De la pétition des ouvriers pour l'abolition immédiate de l'esclavage

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la connaissance de M. Adam, et qu'ils n'ont pu ébranler l'amour de cet homme pour le système qui engendre de pareilles horreurs. C'est cependant un des magistrats métropolitains que le ministère a envoyés aux colonies pour combattre les tendances de leurs collègues créoles ! Il n'en fallait pas moins aux colons pour leur faire oublier l'indépendance et la fermeté de M. Chevreux. M. Adam a bien vengé les possesseurs d'esclaves de son supérieur. En vérité, M. le ministre de la marine a la main heureuse dans les choix qu'il fait! Qu'ajouter encore à tant de preuves écrasantes ? Fouillonsnous dans les archives du Sénégal, nous trouvons chez les magistrats même mépris de la loi, même horreur de la liberté. En 1823, on défendit à Saint-Louis l'entrée de nouveaux captifs, et le gouverneur d'alors, M. Roger, créa le système des engagés à temps (arrêté de septembre 1823, au bulletin administratif du Sénégal). Cet arrêté resta sans force, et on continua à introduire des captifs sans les déclarer comme engagés. Aujourd'hui, sur 6,000 captifs qui peuvent exister dans la colonie, la moitié au moins provient d'introductions frauduleuses. Il n'y a pas à s'y tromper : dans une petite ville comme Saint-Louis, les esclaves appartenant à chacun sont connus, et d'ailleurs la plupart, nés depuis 1823, portent le tatouage bambarra ; ils ont leur titre de liberté sur le visage. En 1840, quelques-uns réclamèrent: le gouverneur, M. Charmasson, décida, par arrêté, qu'on ne pourrait rechercher les fraudes antérieures à 1840, et que les captifs introduits resteraient captifs. C'était confisquer audacieusement des droits acquis, consacrer le vol, supprimer l'état de personnes légalement libres, toutes choses certainement hors de la limite des pouvoirs du gouverneur. Des réclamations se produisirent devant l'autorité judiciaire; il arriva au Sénégal ce qui se voit tous les jours aux Antilles. Quelques captifs obtinrent leur liberté en première instance, devant un juge royal qui n'a pas aliéné son indépendance. Mais ils ont invariablement succombédevant la cour d'appel, qui ne trouve jamais preuve complète ou suffisante de l'introduction frauduleuse postérieure à 1823.


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