ORIGINES
DE
LA
COLONISATION
ET PREMIERS
COLONS
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tants, beaucoup de flibustiers n'ont répudié complètement ni l'esprit ni les mœurs de leur ancienne profession. Je le notais tout à l'heure, certains ne répugnent nullement à reprendre, à l'occasion, leur première manière de vivre, et cela forme une population amphibie 1, c'est bien le cas de le dire, de mœurs extrêmement libres. Il n'est pas un habitant qui refuse une avance à un flibustier ou qui, du moins, ne lui accorde toute sa sympathie. « On ne sauroit croire en effet, écrit un gouverneur, l'indulgence qu'on a ici pour les forbans. On les y regarde comme on regarde en France la jeunesse qui s'enrôle pour faire une campagne. Une partie des anciens habitants a fait ce métier. Tout le monde leur donne retraite et protection 2. » Quant aux boucaniers, s'ils ont diminué dans de plus notables proportions que les flibustiers, ils subsistent encore en groupes isolés, vivant par bandes dans les bois sous le nom de « gens des bois », « garçons chasseurs et volontaires », « gens fort libertins, accoutumés à la débauche et à vivre indépendants 3 ». A ce fond de la population primitive viennent donc, comme je le disais, s'adjoindre peu à peu les arrivants d'Europe. Or, à voir quels ils sont, on ne trouve pas forcée l'indignation des gouverneurs à leur endroit. Ce 1. Le mot est de Burney, History of the buccaneers of America, p. 40. -•Lettre de M. de Galliffet, du 15 mai 1701 (A. M. G., Corr. gén.. Saint-Domingue, C9, vol. V). 3
. Mémoire do M. de Gabaret, chef d'escadre du Roi, du 4 juin 1671 , vol. I). Cf. : Lettre de M. de Cussy, du 3 mai 1688 (Ibid.) ; lettre de M. de Charritte, lieutenant de roi au Cap, du 22 décembre 711 (Ibid., vol. IX). En 1736, il se trouve encore de ces « gens des bois u o chasseurs » dans le quartier du Cap (Lettre du marquis de Fayet, du 12 juin 1736. Ibid., vol. XLI1I). (Ibid