes. » Charles est aidé dans sa démarche par d’inattendues alliées. « Ici nous sommes sur une ancienne carrière de pierre, et en contrebas, c’est truffé de galeries, pleines de chauve-souris. Elles sont indispensables à notre travail car elles mangent les vers de grappes qui sont des ravageurs très courants de la vigne. » Un couple de chiroptères peut manger jusqu’à 3000 papillons par nuit. À terme, Charles envisage la plantation d’environ 300 arbres, en plus des 60 fruitiers déjà plantés au printemps dernier. Et pour polliniser cet écrin de biodiversité, le Château La Peyruche travaille depuis deux ans avec l’apiculteur voisin Henri Grenier. Ses


abeilles profitent ainsi de jachères fleuries semées à cet effet et de la présence devant la propriété de cinq vénérables tilleuls.

Des vins plus contemporains Au cuvier, la cohérence est de mise. Les cuvées sont élaborées à partir du raisin et rien d’autre. Comme nombre de vignerons de leur génération, Charles et David ont changé de méthodes de vinification et renoncé au boisé intense. « On a des terroirs qui communiquent pas mal de tanin et du coup on n’a pas besoin d’aller extraire plus que ce que la nature donne naturellement. » Pour élargir la gamme des vins « et se faire plaisir avec les assemblages », un hectare de cabernet franc et de sauvignon gris viendront bientôt rejoindre les rangs

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération

de sauvignon, malbec, cabernet sauvignon, merlot et autres sémillon et sauvignon blanc. « Avec David, nous travaillons sur du parcellaire avec des échantillons d’une trentaine de lots correspondants à nos diverses parcelles. » Au chai, une soixantaine de barriques en chêne et deux amphores Tava viennent accueillir les vins pour l’élevage. L’une accueillant un 100 % merlot, la seconde du cabernet-sauvignon. « Quand on a repris l’exploitation, les vins étaient faits dans le style bordelais d’il y a vingt-cinq ans, assez légers, sans trop de structure et un peu trop acides à notre goût. Aujourd’hui,

“Avec le passage au bio et l’arrêt du désherbage chimique, on pousse l’enracinement au plus près des matrices qui donnent le goût au vin”

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on recherche le côté pur du fruit. Avec le passage au bio et l’arrêt du désherbage chimique, on pousse l’enracinement au plus près des matrices qui donnent le goût au vin. L’amphore y participe également avec la micro-oxygénation un peu plus poussée qu’avec une barrique, même si on a encore des essais à faire » précise le néovigneron, tout juste détenteur du fameux D.U.A.D (Diplôme Universitaire d’Aptitude à la Dégustation), une formation dédiée aux acteurs de la filière vitivinicole. Charles Weisgerber peut désormais dire qu’il y connaît quelque chose quand il s’agit de parler de vins.


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SKATE AND THE CITY Après plus de vingt ans de politique répressive contre la pratique du skate en ville, Bordeaux est aujourd’hui considérée comme une ville modèle dans la façon dont la pratique du skate y est intégrée, au point qu’on parle désormais de « skateurbanisme ». Pratique underground synonyme de liberté, de rébellion dans les années 80, le skateboard s’est depuis beaucoup développé. Alors que le skatepark de quais subit un lifting en vue des Jeux olympiques de 2024, car il sera l’un des centres de préparations des sportifs, nous sommes allés à la rencontre de celles et ceux qui font vivre le skate bordelais au quotidien.

Dossier réalisé par Aline Chambras, Marie Chevreau, Émilie Dubrul et Myriam La Selve. Photos Voir mentions

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© David Manaud

Léo Valls rue SainteCatherine


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Bordeaux, la ville skatable ? Skateur professionnel, Léo Valls, 35 ans, travaille depuis 2018 comme conseiller auprès de la municipalité bordelaise. Objectif ? Favoriser la bonne intégration de la pratique du skate dans la ville. Entretien.

étirements et le renforcement des zones que le skate fait particulièrement travailler comme le dos, les genoux, les chevilles, les adducteurs.

Propos recueillis par Aline Chambras Photos David Manaud

Tu skates depuis toujours ? J’ai commencé le skate à 10 ans. Ça fait donc vingt-cinq ans aujourd’hui ! Je suis passé professionnel en étant sponsorisé par des marques à 20 ans. Je fais des vidéos, je travaille avec des photographes, j’invente des projets avec d’autres skateurs internationaux. C’est mon métier, skateur. Le skate, pour toi c’est quoi ? Pour moi le skate c’est l’exploration, les rencontres, les connexions. J’ai toujours eu une pratique urbaine, je ne fréquente pas les skateparks. Au fond, je ne considère pas le skate comme un sport, mais plutôt comme une pratique culturelle, sociale et

“Le skate c’est l’exploration, les rencontres, les connexions” artistique. Bien sûr, ça reste une activité physique. J’ai d’ailleurs mis en place avec mon épouse, Lauren Mahan Valls, professeure de yoga venant de Californie, des cours de yoga expressément calibrés pour les skateurs. Nous avons baptisé ces séances Namaskate : elles permettent de travailler les 067

Tu travailles avec la mairie de Bordeaux depuis 2018, en tant que conseiller skate. En quoi cela consiste-t-il ? Auprès de la Ville, j’ai deux missions. La première est de parvenir à ce que les relations entre skateurs et non skateurs soient apaisées. Pendant longtemps, la pratique du skate à Bordeaux était interdite : c’était le skatepark ou rien. Mais un skatepark, c’est surtout un lieu d’apprentissage. L’essence même du skate, c’est la relation avec la rue. Bref, des riverains se plaignaient, les policiers nous verbalisaient, ça créait des tensions et tout cela était contre-productif. En 2017, j’ai vu deux jeunes skateurs d’à peine 13 ans s’enfuir à l’arrivée de la police : ils ont failli se faire renverser par le tram. C’est à partir de ce moment-là qu’avec d’autres skateurs bordelais, comme l’association BoardO ou le skateshop Riot par exemple, nous sommes montés au créneau. Nous nous sommes constitués en collectif et nous avons demandé à être reçus par la Mairie. Nous avons exposé notre vision des choses et proposé de les accompagner sur une médiation autour de la question du skate dans la ville. Notre objectif était de créer des espaces de tolérance et de faire accepter la pratique du skate. Nous avons par exemple demandé que soit mis en place un système de jours et d’horaires durant lesquels la pratique du skate était autorisée. Depuis, Bordeaux est une ville reconnue comme étant skate friendly. C’est une belle réussite. Et ta seconde mission auprès de la Ville ? En parallèle de ce travail de médiation, la Mairie de Bordeaux nous a également demandé de tra-


Léo Valls devant la Cité mondiale du vin

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Léo Valls et Lilian Durey

“Aujourd’hui, il y a du mobilier urbain skatable dans de nombreux lieux” vailler sur un schéma directeur capable d’intégrer la pratique du skate et des jeux urbains dans la conception des aménagements et des espaces publics (par le biais de la société Dedication). Nous avons ainsi accompagné les services de la Ville lors du travail de requalification de la terrasse Koenig à Mériadeck, en 2020, afin que cet espace redevienne skatable : surface lisse, angles des jardinières, tout le mobilier urbain a été choisi en fonction de son caractère skatable. Depuis, cet espace jusque-là en déshérence s’est mis à vivre 068

vraiment. Il est fréquenté par des skateurs mais pas seulement : c’est redevenu un espace public partagé. Aujourd’hui, il y a du mobilier urbain skatable, comme des bancs en granit par exemple, dans de nombreux lieux : la place André Meunier, la place Stalingrad ou devant la salle des fêtes du Grand Parc, notamment. À chaque fois, ça crée un mouvement de revitalisation. C’est vraiment le sens de notre démarche en faveur de ce que l’on appelle le skaturbanisme : montrer qu’en intégrant le skate dans la ville, on favorise la création de lien social, et in fine, on sécurise la ville. Quels sont tes projets ? Avec la nouvelle équipe municipale, nous travaillons à l’écriture d’un guide du skate : il s’agit de recenser les spots de skate à Bordeaux et d’établir une liste de bonnes pratiques en la matière. Ce guide doit sortir à l’automne 2022 . Nous réfléchissons également à la création d’un festival annuel autour du skate. Mais pour l’instant rien n’est acté.


Top 5 des skateparks © David Manaud

Hangar Darwin, le géant

Mandavit, le plus kids friendly

Le skatepark de Mandavit situé à Gradignan a été rénové en juin 2019. Anciennement en bois, ce bel espace de 1075m² en béton est divisé en trois parties distinctes dont une entièrement dédiée aux débutants. 150m² où les enfants peuvent s’adonner aux plaisirs de la glisse en skate, trottinette, roller ou BMX. Ce skatepark ouvert est doté d’un éclairage et de différents modules comme des rampes et mini-rampes, des box, des curbs et un volcan.

Colbert, le plus attendu

Plus communément appelé le skatepark des Chartrons, cet espace est en cours de rénovation pour laisser place à un skatepark flambant neuf labellisé « Centre de préparation aux Jeux » de Paris 2024. Une labélisation qui permettra notamment d’accueillir des athlètes internationaux en stage de préparation olympique. Même si sa surface reste inchangée – plus de 2380m² tout de même – sa structure, elle, va bel et bien évoluer pour intégrer de nouveaux plateaux horizontaux reliés par des dallages inclinés, des modules type trottoirs, bancs ou escaliers et un bowl en béton coloré. À découvrir dès novembre

Bourgailh, le plus nature

Skater à l’orée d’une forêt de 65 hectares, voici une expérience peu commune. Outre ses aires de jeux en bois, ses blocs d’escalade, ses terrains de sport de sable, de basket, de pétanque, l’écosite du Bourgailh dispose également d’un skatepark et d’un pumptrack uniques en leurs genres. Au milieu des chênes, pins et bruyères, ce skatepark en béton est équipé de demi-bols ouverts, de volcans et d’une pyramide surmontée d’un rail et d’un curb. Le pumptrack est quant à lui accessible en BMX ou roller dès 14 ans et dispose de trois niveaux de difficultés signalés par un code couleur. 069

Ce troisième plus grand skatepark couvert de France est le lieu idéal pour découvrir, pratiquer ou approfondir sa pratique du skateboard. Ouvert depuis 2011, cet ancien hangar militaire de 2600m² participe à la démocratisation du skate en proposant des tarifs parmi les moins chers d’Europe (5 € la session ou un pass illimité à l’année à partir de 40 €) et un accès gratuit aux réfugiés ou aux personnes porteuses d’un handicap. Ce vaste espace abrite plusieurs modules tels qu’un bowl en bois, une big rampe, une aire de street, dont certains adaptés aux personnes à mobilité réduite. La « Darwin Brigade Skate Club » est une école de skate intégrée au hangar qui propose des cours encadrés par des moniteurs qualifiés pour s’initier ou se perfectionner au skateboard. hangardarwin.org

ZOOM, le plus “skate culture”

Créé en 2019, ZOOM est un lieu culturel de 475m². Situé à deux pas des quais des Chartrons, cet espace héberge un skatepark indoor évolutif, une galerie d’art, un espace bar restaurant et des ateliers de création (sérigraphie, vidéo, photographie, design, mode). Initié et géré par l’association Board-O, ce lieu de médiation autour de la culture skate organise différents évènements tout au long de l’année. Née en 2006, leur école de skate dispense des cours dès 4 ans permettant aux initiés d’acquérir une certaine autonomie et d’appréhender au mieux les premières sensations de glisse. Diplômés et passionnés, les moniteurs proposent des cours hebdomadaires, des stages pendant les vacances, des Skate Camp et aussi des anniverskate. boardo.fr


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Teste Aline Chambras Photo Thomas Sanson Mairie de Bordeaux

Un nouveau skatepark pour les JO Le skatepark des Chartons labelisé « Centre de préparation aux Jeux » de Paris 2024 se refait une beauté.

L’

emblématique skatepark du quai des Chartrons fait peau neuve. Inauguré en 2006, l’équipement ne correspondait plus aux normes de sécurité et n’était, en outre, plus adapté aux évolutions des pratiques de glisse urbaine : conçu à l’origine uniquement pour la pratique du skate et du roller, il est de fait aujourd’hui de plus en plus utilisé par les pratiquants de BMX et trottinettes, dont l’impact sur les structures est plus important. Et surtout, l’annonce en 2021 par le Comité olympique de la labélisation de ce skatepark comme « Centre de préparation aux Jeux » de Paris 2024 a mis le feu aux poudres. Bref, la Ville a lancé en mars 2022 la rénovation complète du site.

Super Bowl

Construit hors sol, en béton et dallage en pierre naturelle, ce nouveau skatepark sera composé de plateaux horizontaux reliés par des « dallages inclinés, courbes ou des marches », alternant des murets mais aussi des « sculptures barriques de vin » et un « bowl* 070

d’initiation en béton coloré », comme l’explique la Mairie. Adieu donc le double bowl existant du fait des contraintes techniques et paysagères. Mais la municipalité l’a promis : un nouveau bowl devrait être prochainement construit sur la rive droite de la Garonne, avec un emplacement prévisionnel dans le parc aux Angéliques. Par ailleurs, la Ville cède tous les anciens modules, et notamment les anciennes structures du bowl à l’association La Brigade de Darwin, qui projette à partir de ces éléments de reconstruire le bowl sur son site. Avec une surface totale de 2 375 m² (110m de longueur et 21m de largeur), le nouveau skatepark sera l’une des plus grandes aires de glisse (en ville) de France. Tous les éléments techniques de la pratique street (curb, cedge, handrail, stairs…) pourront y être travaillés. L’ouverture est prévue fin 2022. (*) Bowl = structure en creux permettant la pratique du skate de façon rapide (pente) et fluide (courbe) comme à l’intérieur d’un bol imaginaire.


Propos recueillis par Myriam La Selve Photo DR

Le skate en ligne de mire David a 46 ans et pratique le skate depuis plus de trente ans. À 25 ans, il se passionne pour la photographie. Il collabore avec les plus grands magazines spécialisés, accompagne et coach des skateurs professionnels à travers le globe. Il est également consulté pour l’organisation des Jeux olympiques 2024. Rencontre.

