Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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LE LIBERTADOR

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Le Libertador, toujours préoccupé d'entretenir ou d'exalter le patriotisme, avait, au cours de la campagne, utilement tiré parti des circonstances. A Vijirima, le colonel Villapol, qui menait une charge, étant tombé sous les balles, Bolivar fit appeler le capitaine Ortéga, à qui revenait dès lors le commandement : « Vous voici, lui dit-il, devenu le chef de la Division Villapol. Vous savez ce que cela veut dire! ». Des hauteurs, à ce moment, la fusillade faisait rage ; la fougue des assaillants semblait paralysée. Les hommes décontenancés par la perte de Villapol qu'ils affectionnaient entre tous leurs officiers, baissaient la tête, attristés, sans courage : « Soldats, leur crie Bolivar, pour avoir le droit de pleurer votre chef, il vous faut d'abord le venger 1. » Mais ce fut à Araure que le Libertador trouva la plus heureuse de ses inspirations. Suivant les traditions militaires espagnoles, les patriotes désignaient sous des noms différents chacun des bataillons de leur armée. Ces noms inscrits sur le drapeau rappelaient communément l'origine, parfois aussi quelque haut fait d'armes, du corps de troupes auquel ils étaient attribués. Bolivar voulait éviter de prodiguer des dénominations glorieuses dont ses soldats et ses lieutenants surtout se montraient fort ambitieux. Les considérant en fait comme un attribut honorifique, soucieux de les faire valoir, il entendait ne les distribuer qu'à bon escient. C'est ainsi qu'un mois plus tôt, les recrues, hâtivement levées à Caracas et Valencia, ayant fait exprimer le désir de recevoir leur titre, le Libertador ne voulut prendre rengagement d'y consentir qu'à la condition de voir ce titre mérité. Sur ces entrefaites, la funeste déroute de Barquisemeto, occasionnée par la pusillanimité dont avaient témoigné les troupes, indisposa violemment Bolivar. Il refusa formellement de donner aucun nom, aucun emblème à des « soldats indignes ». Il fit plus encore : le jour où devait se livrer la bataille 1. V. AUSTRIA,

Historia militar de Venezuela, p.

187.


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