Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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BOLIVAR

susceptibilités de l'élément civil, flatter l'amour-propre de ses compagnons d'armes, calmer les appréhensions des compétiteurs et des jaloux, enlever un vote général en marquant avec insistance son respect absolu des volontés parlementaires. Aussi revient-il adroitement, dans sa réponse à la motion de Mendôza, sur les déclarations qu'il a faites au début de la séance. Il rend tout d'abord de vibrants hommages aux mérites des officiers de l'armée, célèbre en traits heureux leur impétuosité, leur valeur, et proclame qu'il est prêt à déposer le pouvoir : « Je ne suis pas venu vous opprimer avec mes armes victorieuses. Le despotisme militaire n'a jamais assuré le bonheur d'une république... Un soldat heureux n'acquiert de ce fait aucun titre à gouverner sa patrie... Votre dignité, votre grandeur me sont très chères, mais le poids de l'autorité m'effraie. Épargnez à mes forces une charge si lourde. Choisissez vos représentants, vos magistrats et soyez certains que les armes qui sauvèrent la République protégeront toujours la liberté et la gloire du Vénézuéla. » Une immense acclamation s'élève à ces paroles rassurantes. Les orateurs se succèdent à la tribune, implorant du Libertador qu'il consente à garder la dictature. Le peuple, massé sur les places et dans les rues d'alentour, joint ses vivats aux clameurs de l'assemblée. Bolivar se déclare vaincu par tant de témoignages d'enthousiasme et d'affection. Il va céder aux vœux de la représentation nationale : « Rendez-vous à nos prières, s'écrie l'avocat Domingo Alzûru ! Proclamons le Libertador chef suprême de la république, afin de lui permettre aussi d'abjurer la tutelle où le réduit sa qualité de délégué du Congrès grenadin ! » Bolivar feint de n'avoir pas entendu cette motion maladroite qui répondait d'ailleurs au sentiment général1. « J'accepte donc, Citoyens, dit-il, l'autorité que vous me conférez. Mais mon vœu le plus cher est de voir luire le jour où il me sera permis d'y renoncer. J'espère que vous me délivrerez alors de toutes les 1.

V. GIL FORTOUL,

op. cit., t.

I.

ch.

VII,

p. 223.


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