Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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LE PRÉCURSEUR

de leurs instructions aux ministres anglais. Il était donc impossible de s'exprimer d'autre sorte dans un document officiel dont un nombre encore considérable des patriotes de la Junte n'eût, au surplus, approuvé la teneur qu'à cette condition. Les députés avaient parfaitement interprété ces sous-entendus et sur ce point aussi, les représentants. du gouvernement britannique semblent avoir démontré quelque complaisance: ce fut même l'un des plus véhéments griefs des ambassadeurs d'Espagne à Londres, qui continuaient à réclamer sans succès contre Miranda les rigueurs de la police anglaise dans le moment même où le secrétaire d'Etat donnait audience à « d'impudents créoles » publiquement en relations avec l'agitateur. Bolivar avait néanmoins conservé à ces rapports toute la discrétion à quoi le contraignait sa qualité diplomatique. Il n'hésita plus, dès la promulgation du décret de blocus, à se départir de toute réserve et s'appliqua même à donner le plus d'éclat possible à sa nouvelle attitude. La mission vénézuélienne n'avait pas encore pris congé du ministre des affaires étrangères, que les journaux mentionnaient la présence au théâtre ou la visite aux monuments publics des députés de Caracas, toujours « en compagnie de l'illustre général Miranda ». Le peintre Gill achevait, à quelque temps de là, le portrait de Bolivar et l'élégante clientèle de l'atelier de Chandler Street pouvait déchiffrer sur la médaille que le jeune américain avait fait ajouter à son costume, et que retenait le ruban tricolore de Miranda, l'une des devises préférées aussi du Précurseur : Sin libertad no hay patria — « Point de patrie sans liberté. » Les Députés de Caracas devenaient les commensaux fervents de la maison de Grafton Square. Miranda les y présentait à tout ce que Londres comptait d'hommes célèbres et de beaux esprits. Joseph Lancaster, entre autres, dont le fameux système faisait fureur à cette époque, rappelait plus tard au Libertador, devenu son protecteur1, « les grands discours par lesquels, disait1. De 1824 à 1829, alors que Lancaster ayant émigré en Amérique essaya d'organiser l'enseignement mutuel en Colombie. Il dut y re-


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