Saint-Domingue : ( 1629-1789 ), la société et la vie créoles sous l'Ancien Régime

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SAINT-DOMINGUE

au moins. Le vin coûte cher : il vaut à certains moments jusqu'à 120 écus la barrique Aussi se rattrapet-on sur d'autres liquides, sur l'eau-de-vie surtout. Bienheureux temps que celui d'Ogeron ! L'on importait encore la précieuse liqueur ! Dès lors pourtant, le premier gouverneur de l'île se félicitait de l'interdiction du commerce étranger, « ne seroit-ce, dit-il, que pour empescher l'introduction de l'eau-de-vie, à l'aide de quoi les colons augmentent leurs désordres2 ». Cela n'est rien cependant comparé à la consommation d'alcool qui se fait lorsque, les sucreries étant organisées, la colonie se suffit désormais à elle-même avec l'eaude-vie de canne. « Il est ordinaire, écrit un intendant, de voir des gens boire cette eau-de-vie, qu'ils appellent guildive, et qui est d'une force et d'une âcreté peu communes, avec autant de facilité et aussi abondamment que l'on boit du vin dans le royaume3. » J'ai dit plus haut que tous les habitants sucriers débitent sans vergogne leurs tafias. Pourtant le nombre des cabarets est déjà respectable. En 1709, les droits payés par eux sont considérés comme un des bons revenus de la colonie, 10.000 livres, alors que le budget en recettes se monte à peine à 60.000 livres 4. Quarante ans après, ces droits, mis en ferme, rapportent plus 1. Lettre de M. Maillart, intendant, du Petit-Goave, 10 août 1744 (Ibid., vol. LXV). 2. Lettre d'Ogeron, du 23 septembre 1669 (Ibid., vol. I). 3. Lettre de Duclos, intendant, du 30 juin 1721 (Ibid., vol. XX). 4. A cette date, les droits sur l'indigo sont de 38.136 livres, les droits de la boucherie de 6.425, les droits des cabarets de 9.938, les produits des ventes d'agrès et munitions de magasins de 4.038, en tout 58.537 livres (Ibid., vol. VIII, in fine).


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