Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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BOLIVAR

ceux-ci se rapprochent peu à peu des pentes touffues d'une colline voisine : s'ils y prennent position, c'est le salut. Les voici à la lisière du bois. Déjà la cavalerie royaliste entoure le pied de la colline sur les flancs de laquelle l'infanterie s'échelonne à l'abri des arbres. Tout à coup les llaneros se rassemblent et fondent avec une impétuosité terrible sur les cavaliers ennemis. Ils les dispersent, les mettent en fuite vers la plaine où les républicains les fusillent à loisir... Sur un ordre de Bolivar, les llaneros alors prennent chacun en croupe un ou deux fantassins, et pendant que les soldats d'Urdaneta, de Rivas et de Girardot, devenus frénétiques à la voix de leurs chefs, se précipitent à l'assaut de la colline meurtrière, les llaneros, emportés par le galop furieux de leurs montures, tentent de flanc l'escalade de la position ennemie. Izquierdo voit avec angoisse cette étrange et formidable cavalerie, hérissée de fusils, de sabres et de lances, piétiner les broussailles, s'insinuer incompréhensiblement à travers les futaies, arriver jusqu'à mi-côte de la colline. Les cavaliers ont enveloppé la division royaliste et foudroient les Espagnols pris maintenant entre deux feux. Bientôt c'est un enchevêtrement indicible de chevaux et d'hommes. L'explosion des caissons, la fumée, le crépitement des fusils, le sifflement des balles, les hurlements du massacre, le fracas des arbres brisés semblent les clameurs d'une tempête infernale. Elle ne s'apaisa que vers le milieu de la nuit: deux cents républicains et sept cents royalistes jonchaient le champ de bataille, les blessés furent achevés à coups de lance. Izquierdo, grièvement atteint, enlevé par deux de ses aides de camp qui le transportèrent, jusqu'à San Carlos, y mourut deux jours plus tard1. La victoire de Taguânes ouvrait à Bolivar la route de Caracas et terminait la campagne. En apprenant, le 1er août au matin, la destruction de la division d'Izquierdo, Monteverde jugeait, en effet, la partie perdue. Il 1. D'après les récits comparés de Restrepo, Montenegro, Baralt y Diaz, Torrente, etc., etc...


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