ORIGINES
DE LA
COLONISATION
ET
PREMIERS
COLONS
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Saint-Nicolas, — des sirops et mélasses contre un certain nombre de produits strictement énumérés 1. Mais sur le commerce même des produits recherchés par les armateurs de France, est-il besoin de dire quelle répercussion ont les principes étroits exposés plus haut? La plus sensible est l'avilissement désastreux pour les colons du prix de ces produits. Tout y concourt. En premier lieu, et sans qu'il soit besoin d'insister, la position privilégiée des nationaux qui restent maîtres de l'offre, et en abusent à tel point qu'en 1689, pour ne citer qu'un exemple entre mille, des navires vendent à Saint-Domingue une aune de toile 60 livres de tabac, « en sorte qu'un pauvre habitant est contraint de donner tout le travail de son année pour 17 ou 18 aunes de toile 2 ». « Si les habitans, déclarent du reste nettement MM. de Blénac, gouverneur, et Mithon, intendant, en 1716, si les habitans avoient la liberté de vendre aux Anglais leurs indigos et leurs sucres, comme ils le disent, cette isle regorgeroit d'argent, puisqu'ils font valoir 6 à 7 piastres le cent de sucre qui ne vaut ici que 9 livres, et 4 livres l'indigo qui n'y vaut que 50 à 52 sols, et les habitans n'auroient pas leurs sucreries pleines de sucres et de sirops qui s'y perdent 3. » Mais, — détail moins apparent à première vue, — à l'abaissement des prix contribue aussi la défense dont je parlais tout à l'heure, 1. Les lettres du Roi, du 18 avril 1763, autorisent l'échange des sirops t mélasses contre les produits suivants : bœufs vivants, cochons vivants, moutons, cabris, volailles, chevaux, mulets, riz, pois, légumes et fruits verts, blé d'Inde ou d'Espagne, avoine, son, planches et soliveaux, merrain, briques, calèches et cabriolets (Ibid., vol. CXV). e
2. Lettre de M. de Cussy, du 25 avril 1689 (Ibid., vol. II). 3. Lettre de MM. de Blénac et Million, de Léogane, 1« juillet 1716 (Ibid., vol. XII). 3