Saint-Domingue : ( 1629-1789 ), la société et la vie créoles sous l'Ancien Régime

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LA NOBLESSE

FRANÇAISE A

SAINT-DOMINGUE

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unie, disciplinée, traditionnelle, ne pouvait manquer de devenir un élément d'ordre et de civilisation. Cela, un gouverneur, M. de Larnage, le devina de bonne heure. Exposant au ministre, en 1746, les raisons qui l'engageront toujours, dit-il, à favoriser les projets d'établissement des officiers dans l'île, soit qu'ils demandent à servir dans les quartiers où ils possèdent des biens, soit qu'ils sollicitent leur passage des troupes réglées dans la milice, on ne saurait trop, en effet, ajoute-t-il, encourager pareils desseins, car « ces officiers, qui restent dans le pays, y forment vraiment un levain d'habitans de meilleure estoffe que celle de nos premiers et vénérables auteurs 1 ». Un levain, aucune expression ne pouvait être plus heureusement choisie pour exprimer quel ferment était nécessaire à la transformation de la masse sans cohésion qu'était encore, à cette date de 1746, la population de Saint-Domingue. C'est la même idée qu'exprimait, moins fortement, un certain Barthou, ancien procureur du roi au Cap, qui constatait, en un mémoire daté de 1764, que « la quantité de personnes comme il faut passées depuis quelques années à Saint-Domingue avoit singulièrement policé le pays 2 ». Et si l'on doutait de la valeur de ces témoignages, aux singuliers types que j'ai esquissés tout à l'heure il suffirait d'en opposer quelques-uns empruntés à notre noblesse d'outre-mer pour comprendre quels modèles les uns purent être pour les autres. Parmi tant de gentilshommes transplantés à Saint-Domingue, il

1.

Lettre de M. l. LXIX).

vo

2

. Ibid., vol. CXX.

de Larnage, du Petit-Goave, 6 mars 1746 (Ibid.,


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