Le skate a bien évolué depuis les années 70. Quel est pour vous le plus grand changement ? C’est surtout l’image que le skate véhicule aujourd’hui. À 14 ans, quand j’ai commencé à monter sur une planche avec des copains, ma mère nous disait « alors, vous avez bien joué au skate ? » et aujourd’hui, c’est devenu une discipline olympique ! Les gens ont compris que le skate est un sport (l’un des plus difficile à mon sens) qui véhicule des valeurs tels que le dépassement de soi, la persévérance, l’entraide, la sincérité... Quand on vient du skate de la rue et qu’on voit que Louis Vuitton se met à faire des chaussures de skate, avouez qu’il y a de quoi sourire ! L’univers du skate a donc bougé. Peut-on en dire autant des images ?

La photo et la vidéo sont intimement liées à l’histoire du skate. Combien d’heures nous avons passé à repasser au ralenti des enregistrements VHS pour décoder certaines figures ! La recherche d’un spot fait totalement partie du jeu, nous sommes un peu comme des explorateurs en constante évolution. C’est un peu pareil pour la photo, j’aime fondamentalement les images de rues où je joue avec les lumières et l’architecture des lieux, j’ai donc évidemment dû renouveler mon matériel pour continuer à offrir des clichés au plus proche de la réalité. Bordeaux est un bon terrain de jeu ? Si Bordeaux rayonne à l’international c’est grâce à tous les aménagements qui ont été faits par la Mairie pour intégrer le skate dans la ville. Sans Léo Walls, 071

nous n’aurions pas autant de spots. Comme autres terrains de jeux, il y a aussi Barcelone qui dispose de pyramides et nombreux plans inclinés, Paris pour chiller, Copenhague… Quelles sont pour vous les adresses incontournables pour un skateur bordelais ? Sans hésiter je commencerais par le magasin RIOT. Avant d’être des commerçants, ils sont avant tout des passionnés qui prennent le temps de conseiller chaque client et qui, en plus, proposent des marques que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Pour les meilleurs spots, je dirais la place Pey-Berland, Fernand Lafargue, Mériadeck, le miroir d’eau pour ses good vibes ou encore la descente de la rue Sainte-Catherine en pleine nuit quand il n’y a personne !


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“Le longboard, c’est plus une approche artistique qu’une pratique sportive”

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Longboard au féminin

Texte Aline Chambras Photos Claire Lafargue

Le milieu de la glisse se féminise. Côté pro, la Gironde compte Shani Bru, Pauliana Laffabrier ou encore Jeromine Louvet, toutes les trois skateuses. Pour l’instant amateure, Tifenn Chaminand, aka Aïz.t, pratique le longboard dancing depuis deux ans. Et revendique une glisse esthétique.

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ussi menue que sa planche est immense, Tifenn Chaminand, aka Aïz.t, 27 ans dont seulement deux de pratique du longboard, est une « vieille novice » dans le monde du skateboard. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle n’y met pas toute sa fougue. Il suffit de la voir « onduler », sur sa planche, la musique d’Olivier Jensen dans les oreilles sur les trottoirs bordelais. C’est en 2020 qu’elle découvre le longboard : « C’est un vrai un coup de foudre. » Elle s’achète d’emblée une planche. Prévoit d’acheter les roues un peu plus tard. Mais... le confinement est décrété. « J’avais la planche mais pas les roues. Je ne pouvais rien faire. Alors j’ai peint ma planche .» Aussitôt déconfinée, elle s’achète des roues et s’élance enfin. « Je me suis fracassée. Résultat : une entorse de la cheville, mais ça ne m’a pas du tout découragée, au contraire. J’avais découvert quelque chose, une sensation », se rappelle la jeune femme. Tifenn vit alors à Paris où elle suit des études en « marché de l’art »: elle « ride », comme elle le dit, sur les quais ou au Trocadéro. Mais l’ambiance n’est pas bonne, les skateurs sont mal vus. Fin 2021, elle choisit de dire adieu à la capitale et de s’installer à Bordeaux où vivent sa famille et son amoureux. « Ici on sent vraiment que le skate fait partie de la ville. On est toléré et il y a énormément de structures comme le skatepark sur les quais ou Darwin. » 073

Une planche comme partenaire

Très vite, elle se met au longboard dancing, une discipline qui mélange la pratique du skate et de la danse. « J’ai toujours fait de la danse, alors créer des mouvements, des jeux d’équilibre en exécutant des pas sur ma planche, c’est venu presque naturellement », explique-t-elle. Mais attention : « Ma board n’est pas un support, c’est un partenaire de danse, je danse avec ma board, pas sur ma board. » Pour cela, elle pratique quotidiennement, explore les cross step, les pas dit de Peter Pan et fait des pointes, sa « signature ». Une manière d’affirmer son style : « Pour moi, le longboard, c’est plus une approche artistique et esthétique des jeux d’équilibre qu’une pratique sportive. » Même si elle ne nie pas la dimension physique et se plie à une hygiène de vie la plus saine possible. Depuis cette année, elle a décidé d’abandonner ses projets professionnels dans les métiers de l’art, « trop carriéristes, trop requins », pour se consacrer à 100 % au longboard, ou presque. « Pour l’instant, j’ai un job alimentaire, un mi-temps dans une boutique de CBD, mais mon rêve vraiment, c’est de vivre du longboard. » Vidéos, clips, tournage, cours, contenus, elle espère pouvoir multiplier les projets et s’implique énormément dans la « communauté » : « Pour l’instant, il n’y a pas de fédération de longboard. Tout est en train de se construire. J’ai très envie de participer à sa légitimation. » Depuis le printemps, elle est en lien avec le groupe Longboard Girls Crew France. En mai, elle a suivi le Long-Bordeaux Event, une compétition de longboard dancing coorganisée par LEB-Longboard Event Bordeaux. Si son avenir est encore un peu flou, elle n’a qu’une certitude : « le longboard, c’est ma vie. »


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Les sports de glisse pour tous !

à même les skates si elles ont suffisamment d’équilibre ou directement en fauteuils sur les modules. Pratikable organise aussi durant la période estivale des sessions de wake board à Mios, de parapente à Cabanac, ou de karting à Biganos. Depuis deux ans, l’association accompagne également deux pratiquants en WCMX et Adaptive Skate pour le haut niveau (WCMX, pour Wheelchair Motocross est un sport dans lequel des athlètes en fauteuil roulant exécutent des figures adaptées du skateboard et du BMX, généralement dans un skatepark). « Les compétitions de handiskate existent depuis au moins six ans aux États-Unis. En France, on est vraiment en retard, pour l’instant nous n’avons pas de riders [pratiquants] d’assez bon niveau, mais cela devrait évoluer », indique Wilfried Panatier. Confiant, il constate en effet « une montée en puissance » de la reconnaissance et de la pratique du handiskate. Depuis début septembre, l’association Pratikable anime un stand d’initiation grand public au Décathlon de Bègles. Courant 2023, des sessions de skate adaptées devraient voir le jour au ZOOM, cet espace de 400m2 dédié à la pratique du skateboard et à sa culture, cours du Médoc à Bordeaux. Et l’association bordelaise a même réussi à s’exporter à Paris où elle a ouvert une antenne en 2019. AC pratikable.com

Depuis 2017, l’association bordelaise Pratikable milite pour permettre aux personnes en situation de handicap de pratiquer les sports de glisse, notamment le skate.

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ux manettes de l’association Pratikable, on trouve Wilfried Panatier. À 20 ans, en 2007, ce passionné de surf devient tétraplégique, victime d’un accident (une grosse vague au mauvais moment). Il quitte alors Saint-Barthélemy, dans les Antilles françaises, où il travaille comme pâtissier dans un hôtel de luxe, revient s’installer à Bordeaux, se reconvertit dans l’infographie et commence le combat de sa vie : faire changer les regards portés sur le monde du handicap. Autrement dit : « sortir d’une vision paternaliste et infantilisante du handicap, où l’on ne voit que l’incapacité, pour évoluer vers une vision capacitaire, du dépassement de soi », comme il l’explique. Ce dépassement passera par le sport, et plus particulièrement le skateboard.

Il commence par se lancer dans le recensement de toutes les structures proposant la pratique des sports de glisse (ski, skate, roller, BMX, etc.) aux personnes en situation de handicap. Mais ne trouve « pas grandchose, sauf dans le surf ». Qu’à cela ne tienne : s’il n’existe rien, il se chargera d’y remédier. Le trentenaire prend le taureau par les cornes et créé, en 2017, l’association Pratikable, dont l’objectif est, comme le stipulent ses statuts de « valoriser l’accès aux sports de glisse et aux sports à sensations pour tous ». Concrètement, Pratikable, ce sont des sessions de skate réservées aux personnes en situation de handicap, un jeudi par mois, au skatepark de Darwin. À chaque fois, une dizaine de personnes (malvoyants, autistes, traumatisés crâniens, polyhandicapés) y participent, 0 74

© La Forge Digitale

Montée en puissance


Pop culture & upcycling

© Milena Delorme

© DR

© Milena Delorme

Offrir une seconde vie aux planches de skate usagées en les transformant en objet d’art, tel est le pari de MOW Arts, alias Terry Le Bihan, 27 ans.

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n raconte qu’il est difficile pour un rider de se séparer de sa « board » même cassée, même en miettes. On parle d’un attachement quasi sentimental… À regarder le carnet de commandes de Terrry Le Bihan, il faut croire que la rumeur est fondée. Voilà un fan de glisse qui va passer plus de temps à dessiner qu’à surfer cet été. Repéré par la FNAC lors du dernier Bordeaux Geek Festival, le jeune homme croit à sa bonne étoile et enchaîne les expositions : « Je prépare une expo pour la boutique Citadium promenade Sainte-Catherine qui devrait rester quelques semaines, ainsi que le prochain Climax de Darwin qui est cette année sur le thème de l’eau. » Sur sa table (basse) de dessin, des feutres Posca multicolores et l’ébauche du requin des Dents de la mer. Un peu plus loin, un magnifique Goldorak menaçant attend de sécher avant de partir chez un collectionneur. « J’aime aussi l’univers du street art et je commence à travailler à la bombe, pour un jour changer de support », confie l’artiste. Arrivé au dessin dès l’enfance, aidé par un grand-père 0 75

plus féru de papier que d’écran télé, Terry Le Bihan a toujours aimé reproduire « d’abord des animaux », d’où son nom d’artiste MOW, emprunté au célèbre Livre de la jungle de Rudyard Kipling. Puis, en grandissant, il est passé aux personnages de mangas, aux Marvel et à tout un tas d’icônes de la pop culture de sa génération. Partout autour de lui, des figurines, des mangas, des dessins et même un mug à l’effigie de Dragon Ball Z, son préféré. « J’avoue ne pas avoir vraiment grandi. À 27 ans, j’aime toujours autant Son Goku. Et puis, il faut dire que lorsque mes potes me font un cadeau, ils ne se prennent pas la tête » confiet-il amusé. Sa patte ? Des couleurs flashy et des dessins sur des planches upcyclées, « pour le plaisir de leur donner une seconde vie* », des pièces uniques et personnalisées. ED

Plus d’infos sur @mow.arts Si vous souhaitez simplement vous débarrasser de votre planche cassée, Terry se propose de la récupérer. L’appel est lancé.


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Guillaumit, artiste visuel Fresques au sol ou murales, réalité augmentée, dessins de presse, films d’animation, l’artiste bordelais Guillaumit explore tous azimuts les potentialités de l’art visuel. Rencontre.


© Thomas Sanson - Mairie de Bordeaux


PORTFOLI O

Texte Aline Chambras Photos Voir mentions

S’

il fallait résumer en une seule formule le style de l’artiste bordelais Guillaumit, on y trouverait forcément les adjectifs colorés et géométriques. Mais ce serait réduire à des motifs un imaginaire et une pratique toujours en mouvement. Car Guillaumit, s’il a su imposer sa patte en près de vingt ans de pratiques artistiques, n’est pas l’artiste d’un seul genre. Véritable touche-à-tout, il ne cesse de multiplier les expériences, s’inventant un univers en plusieurs dimensions, toujours dans l’air du temps. Pour s’offrir un aperçu de son travail, il suffit de se rendre rue Cazemajor dans le quartier Nansouty. Dans le cadre de l’opération municipale La Rue aux enfants, l’artiste bordelais y a réalisé entre janvier et juin dernier une immense fresque temporaire à même le bitume. Aplats de couleurs éclatantes et formes géométriques y forment deux parcours ludiques. « J’adore l’idée que des enfants vont sauter et courir sur mes dessins, sourit leur auteur. Les expos guindées, c’est pas vraiment mon truc. » On le croit sur parole.

Des projets farfelus C’est l’heure de la pause déjeuner à la Fabrique Pola où nous le rencontrons. Depuis 2018, il y occupe un bureau avec vue sur la Garonne et y a fomenté de nombreux projets tous plus farfelus les uns que les autres. À l’instar de ses fresques urbaines en réalité augmentée. Comme à Rennes où il a monté le projet Livelyyy à l’automne 2021. Sur un mur de la ville bretonne, Guillaumit a peint une fresque monumentale qui a la particularité de pouvoir fonctionner comme un jeu vidéo en réalité augmentée. Cette « passion » pour ce dispositif technologique lui est venue alors qu’il travaillait comme directeur artistique du Carnaval de Bordeaux de 2018 à 2021 : « J’ai été marqué par cette nouvelle manie qu’ont les gens de sortir à tout va leur téléphone dans l’espace public pour filmer, prendre des photos ou autres. Je me suis dit qu’on ne pouvait pas empêcher ces pratiques, bien sûr ; mais j’ai réfléchi à la manière de détourner ce geste. C’est là que j’ai imaginé les masques en réalité augmentée que 078

portaient certains acteurs de la Grande parade lors du Carnaval », raconte l’artiste. Derrière son bureau, il désigne un de ces fameux masques. Bleu ciel et rose, bouche et yeux ronds, moustaches ou branchies sur les côtés, ce masque comporte à la place du front un médaillon. « Si vous avez téléchargé l’application “Carnaval Augmenté” sur votre smartphone, il vous suffit de viser le médaillon avec votre téléphone et l’application s’active : sur vos écrans le masque s’anime », précise Guillaumit.

