Saint-Domingue : ( 1629-1789 ), la société et la vie créoles sous l'Ancien Régime

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LA NOBLESSE

FRANÇAISE

A

SAINT-DOMINGUE

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diale de l'émigration de la noblesse. Du moins est-ce la première que notent à Saint-Domingue les gens bien placés pour en juger. « Les officiers qui passent en cette colonie, écrit M. Auger, en 1705, n'y viennent que parce qu'ils ne peuvent plus subsister dans le royaume 1. » Un de ces officiers, M. Joseph de Paty, fait la même remarque en 1720. « Tous les officiers qui viennent servir dans l'Amérique, dit-il, ne prennent ce party que parce qu'ils sont nés sans bien et qu'ils espèrent y trouver des secours qui les mettront en état de servir dignement le Roy2. » Remarquez le terme dont se servent les auteurs des deux lettres dont je viens de citer quelques lignes : les officiers. Ce n'est guère, en effet, à un autre titre qu'au titre militaire que les gentilshommes s'expatrient d'abord et nous ne les voyons qu'exceptionnellement au début « passer aux îles » pour s'y livrer au commerce ou à l'agriculture même. Aussi leur émigration marque-t-elle peu à l'origine et ne trouvent-ils que d'assez insuffisantes compensations à leur expatriation. Ils sont partis pour fuir la misère, et c'est la misère qui les attend trop souvent aux colonies. La correspondance des gouverneurs de SaintDomingue nous édifie sur ce point. Étant donnée la cherté de la vie, écrivent-ils, les appointements du Roi ne peuvent nourrir un officier plus de trois mois ou même 1. Lettre de M. Auger, gouverneur, de Léogane, 13 juillet 1705 (A. M. G., Corr. gén., Saint-Domingue, G9, vol. VII). 2. Lettre de M. de Paty, lieutenant de roi à Léogane, 8 juillet 1720 (Ibid., vol. XVIII). 3. L'Ordre du Roi pour l'embarquement des premières troupes réglées par lui envoyées aux îles est du 24 mars 1666 (Moreau de Saint-Méry, Lois et constitutions...., t. I, p. 151-152). 7


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