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SAINT-DOMINGUE
du pays. » « Et sont-ils plus avancés, ajoute ce même M. de Rouvray,ceux que nous voyons courir d'un bout à l'autre de la colonie en quinze jours, pour avoir le droit de dire en arrivant à Versailles qu'ils sont parfaitement instruits de l'administration, des finances, de la partie militaire, de la culture de la colonie?... Que peuvent-ils cependant y avoir vu ? De grands dîners que les procureurs d'habitation leur ont donnés, de grands respects, de bons lits, de bons chevaux pour voyager. Aussi, tout a dû leur paroître prospérité et bonheur à SaintDomingue. De superbes barrières, dont le propriétaire n'a quoi faire, qui n'ont aucune solidité et qu'il faut refaire tous les trois ou quatre ans, d'assez beaux bâtimens en apparence, mais mal commodes et fort mal entendus, , qui ont coûté le double de leur valeur à leurs propriétaires, c'est encore à peu près ce que ces messieurs y ont vu. Mais sont-ils descendus dans les détails qu'on a eu bien soin de leur cacher ? Se sont-ils informés du malheureux esclave, comme il y étoit traité, s'il trouvoit dans les hôpitaux les soins nécessaires, si le gérant ne lui voloit point ses vivres, si les châtimens n'y étoient point excessifs, si on ne lui enlevoit point sa femme ou sa maîtresse?... A les entendre pourtant, ils ont tout vu, tout approfondi, et des gens de Paris, des gens considérables les croiront peut-être sur parole 1 ! » Car voilà à quoi aboutissait l'admirable effort colonial de plus d'un siècle, à une ploutocratie qui ne voyait plus dans Saint-Domingue qu'une mine inépui-
1. Archives nationales, D XXV. 15, doss. 13, n° 15.