La musique comme tremplin Cette appétence pour l’interaction, pour la technologie et le jeu lui vient de loin. D’abord de son enfance : né en 1980, Guillaumit fait partie de la génération des consoles Mega Drive et des jeux vidéo aux formes simples, proches du pixel. Ensuite de sa première collaboration professionnelle, quant à l’aube des années 2000, alors qu’il sort tout juste de la faculté d’arts plastiques de Bordeaux, il cofonde avec le musicien Gangpol le duo électro Gangpol & Mit. C’est de là d’ailleurs que celui qu’on appelle encore Guillaume devient Guillaumit. « C’est tout bête, cette histoire de nom. Pour notre duo électro, il fallait que je me crée une adresse mail, j’ai mixé mon prénom et mon nom de scène, Mit, et Guillaumit est né. » Au sein de ce duo, il prend en charge la partie visuelle, s’occupe de la conception de clips et de décors de scène. « Je me suis éclaté vraiment, et petit à petit, on m’a proposé de plus en plus souvent de dessiner pour des affiches ou des visuels de festival, ce qui m’a amené à réorienter mon travail », se rappelle le quarantenaire. Il délaisse donc un temps l’image animée et privilégie l’illustration. Livres jeunesse (Tout est renversé, un imagier pour les tout petits, par exemple), presse écrite (il collabore avec les Inrocks ou Libération notamment), flyers, etc. Il explore de nouveaux champs, et affine et affirme son style « graphique et exubérant », comme il le définit lui-même.

Déambulations graphiques Pas question pour autant de s’enfermer dans une seule pratique. « En fait, je fonctionne par cycles, j’alterne les projets, j’ai besoin de varier les disciplines comme les technologies, et de toujours me sortir de mes habitudes. » Cette curiosité et ce besoin de se diversifier font que son agenda est toujours très chargé. Pendant l’été 2022, il s’est occupé du tracé


© Thomas Sanson - Mairie de Bordeaux

© Thomas Sanson - Mairie de Bordeaux

guillaumit.tumblr.com

de la ligne verte, la signalétique au sol de la 11e édition du Voyage à Nantes. Et a également terminé la fresque au sol, un « chemin de couleurs » dans le parc Pinson, quartier de la Bénauge à Bordeaux. Commencée à l’été 2021, cette déambulation graphique apporte au secteur, plutôt gris béton, une énergie revigorante. Cet automne, il sera à la Nuit Blanche de Tokyo, puis au festival « Novembre Numérique » à Kuala Lumpur. Pour ces deux événements, il a dessiné des costumes gonflables qui fonctionnent en réalité augmentée. Sur son téléphone, il nous montre ces fameux costumes et les effets que procure le dispositif de réalité augmentée. On y retrouve sa griffe, ce mélange joyeux d’hypermodernité mâtinée d’un brin d’art premier. Quelque chose d’à la fois naïf et exigeant. De l’art capable de raviver les quotidiens. 079


PORTFOLI O

Freque au sol rue Cazemajor Bordeaux

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Habillage des façades de Cap Sciences Bordeaux

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PORTFOLI O

Un paysage écologique visionnaire Singapour

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Green ×

“ Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne par la gorge. ” Winston Churchill

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Et si nous consommions “En mieux” ?

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AU QUOTIDIEN. Mieux s’alimenter ou s’habiller peut vite devenir fastidieux car il faut savoir lire entre les lignes des étiquettes, labels et autres arguments marketing. Grâce à une sélection de + de 1500 articles en « alimentaire », « hygiène et cosmétique », « maison » et « mode », la nouvelle marketplace en-mieux.fr, créée par Pauline Ebel en avril dernier, aide le consommateur à mieux consommer. Comment ? Pauline a pris soin de sélectionner chaque produit en fonction de leur composition, du lieu de fabrication, de l’emballage et de leur empreinte écologique. Elle s’appuie notamment sur l’appli SIGA qui permet de juger le degré de transformation des produits (et non pas uniquement le nutriscore comme le fait Yuka par exemple). « Quand on sait que 60 % de l’offre bio est déjà transformée, j’ai jugé utile de sélectionner la crème de la crème des produits non-transformés, labélisés bio, d’origines naturelles et fabriqués en France », précise-t-elle. Avant de lancer son site marchand, Pauline animait déjà le podcast « CommunauTERRE » qui met en avant des initiatives écoresponsables. À raison de deux épisodes par mois en moyenne, des invités partagent leurs habitudes, conseils et autres petits gestes qui contribuent à un monde meilleur. Une émission drôle, légère et pragmatique, ce qui n’est pas toujours le cas quand on parle écologie. MLS. communauterre.com, en-mieux.fr

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Une collab’ engagée

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MODE. Fruit d’un an de recherche, Nespresso et Zēta, start-up bordelaise de l’économie circulaire, dévoilent aujourd’hui RE:GROUND, les premières baskets recyclées fabriquées à partir de marc de café. Une révolution dans l’univers de la mode, car derrière chaque basket on retrouve 12 tasses espresso qui ont permis la fabrication du cuir vegan intégré dans les semelles de ces baskets. Le reste est composé à 80 % de matériaux recyclés et revalorisés. Comme pour les autres collections conçues à partir de raisin ou de maïs, chaque chaussure est assemblée à la main au Portugal et soignée jusque dans les moindres détails. MLS Une collection capsule stylée qui célèbre le café et l’économie circulaire, à découvrir sur zeta-shoes.com

Huile botanique très nature

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BEAUTÉ. Ils sont fabriqués en France à partir de plantes cultivées et transformées dans l’Hexagone, c’est le vrai + des cosmétiques Oden imaginés par Marion Weber. Une démarche de proximité et de totale transparence qui vous permet de connaître l’origine des produits que vous appliquez sur votre visage. Parce qu’on est un peu chauvine, on aime l’huile visage à la noisette de Gascogne – riche en vitamine E qui permet de réguler l’excès de sébum – idéale pour remplacer la crème de nuit. Ou encore l’huile à la prune d’Aquitaine, l’alliée des peaux déshydratées. ED 085


De la terre à l’assiette

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« On n’est jamais si bien servi que par soi-même » rappelle le proverbe du XIXe siècle. Une maxime qui colle parfaitement à l’histoire des quatre fondateurs de la nouvelle cantine de marché Les Récoltants, rue Sainte Colombe. Mélia nous en dit plus.

Entrée /plat/Dessert à 15 euros. Plat 9 euros. Tous les jours 2 entrées, 2 plats, 2 desserts sont proposés. Visite de la ferme à des écoles et particuliers.

Comment est né ce projet ? Nous sommes 4 associés : mon mari Thibaut vient du monde de la finance. Moi du marketing. Mais nous sommes avant toute chose des consommateurs attentifs à ce qui se présente dans nos assiettes. Pour mener à bien ce projet de restaurant-marché, nous nous sommes entourés de Jean, le chef du restaurant et de Julien, un maraîcher. L’idée est de créer un lieu convivial, nourricier et family friendly. Le credo de cette cantine est de ne proposer que des produits de la ferme. À quoi ressemblera votre cuisine ? Nous proposerons une cuisine française, des plats assez classiques mais revisités avec une pointe de

modernité, dans un esprit « cuisine de marché » qui mettra en avant le légume. La créativité va se faire sur le produit local grâce à Jean, notre chef d’équipe qui a quinze ans de métier derrière lui. Il n’y aura pas de fruits exotiques qui viennent du bout du monde. Pour cela vous avez créé une microferme. Vous pouvez nous en dire plus ? L’idée est de proposer des légumes ultra-frais, bio, en circuit ultracourt de la graine à l’assiette ! Depuis janvier, nous sommes en fermage dans le Médoc, à 18 kilomètres de Bordeaux. Nous cultivons environ 3000m2 de légumes de saison en agro écologie. Et nous complétons notre panier 086

avec des producteurs locaux 100 % bio. Nous avons également monté un atelier de poules pondeuses. Toute la production est destinée à notre cantine de marché. Et le restaurant ? Notre cantine aura un espace « marché » pour permettre à nos clients de partir avec leur panier de produits frais primeurs et de la viande, une épicerie et même du poisson car nous travaillons avec « Oh matelot », une pêche locale et durable. Il sera possible de se restaurer sur place ou à emporter. La livraison intra-muros sera assurée par les Coursiers Bordelais. Tous les produits périssables un peu abîmés seront cuisinés en bocaux pour ne rien gâcher.


Murphy ou l’art de l’économie circulaire

© Evgeny Atamanenko

SECONDE VIE. Saviez-vous que moins de 10 % des consommateurs font appel à un professionnel pour réparer un produit électroménager dit blanc lorsqu’il tombe en panne ? Une nouvelle start-up fondée par Guy Pezaku, implantée à Bordeaux et à Bègles, pense comme eux qu’il vaut mieux réparer plutôt que jeter puis racheter. Machine à laver, lave-vaisselle, lave-linge..., avec un forfait unique à 85 euros, les techniciens-réparateurs de la jeune start-up Murfy interviennent chez vous sous 48h. Une fois le diagnostic posé, plusieurs options s’offrent à vous : soit l’appareil repart, tout va bien. Soit des pièces de rechange sont nécessaires et vous acceptez les réparations. Soit les réparations sont trop onéreuses et le technicien vous propose de remplacer votre machine par un modèle reconditionné par leurs soins. « L’appareil coûtera 20 à 50 % moins cher qu‘en version neuve et le fameux forfait de 85 euros se transforme en bon d‘achat », précise le fondateur de la boîte. Les appareils sont livrés à domicile et garantis 1 an. Si vous avez l’âme d’un bricoleur, il est aussi possible de profiter de conseils en ligne gratuitement pour réparer vous-même la panne. À terme, tous les objets électroménagers seront concernés. Une initiative vertueuse pour faire des économies et du bien à la planète. ED. murfy.fr

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Une jeune marque de linge de maison bordelo-toulousaine a fait de l’ortie sa marque de fabrique. Si la production n’est pas encore française, les deux fondatrices de Maison Hortis comptent bien faire bouger les choses du côté de la filière. Et d’ici là, Maison Hortis fabrique local.

L’ortie, une fibre d’avenir

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Texte Émilie Dubrul Photos Maison Hortis


C

yrielle vit à Bordeaux. Elle est architecte spécialisée en décoration d’intérieur. Aude, la Toulousaine, s’est mise en disponibilité de l’Éducation nationale pour s’adonner à sa deuxième passion (après les Lettres classiques), le textile. En tant que professionnelles, les deux femmes avaient parfois du mal à trouver de beaux tissus avec une faible empreinte environnementale. « Quand on sait que l’industrie textile est la 2e industrie la plus polluante au monde, la question du sourcing de notre matière première s’est immédiatement posée », explique Aude. Ainsi est née Maison Hortis, une marque de linge de maison écoresponsable. « Sans vouloir faire la révolution, mais néanmoins avec quelques petites convictions éthiques et écologiques dans la poche, j’ai commencé à regarder du côté des matériaux textiles innovants, écologiques, locaux et éthiques, comme la basane, l’écaille de poisson, les coquilles d’huîtres et même les bactéries. Finalement l’ortie s’est imposée à nous. »

Une remarquable mauvaise herbe Plante textile connue par de nombreuses civilisations, avec des traces de son utilisation remontant à 5000 ans avant J.-C., l’ortie a l’avantage de pousser seule, partout, sans eau ni engrais. « Elle prolifère tellement qu’on a du mal à s’en débarrasser. Ce n’est pas pour rien qu’on la traite de mauvaise herbe, précise Cyrielle amusée. En réalité, c’est une plante magique ! » Dans l’industrie textile, seule la tige est utilisée, car elle contient la fibre. Les feuilles et les racines peuvent être transformées en produits de beauté ou utilisées pour l’alimentation animale ou humaine, notamment en tisane pour

les femmes enceintes car l’ortie contient énormément de fer. « Il n’y a rien à jeter, c’est ce qui nous a plu dans cette plante. Alors on s’est dit, avec notre idée de fabrication derrière la tête, que ce serait dingue de ne pas y arriver ! » Au début du XXe siècle, on cultive l’ortie en France. « Vers la fin de la Première Guerre mondiale, il y a eu une pénurie de coton et les uniformes des soldats allemands ont été tissés en ortie. Les Allemands la réquisitionnaient sur les territoires occupés. Ensuite, c’est tellement tombé en désuétude qu’on ne trouvait plus de fil d’ortie en Europe. Ça recommence tout juste à être cultivé, en Lorraine notamment. » Au-delà du linge de maison, Cyrielle et Aude souhaiteraient développer un réseau français autour de cette plante herbacée. Relancer une filière « mais durable » pour à terme pouvoir se fournir localement. D’ici là, les deux femmes se fournissent au Népal, pays qui possède une longue tradition textile. « On fait appel à une association qui fait travailler les femmes de la communauté 089

“L’industrie textile est la 2e industrie la plus polluante au monde. La question du sourcing s’est immédiatement posée”


“Nous allons probablement faire des tapis en collaboration avec l’atelier Mouty. On réfléchit aussi à la fabrication de luminaires en fil, de rideaux, de nappes...” Kulung de manière artisanale, à partir d’orties qui poussent à l’état sauvage », poursuit Aude. Tout le reste est fait en France dans une démarche la plus clean possible, en totale transparence pour le consommateur. »

Fibre durable Si le siège de la marque est basé à Bordeaux, les ateliers sont à Toulouse. Et c’est à Salies-deBéarn, sur un ancien métier à tisser en bois, que le fil d’ortie est tissé. « Patrick et Katy ont un plus de vingt ans d’expérience. C’est magique de les voir travailler.

Patrick est l’un des derniers tisserands d’art français. Il travaille pour des grandes maisons, le clergé, des hôtels, des artistes. Ils nous sont d’un grand soutien. » Pour les rembourrages des coussins, elles ont fait le choix de textiles recyclés en France, quand leur « zafu » (coussin de méditation) est garni en cosses d’épeautre bio de Provence. « Une autre de nos trouvailles », souligne Aude fièrement. Après une année bien remplie et une première collection aux coloris proche de la terre, de la nature, les deux femmes s’attellent

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à écrire le deuxième chapitre de l’histoire de Maison Hortis. « Nous allons probablement faire des tapis en collaboration avec l’atelier Mouty, c’est une de mes passions déco, confie Cyrielle. On réfléchit aussi à la fabrication de luminaires en fil, de rideaux, de nappes pour se diversifier du coussin. » Et Aude de poursuivre : « Mais aussi pour faire des mix de matières, pour avoir des touchers différents, des applications de matières différentes. Comme un plaid ortie-laine assez bohème, en laine naturelle népalaise. Les idées ne manquent pas ! »


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Texte & photos Émilie Dubrul (sauf mentions)

Pour des jardins durables À vos pelles et sécateurs ! L’automne étant la meilleure saison de l’année pour planter, nous sommes allés à la rencontre de Ludovic Descolas d’Odonates Paysages, une jeune société installée à Artigues-près-Bordeaux, histoire de glaner quelques sages conseils. Avant d’entrer dans le vif du sujet, pourriez-vous vous présenter ? Nous sommes une jeune entreprise d’aménagements paysagers spécialisée dans la conception des jardins naturels et nourriciers. Nous nous sommes lancés dans cette aventure il y a un peu plus de deux ans, après une première carrière de cadres dans une grande boîte du CAC 40. Nous avons eu besoin d’amener du sens à notre métier. D’effectuer un travail

de la tête et des mains en ayant un impact positif sur l’environnement, question qui nous est chère.

tèmes complets qui invitent des insectes en voie de disparition, dont font partie les odonates.

