Saint-Domingue : ( 1629-1789 ), la société et la vie créoles sous l'Ancien Régime

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ORIGINES

DE

LA

COLONISATION

ET PREMIERS

COLONS

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« qui sont encore, écrit un gouverneur découragé, ce que nous avons ici de meilleur 1 », et l'on ne taxera pas d'exagération, je pense, les constatations de M. de Brach, lieutenant de roi à Léogane, qui écrivait en 1700 : « Il n'y a aucun homme dans cette colonie qui ne se croie plus que nous officiers du Roy, quoiqu'ils ne soient pour la plupart que des engagés, banqueroutiers ou gens de sac et de corde, galériens qui se sont sauvés ici ou y ont esté envoyés, gens sans honneur et sans vertu2. » En fait, l'esprit et les mœurs de cette population sont ce qu'on peut supposer, exécrables. L'esprit, d'abord, et il faut tout le sang-froid des gouverneurs pour prévenir de continuels soulèvements. « Cette colonie, mande Du Casse, n'ayant esté formée que selon le caprice de chaque particulier, elle a subsisté dans le désordre3. » Les habitants de Léogane sont complètement indisciplinés, ceux du Cap « sont des brigands qui ne reconnoissent ni l'autorité ni la raison1 ». En un mot, l'insolence et la mutinerie sont partout. La liberté du commerce et la suppression des Compagnies sont bien les prétextes invoqués lors des révoltes de 1670 et de 1723, mais là-dessous couve autre chose. En 1670 déjà, d' « étranges discours » circulent dans l'île sur l'oppression où sont réduits les habitants 5. 1. Lettre de M. de Fayet. gouverneur du 13 décembre 1736 (Ibid., ol. XL1II).

v

2. Lettre de M. de Brach. lieutenant de roi à Léogane, août 1700 (Ibid., vol. V). 3. Rapport de Du Casse, de 1692 (Ibid., vol. II). 4. Rapport de Du Casse, du 15 mai 1691 (Ibid.). 5.

L'e

sprit des nouveaux colons est, du reste, aussi mauvais que celui


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