Saint-Domingue : ( 1629-1789 ), la société et la vie créoles sous l'Ancien Régime

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ORIGINES DE

LA

COLONISATION

ET PREMIERS

COLONS

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dé limiter le nombre des sucreries, pour celte raison « que les autres colonies suffisent aux besoins du royaume1 » ! Toutefois, plus extraordinaire encore est la position prise par le gouvernement, mis en face d'une autre question, celle des monnaies. 11 est entendu que les colons, aussi bien que les négociants de France, doivent opérer par échange le troc de leurs produits respectifs. Mais si la chose est presque toujours possible aux uns, on ne réfléchit pas qu'elle est souvent impraticable aux autres. Comme l'observe très bien le gouverneur marquis de Sorel, en 1722, « un marchand de nègres ne peut vendre aux gros habitans tous ses nègres en sucre, parce que, quelque prix que les nègres puissent valoir, il auroit des produits de la vente des effets trois fois plus qu'il n'en pourroit rapporter et qu'il ferait un très mauvais retour. Il faut donc qu'il compose avec le sucrier, et fasse son marché deux tiers en argent et le tiers en (Arrêt du Conseil du 20 juin 1698, Archives nationales, E, 1904). « Pour établir, expose le même arrêt, la quotité de ce que chacun des habitans pourra planter de tabac pour composer ladite quantité de 700 milliers, il sera l'ait annuellement par chacun des cultivans, dans le temps qui sera prescrit, une déclaration de la portion de tabac que chacun entend planter. » (Ibid.) 1. « J'ai vu, écrit le minisire à Du Casse, le 26 lévrier 1698, j'ai vu, en examinant l'état de la cargaison qui m'a été renvoyé du bâtiment Le Dauphin, arrivé dans la rade de la Rochelle, qu'il a rapporté une quantité considérable de sucres; et il paraît, par ce qu'on écrit à M. Bégon, qu'on se propose de s'appliquer beaucoup à cette culture dans SaintDomingue. Comme elle ne peut être que très préjudiciable aux colonies de l'Amérique, s'en fabriquant assez considérablement dans les Isles du Vent pour juger qu'il y en aura bientôt plus qu'il ne peut s'en consommer dans le royaume, et qu'ainsi ce sera un nouvel excédent, l'intention du Roy est que vous détourniés les habitans de cette vue, qui ne peut jamais leur être aussi avantageuse que la culture de l'indigo, du coton... » (Lettre du ministre à Du Casse, du 26 février 1698, dans Moreau de Saint-Méry, Op. cit., t. I, p. 582-583). Cf. la lettre de Du Casse au ministre, du 22 septembre 1698 (A. M. C, Corr. gén., SaintDomingue. C°, vol. IV).


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