Saint-Domingue : ( 1629-1789 ), la société et la vie créoles sous l'Ancien Régime

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VIE

ET MOEURS

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CRÉOLES

Yo vos dit, femme est bin sotte, Si pas connaît fair payer blanc !l

Mais ces toilettes tapageuses, ces attitudes provocantes ne sont rien en comparaison de celles qu'étalent et que prennent les filles de couleur, insatiables de luxe et de débauche, dans les grands bals que fréquemment elles offrent à leurs amis. « On a vu à Jérémie jusqu'à trois de ces bals donnés par elles en une seule année : dans le premier on n'admettait que celles vêtues en taffetas ; dans le deuxième, que celles habillées en mousseline; dans le troisième, que celles mises en linon 2. » Et pareilles fêtes qui presque toujours dégénèrent en orgies, où, à un moment donné, les lumières sont éteintes, ont fait plus que tout, à juste titre du reste, pour établir la réputation de corruption babylonienne des villes de Saint-Domingue3. Reconnaissons-le, ce sont là les seules brillantes « réunions de société » des villes de la colonie. Les hommes s'y rendent volontiers, sans que, comme l'on dit, cela tire à conséquence. Ailleurs, ce n'est pas la même chose. Dès qu'une réception est organisée par quelqu'un dit de la société, tout de suite mille « considérations » surviennent qui la font échouer. Sait-on d'abord avec qui l'on s'y rencontrera? Car la « compagnie » des villes est singulièrement mêlée. « Le Cap, constate un mémoire de 1780, est une ville très considérable, très peuplée, très commerçante, dans laquelle, 1. Ibid., F3 139, p. 21. 2. Ibid., F3 133. p. 386-387. 3. A. Dessalles, Histoire générale des Antilles, t. V, p. 520. 22


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