Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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L'AURORE DE LA LIRERTÉ

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se sentant plus en sûreté à la cour, il gagne la frontière, arrive en France, est reçu par Tallien qui ne peut lui donner que de bonnes paroles et passe en Angleterre où Pitt essaye sur lui l'insidieuse séduction de sa politique. Désespérant de trouver un appui auprès des gouvernements européens, Narino se décide alors à retourner dans son pays. Un voyage interminable, pendant lequel il endure des privations de toute sorte et d'inouïes souffrances, le ramène à Santa-Fé en 1797. Découvert, arrêté de nouveau, renvoyé cette fois sous bonne escorte à Madrid, il y passe plusieurs années en prison. Il est gracié, peut-être s'évade, on ne sait, mais on le retrouve à Santa-Fé en 1809. Le lendemain de son arrivée, il est dénoncé au vice-roi Amar y Borbôn 1 qui le fait réembarquer pour l'Espagne. Mais sur le Magdaléna, il s'échappe encore. On le reprend à Sainte-Marthe. Conduit à Carthagène, il passe près d'un an, les fers aux pieds et six mètres de chaîne à la taille, dans les terribles bôvedas, ces voûtes sinistres, aménagées sous les remparts au ras de l'Océan, déjà célèbres et qui le devinrent plus tragiquement encore avec la guerre de l'Indépendance. Le soulèvement de 1810 rend pour un temps la liberté à Narino. Entraîné dans la tourmente révolutionnaire, successivement rédacteur caustique et éloquent du journal La Bagatela dont les articles exaltent le civisme chancelant des Grenadins, président du nouvel État de Cundinamarca, poussé à la guerre civile, enfin général brillant en dépit des fautes inévitables de sa trop hâtive expérience militaire, héros de la célèbre campagne du Sud qu'un peu plus de bonheur eût rendue décisive, Narino donne alors toute la mesure d'une âme antique. Porté en triomphe par le peuple, installé dans le palais même des vice-rois qui l'avaient fait naguère emprisonner, il est quelques mois plus tard, bafoué, honni de tous, menacé; au sicaire qu'il découvre un soir caché dans sa maison, il remet tranquillement les clés 1. AMAR à 1810.

Y BOKBÔN

(Antonio), vice-roi de Nouvelle-Grenade de 1803


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