Saint-Domingue : ( 1629-1789 ), la société et la vie créoles sous l'Ancien Régime

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SAINT-DOMINGUE

de la plus belle de nos colonies d'Amérique et les en nommer « les pères », suivant un mot qui revient souvent sous la plume des premiers gouverneurs, il faut reconnaître aussi que pareil titre, ces premiers gouverneurs aidèrent bien à le mériter à leurs administrés. A des hommes que poussait et qu'inspirait un désir, et comme une soif d'absolue liberté, ou que guidaient des instincts de pillage, des chefs tels qu'Ogeron, Du Casse et tant d'autres surent inspirer les qualités qui font les véritables colonisateurs, et avant tout l'attachement au sol. Par une adroite politique, en effet, ils arrivèrent d'abord à grossir ce noyau trop petit de vrais colons qui s'était formé sous le nom d' « habitants », et qui, délaissant les entreprises de la flibuste ou de la chasse, furent les premiers cultivateurs du sol de Saint-Domingue. Dès 1665, faisant très nettement la différence de ces derniers et de ceux qui se soustrayaient encore à toute autorité : « Sept ou huit cents François, écrivait Ogeron à Colbert, le 20 juillet 1665, sont encore habitués le long des costes de cette Isle espagnole, dans des lieux inaccessibles, entournés de montagnes, ou de grands rochers et de mer, et vont partout avec de petits canots. Ils sont trois ou quatre, ou six, ou dix ensemble, plus ou moins écartés les uns des autres de deux ou trois, ou six, ou huit ou quinze lieues, selon qu'ils trouvent les endroits plus commodes, et vivent comme des sauvages, sans reconnoitre personne, ni sans aucun chef entre eux et font mille brigandages. Ils ont volé plusieurs bastimens hollandois et anglois, qui nous a causé beaucoup de désordres ; ils vivent de viande de sangliers et de bœufs sauvages, et font quelque peu de tabac


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