Sortie d'Usine #0

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DOSSIER 007 - REGARDS CROISÉS

un grand Bond en arrière texte : Clément Libiot

L’

autre soir, alors que j’étais convié à une pendaison de crémaillère à laquelle je ne connaissais quasiment personne, un illustre inconnu m’apostrophe en me demandant quel est mon James Bond préféré. D’abord pris de court, je me ressaisis rapidement en lui répondant que malgré un lobby très puissant qui essaie de nous faire croire le contraire, Casino Royale est assurément le meilleur épisode de la série. Il me regarde effaré : « Non mais t’es sérieux ? Casino Royale ? Mais t’as vu le plan du méchant ? Il est bidon. Dans les vieux James Bond (il me semble qu’il rajoute mêmeles vrais James Bond) les plans des méchants sont déments. Et en plus, Daniel Craig, il est blond ! » C’était peut-être le martini, mais j’avoue m’être sur l’instant retrouvé à court d’arguments. Il est vrai que la pertinence de son raisonnement avait de quoi me faire cogiter toute la soirée, mais les biens maigres capacités intellectuelles de mon cerveau au-dessus de 0,07g d’alcool eurent raison de moi. Car effectivement, depuis l’arrivée de Daniel Craig, quelque chose a changé chez James Bond. Avant, on avait droit au séducteur en costard sept pièces, cheveux bruns brossés sur le côté, avec en prime ce fameux sourire tout droit sorti d’une pub pour dentifrice. Non, ce nouveau James Bond est définitivement plus animal, plus 14 SORTIE D’USINE

sinistre, plus vulnérable. Plus réel quoi. Un James Bond qui ne se lave plus les mains avant d’aller à table et préfère les plonger dans le cambouis. Qui troque son vodkamartini et ses soirées galantes contre un whisky au fond d’un bar mal famé. L’heure est au traumatisme, et James Bond est enfin devenu un être humain. Maintenant, un peu d’Histoire. Nous sommes en 1952 et la guerre froide est en pleine ébullition. Air du temps oblige, le genre espionnage est remis au goût du jour. Un journaliste, du nom de Ian Flemming, sort son premier roman : Casino Royale. En gros, l’histoire est celle d’un agent secret nommé James Bond qui sauve le monde et couche avec des filles. Vu comme ça, on ne s’étonnera guère du succès de la saga littéraire, aidé il est vrai par un petit coup de pouce signé… John Fitzgerald Kennedy ! En effet, c’est après qu’il ait annoncé que Bons Baisers de Russie était l’un de ses livres de chevet que les ventes des aventures de l’agent secret ont réellement décollé. Lien de cause à effet sans doute, ce n’est que peu de temps après que la question de l’adaptation cinématographique se pose. Après moult rebondissements en coulisses - Hitchcock est même pressenti à la mise en scène avec James Stewart dans le rôle de Bond1 c’est finalement à un réalisateur relativement mineur, Terrence Young, et à un acteur écossais


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