Sortie d'Usine #0

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Dossier APRÈS MAI

monde qui a eu lieu au sein d’une génération, qui était littéralement incompréhensible, en tout cas pas agréable aux yeux de la génération précédente. Au fond, ce n’était pas tant ça que je voulais représenter, c’était l’aspect anecdotique, le front un peu mécanique. Ce qui m’intéressait, c’était de montrer les nouvelles idées, les nouvelles convictions qui induisaient entre les jeunes gens de nouveaux rapports ou de nouvelles possibilités. C’est vrai que c’est un film qui est davantage sur la « planète jeunes » qu’une description des conflits de génération. Vous avez une filmographie extrêmement éclectique. Y a-til des cinéastes particuliers qui vous aient inspiré ? Dans l’esprit un peu des années soixante-dix, il y a Bo Widerberg, que je cite littéralement dans le film. Ses réalisations spécifiques à ce temps, comme Elvira Madigan, Adalen 31 et Joe Hill, ont à voir avec un cinéma de cette époquelà, marqué par le rapport à la nature. C’est vrai que ce sont des choses qui m’ont inspiré. Puis il y a Altman aussi, qui est un cinéaste avec lequel j’ai une relation un peu en dents de scie selon les films. Dans ceux qu’il a tournés dans les années soixante-dix, que ce soit Thieves Like Us ou California Split, disons jusqu’à Nashville, il y a une sorte de liberté dans son cinéma qui m’a énormément touché. Après, je ne crois pas que cela ressemble beaucoup, mais il y a aussi ce désir un peu d’inscrire les choses dans le temps, dans la nature qui m’émeut, et auquel Après Mai fait un peu écho. En tant qu’ancien critique - vous avez contribué aux Cahiers du Cinéma - est-ce que vous avez un rapport différent à vos films ? Il y a beaucoup de cinéastes, en général beaucoup plus âgés que moi d’ailleurs, qui viennent de la critique. C’est une caractéristique du cinéma français. Si j’ai fait un détour par la critique c’est aussi parce que cela semblait faire partie du chemin naturel pour en venir à la réalisation. Je n’ai pas de recul

Clean analytique… Enfin si, j’ai un recul analytique dans le sens où j’aime parler de mes films ! Ça m’intéresse d’en parler, y compris pour les comprendre, les dévoiler, à moimême notamment. Mais quand je les fais, je ne raisonne pas. Je pense que ce n’est pas bon de raisonner, au fond. Dans l’action, il faut être intuitif, complètement en dehors de la sphère du cinéma. Il faut se laisser porter par le film, être à l’écoute de ses intuitions lorsqu’on tourne. Après, peut venir le temps de la réflexion. Y compris pour faire le deuil du film. Pour s’en débarrasser. Et c’est difficile de faire le deuil d’un film  ? Non, pas du tout ! C’est dur lorsqu’il faut en parler énormément, comme c’est mon cas maintenant, où j’ai l’impression d’être terriblement bavard et beaucoup plus que je n’aurais souhaité l’être sur ce filmlà, qui est, au fond, très personnel.

il faut se laisser porter par le film, être à l’écoute de ses intuitions lorsqu’on tourne. Après peut venir le temps de la réflexion

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