D’où vient ce nom Odonates Paysages ? Odonate est emprunté à la famille d’insectes qui comprend les demoiselles et les libellules. Ce nomlà vient de l’envie de faire des jardins qui ramènent de la biodiversité, en recréant des écosys-

Sur quel type de chantier intervenez-vous ? Des particuliers et des entreprises. Nous travaillons en ce moment sur le projet de restaurant de Marie-Curry, qui ouvrira en novembre du côté des Capucins. Nous sommes aussi en train de

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“Nous intervenons sur toutes les étapes de l’aménagement d’un jardin, de la création d’esquisses paysagères jusqu’à l’entretien. Cela comprend le choix des essences, la plantation, le système d’arrosage...” impliquant nos partenaires et nos clients et enfin, de retrouver le plaisir du rapport au vivant. Nous avions aussi à cœur dès le départ de créer de l’emploi. Même si beaucoup de gens nous ont déconseillé de recruter, nous sommes passés de 2 à 7 salariés en un an et demi et on déborde de demandes. C’est sûrement parce qu’on est sur un créneau de jardins naturels, en jouant sur le comestible, le jardin utile. Nous sommes arrivés au bon moment et l’épidémie de Covid nous a sans doute un peu aidés avec un retour au jardin.

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refaire tout l’aménagement du club de tennis du Bouscat. Nous intervenons sur toutes les étapes de l’aménagement d’un jardin, de la création d’esquisses paysagères jusqu’à l’entretien. Cela comprend le choix des essences, la plantation, la confection de terrasse en bois ou de mobilier de jardin, le système d’arrosage, entre autres.

Un aménagement du jardin de A à Z

Qu’est-ce qui vous anime ? Notre but est de contribuer à renaturer la ville et de travailler sur la question alimentaire en prenant part au mouvement de l’agriculture urbaine, de dynamiser une économie locale vertueuse en 094

La notion de local est très importante chez vous ? Vous nous partageriez quelques noms de partenaires ? Bien sûr ! Les pépinières Laffite dans les Landes ou l’Atelier du végétal en Dordogne, La Serre Ô Délices de Biganos pour les aromatiques, Aquiter pour le minéral. La terre vient de la Grande Jaugue à St Médard, où nous déposons aussi nos déchets végétaux. Et nous sommes est en train d’approcher les Détritivores pour le compost. Vous nous avez fait visiter le jardin de Carole et Philippe à Gradignan. En quoi ce chantier était intéressant pour vous ? C’est une magnifique parcelle d’environ 5000 m2 qui n’était pas entretenue depuis des années. Il y a encore deux ans, ici il avait un quart de ronces, un quart de bambous et beaucoup d’arbres morts. Mais il y avait aussi une petite


Devant ce qu’on imagine être un vrai « chantier », par où commence-t-on ?

Sur tous nos projets, on commence par une interview des propriétaires, pour définir le programme d’aménagement ensemble. On leur demande ce qu’ils veulent dans leur jardin. Comment ils vont l’habiter ? Parfois même à quoi ressemble le jardin de leurs rêves ?

Après, on regarde le budget évidemment. Philippe et Carole rêvaient d’un jardin autonome, avec des arbres nourriciers, une microforêt pour se balader, des fleurs, un potager… le tout avec une gestion naturelle de l’eau, donc travailler en permaculture. Et ensuite ? À partir de là, on met tout sur plan, on garde les arbres principaux et on peut tout imaginer dès lors qu’on a défini un thème. Dans ce jardin, le thème était la salamandre. Il y en avait beaucoup sur le lieu ce qui est très bon signe. Il a aussi fallu créer des chemins pour se rendre d’un point à un autre ou se balader. Mais ne pas trop ouvrir non plus pour préserver des espaces naturels et faire revenir des insectes, des oiseaux, des batraciens, et valoriser tout un écosystème. D’où la création de la mare ? Oui, la mare s’est imposée d’ellemême car nos clients en rêvaient secrètement, d’autant qu’il y avait un puits pour l’alimenter en eau et une rivière, pour évacuer le trop-plein.

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Ce sont les propriétaires qui sont venus vous chercher ? Oui. Cela faisait trois ans que Philippe et Carole habitaient cette maison sans pouvoir se projeter complètement dans ce jardin. C’était rempli de ronces sur une hauteur de 4 mètres de haut jusqu’à la balançoire. Ils ont mis beaucoup d’huile de coude, de passion et de patience à le nettoyer. Nous sommes arrivés à un moment où ils ne pouvaient plus s’en sortir seuls.

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rivière qui passe au fond du jardin et un puits. Nous avons réussi à nous projeter au-delà des ronces. C’était un très beau terrain de jeu.

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“Sur tous nos projets, on commence par une interview des propriétaires”


“On réfléchit ensemble au type de végétation à implanter avec ces climats qui changent” moustiques. Nous avons fait le choix de ne pas mettre de poissons car ils demandent une filtration plus importante. Ils remuent l’eau au fond, ça lève la vase et cela crée une eau trouble et donc on perd en oxygénation. En tant que professionnels, comment abordez-vous les dérèglements climatiques ? On en parle entre paysagistes et on réfléchit ensemble au type de végétation à implanter avec ces climats qui changent. D’autant qu’à Bordeaux, on a quand même de l’eau l’hiver, donc on ne peut pas mettre des plantes qui vivent en terrain sec toute l’année. Ce n’est pas évident. Si un client bordelais rêve d’un jardin méditerranéen, vous lui répondez quoi ? Que c’est possible même si nous ne sommes pas fans. Au club de tennis du Bouscat par exemple, nous avons mis de la végétation de Méditerranée, lavande, sauge, helichrysum, etc. Mais on a fait en sorte de drainer le sol pour qu’il ne se gorge pas d’eau l’hiver.

Les odonates font leur mue sur des plantes de berges comme les prêles

Quelles sont les erreurs à éviter lorsque l’on crée une mare ? Techniquement ce n’est pas compliqué en soi si l’on dispose d’une source ou d’un puits. Évitez les eaux de pluies. Il faut aussi créer différents paliers par rapport aux différents plants aquatiques qu’on va mettre dedans : des plantes de berges comme les prêles sur lesquelles les odonates font leur mue par exemple (cf photo), des plantes immergées dans 15-20 cm d’eau, des plantes flottantes dont les racines s’immergeront dans

80 cm d’eau comme les nénuphars. Souvent, on les conçoit avec un centre assez profond, jusqu’à un mètre cinquante, ce qui permet en cas de gel à toute la faune aquatique de s’y réfugier. Les plantes de berges sont indispensables pour oxygéner et filtrer l’eau naturellement. 30 à 50 % des berges doivent être plantés. Une mare ne risque-t-elle pas d’attirer les moustiques ? Les grenouilles et les libellules font très bien le job contre les 096

Quel est le meilleur conseil que vous pourriez donner à un néojardinier ? Qu’il ne faut rien sortir d’un jardin ! Tout est réutilisable pour fertiliser le sol, créer de la biomasse avec la tonte, les feuilles mortes de l’automne. À condition bien sûr de ne pas avoir de mono-espèces. Si vous mettez des haies, mixez les essences pour avoir de la biodiversité. C’est une bonne solution pour gérer facilement ses déchets verts quand on est en ville.


Mode ×

“L’univers n’aime pas le vide ! J’aime combler les manques, créer ce qui n’existe pas.” Delphine Crech’Riou, créatrice. Page 102

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Merci Clodette !

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BIJOUX. Agathe a lancé en juillet dernier son site internet sur lequel elle propose des colliers, boucles d’oreilles, bracelets, chaînes de chevilles et chaîne de ventre ainsi que des grigris de téléphone personnalisables. Réalisés à partir de pierres naturelles semiprécieuses, la plupart de ses bijoux sont imaginés, conçus puis fabriqués dans son atelier bordelais en plaqué or 3 microns 18 carats, à la fois waterproof et hypoallergénique. Une première collection « Sole Mio » faite de pièces uniques est à découvrir sur merciclodette.com. MLS

Des huiles de parfum 100 % naturelles

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BEAUTÉ. Les deux sœurs Bérénice et Héloïse Cauchois ont créé une nouvelle maison de parfumerie alternative. Alternative car leurs produits sont conçus sur une base d’huile et non d’alcool, qui permet une meilleure tenue. Chaque fragrance est créée par deux nez bordelais (Les Olfactines), produite à Grasse puis assemblée et conditionnée à Agen. Un concentré de parfum composé d’ingrédients d’origine naturelle, adapté aux hommes et aux femmes et proposé sous forme de roll-on 15 ml. Un format pratique que l’on peut dégainer n’importe où et n’importe quand ! MLS elaio-parfums.com 098


Magali, cheffe de village

© Nicolas Duffaure

PORTRAIT. « Je suis le couteau suisse de Bord’eau Village. » Magali Cerdan se présente ainsi, avec un large sourire, dans son bureau de ce qui était hier le Quai des Marques. Et qui sous la houlette de son nouveau propriétaire-bailleur, la Société Tour Eiffel, a été rebaptisée Bord’eau Village. Un nouveau positionnement né d’une réflexion durant les confinements quant aux nouveaux modes de consommation, et qui se traduit par l’arrivée, sur ce site de plus de 29 000 m2, d’enseignes innovantes. Directrice du site, Magali, pro de la gestion immobilière, a dû se frotter à la communication, au marketing et même à l’animation au sein de son poste « très hybride ». Le long des 800m qui bordent la Garonne, Bordelais et touristes viennent faire du shopping, se régaler (13 restaurants), découvrir des talents à travers des œuvres réalisées autour du thème de l’environnement. En projet, entre autres, un parcours de jeux pour les enfants et un décor de Noël « pas du tout tradi. » Bon vent à cette voileuse aguerrie, dont l’énergie force l’admiration. MC Dans le cadre de son programme de conférences, d’ateliers et d’expos sur le thème de la protection de la nature et des océans, la semaine du 24 septembre au 2 octobre sera dédiée au développement durable. Après un ramassage des déchets sur les quais de la Garonne, une initiative qui s’inscrit dans la stratégie environnementale de la Société Tour Eiffel.

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© Bordeaux Photographie

À découvrir sur gellini.fr

Pour une mode chic & intemporelle Fille et petite-fille de créateurs de vêtements, Mathilde a été bercée par le bruit des machines à coudre et c’est tout naturellement qu’elle crée sa marque en 2021. La maison Gellini propose des pièces basiques et intemporelles pour une mode sobre, épurée et intemporelle. Et si le chic français était bordelais ? Interview.

Baignée dans l’univers de la confection textile, votre destinée était toute tracée ? C’est mon grand-père, Robert Gellineau, qui en 1963 se lance dans la création de vêtements professionnels dans les Deux-Sèvres. Rejoint par mon père quelques années plus tard, ils se diversifient et développent une gamme de prêt-à-porter féminin. Il est vrai que déjà toute petite, je dessinais des croquis de vêtements dans l’atelier familial et après des études de commerce à Paris, j’ai lancé ma marque de vêtements pour femmes contre l’avis de ma famille

me mettant en garde des difficultés entrepreneuriales. À 35 ans vous créez une marque de vêtements plutôt classiques, d’où vous vient cette inspiration ? Pour moi, s’habiller ne doit pas être une prise de tête. J’ai donc réfléchi à des lignes de vêtements comme des basiques intemporels, pratiques et élégants pour les femmes qui aiment les vêtements de qualité qui ne se démodent pas. Nos collections sont ainsi réduites à quelques références, en majorité monochromes, avec une ligne très épurée. Libre à chacune de 100

les assortir ou de les accessoiriser à l’infini ! Vous imaginez vos collections à Bordeaux. Où sont-elles confectionnées ensuite ? Toutes nos collections sont fabriquées dans notre atelier familial à Chiché dans les Deux-Sèvres et bientôt en Gironde. En imaginant l’univers de Gellini, je me suis engagée dans une démarche de durabilité à travers un style minimaliste, intemporel, avec très peu de pièces, un peu comme un contre-pied à la fast fashion pour acheter mieux et moins et désencombrer les placards. Je m’implique personnellement dans le processus de fabrication afin de valoriser notre savoir-faire local et je suis continuellement à la recherche de matières premières en circuits courts. La majeure partie de nos pièces (tops, chemises, shorts, jupes, pantalons, robes ou combinaisons) est confectionnée à partir de tissus Oeko Tex, viscose et coton ; des matières assurant une qualité et une durabilité irréprochables, tout en étant agréables au toucher comme au porter. MLS


Néovestiaire

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BOUTIQUE. Le 14 juin dernier, Christophe Sicot, fondateur de la marque 12iA, a inauguré sa première boutique à Bordeaux. Créée en 2021, la jeune marque française propose un vestiaire épicène, confortable et chic. Pour ce créateur, l’objectif reste avant tout de se sentir bien dans ses vêtements. Ses inspirations ? Des collections à la fois modernes, intemporelles et décontractées pour habiller tout le monde quel que soit le genre, l’âge ou la morphologie. Plus qu’un simple point de vente, la boutique devrait s’imposer avec le temps comme un véritable lieu de rencontres artistiques et culturelles. Au programme ? Des expositions, des scénographies, mais aussi d’autres performances artistiques. MCH 4 rue de Grassi, 33000 Bordeaux 12ia.fr

Des casquettes éco-conçues pour vos p’tits loups

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KIDS FRIENDLY. Envie d’une mode durable, engagée, garantie 100 % bio ? Poule Party est la marque de bobs et casquettes pour petits et grands à découvrir absolument. Avec ses slogans décalés – Enfant Re-Loup, Sheep-moi pas mon goûter –, elle donne le ton d’un style cool et décontracté, qui fait du bien à la planète. On achète ! PG poule.party, de 12€ à 45€ 101


Rendez-vous chez Delphine Crech’Riou Delphine Crech’Riou laisse entrer le soleil. Fondatrice avec son associée Jenny Collinet des marques Hipanema et Wild, la quadra imagine aujourd’hui une griffe de joaillerie à son image, joyeuse et colorée, Van Den Abeele. Néobordelaise, elle nous reçoit dans son sublime appartement du centre-ville, imprégné de ses voyages ; entre souvenirs exotiques et œuvres d’art.

