Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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BOLIVAR

poursuivre en formidable masse, leur course impétueuse. Les rochers imprévus, les précipices, les forêts tendues d'inextricables lianes, les savanes spongieuses l'attendent en aval encore. Bien des régions désolées lui restent à parcourir. Mais il se reforme, le voici redevenu le grand fleuve des premiers jours : certain à présent d'un lit profond, définitif et vaste, nul embarras ne saura plus le détourner ou le vaincre. Les pays mêmes sur lesquels l'Espagne croyait pouvoir compter le plus comme ayant échappé à ce mouvement unanime y sont cependant engagés. Au Chili, la Junte avait, dès son installation, à la fin de 1810, convoqué les représentants des provinces à une assemblée constituante qui se réunit à Santiago le 4 juillet 1811. Des dissentiments ne tardèrent pas à se manifester parmi les Proceres également décidés pour la cause de l'Indépendance, mais que le souci du bien public portait, moins souvent que l'ambition personnelle, à se disputer l'autorité exécutive. Un gouvernement fort pouvait seul coordonner les aspirations encore hésitantes de la majorité des patriotes. Ici, comme partout ailleurs, la dictature s'imposait. La pureté d'intentions de Rosas l'eût sans doute rendue supportable et bienfaisante, mais il fut impossible au principal artisan de la liberté chilienne de faire admettre sa suprématie. Le directoire de trois membres nommé par le Congrès et prisonnier du parti gothique, très influent à l'assemblée, écarta Rosas du gouvernement. Rosas essaya d'organiser une contre-junte, mais l'entrée en scène d'un rival plus heureux, José Miguel Carrera, ruina ses espérances. Carrera, ancien capitaine aux hussards de Galice, fort apprécié depuis longtemps par les compagnons de la Loge Américaine de Cadix dont il faisait partie, était accouru d'Espagne à la première nouvelle du soulèvement de Santiago. II y fut joyeusement accueilliSa brillante jeunesse, son prestige d'officier, son assurance lui rallièrenttousles suffrages. En septembre 1811 , il était à la tête du gouvernement. Il s'honora toutefois en offrant à Rosas de partager le pouvoir. Les deux di-


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