Saint-Domingue : ( 1629-1789 ), la société et la vie créoles sous l'Ancien Régime

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LA NOBLESSE

FRANÇAISE A

SAINT-DOMINGUE

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Ont-ils plus de droits à exercer la police, la petite police, au moins, c'est-à-dire tout ce qui concerne les rixes, les querelles, les cabarets, les réparations des rues, les femmes de mauvaise vie, les marchés? Evidemment non, car la « police particulière doit être confiée aux juges ordinaires sous l'inspection de l'intendant1 ». Ces juges, on les met, d'ailleurs, dans l'impossibilité de remplir même leur charge de justice, « obligés qu'ils sont de renvoyer les parties qui s'adressent à eux pardevant les officiers majors, lorsque, sur la demande de la partie adverse, ces messieurs ont pris connaissance d'une affaire, ou s'ils ne le faisoient pas, de s'exposer aux traitemens les plus durs, à des citations au PetitGoave qui les ruinent, et à mille indignités2 ». Plus violentes encore, on le devine, sont les dénonciations des sous-ordres. « M. Buttet, major au Fort-Dauphin, écrit un certain Croisœuil, juge du même quartier, M. Buttet m'a dit cent fois qu'il avoit icy la mesme autorité que M. le général, que tout y résidoit en luy, que 1. Lettre de M. Duclos, intendant, du 19 avril 1736 (Ibid., vol.XLIII), et lettres de M. de Lalanne, intendant, du Port-au-Prince, du 27 mars et du 7 octobre 1754 (Ibid., vol. XCV). 2. Lettre de M. de la Chapelle, intendant, du 22 octobre 1736 (Ibid., vol. XLIV). — Le principe, expose aigrement La Chapelle, est que les officiers peuvent être amiables compositeurs des contestations qui surgissent entre habitants, mais seulement du consentement des deux parties. Or, ajoute-t-il, voici comment les choses se passent : « Une des Parties s'adresse d'abord à un officier de milice, lequel rend son ordonnance Si la partie adverse ne veut point y acquiescer, il lui est ordonné de se rendre devant l'officier major commandant, sous peine de désobéissance. Refuse-t-elle de s'y rendre dans le moment ? Elle y est traînée par les archers, et là le jugement préparatoire est de passer Plusieurs jours en prison. De là, sur la plainte portée par l'offîcierma jor, cet homme est mandé au Petit-Goave, où souvent, sans être écouté, il subit encore plusieurs jours de prison ; après quoi on lui dit d'aller plaider tant qu'il voudra. » (Lettre de M. de la Chapelle, du Petit-Goave. 18 avril 1736. Ibid., vol. XL1II.)


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