Texte Pauline Gallard Photos Claire Lafargue

Q

uand on arrive chez Delphine, impossible de passer à côté de sa lumière. Qu’il s’agisse de son somptueux pied-à-terre du cœur de Bordeaux, avec vue panoramique sur la cathédrale Saint-André, ou de son grand sourire, tout irradie chez cette entrepreneuse arty. Avec sa blondeur éthérée, sa robe dans un camaïeu ensoleillé, Delphine Crech’Riou nous reçoit pieds nus, s’il vous plaît. « Vous voulez que je mette des chaussures ? » Pas de chichi entre nous, Delphine est nature, solaire et connectée. À l’image des griffes qu’elle développe avec passion depuis une décennie maintenant.

Lieu intime Installée à Bordeaux depuis presque deux ans, elle a amené avec elle tout le studio de création de ses marques. 102

Alors pourquoi la capitale girondine ? « Pour la qualité de vie évidemment ! On est à deux heures de Paris où travaillent toujours mon associée et le reste de l’équipe, c’était la destination idéale. » Et quand on voit son pied-àterre, on ne peut la contredire. « On a eu un vrai coup de cœur pour cet appartement, il est tellement bien que j’ai du mal à réaliser que j’y habite ! », s’enthousiasme-t-elle. Il faut dire que son petit nid ne laisse pas indifférent. Un couloir d’entrée laisse planer le suspense un court instant, pour mieux s’émerveiller en découvrant l’immense pièce à vivre, salon-salle à manger baigné de lumière grâce à l’incroyable véranda qui ouvre sur une terrasse. Sous le regard bienveillant de la Vierge d’Aquitaine en bonus. « J’ai du mal à ouvrir les portes de chez moi, c’est un



lieu si intime où chaque chose possède une signification. » Pas de déco, mais des souvenirs. Des pièces choisies avec soin, rapportées de ses expéditions au bout du monde, en Inde et en Asie. Un petit canapé recouvert de coussins aux étoffes soyeuses, un cheval en bois sculpté, ou encore un grand palmier côtoient une belle table flanquée de chaises de créateurs. « Je déconseille avec des enfants », précise-t-elle encore en souriant. Sur les murs, des dessins de couturiers comme Jean-Charles de Castelbajac, chez qui elle a débuté, des peintures de ses amis artistes, une tête de tigre stylisée. Chaque objet est une invitation au voyage, à l’image de ses malles empilées, dominées par un élégant lampadaire en palmes dorées.

Du Brésil à Bordeaux Dans sa bibliothèque aux mille monographies, de somptueux colliers d’apparat en cauris, ces petits coquillages que l’on retrouve dans ses manchettes fétiches. Car derrière l’eau tranquille de ses mouvements aériens, brûle le feu d’une vie bien remplie. « L’univers n’aime pas le vide! J’aime combler les manques, créer ce qui n’existe pas. » C’est avec ce mantra qu’il y a dix ans, elle imagine sur une plage au Brésil, avec son amie Jenny, la marque de bijoux Hipanema. Le succès est immédiat. « Les planètes étaient alignées ! » Il est là aussi le secret de Delphine Crech’Riou, une bonne idée, beaucoup de travail, et ce petit coup de main

“J’ai imaginé Van Den Abeele comme une déclinaison de bonbons précieux et colorés, avec des pierres que je suis allée chercher en Inde”

du destin. Croire en sa bonne étoile. Des symboles qui portent chance, des rencontres qui encouragent. Sur une table, un puzzle de la ville de Bordeaux. Mille pièces, même pas peur. « Ça nous permet avec mon conjoint d’être incollables sur les rues des villes ! » La vie est un défi pour la cheffe d’entreprise, qui vient de s’en lancer un nouveau : après les bijoux Hipanema, les vêtements Wild aux imprimés originaux, l’insatiable quadra imagine Van Den Abeele, une marque de joaillerie qui porte le nom de son (futur ?) mari. « Je me suis acheté quatre robes de mariée, mais on n’a pas encore sauté le pas ! », s’amuse-t-elle. Et c’est en solo qu’elle se lance dans ce nouveau projet. « Je cherchais de beaux bijoux, mais je n’ai rien trouvé. J’ai commencé par en dessiner quelques-uns, et finalement il y en avait tellement que j’ai créé une marque. » Le résultat est à la hauteur : une joaillerie « joyeuse et colorée », à l’image de la collection Stella – du nom de sa fille aînée – qui rayonne comme un astre et se décline en topaze bleue, citrine orangée, diamants. Des arcs-en-ciel à porter sur tous les doigts.

Douce folie Colliers, boucles d’oreilles, chevalières, Van Den Abeele dépoussière le genre avec sa douce folie arty. « J’ai imaginé Van Den Abeele comme une déclinaison de bonbons précieux et colorés, avec des pierres que je suis allée chercher en Inde. Le fil rouge de ma créativité, c’est la couleur ! La thérapie par la couleur. » Passionnée, en mouvement créatif perpétuel, Delphine Crech’Riou a pourtant bien le sens des priorités. « Mon objet préféré ? Un cadre avec des photomatons de ma famille. C’est ce que je prendrais en premier ! Car à la fin, peu importe ce qu’on a fait, l’amour est le plus important. » 104


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Texte Pauline Gallard Photos DR

Odace, le retour du tailleur Le tailleur is back ! C’est le grand retour mode de cet automne, celui auquel vous n’échapperez pas. Out les épaulettes XXL, les combo jupes-tailleurs imprimé tartan. Dans sa version 2022, le tailleur se décline en veste et pantalon, hypermoderne et coloré. Nous avons rencontré Émeline Pereira, fondatrice d’Odace, une maison de couture bordelaise qui réalise des pièces à la commande. Zoom sur ce come-back aussi inespéré qu’attendu.

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“Je voulais des couleurs, des propositions fortes. Mettre en avant des coupes modernes, tout en gardant la qualité du produit”

Droite ou croisée, poches plaquées ou coupées, chez Odace, chaque veste est unique.

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uand on vous dit tailleur pour dames, vous pensez à quoi ? Au style androgyne de Catherine Deneuve, alors icône de Saint Laurent dans les seventies ? À Melanie Griffith dans Working Girl, ou aux cabinets d’avocats des années 2000 façon Ally McBeal ? L’histoire du tailleur féminin est intimement liée à l’émancipation de la femme. Sauf qu’il faut bien se l’avouer, il est un peu tombé en désuétude ces dernières années. Soit très rock et branché, ou alors réservé à des secteurs type banque d’affaires, le tailleur est aux abonnés absents de nos vestiaires. En cause : un chamboulement profond 108

de la société. Les sneakers ont peu à peu remplacé les talons hauts dans nos quotidiens mode trop pressés, les tenues confortables ont battu des records d’achat dans une ère post-Covid. On veut du cool, du bien-être, courir après son bus en sortant du travail, dire non aux cotons rêches et matières qui font transpirer. Les open spaces ne font plus leur loi mode, et les femmes se sont émancipées des diktats qui leur imposaient le tailleur-jupe. Et pourtant, dans cette ère de l’ultra loose, où les frontières entre vestiaire féminin et masculin s’amenuisent, où tout n’est que sweat, legging, t-shirt et tenues sportswear, il y a de la place pour un grand retour : le savoir-faire. Derrière cette réflexion mode à géométrie variable, cette période où le télétravail autorise des vestiaires indoor en fibre de bambou, les créateurs donnent un second souffle aux traditions, aux coupes structurées, aux classiques. À l’image de la créatrice bordelaise Émeline Pereira, aux rênes de sa griffe spécialisée dans le tailleur, la bien nommée Odace. Car il en faut pour ressusciter ce fashion créneau ! Cette ravissante blonde en jean est de celles qui ont opéré sur le tard une reconversion totale. Véritable porte-parole de ces néomanuels, qui changent d’orientation après un parcours plus classique, la jeune femme, bientôt la trentaine, est une amoureuse des jolies coupes, des belles matières – naturelles, bien entendu – et de la transmission des savoir-faire.

Le retour de l’élégance classique modernisée Dans son atelier, on trouve une ribambelle de vestes colorées, rose, parme, jaune, terracotta, un medley de déclinaisons comme un avant-goût des possibles du tailleur de demain.


Ambassadrice du tailleur moderne, Émeline dépoussière le secteur avec des pièces pop et colorées. « Je voulais des couleurs, des propositions fortes qu’on ne trouve pas ailleurs. Mettre en avant des coupes modernes, tout en gardant la qualité du produit. » À l’intérieur de la veste de tailleur, vous trouverez la fameuse « cigarette », une épaulette structurant la manche, pour un résultat moderne et stylisé qui vient respecter un savoir-faire traditionnel de qualité. Les pantalons se veulent fuselés, plutôt classiques, même si la jeune femme peut bien opter pour un modèle ultra-large. Car si Émeline réinvente le tailleur, elle l’imagine totalement made in France, avec ses doublures françaises. « Tout est fait à Bordeaux! » Jusqu’aux boutons et boucles de vestes, qu’elle fabrique ellemême. « C’est ma petite particularité. On choisit ses boutons chez Odace, précise la jeune femme. Je commande des plaques d’acétate de cellulose en Italie,

Artiste totale, Émeline réalise également ses boutons sur mesure.

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et je les réalise avec une découpe laser. » Variation aux vestes classiques, Émeline propose aussi des vestes tailleurs sans manche. « On la porte seule, ceinturée, sans rien dessous ou avec de jolis sous-vêtements, et même l’hiver avec un col roulé. » Souvent considéré comme ringard, le tailleur nous apparaît ici sous un nouveau jour. « Je pense qu’on observe un retour de l’élégance un peu classique modernisée, nous explique la créatrice. Par exemple, je ne propose pas de tailleur-jupe, mais j’aime l’idée de décaler, d’associer une veste à un jean, et un pantalon à un t-shirt. Et quand on met un ensemble tailleur-pantalon, on mise tout sur les couleurs. » Précurseuse face à l’engouement, Émeline privilégie la mode valeur refuge. « J’aime le vestiaire masculin. C’est pour ça que mes vestes sont assez droites, pas serrées bien que cintrées, avec une petite touche boyish très élégante. »

Odace-tailleur.fr Showroom sur rendez-vous.

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Tailleur pour dames Après des études de commerce international, une expérience à Dublin où elle prend des cours du soir en couture, c’est le déclic. « Je me suis lancée dans les études supérieures sans développer ma créativité, confie la créatrice. Je n’avais pas conscience que la couture m’intéresserait autant ! » Émeline reprend un CAP couture, puis rejoint la Philomatique à Bordeaux pour se spécialiser en tailleur dame. « Je voulais réaliser des vestes, des pantalons, du manteau personnalisable, des propositions qui n’existaient pas sur Bordeaux. » Émeline réfléchit un temps à rejoindre une maison de couture à Paris. « Mais quand on intègre un atelier, on est mono-tâche. » La créatrice affine son offre et imagine Odace : des vêtements en semi-mesure que la cliente


“Le style Odace ou l’élégance d’un savoir-faire auréolé d’intemporel” peut personnaliser. Vous avez envie d’une veste qui vous ressemble ? Vous pouvez choisir la longueur, court ou mi-long, le col, les boutons, croisés ou non, ainsi que la finition, avec le bas arrondi ou simple. « C’est votre veste, il n’y en a pas deux identiques ! », s’enthousiasme la créatrice qui choisit avec soin ses matériaux. « Je ne travaille qu’avec des matières naturelles et mieux sourcées. Pour les tissus, je propose du 100 % laine vierge, ou du 100 % crêpe. » Sans aucun stock. « C’était l’idée de ne pas avoir de stock : le côté artisanal. Je suis autant une marque qu’un artisan. C’est la cliente qui vient personnaliser son vêtement de A à Z. Je vais m’adapter à ses envies et à sa morphologie, car nous sommes toutes différentes, d’où la difficulté de s’habiller en prêt-à-porter puisqu’on est obligé de rentrer dans des cases. » Les clientes d’Émeline sont plurielles, viennent de tous les horizons, ont entre 30 et plus de 60 ans. Derrière chaque commande, la même volonté : renouer avec sa féminité, avec cette touche d’originalité. « Si vous voulez une tenue pour un évènement particulier, je vous recommande le tailleur-pantalon. Mais en rose fuchsia ou en orange ! » La garantie de faire la différence avec cette touche de chic décalé, et de se sentir bien dans sa peau : « Cette recherche du bien-être passe aussi par ce qu’on porte, surtout dans la couleur. Trouver le bon vêtement, ça apporte de la confiance. » Cet automne, mettez du pop dans vos basiques. Ayez un peu d’Odace. 111


Maroquinerie végane et very cool Alénore. Derrière ce nom aux consonances aquitaines, se cachent les fondatrices d’une marque de maroquinerie végane. Anne-Laure et Noémie, amies depuis toujours, ont associé leurs compétences et leur passion commune pour imaginer des sacs dans l’air du temps, à base de cuir végétal. Rencontre dans leur studio de création bordelais.

Texte Pauline Gallard Photos Voir mentions

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uand Anne-Laure me présente son sac porté épaule, on a follement envie de le toucher. Caresser son velouté saisissant au rabat sophistiqué, qui n’a rien à envier à la maroquinerie de luxe. Car ne vous y trompez pas : si la marque Alénore propose des articles en cuir végan, plus précisément en Apple Skin, elle a de quoi faire pâlir d’envie les grands noms du secteur. « La matière vient d’Italie, et les produits sont fabriqués à Toulouse, dans un atelier familial », me précise la jeune femme. Une marque aux valeurs fortes, made in France, pour une production responsable et respectueuse de la planète, née de la passion commune de deux jeunes femmes au profond désir d’entreprendre.

