Sortie d'Usine #0

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Dossier 007 quasi-inconnu, Sean Connery, que l’on donne les commandes du « premier épisode. » Il suffit de farfouiller un peu et les choses tombent sous la main. Comme par magie. J’étais dans mon grenier en plein rangement semestriel, quand tout à coup, mon regard se pose sur un vieille vhs coincée entre une bouée gonflable en forme de canard et un sèchecheveux qui semble dater de l’Antiquité. D’un revers de manche, je dégage la poussière de l’étiquette collée sur la tranche et parviens à distinguer, non sans difficulté, le titre du film : James Bond Contre Dr No. Le tout premier James Bond. Autant dire une relique. Le film n’a pas trop mal vieilli. Bon, un peu quand même, c’est vrai. Mais beaucoup moins que L’Homme Au Pistolet d’Or par exemple, réalisé dix plus tard. Surtout, ce premier James Bond a le mérite de poser le mythe en trois plans : des mains, d’abord, des cartes dans l’une, des cigarettes sans filtres dans l’autre, et, en contre-champ, une femme, pulpeuse, appétissante, et toute de rouge vêtue, qui lui demande : « Comment vous appelez-vous ? » Premier plan sur le visage de Sean

Connery, et ses faux airs de Jean Dujardin – qui n’était d’ailleurs pas encore né - « Bond. James Bond. » Musique. Ça ne s’invente pas ! James Bond incarne un mystère. Un homme tellement sûr de lui que sa carapace ne permet jamais de laisser filtrer le doute. Un héros. Un vrai. Coureur de jupons, mais privilégiant toujours le sousentendu à la déclaration, James Bond incarne cette classe un peu dandy et old school typiquement anglaise. Sans oublier l’humour so british, parfois absurde, souvent cynique. En face, les méchants, aux visages tout droit sortis d’un film de Tod Browning, viennent de Russie et de Chine, ou d’une autre contrée exotique, et élaborent des plans machiavéliques. Ils jouent aussi aux échecs. De quoi donner la trouille à n’importe quel agent secret aussi sur-entraîné soit-il. À commencer par Lester, l’acolyte américain, que les scénaristes anglais s’amusent à tourner en dérision. Mais James Bond, lui, n’a peur de rien. Un Superman avant l’heure  ? Vous poussez le bouchon un peu loin ! D’accord. Mais l’idée a le mérite d’être posée. La mythologie de James Bond

joue sur une redondance des codes propres à la saga. Une esthétique d’abord, et un rythme. Lent, tendu, avec une attention particulière à la mise en place de la mission, avant que l’action n’explose en des scènes finales d’anthologies, souvent ponctuées d’un coup de théâtre scénaristique (une fois sur trois, c’est la fille qui est méchante). L’intrigue est souvent alambiquée, frôlant parfois le baroque. Un truc piqué à Hitchcock, ça. McGuffin, frites et coca. Et puis on a aussi, bien sûr, le fameux martini-vodka avec shaker et sans cuillère, les pseudos flirts avec Monneypenny à chaque fois interrompus par M, les gadgets, et la fameuse Aston Martin db5 couteau-suisse qui apparaît pour la première fois, à l’instar de Q, dans Goldfinger de Guy Hamilton, troisième épisode de la saga. Ce fameux style James Bond connaîtra des hauts et des bas, des virages, des embranchements, une poignée de péages, et aussi, il faut le dire, quelques sorties de route. Mais il restera fidèle à ses premiers épisodes – finalement, ce sont les interprètes de 007 qui apporteront les plus gros changements. Et voici peut-être une des principales

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