De la pétition des ouvriers pour l'abolition immédiate de l'esclavage

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suivre l'impulsion libérale donnée par la cour suprême sont obligés, pour conserver leur position, de faire violence à leur conscience. Ils se bornent à de stériles regrets, trop heureux si la manifestation de ces regrets, dénaturée par les dénonciations de leurs chefs, ne les amènent pas bientôt devant la commission consultative chargée de les punir pour avoir rempli leur devoir. Le procureur-général de la Guadeloupe, non-seulement défend aux chefs des parquets inférieurs de requérir d'office les affranchissements, non-seulement il saisit le prétexte le plus spécieux, le motif le plus frivole, comme dans l'affaire de Biaise, pour maintenir pendant douze ans et faire mourir dans l'esclavage un homme dont il connaît parfaitement les droits à la liberté; mais, lorsqu'il ne peut reculer devant l'évidence, il trouve encore moyen de l'éluder au détriment de malheureux qui ont recours à sa protection. Il faut alors l'intervention du gouverneur lui-même et l'éclat produit par un article de journal signé, pour que justice soit enfin rendue. Le fait suivant, consigné dans la Réforme du 31 mars 1844, fournit une preuve incontestable de ce que nous avançons. Marie-Adélaïde, jeune esclave de dix-neuf ans, avait été amenée en France par la mère de son maître, M Carie, du Moule. Après avoir suivi cette dame pendant plus d'une année de séjour sur le continent, à Bordeaux, à Blaye, à Rochefort, à Pornic, à Nantes , elle fut renvoyée en 1 8 3 0 à la Guadeloupe, où elle resta esclave, avec deux enfants nés depuis son retour. Or, Marie-Adélaïde, capresse au teint clair, légalement esclave lors du départ pour Franco, avait été embarquée sous le nom et la patente de Reinette Bancé, négresse au teint foncé, libre de naissance, un peu plus âgée, restée au Moule, d'où elle n'est jamais sortie. Cette substitution de nom avait pour but de maintenir, jusque sur le sol libre de France, Marie-Adélaïde dans l'esclavage, et de l'empêcher de profiter du bénéfice de l'arrêt du 6 mars 1840 (espèce analogue), qui lui assurait la liberté par le fait seul de son voyage en France. Depuis 1841 jusqu'en 1843, elle avait vainement réclamé près de M. Portalis, juge de m e


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