Rêve en tandem L’une est à Bordeaux, l’autre aujourd’hui au Canada, mais entre 112

ces deux-là, c’est à la vie, à l’amour. Anne-Laure et Noémie se sont rencontrées à Toulouse, sur les bancs de leur école. « J’ai toujours eu une sensibilité pour la communication, et Noémie a une vraie passion pour les chiffres, ce qui n’était pas du tout mon truc », s’amuse Anne-Laure. Avec son grand sourire communicatif, la jeune femme, créatrice de contenus depuis une décennie, réalise aujourd’hui son rêve en tandem. « Nous savions depuis toujours que nous aurions un jour un projet commun, quelque chose qui nous ressemble », confie Anne-Laure. Fans de sacs, les deux amies inséparables imaginent très vite une marque de maroquinerie. « Noémie est végane, alors on a immédiatement rejeté l’idée du cuir animal, et on a cherché un produit en adéquation avec nos valeurs. » Mais quelles sont les alternatives ? Les jeunes femmes se


© Gil Roy


lancent dans un sourcing acharné pour trouver la bonne matière, celle qui leur permettrait d’imaginer une collection de sacs à l’esthétique classique, avec cette touche moderne. « On voulait quelque chose de lisse, de carré, de net. » Du beau, oui, qui dure, bien sûr, tout en élevant les consciences ! « On nous a parlé d’une matière à base d’ananas, baptisée Pinatex, mais le rendu était trop fibreux. » À force de persévérance, de salons dédiés aux produits végans Anne-Laure et Noémie font la rencontre décisive, qui les emmène jusqu’en Italie. « Nous avons découvert cette matière réalisée à base de déchets de pomme, qui se trouve être extrêmement résistante et permet de très jolies variations

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Infos pratiques alenore.com

© Virginie Zilbermann

“Nous avons découvert une matière réalisée à base de déchets de pomme, extrêmement résistante, qui permet de très jolies variations de couleurs”

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de couleurs, de textures. » En parallèle, elles dénichent la pépite : un atelier de maroquinerie familial, labellisé Entreprise du Patrimoine Vivant français. « On a eu la chance de trouver notre atelier à 50 km de Toulouse. » Le couple qui le dirige ne cache pas son enthousiasme à l’idée de travailler cette nouvelle matière, et leur est d’une grande aide dans l’élaboration des prototypes qu’Anne-Laure dessine. Leur style se veut intemporel : « La volonté d’Alénore, c’était d’être original sans l’être trop, tout en proposant une alternative au cuir animal. »

Aventure engagée Après la crise du Covid, qui met en stand-by leur projet, la confection peut reprendre. Nous sommes en mars 2021, Alénore prend officiellement son envol. « On a lancé le site le jour du printemps, tous nos sacs ont des noms de fleurs.» Leur gamme se compose de deux sacs tout en clin d’œil printanier : un


© Virginie Zilbermann

élégant petit modèle porté épaule baptisé Pâquerette, ainsi qu’un grand sac cabas indispensable, le Mimosa. « On adore son esprit panier, avec ses grandes anses assez fines. » Chaque détail est minutieusement réfléchi, comme la grande poche zippée pour ranger son téléphone, ou le fond renforcé pour ne pas qu’il s’affaisse. « Parfait si vous mettez vos gourdes, votre ordinateur», nous confie la créatrice. Pour compléter cette offre, huit accessoires de petite maroquinerie : porte-cartes, porte-monnaie, porteclés, etc. « Fin août, nous allons sortir une déclinaison de notre cabas version mini, le mini-Mimosa, en bleu marine, noir, bordeaux. » Pour les fêtes, les créatrices travaillent au lancement de leur sac Pâquerette, en maxi. « Plus qu’une marque de sacs, c’est une marque de valeur et d’amitié », s’enthousiasme Anne-Laure. Des indispensables du quotidien, pour faire de chaque jour une aventure engagée.

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© Virginie Zilbermann

Sac cabas Mimosa ou version bandoulière Pâquerette, vous craquerez pour ces indispensables qui se déclinent en différents coloris. Avec ses pièces de haute maroquinerie végane et végétale, Alénore nous offre le meilleur du chic made in France.

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SÉLEC TI ON

LES 10 PLUS BEAUX CONCEPTSTORES

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Rien de telle qu’une petite virée en centre-ville pour flâner entre deux boutiques. Parmi elles, les conceptstores possèdent un charme tout particulier. Prêt-à-porter, accessoires, décorations, produits de bien-être ou encore meubles… Ces boutiques devenues un lieu de shopping incontournable revendiquent un véritable art de vivre comme on aime ! À chacune son style, chacune sa personnalité. Voici notre sélection. MCH


Mint Bazar

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À deux pas de la place Camille Jullian, Mint Bazar est l’un des plus anciens concept-stores de la ville. Ouverte depuis plus de treize ans, la boutique propose des vêtements, de la décoration, des plantes, de la vaisselle et beaucoup d’autres accessoires. Grâce à la styliste Nathalie Doriac, les produits sont repérés à Paris avant d’être envoyés à Bordeaux. Seul critère : correspondre à l’univers frais et coloré de la boutique ! Ici, l’objectif reste de garantir une diversité dans les produits et dans les marques afin de proposer plusieurs gammes de prix. mintbazar.fr

Do you speak français

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Située en plein cœur des Chartrons, plus précisément le long de la rue Notre-Dame, cette petite boutique intimiste a été créée il y a sept ans par Gaëlle et Maxime. À l’intérieur se cache une multitude de produits 100 % français. Entre collection de chaussettes colorées, bougies aux mille senteurs, puzzles en tout genre et prêt-à-porter, la boutique possède son lot de petits accessoires. Dans l’idéal, les deux créateurs aimeraient proposer davantage de produits made in Nouvelle-Aquitaine, mais une chose est sûre, tout dans la boutique est made in France… Alors pas d’inquiétude à avoir sur la provenance des produits ! doyouspeakfrancais.fr 117


SÉLEC TI ON

Free Spirit

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Dans ce temple du bohème chic, sourire et bienveillance sont les maîtres-mots. Au beau milieu du quartier des Chartrons, Odile et Myriam n’ont qu’un objectif en tête : mettre tout le monde à l’aise ! Concernant les articles, les deux commerçantes proposent des vêtements, des bijoux, des accessoires, mais aussi d’autres produits de beauté… C’est notamment l’occasion de découvrir des marques comme Au Soleil de Saint-Tropez, Hipanema, Wild, Save My Bag, Chicosoleil, Belle Vague, Gimber ou encore Paoma ! Le leitmotiv de la boutique ? Faire attention à l’origine et aux conditions de fabrication des produits. freespiritconcept.fr

Altermundi

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Le concept-store écoresponsable Altermundi vient d’ouvrir ses portes à l’angle des rues Porte Dijeaux et Vital Carles. Après avoir enrichi son réseau de magasins parisiens pendant plusieurs années, l’enseigne saute le pas et inaugure sa première boutique en province. Dans ce nouvel écrin lumineux de 200m2, on trouve aussi bien des produits ménagers que des accessoires de mode, mais aussi des jeux et de la décoration. Le petit plus ? L’enseigne valorise l’artisanat, l’upcycling, les produits bio & végans et le made in France. C’est donc la boutique idéale pour se faire plaisir avec des produits durables et responsables ! altermundi.com 118


Persona

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Ouvert depuis décembre 2021, ce magasin aux influences scandinaves est situé à deux pas de la place Pey-Berland. Suédoise d’origine, sa fondatrice Viveka a souhaité créer une boutique de décoration associée à un salon de thé. Au menu, il est possible de déguster des spécialités comme le typique smørrebrød ou certains gâteaux suédois. Ici, tout est fait maison et Viveka privilégie les objets européens venant de petits artisans. Côté produits, la boutique propose de la décoration, des accessoires pour enfants mais aussi des gros meubles comme des canapés ou des tables de salle à manger. La petite terrasse intérieure est idéale pour déguster un en-cas à l’heure du déjeuner, ou se poser après une longue journée. @personadesigncafe


SÉLEC TI ON

Depuis le 10 mai dernier, une boutique a fait son apparition en plein cœur de l’ancien quartier des antiquaires, non loin du Madd. De son petit nom Glloq, cette nouvelle arrivée s’est fait directement remarquer par son côté atypique et chaleureux ! Architecte d’intérieur de formation, Marina adore la décoration, mais a aussi un goût inné pour les bonnes choses. Dans cette épicerie surréaliste, la commerçante propose des pâtes, du chocolat, des sauces, de la confiture, mais aussi d’autres produits artisanaux plus décoratifs. C’est notamment le cas de sa vaisselle espagnole de Grenade ou ses verres d’un souffleur de verre égyptien. Le gros avantage ici, c’est que Marina sélectionne uniquement des produits qu’elle connaît et qu’elle affectionne particulièrement !

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Glloq


Nos Minis

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Au centre des Chartrons se cache une petite boutique à la devanture d’un bleu roi scintillant. Une fois franchie la porte, un véritable temple de l’enfance s’ouvre à nous. Créée il y a trois ans par Marion, Nos Minis propose plus de 80 marques différentes dédiées aux bambins. Jouets, accessoires, littérature, vêtements ou encore décoration… Tout est fait pour satisfaire les petits, mais aussi les grands enfants ! Ici, les matériaux nobles comme le bois, le silicone ou le coton bio sont privilégiés. Marion a également tenu à créer sa propre marque, Nos Minis, qui propose des vêtements pour les enfants et les parents.

Marie Tournelle

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Installé depuis quelques mois dans la rue Castillon, le concept-store Marie Tournelle ne risque pas de passer inaperçu. Sa devanture d’un rouge éclatant attire forcément l’œil de tous les passants. À l’intérieur, Valérie et Patrice Maillet vous accueillent avec joie et bonne humeur dans leur boutique d’un éclectisme hors du commun. En effet, il est possible d’y trouver des articles de papeterie, des outils de calligraphie, mais aussi des objets vintage comme des lampes lapin caché ou des vases en forme de fruits. Cette originalité poussée à son paroxysme vient sans nul doute du passé de Valérie et Patrice, anciens antiquaires spécialisés dans la Haute Époque. Une bonne adresse pour dénicher des cadeaux uniques et colorés ! facebook.com/Marie.Tournelle.Bordeaux 121


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Jorlia

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Niché au cœur de la rue des Remparts, ce concept-store a également des allures de coffee-shop. À l’étage, il est possible de commander quelques boissons, tandis que le showroom se situe en descendant quelques marches. La fondatrice, Julia, sélectionne ses collections directement à Paris. Des nouveautés débarquent toutes les trois semaines parmi lesquels des vêtements, des bijoux, de la papeterie mais aussi de l’épicerie fine ! Jorlia favorise également les produits locaux en proposant des gourmandises bio, véganes et une formule déjeuner élaborée par la naturopathe Émilie Borriglione. jorlia.com

Maison Prune

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À deux pas de la rue Sainte-Catherine, cette petite boutique allie authenticité et bon goût pour créer des collections adaptées à tous les styles. Les différentes marques proposées sont sélectionnées pour leur histoire, leur identité et leur sensibilité à l’environnement. L’objectif de Maison Prune ? Marier les styles et les univers en mettant à l’honneur les tendances. Prêt-à-porter, bijoux, lunettes, lingerie, accessoires de décoration et bougies artisanales... chacun trouvera son bonheur selon son budget ! maisonprune.com 122


Déco ×

“La simplicité est la clé de toute véritable élégance.” Coco Chanel

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Pour se meubler malin

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Pour les étudiants et les jeunes actifs, se meubler reste un vrai casse-tête. Il y a les heures passées sur le net à la recherche du canapé-lit idéal à moindre coût. Les efforts pour persuader les parents de céder la table basse héritée de grand-mère ou pour convaincre les amis de filer un coup de main un dimanche matin pour emménager au sixième sans ascenseur. Avec le concept de Kolibri-location, une start-up bordelaise spécialisée dans la location de meubles, cette litanie ne sera plus qu’un mauvais souvenir. Elliot Magrez, l’un des trois fondateurs nous en dit plus. kolibri-location.fr

Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de créer Kolibri ? Je viens d’une famille présente dans le commerce du meuble depuis cinq générations. J’ai l’entreprenariat dans la peau et je peux m’appuyer sur une solide connaissance du terrain. À l’issue de nos études de commerces, avec Pierre-Olivier et Marc-Antoine, aujourd’hui mes associés, nous avons réfléchi aux nouveaux modes de consommation. Aujourd’hui, on loue son logement, sa voiture, et même ses vêtements, on s’est dit pourquoi pas les meubles. En quoi cela consiste ? Quelques clics suffisent pour meubler tout votre logement pour la durée que vous souhaitez. Du studio étudiant à

la villa de vacances au bord de la mer, l’offre de Kolibri intègre toute la logistique avec si nécessaire un gros degré de finition. Nous venons par exemple toute juste de livrer une villa sur le bassin qu’il fallait meubler pour les deux mois d’été avant qu’elle ne soit détruite. En profitant d’un solide partenariat avec le Village du meuble notamment pour la conception d’ensembles, aucune prestation ne nous effraie. Nous livrons sous dix jours, nous installons et nous récupérons les meubles. Fini les grosses galères. Et on réactualise notre offre de mobilier régulièrement pour coller à la tendance déco. Vous prônez également un mode de consommation du meuble plus durable. 124

Oui. Avec Kolibri, notre volonté est de mettre en place un mode de consommation du meuble plus flexible, plus responsable, pour des personnes qui ont des besoins ponctuels. La pierre angulaire de Kolibri, c’est l’économie circulaire. Une fois les meubles récupérés, s’ils ont une usure naturelle, on va les réhabiliter, les réparer. S’ils sont trop abîmés pour être remis dans le circuit de location, on les revend ou on en fait don à des associations. Combien cela coûte-t-il ? Notre première offre commence à 89 euros par mois (pack étudiant) et peut aller jusqu’ 300 euros pour des packs plus premium, avec à terme du meuble à la carte. ED


Objets uniques

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VINTAGE. En novembre 2021, Élodie Maudet a décidé de se dédier à sa passion en créant Broc&Love : une brocante en ligne spécialisée dans la chine et le recyclage d’objets d’hier. Cette passion, elle l’a héritée de sa mère qui a toujours eu le goût des jolies choses et un certain talent pour les assembler. Pour Élodie Maudet, l’objectif d’une brocante est de mettre en avant la seconde main tout en transmettant l’histoire d’un meuble, d’un bibelot ou d’un bijou. Cette nouvelle activité lui permet notamment de partager les objets qui l’ont séduite, tout en essayant de rendre l’émotion qu’elle ressent perceptible pour les autres à travers des photos postées sur le site internet. MCH brocandlove.com

Louer un espace pour bricoler, c’est possible !

