Saint-Domingue : ( 1629-1789 ), la société et la vie créoles sous l'Ancien Régime

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la même époque on prétendait découvrir les nègres empoisonneurs donne au surplus une idée des préjugés invraisemblables qui couraient dans la colonie. « Nous n'avons jamais voulu croire ce moyen, exposent MM. de Larnage et Maillart, mais nous en avons toujours ouï parler comme d'une chose certaine. On enferme le nègre empoisonneur, on le fait purger et lui fait couper exactement tous les cheveux, poils et ongles de son corps, à la faveur desquels on prétend qu'il cache des préservatifs, et le lendemain, on le fait fouetter d'une branche de l'arbuste qu'on appelle médicinier ou d'une branche de vigne, et l'on a la preuve que cette fustigation fait souffrir aux nègres des tourments si épouvantables qu'il n'y a pas de question qui en approche. Ces coups leur font enfler le corps et ils en meurent, tandis qu'il n'arrive rien à ceux qui ne sont pas coupables. Voilà le difficile à comprendre l. » D'assez bonne heure, toutefois, les esprits éclairés firent justice de ces insanités. « Il est reconnu, mandent au ministre, en 1766, MM. d'EstaingetMagon, il est reconnu, d'après l'examen le plus suivi, que le sublimé et l'arsenic colorés par différents sucs d'herbes sont la base du poison que les nègres emploient. Il leur est vendu par les domestiques des chirurgiens d'habitations. Les inventaires après décès de ces chirurgiens prouvent en effet la quantité d'arsenic et de sublimé qu'ils emploient et le peu de soin avec lequel ils gardent, sans même les mettre sous clef, ces deux poisons, dont on se sert, il est vrai, pour les maladies vénériennes des nègres et i. Lettre de MM. de Larnage et Maillart, Léogane, 18 mars 1746 (A. M. G.. Corr. gén., Saint-Domingue, C9, vol. LXIX).


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