Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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témoins de cette époque de sang et d'abominations, font véritablement frémir. On arrêtait à Caracas et dans les villes de province les vieillards, les femmes, les enfants qui s'aventuraient dans les rues. Des supplices sans nom attendaient ceux que l'on n'égorgeait pas sur place. Les tombereaux chargés de cadavres mutilés, sortaient à la tombée de la nuit, transformant les faubourgs en morgues pestilentielles. Ceux des prisonniers que l'obscurité des cachots souterrains avait dissimulés aux perquisitions des bourreaux, étaient asphyxiés ou brûlés vifs à travers le soupirail par les tonneaux d'ammoniaque ou d'huile bouillante qu'on y faisait couler. Sur ces entrefaites, la Régence avait prescrit aux autorités de Caracas de proclamer la Constitution de Cadix au Vénézuéla. Mais Monteverde, qui avait longtemps différé la publication de ce document jugé par lui trop libéral, n'en parut reconnaître officiellement les dispositions que pour les appliquer à sa guise. Les violences reprirent de plus belle et il n'y eut bientôt plus au Vénézuéla que deux catégories de « citoyens » : les opprimés et les oppresseurs 1. Ceux-ci se livrèrent, surtout en province, à toute leur rage de tourments et de supplices. Le colonel Francisco Cerveriz, envoyé par Monteverde à Cumana, en qualité de gouverneur, lui écrivait, dès son arrivée dans cette ville : « Il n'y a d'autre ressource avec ces coquins de créoles que de les massacrer jusqu'au dernier. En ce qui me concerne, de tous ceux qui me tomberont sous la main, pas un n'aura la vie sauve2. » Saisis d'épouvante, les libéraux survivants ne songeaient plus qu'à échapper aux massacres. La cause républicaine semblait perdue et il est hors de doute que ce sort lui aurait été réservé à brève échéance, « Dans le pays des cafres, les humains ne sauraient être traités avec plus de mépris ni de cruauté ». D., IV, 851. Enfin TORRENTE, Historia de las Revoluciones, etc., op. cit., t. I, passim. 1. Cf. O'LEARY, I, ch. VI. 2. Lettre trouvée dans les archives du gouvernement de Monteverde et publiée dans la Gazette de Caracas en août 1813.


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