Sortie d'Usine #0

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LES ENTRETIENS DE L’USINE pensé à Furie de Brian de Palma. Parce que dans ce film, elle est victime de sa maladie. Je me disais qu’Augustine, était aussi victime de sa maladie. Je voulais vraiment raconter l’histoire du point de vue du faible, du point de vue d’Augustine. Ça ne m’intéressait pas de raconter l’histoire de la perspective du médecin parce que je me dis qu’il y a déjà eu des milliers de films d’un du point de vue d’un homme qui fantasme sur un objet sexuel, donc il n’y avait pas besoin d’appuyer cet aspect-là. Je me disais que l’important était d’être dans sa vision à elle et qu’on pouvait alors être en empathie avec elle. Je suis vraiment partie de cette idée, ce n’était pas elle qui était folle. Elle essayait de lutter contre ça elle-même, sauf qu’elle était impuissante face à la révolte de son corps. Il y a cette influence du film fantastique qui est évidente dans Augustine, mais on pense également aux films d’époque de François Truffaut, comme L’Enfant Sauvage et L’Histoire d’Adèle H. Le modèle truffaldien est souvent une source d’inspiration pour les jeunes cinéastes, qu’en est-il pour vous ?

je ne voulais pas faire un film de reconstitution du XIXème siècle mais créer un monde à part

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J’ai été très marquée par les films de Truffaut, mais pas spécialement par ces deux là, en fait. Plutôt par des films comme Argent de Poche ou Vivement Dimanche, Le Dernier Métro, tous les Doinel... Mais je n’y ai pas directement pensé pour ce film, parce que ce que je cherchais à faire, c’était créer un univers qui ne soit pas naturaliste. Je pensais davantage à des réalisateurs comme Cronenberg, Lynch, afin d’être vraiment sur les corps et de créer une atmosphère particulière. Je ne voulais pas faire un film de reconstitution du xixème siècle mais créer un monde à part, qui ne soit pas la réalité. Forcément, on est toujours marqué par ces films-là, mais ça ne m’a pas directement inspirée pour Augustine. En ce qui concerne L’Enfant Sauvage, c’est une thématique proche, on peut voir une ressemblance par rapport aux commentaires médicaux que

Charcot lit sur Augustine. C’était un modèle dans la mesure où je voulais trouver, au départ, une actrice qui n’avait jamais joué. C’est pour ça qu’à la base, je ne voulais pas rencontrer Soko, parce qu’elle avait déjà joué dans À L’Origine de Xavier Giannoli, entre autres. Je voulais quelqu’un qui puisse suivre le même chemin sur le tournage qu’Augustine. Comme quelqu’un qui n’avait jamais été regardé et qui était soudain regardé pour la première fois. C’est pour ça que j’ai fait un énorme casting , j’ai rencontré plus de huit cent filles. Je faisais un casting comme on dit, « sauvage », c’est à dire que j’allais au Forum des Halles, à la sortie du rer pour arrêter des filles... On a aussi fait un casting sur Facebook. J’avais aussi cette référence de Sandrine Bonnaire dans À Nos Amours de Pialat, mais dans ce type de films, les réalisateurs captent une nature, alors que, chez moi, il y avait vraiment un travail de performance. Il fallait vraiment performer et du coup, ces filles, même si elles étaient géniales, ne passaient pas le cap des essais. C’est pour ça que finalement, je me suis dirigée vers Soko. Comment s’est rencontre ?

passée

la

Elle avait entendu parler du projet et elle avait très envie du rôle, elle est arrivée pour passer les essais. Pendant le casting, je procédais de manière un peu abrupte  : je demandais aux filles de faire une crise d’hystérie au sol. Ça me permettait de tester leurs inhibitions, leur rapport au corps, étant donné que c’est un travail très physique que l’on allait faire. Même si c’était maladroit, ça me permettait de voir leur puissance. Je savais déjà que Lindon serait l’acteur et comme le film raconte un retournement de rapport de force, je savais qu’Augustine devait ternir tête à Charcot. Je cherchais quelqu’un qui était à la fois fragile, pouvant être crédible comme quelqu’un qui serait mené en bateau pendant la première partie du film, mais aussi quelqu’un qui allait pouvoir prendre l’ascendant sur lui. Il fallait réunir ces deux choses qui sont pourtant très


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