Vie d'Anne Gertrude pieuse créole de Cayenne

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— 50 — comme elle. Il lui ajoute ensuite, que si, le soir même, elle n'a trouvé un acheteur, il la vendra aussitôt à qui bon lui semblera. (1) En entendant ces paroles, Anne ne se possède pas joie. Elle est au comble de ses vœux, et, quoique meurtrie et brisée de coups, elle prend aussitôt sa Pagaïe(2), se traîne jusqu'au Dégra(3), monte sur son canot, et se dirige, à force de rame, vers une habitation située à huit lieues de distance, dont le propriétaire est pour ses esclaves plutôt un père qu'un maître. Autant celui qu'elle quitte est impie, cruel et barbare ; autant celui-ci est chrétien, d o u x , et charitable. Aussi,

(1) Ce maître inhumain mourut sans héritiers, quelques années après qu'Anne l'eût quitté. On n'en conserve dans le pays aucun souvenir. (2) Rame des nègres et des indiens. On prononce pagaye. (3) C'est ainsi que les nègres appellent l'embarcadère, c'est-à-dire, l'endroit où l'on s'embarque.


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