Saint-Domingue : ( 1629-1789 ), la société et la vie créoles sous l'Ancien Régime

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SAINT-DOMINGUE

retourner en Europe avec quelque fortune est une des principales causes qu'ils ne se mettent point en peine de se procurer les commodités de la vie. Jusques à présent, on n'y a fait bâtir que de mauvaises maisons dont les cloisons sont si mai jointes que les chambres y sont aussi éclairées, les fenestres fermées, que lorsqu'elles sont ouvertes ; la pluie y entre, pour peu qu'elle tombe obliquement, et la poussière y trouve une issue si facile qu'on ne sauroit conserver aucun meuble de prix 1. » Et bien plus tard : « L'habitant de ce pays, note M. Hilliard-d'Auberteuil, n'ose embellir l'intérieur de sa maison ; il craint de s'attacher à ses propres biens et même de trouver quelques plaisirs qui puissent le fixer; il veut être toujours prêt à s'embarquer 2. » « L'aspect des habitations, écrit de même M. de Wimpffen, pourroitêtre autrement agréable si les propriétaires vouloient s'en donner la peine; mais, au lieu de citoyens, il n'y a à Saint-Domingue que des passagers, plus occupés à se préparer les moyens d'en sortir qu'à se procurer ceux d'y passer une vie agréable et douce 3. » Gela est enfin confirmé par une autorité qui n'est pas suspecte, celle de Moreau de Saint-Méry lui-même, « car, écrit-il, la manie générale à Saint-Domingue est de parler de retour ou de passage en France. Chacun répète qu'il part l'année prochaine, et l'on ne se considère que comme des voyageurs... Un habitant se regarde comme campé sur un bien de plusieurs millions; sa demeure 1. Mémoire de M. de Charritte, 1715 (A. M. C, Corr. gén., Saint-Domingue, 2e série, carton II). 2. Hilliard d'Auberteuil, Op. cit., t. I, p. 106. 3. Wimpffen, Voyage à Saint-Domingue, t. I, p. 156.


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