Saint-Domingue : ( 1629-1789 ), la société et la vie créoles sous l'Ancien Régime

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SAINT-DOMINGUE

le pouvoir reste justement si peu sûr de l'indépendance et de l'intégrité d'une telle magistrature que ce SaintMartin l'Arada, dont je parlais plus haut, ayant, en 1741, commis d'atroces sévices sur ses nègres1, gouverneur et intendant n'osent insister pour le faire citer en justice. « Comme, disent-ils, nous aurions trouvé dans ses juges une opposition constante à lui infliger d'autres peines qu'une amende, nous avons préféré fixer nousmêmes le taux de cotte amende et la proportionner aux besoins d'argent de la colonie. » Ils font donc payer 150.000 livres à ce Saint-Martin, sans même, du reste, oser lui infliger la honte de rendre publique sa punition. On convient que l'amende sera censée être un don spontané. En fait, dans un acte en bonne et due forme, le sieur Saint-Martin, « considérant la fortune immense Ances-à-Pitre, par mer et par terre, retour au Boucan-Brique {habitation de Lacombe) pendant une nuit entière et une partie de la journée et neuf heures de vacation 2.730 1. « Au juge, pour transport de Boucan-Brique au quartier des Ances-àPitre (voyage imaginaire, soit dit en passant, puisqu'il est constaté que le juge a, durant un seul et même séjour aux Ances, procédé à l'apposition des scellés et à l'inventaire). pendant une grande partie du jour et une nuit entière, retour dudit lieu pendant deux jours et deux nuits, à cause du mauvais temps, et vacations 3.625 l. » Or, sait-on à combien le Conseil du Port-au-Prince réduit la note? A 322 1. pour l'apposition des scellés et 403 1. pour l'inventaire. Le sénéchal de Jacmel est d'ailleurs, de ce l'ait, simplement interdit pour trois mois et condamné à rembourser un trop perçu de 5.630 livres (Extrait des minutes du Conseil supérieur du Port-au-Prince, du 6 décembre 1784, et lettre de M. de Bellecombe, gouverneur, du 25 décembre 1784. Ibid., vol. CLVI). 1. « Il a exercé contre cinq de ses nègres, écrivent MM. de Larnage et Maillai t, un genre de supplice dont il n'est point malheureusement l'inventeur et qui étoit déjà connu et pratiqué dans le quartier; ce supplice étoit une mutilation complète. On ne pourrait réellement punir plus sévèrement des noirs. Et les chirurgiens lui ont donné des certificats disant que cette mutilation n'étoit qu'une opération nécessaire. » (Lettre de MM. de Larnage et Maillart, de Léogane, 28 mars 1741. vol. LIV).


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