Vieux papiers du temps des isles. Deuxième série

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UNE AMBASSADE HINDOUE A VERSAILLES EN

1788

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la plus belle cérémonie qui puisse se faire. » Il est probable que ce noble Indien employa des termes plus énergiques, mais traduttore, traditore ! Les Ambassadeurs furent reçus à Versailles par divers personnages : le marquis de Mesme, le duc de Nivernais et le bailli de Suffren tinrent à donner des fêtes en leur honneur. La comtesse d'Artois, entourée de jolies femmes, ayant demandé à Akbar-Ali ce qu'il pensait de la France, celui-ci de répondre : « Madame, nous regardons la France comme un magnifique jardin, dont vous êtes les fleurs. » On conduisit les envoyés de Tippou-Sahib à l'Imprimerie royale, à l'Hôtel de la Monnaie où on frappa des médailles d'argent en leur présence ; on les amena à Neuilly où, dans la plaine des Sablons, eut lieu la classique revue pour « souverains et envoyés extraordinaires », à Sèvres, où ils virent faire des vases genre indien, à la Manufacture des Gobelins. Mais ce qui frappa le plus nos voyageurs ce fut la grande fabrique de papiers peints du sieur Réveillon ! Qu'obtinrent les délégués de Tippou-Sultan sur le terrain plus positif de l'alliance franco-mysorienne ? Ma foi, pas grand'chose ; Versailles, en 1788, avait bien d'autres soucis d'ordre intérieur que celui de s'occuper des affaires des Indes et on ne tenait pas, par ailleurs, à indisposer la Cour de Saint-James. Tippou-Sahib avait demandé l'envoi de trois mille hommes de troupes françaises, se chargeant entièrement de leur entretien ; il offrait en retour le monopole du trafic extérieur du Mysore au commerce français. On jugea à Versailles que si, pratiquement, la chose était possible, nous donnerions à l'Angleterre un très réel sujet de conflit. Bref, les Ambassadeurs indiens ne purent obtenir que de fort vagues protestations d'amitié, et ce fut tout.


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