Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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LA GUERRE A MORT

les horreurs inventives des batailles d'Hamilcar1 ». Ici, au hasard, c'est le trio sinistre de Gerveriz, jurant de ne faire grâce de la vie à aucun patriote et qui se vantait à bon titre de n'avoir pas une fois manqué à ce serment; d'Antofianzas, impitoyable massacreur d'enfants et de vieillards, bourreau sadique aux instincts de chacal, dont la distraction coutumière était de faire éventrer les femmes enceintes; de Zuâzola, faisant mutiler les morts et expédier dans les villes des caisses remplies d'oreilles coupées que les royalistes clouaient sur leurs portes ou portaient au chapeau en manière de cocarde. Zuâzola se signalait d'ailleurs par d'inimaginables trouvailles. Lorsqu'il s'était rendu maître d'un village, il en faisait défiler devant lui les habitants ; on leur coupait alors le nez, les oreilles, les joues, on les cousait deux à deux par les épaules, ou bien encore, après leur avoir scalpé la plante des pieds, on les faisait marcher sur des cailloux pointus ou des tessons de bouteille2. Là, c'est Bôves, monstre à face humaine, dont le portrait est du reste révélateur : « Il était, selon l'un de ses biographes occasionnels3, de taille moyenne, les épaules larges, surmontées d'une énorme tête aux yeux bleus et troubles enchâssés dans des cavités profondes, le front très bas, les pommettes saillantes, le poil rare . et roussâtre, le nez et la bouche à la ressemblance du bec d'un oiseau de proie. » Il passait avec ses «soldatsbandits4 » comme un ouragan dévastateur, renouvelant à trois siècles de distance le souvenir légendaire du terrible Lôpez de Aguirre. Longtemps après la fin des guerres de l'Indépendance, on montrait encore aux étrangers les témoignages affreux du passage de la légion infernale et de son capitaine : des calvaires en 1. D ESPAGNAT, op. cit., p. 350. 2. V. MONTENEGRO, Geografia, etc., t. VI, pp. 133 et ss., HEREDIA, op. cit., liv. II; GERVINUS, op. cit., t. VI, p. 142, etc. 3. J. V. GONZALEZ, Ràsgos biograficos del Gal josé Félix Rivas. Revisia literaria. Caracas, 1865. 4. C'est ainsi que les qualifiaient tous les premiers les gouverneurs espagnols. V. Rapport du général Montalvo, vice-roi de Nouvelle-Grenade, à la secrélairerie de la guerre, 31 octobre 1814, cité par MITRE, t. III, p. 393. 35


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