Sortie d'Usine #0

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Gaspar Noé ! J’adore son cinéma. Dans le même genre, il y aussi Romain Gavras, j’ai beaucoup aimé son côté trash gratuit dans Notre Jour Viendra et, dans un autre registre, il y Mia Hansen-Love. J’avais passé le casting pour son prochain film, Eden, ça n’a pas marché parce que je faisais trop jeune. Mais le peu que j’ai vu de sa manière de diriger les acteurs pendant les essais m’a plu. À part être acteur, qu’est-ce que tu envisages de faire comme métier ? J’ai fait une prépa d’art un peu par défaut, parce que je dessine depuis longtemps, depuis l’enfance. Mais la réalisation m’intéresse aussi depuis un moment, et j’ai l’impression de tourner autour du pot. Alors je pense que je me réorienterai dans une école de cinéma l’an prochain, comme l’ESRA ou l’École de la Cité de Luc Besson. J’avais tenté le concours l’an dernier, donc je pense que je vais le repasser cette année. J’imagine que vous avez du coup beaucoup parlé de cinéma avec Olivier Assayas (qui a aussi écrit des essais sur le cinéma). Oui  ; pas forcément pendant le tournage, parce que chacun avait son travail à faire, mais pendant la promotion du film. On a fait une tournée en province pour le présenter en avant-première, du coup on se retrouvait à manger ensemble au restaurant chaque soir, pendant deux semaines. On a eu un débat sur Gaspar Noé justement. Mais Olivier est dans une optique totalement différente, il fait un cinéma très intellectuel, qui raconte une histoire. On est moins dans la souffrance et la violence qu’avec Gaspar Noé ! Et puisqu’on parle de violence, qu’est-ce que ça fait de se retrouver face à une armée de photographes sur un tapis rouge, pendant le festival de Venise (où Après Mai a remporté le prix du scénario) ? C’est super violent ! (Il me montre une vidéo du photocall qu’il a faite avec son portable, où une

Dossier APRÈS MAI cinquantaine de photographes le mitraillent avec leur flash.) C’est drôle parce qu’on n’est resté que deux jours à Venise, mais j’ai l’impression que ça a duré deux semaines tellement c’était intense. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait : on me tirait par le bras en me disant que je devais faire telles interviews, et je me laissais porter. C’est difficile de revenir à la réalité après ! Et puis il y aussi eu le festival de New York, où on a déjeuné avec Robert Pattinson et Michael Pitt... Mon expérience d’Après Mai s’est faite en deux temps  : il y a eu le tournage, avec du texte à apprendre, se confronter à la caméra etc, et puis la promotion, qui dure quasiment autant de temps que le tournage. Les débats à l’occasion des avant-premières étaient vraiment intéressants  : il

ne me donnait pas envie, en plus je crois qu’il durait deux heures trente. Ce cinéma est devenu archaïque, alors non merci ! Et partir en Italie et à Londres pour le film, c’était presque comme des vacances non ? C’était génial, on est resté quatre jours à Londres et deux semaines en Italie. Voyager avec des acteurs qui faisaient eux aussi leur premier film était une très belle expérience, parce qu’on découvrait le cinéma ensemble. On avait les mêmes centres d’intérêts, donc on a gardé contact, ils sont devenus des amis. Eux aussi aimeraient continuer à tourner, parce que jouer est une drogue  : on est coupé du monde, on a tout de suite envie de recommencer. La fin de tournage est compliquée à gérer, parce qu’on

même quand on joue avec quelqu’un, on est seul dans son rôle, dans son obsession de paraître naturel

y avait les soixante-huitards qui étaient là, nostalgiques, pour revoir les années 1970, et qui pensaient “la jeunesse c’était mieux avant, les jeunes d’aujourd’hui ne font plus rien à part traîner sur internet”. Et de l’autre côté il y avait les jeunes dans la salle qui leur répondaient, “C’est pas vrai, les jeunes d’aujourd’hui ils font des choses aussi”. Du coup, nous, on n’avait même plus besoin de parler, on les regardait simplement discuter, c’était assez drôle. Et ça donnait un bon portrait des villes dans lesquelles on allait : d’un côté celles où les jeunes s’intéressaient aux années 1970, par exemple Lyon, Bordeaux, et de l’autre, des villes comme Tours, où le public était plus âgé, ça m’a donné une certaine image de la France. Est-ce que tu as regardé les films militants que Gilles regarde dans le film ? Pas du tout, parce qu’ils sont franchement barbants ! Le film qui est projeté dans la scène à Florence, (il prend une voix nasillarde) “Parce que les Soviétiques sont...” etc, ça

doit retourner à sa vie “normale”. J’ai tourné pendant deux mois et demi sans interruption, à part trois jours où je ne jouais pas. On tombe de haut après, surtout dans mon cas où je passais en Terminale et devais préparer le bac. Quel écho as-tu eu depuis que le film est sorti ? Il y a eu trois avant-premières à Paris, où j’ai invité mes amis. C’était vraiment stressant. En général leur retour a été positif. Le fait est que le film parle de politique, ce qui n’intéresse pas tous les jeunes, donc il y a des gens qui ont été plus touchés par le film que d’autres. Et en même temps ça reste très universel, comme ça parle de la jeunesse, parce que la question de ce que l’on va faire plus tard, d’où on va atterrir, n’a pas changé depuis les années 1970. Ça demande un certain regard, plus attentif que quand on regarde un film d’action par exemple. Il faut vouloir se plonger dedans, pas simplement se laisser porter par le film, pour qu’en retour, ça nous pose des questions.  SORTIE D’USINE 31


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