Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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ORIGINES DE LA RÉVOLUTION SUD-AMÉRICAINE

nées de la Savane étendue comme une nappe immense, semée de riches cultures et de jardins, aux pieds de la capitale grenadine, Narino recevait dans sa « librairie » toute une jeunesse ardente aux questions et communiant dans la confiance et l'allégresse qu'inspirent les convictions enthousiastes et la fraîcheur de l'idéal. Un portrait de Franklin dans un cadre d'ébène ornementé d'écaille et d'ivoire, se détachait en bonne place sur le mur de papier peint, parmi les cartes, les figures à la silhouette que la mode avait introduites depuis peu, les estampes représentant des scènes empruntées à l'histoire de la Grèce et de Rome, au-dessus des rayons cédant au poids des livres et des manuscrits. Des sofas et des fauteuils d'acajou tapissés de damas jaune pâle; deux globes aux armatures de cuivre, une machine électrique, entouraient la vaste pièce dont le centre était occupé par de grandes tables aux tapis verts sur lesquelles on posait bientôt les flambeaux d'argent allumés 1...... La lecture à haute voix, le commentaire des littérateurs et des philosophes français dont Narino possédait parfaitement la langue et pour lesquels il était passionné, composaient le programme habituel de ces soirées. Dans les temps de repos, Narino faisait à ses hôtes les honneurs de son laboratoire de physique ou de la petite imprimerie qu'il avait aménagés luimême dans deux cabinets attenants à la bibliothèque. Il exerçait sur son auditoire, chaque fois plus nombreux, où venait souvent prendre place quelque étranger de passage, Espejo par exemple, le jeune rédacteur du Luciano de Quito2, un ascendant, un prestige extraordinaires. De taille moyenne et bien prise, le teint clair, les cheveux entourant, en boucles blondes, l'ovale allongé d'un visage dont les yeux bleus légèrement saillants, les lèvres voluptueuses et le menton 1. D'après l'Inventaire de confiscation des biens de D. Antonio Narino, effectué à Santa-Fé le 29e d'août 1794 par l'Alguazil Mayor de la cour, publié dans POSADA et IBANEZ : El Precursor, pp. 161 et ss. 2. V. VILLAVICENCIO, Geografia de la Republica del Ecuador. NewYork, 1858, p. 186.


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