Saint-Domingue : ( 1629-1789 ), la société et la vie créoles sous l'Ancien Régime

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ORIGINES DE

LA COLONISATION

ET PREMIERS

COLONS

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alors, un arrêt semble se produire dans l'expansion française. L'initiative individuelle qui, pendant près d'un siècle, avait entraîné tant de hardis compagnons vers les Indes occidentales paraît défaillir. Les temps héroïques sont passés où une colonie comme SaintDomingue avait pu se former seule, passé aussi le temps où d'Ogeron pouvait, sur la seule confiance qu'inspirait son nom, décider chaque année deux cents ou trois cents Français à passer à Saint-Domingue 1. Beaucoup que tentaient jadis l'espoir d'une fortune rapide, l'appât d'audacieux coups de main, la perspective de fructueuses rapines, ne sont plus guère séduits par la vie de travail lettre de M. de Charritte, lieutenant de roi au Cap, du 22 décembre 1711 [Ibid., vol. IX). 1. Dans un mémoire remis à Colbert par Ogeron en 1669, pendant un de ses séjours en France, mémoire cité par Charlevoix (Op. cit., t. III, p. 109) : « J'ai, dit ce gouverneur, fait passer chaque année à mes dépens à la Tortue et coste Saint-Domingue 300 personnes. » De fait, lorsqu'en cette année môme 1669, il revint à la Tortue, où il débarqua en septembre, il emmenait avec lui 225 hommes, « dont il n'est mort personne », disait-il dans une lettre au ministre, du 23 septembre (A. M. C, Corr. générale, Saint-Domingue, C9, vol. I). Il faut lire, d'ailleurs, le mémoire remis par lui en 1668 au capitaine commandant son navire la Nativité, pour apprécier les qualités de cet administrateur de premier ordre. Ledit mémoire est curieux par les détails qu'il nous fournit sur un transport d'émigrants à cette époque. « Les passagers, y est-il dit, devront être traités avec toute la douceur possible, sans permettre que les matelots les frappent sous prétexte de les châtier.... Ils auront la liberté de s'aller divertir à terre.... Ils auront des nattes et pourront se faire faire des matelas.... II y aura des bailles suffisamment pour faire tremper les chemises et les caleçons.... Avant le départ, on payera au capitaine ou au commis la quantité d'eau-de-vie que chacun voudra dépenser pendant la traversée. Elle leur sera ensuite fournie tous les jours.... Il sera acheté quantité d'oignons et d'herbes fortes pour faire taire de grands potages, parce qu'il n'y a rien qui rafraîchisse davantage... Le jour du départ, on tuera du bétail... On aura du gru au matin, à midi des pois avec potages, et au soir du lard... L'on fera mettre dans le navire quantité d'ceufs, de beurre, de moutons et volailles pour faire des bouillons aux malades, qui seront couchés dans la. chaloupe. Elle sera sur le pont, couverte d'une bonne toile goudronnée.... Les malades auront des couvertures et des matelas » (Ibid.).


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