Saint-Domingue : ( 1629-1789 ), la société et la vie créoles sous l'Ancien Régime

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LE MONDE NOIR

Quoi qu'il en soit, les seuls jours de liberté, qui interrompent les pénibles et monotones labeurs des nègres, sont les dimanches et fêtes. Ces jours, quelques-uns les passent dans le plus complet abrutissement : pendant des heures, ils restent accroupis devant leurs portes, « sans donner aucun signe d'existence » ; ou bien « la pipe à la bouche, la main remplie de graines de maïs, ils comptent et recomptent ce qu'ils doivent et ce qui leur est dû ; les femmes cherchent les poux de leurs enfants pour les manger, à mesure qu'elles en trouvent, ou sucent le nez de leurs moutards morveux1 ». Mais le plus grand nombre occupent leurs loisirs à boire et à danser, seules distractions qu'ils connaissent à leurs travaux. La danse surtout est chez eux une véritable passion. La plus ordinaire s'appelle le calenda. Elle est accompagnée de deux tambours faits de morceaux de bois creux recouverts d'une peau de mouton ou de chèvre. Le plus court porte le nom de bamboula. Sur chaque tambour est un nègre à califourchon qui le frappe du poignet et des doigts, mais avec lenteur sur l'un et rapidité sur l'autre. Nombre de nègres secouent en même temps de petites calebasses garnies de cailloux ou de graines de maïs. L'orchestre est parfois complété par le banza, espèce de violon grossier à quatre cordes, que Ton pince. L'accompagnement ainsi réglé, « les danseurs, nous dit le P. Labat, sont disposés sur deux lignes, les uns devant les autres, les hommes d'un côté, description qui, quoique exceptionnelle, répond certainement à une réalité. Voir notamment pages 6b à 99. 1. Descourtilz, Voyage d'un naturaliste... à Saint-Domingue, Paris 09, 3 vol. in-8°, t. III, p. 189.

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