Saint-Domingue : ( 1629-1789 ), la société et la vie créoles sous l'Ancien Régime

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SAINT-DOMINGUE

liffet, en octobre 1700, « on refuse présentement 2.000 écus d'une habitation qui a été achetée, il y a dixhuit mois, 70 écus, et bien qu'on n'y ait fait aucun travail1. » 10.000 écus, c'est d'ailleurs ce que dépensent annuellement nombre d'habitants 2. Aussi les gouverneurs ne tarissent-ils pas sur la richesse et l'opulence des colons. Dès 1730, ils nous dépeignent la large existence que mènent sur leurs habitations les propriétaires, « qui vivent si aisément qu'ils peuvent nourrir du superflu de leur table et du reste du bouillon de leur pot » des parasites sans nombre, dont le toit abrite sans distinction tous ceux qui viennent y demander l'hospitalité 3, dont les femmes, habillées de taffetas et d'étoffes de prix, excitent l'envie et la cupidité de ceux qui arrivent 4. 1. Du même, 10 octobre 1700 (Ibid., vol. V). « Il y a des subalternes et des habitans à Léogane qui ne dépensent pas moins de 10.000 écus par an. » (Lettre de M. de Châteaumorand, gouverneur du Cap, 15 janvier 1717. Ibid., vol. XIII.) 2.

3. Critiquant l'établissement projeté d'une maison de charité à Léogane, « cela ne feroit. écrit l'intendant Saint-Aubin, qu'augmenter le nombre des paresseux et ne pourroit que diminuer la charité des habitans. L'expérience prouve qu'il n'y a pas un pauvre dans cette colonie, qui ne trouve une retraite dans le besoin, et surtout lorsqu'il se présente malade chez un habitant. Nous en avons même plusieurs qui ont assez de charité pour rechercher les malades, et qui en retirent plusieurs dans leurs habitations. Ces endroits sont connus des pauvres gens. Et enfin il n'y a point d'habitant, même ceux qui envisagent l'embarras que causent les malades, qui n'en prenne un chez lui lorsque l'occasion se présente, et cela avec d'autant plus de plaisir que ce n'est pas une dépense pour lui, et particulièrement ceux de la plaine de Léogane qui vivent si largement.... » (Lettre de Saint-Aubin, du Petit-Goave, 27 juin1731. Ibid., vol. XXXIII.) J'ai voulu citer cette lettre, parce qu'elle confirme le fait que j'avance, et parce que, aussi, elle fait ressortir un trait honorable de cette population si singulière par d'autres côtés. 4. Un des grands griefs des habitants contre les directeurs de la Compagnie des Indes fut ce propos qu'on rapporta d'eux, que « l'on voyoit à Saint-Domingue bien des femmes vêtues de soie et de taffetas qui, dans peu, seroient fort heureuses d'avoir de la toile de halle pour


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