Saint-Domingue : ( 1629-1789 ), la société et la vie créoles sous l'Ancien Régime

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SAINT-DOMINGUE

Ce que je dis de l'administration financière à ce sujet, je pourrais le dire avec plus de vérité encore de l'administration judiciaire, où les officiers jouissent, en plein XVIIIe siècle, à Saint-Domingue, de prérogatives qu'à peine à la même époque, dans la métropole, pourrait-on imaginer avoir jamais été prérogatives de gentilshommes. Jusqu'en 1685, date de l'établissement du Conseil supérieur du Petit-Goave, il n'y eut dans l'île qu'une juridiction, la militaire1. Mais si, après cette date, il se crée, comme je l'ai dit, une hiérarchie judiciaire, en dépit des efforts de leurs rivaux, les officiers conservent une autorité de principe et de fait vraiment remarquable : de principe, car le gouverneur général, les gouverneurs particuliers, deux lieutenants de roi et deux majors gardent, dans la circonscription de chacun des deux Conseils, droit de séance et voix délibérative aux assemblées de ces Conseils2; de fait, car, sous prétexte de flagrants délits, au criminel, d'arbitrages, de tentatives de conciliation ou de cas spéciaux3, au civil, 1. « Les juges jusqu'en 1685 étaient les gouverneurs et les capitaines de milices, commandants de quartier. C'est en 1685 que MM. Bégon et Saint-Laurent établirent des juges royaux et un Conseil souverain. » (Lettre de MM. de Charritte et Mithon, de Léogane, du 15 juin 1712. AM. C., Corr., vol. IX.) 2. Lettre de M. de Montholon, intendant, du 31 mai 1725 (A. M. C., Corr. gén., Saint-Domingue, G*, vol. XXV). 3. Tels que les différends entre habitants et engagés, telles encore que les questions d'État, celles-ci fort graves en des colonies où le moindre soupçon de mélange do sang suffit à faire perdre à un individu ses droits civiques et politiques, et aussi ses droits militaires, puisqu'il ne peut plus servir dans la milice dès qu'il est reconnu comme homme de couleur. C'est même cette dernière considération qui justifie la compétence que s'attribuent sur ce point les officiers commandant les milices, et qu'ils conservent sans contestation jusqu'en 1763. Un gouverneur nous indique très bien comment alors se réglaient ces questions. Avant cette date de 1763, écrit M. de Nolivos, « les difficultés


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