Saint-Domingue : ( 1629-1789 ), la société et la vie créoles sous l'Ancien Régime

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SAINT-DOMINGUE

colons comme des modèles d'austérité et de continence. On nous dépeint d'ordinaire les boucaniers comme se passant habituellement de femmes, et le P. Le Pers les félicite bonnement « de ne point s'embarrasser ainsi d'un meuble inutile, devant être encore plus des soldats que des habitants 1 ». Ce paraît être de même, pour les gouverneurs, un sujet toujours nouveau d'étonnement que cette rareté de l'élément féminin dans l'île. Adressant à la cour, en 1681, le dénombrement de la colonie, Cussy constate que, contre un nombre de 2.970 Français capables de porter les armes et de 1.000 à 1.200 flibustiers, il n'y a que 435 femmes 2. — « Nous avons trouvé dans ce quartier du Cap, écrivent, d'autre part, en 1684, MM. de Saint-Laurent et Bégon, que les habitans n'ont presque point de femmes3. » Plus de cinquante ans après, en 1742, Larnage note encore qu'au fond de l'Ileà-Vache, « sur 120 habitans qu'il a vus placés là, on ne compte que 4 femmes et 3 filles à marier 4. » Mais sans parler des mœurs spéciales que peut nous laisser soupçonner cette disette, ne nous faisons pas illusion sur elle. C'est une disette de femmes blanches dont il s'agit, et l'île semble assez bien pourvue d'espèces d'autres couleurs : d'Indiennes d'abord, « que l'on prend dans les courses et qui deviennent les plus grandes louves du monde, infectant tous les jeunes gens, flibustiers ou autres, en sorte qu'ils sont tous perdus quand ils demeu1. Le Pers. Op. cit., fol. 253. 2. Lettre de M. de Gussy, du 29 mai 1681 (Ibid., vol. I). 3. Mémoire de MM. (Ibid.).

de Saint-Laurent et Bégon, du 26 août 1684

4. Lettre de M. de Larnage, du fonds de l'Ile-à-Vache, 2 juillet 1"** (Ibid., vol. LVI1I).


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