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SYSTÈME D. Vous avez envie de faire un peu de bricolage mais vous manquez d’espace ? Pas de panique, Become Bob est là ! Lancée en 2021 par Agathe Lecocq, la plateforme permet de louer des espaces pour bricoler entre particuliers. Et l’avantage, c’est qu’il y en a pour tous les budgets ! MCH becomebob.com


Atelier d’artiste

89, rue Guynemer 33200 Bordeaux Caudéran ateliergarance.jindo.fr

© Nicolas Duffaure

RENCONTRE. Changement d’adresse pour l’Atelier Garance où Constance de Maistre dispense, durant l’année scolaire, des cours de dessins, peinture, destinés aux enfants comme aux adultes. Un nouvel espace serein, lumineux, plus vaste, où elle a installé, au cœur de Caudéran, son propre atelier et celui où elle va dispenser ses cours. Avec l’aide de deux intervenantes extérieures, Nelly pour les enfants ( à partir de 6 ans) et Julie pour le dessin, elle propose différentes initiations à tous ceux qui ont envie de tâter du pinceau ou du crayon. Nul besoin de compétences particulières pour contacter cette ex des Beaux-Arts de Bordeaux, dont les travaux voyagent au fil des expos qui l’accrochent, de Londres à Paris. Chaleureuse et enthousiaste – mais patiente pédagogue –, animée d’une veine créative inépuisable, Constance met son expérience au service de tous ceux qui veulent mettre un peu d’art dans leur vie. Ou un peu de vie dans leur art, même en y accédant par la petite porte… MC

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Décoration éphémère Investir des appartements vides pour les transformer en magnifiques show-rooms éphémères pour artistes et artisans, tel est le pari de Cécile d’Amade-Briant, fondatrice de Casapiane. Une belle idée venue d’outremanche. Découverte. Texte et photos Émilie Dubrul

C’est un appartement en duplex de 120m2 qui prend du temps à se vendre. Il était vide il y a encore trois jours. Je l’ai entièrement remeublé, redécoré dans les moindres détails pour donner l’impression qu’il est habité. » Trois jours pour créer ex nihilo un lieu qui semble exister depuis toujours. Le résultat est bluffant ! D’autant que notre hôte ne se revendique ni architecte ni décoratrice d’intérieur. Ancienne juriste originaire de Brive, passée par la fac de droit de Bordeaux, c’est armée d’un goût très sûr que Cécile d’Amade-Briant a décidé de consacrer tout son temps et son énergie à la scénographie d’intérieur, qu’elle décrit comme une véritable passion. « J’ai grandi dans un univers très artistique. Ma mère est artiste peintre tandis que ma grand-mère et mes grandes tantes sont très douées pour la décoration d’intérieur. J’ai toujours été admirative de leurs façons de mélanger les styles, les époques, les couleurs et les cultures tout en obtenant un résultat hyper harmonieux ! » 1 29

Table danoise en teck et chaises anglaises Windsor @daruma_antiks Sur la table dressée pour l’occasion, service ancien (assiettes et verres sur pieds) et plats « yedo » @defamille_ Verres cul de bouteille @plates_et_culotees de chez @oyathome Bougeoirs en ivoire et dessous de plat en bronze @lepalaisdesbricoles Assiettes en céramique bleu @costanovatableware Saladier et couverts bois, carafes en verre et en céramique, couverts chez @oyathome


“À chaque évent, je change de partenaires. Idem pour les artistes. J’ai même demandé à certain de créer uniquement pour l’évent” ➀

Un concept inédit Meubler et décorer un bien à vendre dans le cadre d’un grand showroom où tout peut s’acheter. Si le concept est répandu dans certains pays anglo-saxons, c’est une première en France. « Idéalement, j’aimerais organiser 4 ou 5 évènements par an ! » Des portes ouvertes qui portent bien leur nom s’organisent sur quelques semaines et s’adressent à tous ceux qui souhaitent acquérir un bien immobilier sublimé et/ou un bel objet de décoration. Idéalement situé au début de la rue Fondaudège, l’appartement que Cécile a investi en ce début d’été offre au premier étage un grand séjour-salle à manger baigné de lumière,

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une cuisine, une chambre parentale ainsi qu’une petite salle de bains aux proportions idéales « mais qui mériterait un bon lifting, car pas très jojo quand même », s’amuse-t-elle. «Je ne touche pas à la structure. Je ne fais pas d’aménagement d’intérieur. L’idée n’est pas de dépenser en travaux. Je l’ai simplement un peu “pimpée” pour qu’elle soit présentable avec quelques miroirs, des bocaux d’apothicaires et des bougies. » À l’étage, trois pièces toutes de blanc vêtues, légèrement mansardées aux airs de maison de bord de mer. On y accède par un petit escalier en bois caché derrière une des portes du couloir. Leurs proportions se prêtent très bien à la création éphémère de


chambres d’enfants et d’un espace bureau. « Quand j’arrive dans un lieu, je vois immédiatement ce que je vais en faire. Je ne modélise rien virtuellement. De toute façon, je n’ai pas les outils. En revanche, je vois la lumière. Et en général, je compose une décoration en

m’inspirant d’un objet de départ, un tapis, un tableau et l’atmosphère que le lieu dégage. Ça me donne le ton pour tout le reste. » Du mobilier, une table dressée, des livres ou revues, du linge, des plantes… Cécile a le talent de mêler les styles avec virtuosité. « Contrairement aux décorateurs qui répondent à une demande précise d’un client, je suis libre de composer selon mes envies. Je fonctionne à l’objet, à ce qu’il m’inspire, me donne envie de faire. » Pour créer ses mises en scène éclectiques, Cécile d’Amade-Briant s’appuie sur un réseau de boutiques, de brocanteurs ou d’artistes amis ou invités triés sur le volet. Car ici tout est mis en dépôt-vente. « Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, il n’y a rien de personnel. Même les vêtements sont neufs et à vendre. Ils proviennent de la jolie boutique Pantelis, rue du temple », poursuit la jeune femme. On y trouve aussi le mobilier design de Versus Mobilis, la brocante de MatCrouz,

➀ Tableau Blue Horizon de l‘artiste Valeria Albi Coco et fauteuil Nuage Sollen fabriqué en France

➁ Atmosphère océanique avec des touches de

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d’ivoire de bleu. Fauteuil Pumpkin de Pierre Paulin.

➃ Tableau Surfaces @maisonleone.

➂ Lampe «Planète» de Karetll vendu chez Versus Mobil.

➄ Flacons et miroir anciens @matcrouz.


spécialisé dans le rotin et les meubles des années 50. « Pour la vaisselle ancienne et la verrerie, j’ai fait appel à la marque De Famille, poursuit-elle. Ou Oyat Home, rue du Loup pour les bibelots neufs et le linge de maison. J’ai vraiment mélangé mes sources. »

Une place pour l’artisanat

➀ Les chambres d'enfants font la part belle au mobilier chiné. Accessoires contemporains @oyathome

➁ Tapis Mouty artisanat fabriqué à la main. ➂ Tableau Valeria Albi Coco et coussins teinture végétale @TrHandy

Ayant grandi dans des salons où se côtoyaient tableaux d’ancêtres et masques africains, Cécile est sensible à l’art et à l’artisanat. Elle profite donc de ses évènements pour exposer des artistes ou artisans « un peu dans l’ombre ». Et parce que ce sont les petits détails qui redonnent de l’émotion aux habitations, Cécile invite régulièrement des créatrices de bijoux (cette fois-ci My Léone et Carthage). Disposées çà et là dans l’espace intérieur, ces pièces apportent de la fantaisie et rendent les lieux plus accueillants en les embellissant de façon singulière. « Carthage va faire une présentation de son savoir-faire. C’est important que les consommateurs comprennent qu’il y a du temps passé derrière chaque objet. Le lendemain elle exposera ses bijoux en vente. Il n’y en aura pas beaucoup

parce que je ne veux pas que ça fasse vitrine. » Pour pousser le réalisme à son paroxysme, la trentenaire aimerait organiser des dîners privés intimistes animés par des chefs de la région. « L’idée est d’en faire un lieu de vie, et pas qu'une scénographie figée pour papier glacé. La finalité est que tous les objets se vendent ainsi que l’appartement. »


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Texte Aline Chambras Photos Nicolas Duffaure

L’école des métiers d’art & d’artisanat Spécialisée depuis les années 1990 dans la formation pour adultes en reconversion professionnelle, la Philomathique de Bordeaux propose des apprentissages d’excellence dans les métiers du bois, de l’ameublement, du bâtiment et de la mode.

A

vec plus de deux cents ans au compteur, la Philomathique de Bordeaux, du grec « philo » (aimer) et « mathique » (les sciences) est une institution. D’autant que son grand âge n’est pas son seul palmarès. En effet, depuis qu’elle s’est centrée sur la formation pour adultes en reconversion professionnelle dans les métiers d’art et d’artisanat, il y

a maintenant près de trente ans, la Philomathique, c’est aussi la fierté d’avoir vu sortir de ses rangs 118 Meilleurs Ouvriers de France. Pierre Claverie, 33 ans, est l’un d’entre eux. Il a été consacré MOF en menuiserie en 2014 après avoir suivi une formation qualifiante à la Philomathique. Sa « table d’Apollon », pour laquelle il a été désigné MOF est d’ailleurs 135

conservée dans un des ateliers de la Philomathique. En frêne, tilleul et doussié (un bois exotique), cette table basse à la silhouette aussi arrondie qu’imposante représente plus de 1800 heures de travail. Depuis cette consécration, Pierre Claverie a rejoint le cercle des formateurs de la Philomathique, pour transmettre son déjà très grand savoir-faire à


celles et ceux qui comme lui veulent « travailler le bois ». Il est aujourd’hui le responsable du pôle bois de la Philomathique où enseignent deux autres formateurs : Jérémy Michaud et Xavier Bony, tous les deux par ailleurs artisans-menuisiers. C’est une des particularités de la Philomathique : tous les enseignants exercent en parallèle une activité professionnelle dans leur domaine. Histoire de ne pas perdre la main.

Des gestes d’excellence Dans l’atelier n°9 où flotte une agréable odeur de sciure, une dizaine d’élèves en brevet professionnel

menuiserie écoutent attentivement les consignes de Jérémy Michaud. Le cours de ce matin porte sur la fabrication d’un escalier. Le formateur leur explique comment se servir correctement d’une toupie, une machine qui sert à « profiler les bois afin de leur faire une moulure par exemple ». « C’est un outil très dangereux », insiste Jérémy Michaud. Il en sait quelque chose : il y a laissé un doigt en 2008. Face à lui, ses élèves sont tous des adultes en reconversion. À l’instar de Sylvain, jusque-là photographe : « J’ai choisi de me réorienter dans la menuiserie, mais je ne veux pas finir chez Lapeyre, ici j’apprends des gestes d’excellence. » Il n’a pas le temps d’en dire plus, c’est à lui de s’essayer à la toupie. À l’étage supérieur, salle n°18, c’est le pôle Mode avec à sa tête depuis cinq ans, Émilie Chupin. Avant d’enseigner à la Philomathique, elle a travaillé à Bordeaux « dans la robe de mariée » et dix ans

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« dans la haute couture à Paris pour Christian Lacroix ». Émilie a depuis créé sa propre marque. Elle s’occupe cette année de 40 apprenants, « dont quatre hommes », comme elle tient à le préciser. Elle gère également les ateliers loisirs, qui permettent de s’initier et de découvrir les métiers de la couture. Environ 150 personnes y participent chaque année. Aujourd’hui, ses élèves en formation de CAP couture travaillent sur la confection du patron d’une blouse. Toutes (ce ne sont que des femmes) sont en reconversion professionnelle. Émeline, commerciale pendant vingt ans dans l’agroalimentaire est ici suite à un plan social et assouvit un « rêve de gosse ». Valérie, vendeuse en prêt-à-porter masculin depuis près de vingt ans a décidé de « passer de l’autre côté ». Dans la salle voisine, une dizaine de femmes assistent à un cours de perfectionnement. Elles ont pour la plupart toutes déjà


UN PEU D’HISTOIRE Créée en 1808, dans la droite ligne de l’héritage du siècle des Lumières, la Philomathique de Bordeaux fonctionne à ses débuts comme une société savante où se réunissent des Philomathes, c’està-dire des amis des sciences, des lettres et des arts. Objectif : promouvoir le savoir, la diffusion de la culture et la vulgarisation des sciences et des techniques. En 1839, les Philomathes soucieux « de former une jeunesse bordelaise peu studieuse de son naturel » mettent en place les premiers cours professionnels gratuits à destination des hommes, et dès 1866 à destination des femmes. En 1874, la Philomathique contribue à la création de l’École Supérieure de Commerce de Bordeaux. Elle a à son actif plusieurs initiatives dont la création de la Foire internationale de Bordeaux. Jusque dans les années 70, la Philomathique disposait d’un pôle dactylo et coiffure. Depuis 1989, elle est spécialisée dans la formation payante et diplômante pour adultes dans les métiers d’art et d’artisanat.

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philomathiquebordeaux.com

“L’approche durable et écoresponsable des pratiques artisanales est en passe de devenir une priorité” suivi une formation qualifiante à la Philomathique et reviennent juste pour parfaire gestes et techniques. Leçon du jour ; la réalisation d’un tailleur à partir d’un modèle type 1900. Pour l’instant, elles travaillent à la main avec aiguille et fils. Mais 14 machines à coudre, de tous types (industrielles, familiales, surjeteuses) les attendent pour les étapes suivantes.

Artisanat vertueux Pendant ce temps, dans l’atelier n°5, une petite dizaine d’élèves suivent les cours du pôle ameublement. Frédéric

Cazeneuve, 46 ans, formateur en tapisserie traditionnelle depuis sept ans surveille leurs gestes. Ex-professeur de mathématiques puis cadre en assurances, il est arrivé à la tapisserie suite à un « burn-out », il y a une dizaine d’années. Sur un tableau blanc, il a noté toutes les étapes indispensables pour refaire un siège de fauteuil : sanglage ; guindage ; cloutage ; mise en crin ; piquage ; etc. Cécile, 58 ans, suit les cours de tapisserie depuis cette année, après avoir effectué un stage découverte en 2021. Elle est infirmière et n’en peut plus. « C’est un peu compliqué pour les soignants en ce moment, alors je me dis que c’est le moment ou jamais. Je chine, je rénove des fauteuils depuis longtemps, j’ai décidé de me lancer. » À ses côtés, Sarah Delmas, 33 ans, formatrice à la Philomathique depuis un an, guide sa pratique et l’encourage. Sarah Delmas a un atelier Barrière de Bègles, où elle exerce comme tapissière d’ameublement écoresponsable : « Je réutilise le crin, les chutes de tissu et je 138

ne travaille qu’avec du lin, du coton et du made in France », explique la jeune femme. À la Philomathique, l’approche durable et écoresponsable des pratiques artisanales est d’ailleurs en passe de devenir une priorité. Comme en témoignent les projets pour les années à venir : « D’ici 2023, nous allons monter une filière de formation “construction bois” », annonce Clément Duqueyrois, le délégué général de la Philomathique. « Une matériauthèque – un espace de présentation, d’information, de conseil et de recherche autour des matériaux – dédiée aux matériaux biosourcés du territoire aquitain sera également créée afin d’accompagner la mise en place de cette nouvelle formation », ajoute le délégué général. En intégrant cette approche vertueuse des métiers de l’artisanat, la Philomathique, du haut de ses 214 ans, montre qu’elle sait vivre avec son temps et surtout, qu’elle reste, depuis sa création, un lieu à l’avant-garde.


