Saint-Domingue : ( 1629-1789 ), la société et la vie créoles sous l'Ancien Régime

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SAINT-DOMINGUE

établir. Car, ajoute-t-il, « les îles se formeront de cette manière, par une suite de temps considérable : la succession de vingt hommes en établira un, et insensiblement elles deviendront florissantes1 ». C'est bien, en effet, ce qui se réalisa, et assez vite. Mais il faut avouer que, comme je le disais, la quantité des colons est très disproportionnée à leur qualité, et que c'est vraiment un singulier monde que celui qui, pendant la première moitié du XVIIIe siècle, se superpose peu à peu au monde déjà si étrange des flibustiers et des boucaniers. Un coup d'œil jeté sur cette société nous en convaincra, et ce coup d'œil, il serait dommage assurément de nous en priver. « De tous les besoins de la colonie, écrit un gouverneur, il n'y en a point de plus pressant que d'établir des prisons et des geôliers », car, ajoute-t-il, « il faut ici tenir aux gens le cordeau roide 2 ». Ne voyons là aucune exagération. Les mêmes choses nous sont confirmées par d'autres. « Tout le monde à Saint-Domingue, dit M. de Galliffet, en 1701, court à ses propres affaires ou à ses plaisirs, préférablement au service, et l'habitude de ce procédé-là estant establie en règle estimée si juste qu'on passeroit pour tyran si on entreprenoit de la changer en religion, en discipline, en justice et en police, on ne peut imaginer un pays plus licencieux 3. » L'on se doute d'abord que, même transformés en habi1. Lettres de Du Casse, des la novembre 1691, 30 mars 1694, 1er mars 1699 (A. M. C., Corr. gén., Saint-Domingue, C9, vol. II, III, IV). 2. Lettre de Du Casse, du 27 juin 1698 (Ibid., vol. IV). 3. Lettre de M. Joseph de GallilTet, gouverneur intérimaire de la colonie, du 15 mai 1701 (Ibid., vol. V). Galliffet mourut en 1706 (Charlevoix, Op. cit., t. IV, p. 208).


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