Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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LE PRÉCURSEUR

leurs bonnes grâces et faire sa propre fortune. Il restait à trouver le moyen d'arrêter Miranda. Les événements favorisèrent à souhait ce projet inique. Casas avait eu soin d'exiger de l'anglais Robertson un acquit des 22.000 dollars dont ce négociant l'avait prié d'autoriser rembarquement sur la Sapphire. C'était une arme terrible entre les mains d'un fourbe et Casas s'en servi t en maître 1. Bolivar était arrivé, le 12 juillet. Meurtri, « l'esprit et le cœur en loques 2 », il avait erré de Caracas à La Guayra, apprenant chaque jour avec un déchirement nouveau et un désespoir extrême, les événements qui précipitaient sa patrie dans une ruine dont il s'accusait d'être le premier coupable. Venu, comme ses compagnons, à La Guayra, il s'y imprégnait à son tour de l'exaltation ambiante, et Casas trouvait en lui presqu'aussitôt, plus qu'un auditeur crédule, un complice ! Ainsi Miranda emportait de l'argent! Miranda les trahissait, les abandonnait à la merci du vainqueur après une capitulation sans exemple et s'en allait tranquille avec ses amis les Anglais ! C'était cela sans doute qu'il avait convenu tantôt avec ce commandant Haynes qui préparait en ce moment l'appareillage ! Les efforts, les sacrifices, le sang répandu c'était donc en pure perte ! Il fallait aviser sur l'heure, punir ce chef de troupes qui ne s'était point contenté de livrer à l'ennemi le territoire de la république, qui lui livrait même ses hommes ! Cet argent, n'était-ce point le prix de la trahison ?... Tout ce que peuvent inspirer le désespoir, la rage et la rancune aussi, car il en voulait à Miranda de ses sévérités et de ses remontrances, s'agitait dans l'esprit surchauffé de Bolivar. Il se fait alors le porte-paroles inconscient mais irrésistible de Casas et de Pena, auprès de ses compagnons exaltés jusqu'à la folie, frémissants de fièvre, d'angoisse ou de colère qui, réunis, ils ne savent comment, dans une salle de la maison de Casas, s'instituent les juges de 1. V. le rapport de Monteverde. 2. Lettre de Bolivar à Miranda. La Guayra, 12 juillet 1812. Documentos, t. XXIX, p. 12.

O'LEARY,


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