× “Une destination n’est jamais un lieu, mais une nouvelle façon de voir les choses.” Henry Miller

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© DR

Une parenthèse enchantée

LES PLUS ? Vous pouvez choisir le couteau de votre choix, présenté dans un superbe coffret, en fonction de la viande que vous allez déguster… Et en guise d’after, misez sur les activités de wellness & fitness, spa ou cinéma. domainederaba-talence.com

TALENCE. Que les amateurs de bonnes viandes se réjouissent, voici une nouvelle adresse qui les comblera d’aise ! Le Domaine de Raba, véritable enclave de sérénité à deux pas du campus de Talence, a rouvert au cœur d’un parc de plus d’un hectare qui abrite plusieurs concepts. De confortables lodges, un espace bien-être, La Cabane de Raba, et Le Pavillon qui abrite un bar à cocktails et deux restaurants. Les Petits Caprices au rez-de-chaussée et, à l’étage, dans un décor élégant et chaleureux, le restaurant Marguerite, dont les plus belles pièces de viandes (certaines maturées) ont été sélectionnées par Flora Mikula, chef consultante pour le Groupe Millésime, propriétaire des lieux. Elles sont préparées par Olivier Peyronnet, le chef maison, fin connaisseur de viande. Ambiance intime pour les quinze couverts traités avec mille égards. Une adresse gourmande et follement dépaysante, accessible très facilement depuis le centre de Bordeaux (en tram). Réservation recommandée… MC 140


In vino caminarás

© Émilie Dubrul

CITYGUIDE. Le vignoble bordelais est intimement lié à l’histoire et au prestige de Bordeaux. Pour en connaître toutes les facettes, Bordeaux Tourisme Congrès a lancé cet été un parcours pédestre d’environ 2 heures, à suivre en toute autonomie à l’aide d’une jolie carte illustrée (en français et en anglais) par le graphiste bordelais Grégoire Nayrand. En vente à la boutique l’OT de Bordeaux, à la Cité du Vin ou chez Mollat (3 euros). ED

Voyager léger

© DR

SOIN. Au début de l’été, les marques OCÉOPIN et Maison E se sont associées pour lancer un nouveau coffret de produits en format voyage, à glisser dans sa valise sans surcharger sa trousse de toilette, afin de pouvoir prendre soin de soi n’importe où ! Adapté à l’avion et enveloppé dans un très beau baluchon en tissu de la marque française Linge Particulier, il contient quatre miniatures indispensables à vos escapades. Pour compléter le kit, on peut aussi y glisser les jolis carrés démaquillants lavables naturels et upcyclés en éponge de bambou. Une action pour la planète qui embellit notre routine beauté ! ED 141


L’été touche à sa fin, c’est le moment de penser à vos prochaines escapades ! Vivre Bordeaux est allé tester pour vous le Center Parcs des Landes de Gascogne, un nouveau concept de vacances situé à 1 h 10 de Bordeaux. Découverte.

Un nouvel oasis familial

© Fred P

Texte et photos Émilie Dubrul

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ne petite ville thermale comme point d’ancrage (Casteljaloux), des pins à perte de vue, des cottages en bois à l’architecture contesmporaine et en son centre un « cœur de village » très animé. Bienvenue au domaine des Landes de Gascogne, le tout dernier village vacances de la marque Center Parcs, construit par Pierre et Vacances. Le premier du groupe à être implanté dans le sud de la France « pour des vacances au milieu de la nature sans contrainte », comme aime à le présenter Bruno Guth, le directeur du site.

Expériences initiatiques Le parc est « 100 % sans voiture ». On ne s’y déplace qu’à pied, à vélo (proposé à la location dans le « cycle center » au choix pléthorique) ou en voiturette électrique bridée. Une fois votre véhicule personnel garé à proximité de votre quartier de résidence, on attrape un chariot porte-bagages, on vide son coffre et on rejoint son cottage à pied. On apprécie rapidement la quiétude des lieux sans voiture. Au pays des mobilités douces, pendant que vous vous retrouvez entre adultes confortablement installés sur votre terrasse joliment meublée, les plus jeunes peuvent ainsi partir à la découverte du parc à pied ou à vélo en toute sécurité. Ici, les enfants sont au paradis. Le groupe Center Parcs a d’ailleurs misé sur les expériences initiatiques pour se reconnecter à tout ce que la nature peut offrir : ateliers-découvertes, ferme pédagogique, poney club, potagers en permaculture...

Jardin d’hiver Mais la véritable signature Center Parcs se trouve au centre du site : l’espace aqualudique Aqua Mundo attend petits et grands pourvu qu’ils soient en maillot de bain. Des espaces intérieurs et extérieurs ouverts toute la journée et qui se distinguent par une architecture moderne et inédite : une charpente en bois inspirée des traditionnels séchoirs à tabac de la

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INFOS PRATIQUES • Center Parcs Landes de Gascogne, route de Saint-Michelde-Castelnau, 47700 Beauziac. Tél. : 0891 701 600. • Cottage VIP 4 personnes / 2 chambres – 3 jours 2 nuits, entre 600 à 800 euros le séjour. Linge de maison et petits-déjeuners inclus. • Location de vélos (classiques ou électriques) : 10 €/jour pour enfant et 17 €/ jour pour adulte.

région, une conception thermique écologique, des plantes à foison qui font penser à une serre tropicale géante. Ils abritent des bassins à jets, à vagues, des cascades, des toboggans à sensation et un parcours intitulé « la rivière sauvage ». À proximité également, un spa semi-privatif et ses 5 salles de soins. « Nous sommes une fabrique à souvenirs. Si nous accueillons de nombreuses familles avec de jeunes enfants, Center Parcs est aussi conçu pour tous les autres vacanciers, souhaite préciser notre hôte. En semaine, par exemple, hors vacances scolaires, nous recevons des groupes de seniors, des jeunes couples sans enfants ou encore des jeunes entre potes. Pas plus tard qu’hier, je discutais avec une femme d’une cinquantaine d’années venue passer quelques jours avec sa mère. Elles avaient l’air de deux grandes copines. »

“L’espace aqualudique Aqua Mundo attend petits et grands pourvu qu’ils soient en maillot de bain”

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Un esprit bastide Après une première nuit au calme dans un cottage tout confort couleur sable, vert sapin et jaune genêt, direction la place centrale pour faire le plein de bonnes victuailles pour le déjeuner. « C’était hyper important qu’il y ait une place de marché pour proposer des marchés de producteurs deux fois par semaine, les mardis et les samedis matin », poursuit Bruno Guth. Ainsi, nous avons eu l’occasion de goûter à la fameuse tourtière landaise de Marie-José Pit, fait le plein de légumes frais et de saison chez Manente, producteurs originaires de Meilhan-sur-Garonne et même emporté quelques spécialités de canards de la Ferme de Gassiot en prévision des soirées d’hiver. Un ancrage local fort qui se déploie aussi au petit supermarché des Halles, plutôt pratique pour compléter un panier gourmand lorsque vous avez oublié quelque chose à la maison. Produits régionaux que l’on retrouve tout naturellement dans les menus des deux restaurants du site, notamment le Bistrot du Lot-et-Garonne, une table bistronomique cocréé avec le chef agenais Michel Dussau. « Pour celles et ceux qui veulent profiter de la piscine jusqu’à 20 h 30 sans se soucier du repas, nous avons mis en place un service de restauration. Sur demande, petit-déj, déjeuner ou diner vous sont livrés à votre cottage. C’est cela aussi, savoir profiter de ses vacances chez Center Parcs », conclut son directeur.


C A R N E T D’ ADRESSES

Culture

Librairie Les 400 coups 36, rue du Maréchal Joffre 33000 Bordeaux 09 50 66 06 33 Manga Kat 94 Cr d’Alsaceet-Lorraine 33000 Bordeaux 05 56 44 25 39 Monsieur Toussaint Louverture 16, rue du 8 mai 1945 33000 Bordeaux Galerie 1000 m2 48, rue Ferdinand Buisson 33130 Bègles

Food

La Table de Montaigne 144, rue Abbé de l’Épée 33000 Bordeaux 05 57 08 01 27 Lil’Home 29, quai des Chartrons 33000 Bordeaux 33 5 57 59 92 82 Mots Doux 147, rue Fondaudège, 33000 Bordeaux 07 66 45 52 00 Mirabella 38, cours Évrard de Fayolle 33000 Bordeaux 05 56 29 12 63

Bichette bar à bières Halles de Bacalan 10, quai de Bacalan 33300 Bordeaux Marie Curry Pl. Albert des Pujols 33370 Artiguesprès-Bordeaux 06 24 35 58 53

Wine

La Table de Marquet Marquette 33910 SaintMartin-du-Bois Uniquement sur réservation au 05 57 49 41 70

Déco

Versus Mobili 49, av. Henri Vigneau 33700 Mérignac 05 56 12 02 12 Philomatique de Bordeaux 66, rue Abbé de l’Épée 33000 Bordeaux 05 56 52 23 26

Mode

Carrière & Associés 5, rue Calvé 33000 Bordeaux 07 68 73 03 31

Bord’eau Village Hangars 15 à 19, quai des Chartrons 33300 Bordeaux 05 57 87 30 08

Restaurant Le Manège 8, chemin du Barp 33850 Léognan 05 57 67 13 84

Hipanema c/o Au Clips 22, allée de Tourny 33000 Bordeaux 05 56 81 40 73

Green

Odace 9, rue de la Franchise 33 000 Bordeaux 06 74 28 33 56

12iA 4, rue de Grassi 33000 Bordeaux

Murfy Bordeaux 3, rue Rosny 33200 Bordeaux 01 84 67 29 33

Top 10

Les Récoltants 18, rue SainteColombe 33000 Bordeaux 05 56 38 16 47

Odonates Paysages Pl. Albert des Pujols 33370 Artiguesprès-Bordeaux 06 11 39 24 76 145

Free Spirit 33 Rue Notre Dame, 33000 Bordeaux Persona 4 Rue Duffour Dubergier, 33000 Bordeaux

Glloq 34 Rue Bouffard, 33000 Bordeaux Do you speak français 93 Rue Notre Dame, 33000 Bordeaux Jorlia 16 Rue des Remparts, 33000 Bordeaux Altermundi 77 Rue de la Porte Dijeaux, 33000 Bordeaux Nos minis 68 Rue Notre Dame, 33000 Bordeaux Mint Bazar 48 Rue du PasSaint-Georges, 33000 Bordeaux Maison Prune 14 Rue Castillon, 33000 Bordeaux Marie Tournelle 5 Rue Castillon, 33000 Bordeaux

Escapade

Le Domaine de Raba 35, rue rémi Belleau 33400 Talence 05 57 26 58 28 Center Parcs Landes de Gascogne Rte de Saint-Michel de Castelnau 47700 Beauziac 05 54 70 05 00


LE BORD EAU X D E …

Dominique Bordes

Fondateur et patron de la maison d’édition bordelaise Monsieur Toussaint Louverture, Dominique Bordes s’est taillé ces dernières années une réputation de découvreur hors pair.

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SES ADRESSES Un musée ? « Le musée des BeauxArts de Bordeaux, cet étrange interstice niché entre l’Hôtel de ville et le quartier Meriadeck, comme un avant-poste. J’apprécie toujours sa collection permanente et ses expos temporaires qui ne se limitent jamais à ses murs. »

© Rodolphe Escher

ominique Bordes est un éditeur pointilleux et périlleux. Un homme de pari et de ténacité. Preuve en est le succès phénoménal de son dernier coup éditorial : la parution des six tomes de la saga familiale et fantastique Blackwater de l’Américain Michael McDowell. Six livres de poche à la couverture finement ouvragée, parus au rythme d’un tous les 15 jours entre avril et juin 2022. Plusieurs ruptures de stocks et retirages plus tard, ce roman-feuilleton atteignait déjà les 300 000 exemplaires en juillet 2022. « J’ai énormément de retours de personnes me disant que cette saga les a ramenés à la lecture, c’est une vraie satisfaction », indique le quadragénaire, qui, il ne s’en cache pas, a un peu de mal avec la littérature française contemporaine et notamment « celle adoubée par les prix littéraires ». Il préfère tirer de l’oubli et rééditer des pavés de la littérature anglo-saxonne ou donner leur chance à des auteurs de BD inconnus en France. Et à rebours des géants de l’édition, « publier peu », soit une petite dizaine de livres par an. Depuis qu’il a lancé l’aventure « Monsieur Toussaint Louverture » en 2004, ses trouvailles éditoriales

font régulièrement la une des actualités littéraires. À l’instar du roman Le Dernier Stade de la soif, de l’Américain Frederick Exley, qu’il publie en 2011, près de quarante ans après sa parution initiale, ou de la première et monumentale BD Moi ce que j’aime, c’est les monstres, de l’Américaine Emil Ferris, qui a remporté le Fauve d’or au Festival d’Angoulême 2019. Ses prochaines parutions devraient confirmer son talent de dénicheur... AC monsieurtoussaintlouverture.com 33150 Cenon 146

Un ciné ? « Pour le cinéma, j’alterne entre Le Festival à Bègles, et ses 2 petites salles aux tarifs plafonnés et à la riche programmation en animés et le CGR à Villenave d’Ornon, à l’offre totalement décomplexée, deux lieux à deux extrémités du spectre. » Boire un coup ? « La terrasse de la FRAC dans le bâtiment de la MECA : c’est un lieu exceptionnel qui me laisse toujours le souffle coupé. »


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