Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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ORIGINES DE LA RÉVOLUTION SUD-AMÉRICAINE

sion absolue de l'Angleterre. A cet effet, les trois sou~ verains, en montant sur le trône, feraient des traitésformels de commerce avec l'Espagne et la France, en écartant toujours les Anglais 1. » Il eut fallu, pour donner à ce projet quelque chance de réalisation, outre l'assentiment de l'Europe, une largeur d'idées peu commune chez un souverain absolu. Si généreux qu'on dût le supposer, Charles III ne pouvait, sans grand dommage pour sa dignité royale, consentir à une sorte d'abjuration qui lui aurait valu des bénéfices, somme toute, aléatoires et discutables. Il repoussa, d'ailleurs, le plan et renvoya le ministre. A supposer qu'on en eût tenté l'application, le projet du comte d'Aranda n'aurait certes pas été facilement accepté en Amérique. L'essai malheureux de réforme administrative que le Conseil des Indes avait entrepris vingt ans auparavant, dans une partie de l'empire colonial, était en effet, de nature à laisser entrevoir à combien de patiences et d'habiletés il faudrait recourir pour faire admettre par les colons un changement de régime s'il ne devait leur apporter les libertés les plus étendues. Sur les indications du duc de Choiseul, le commissaire Galvez Villâlba, qu'accompagnait, à tout hasard, une expédition de 200 hommes de bonnes troupes, était arrivé, en 1763, au Mexique, muni d'instructions pour une réorganisation complète et perfectionnée de l'administration fiscale : les populations alarmées se crurent menacées de nouveaux impôts alors qu'il s'agissait au contraire d'améliorer leur sort, les fauteurs de troubles, à l'affût de tout prétexte plausible, excitèrent un soulèvement et Villâlba dut renoncer à poursuivre sa mission. Il en fut de même au Quito. Le moindre remaniement dans les traditions du gouvernement colonial amenait des perturbations qui devenaient l'occasion de révoltes. La nouvelle forme de vasselage qu'impliquait le plan du comte d'Aranda ne pouvait séduire les créoles que 1. Ms. de la Collection de M. le duc de San Fernando. Dans COXE, VEspagne sous les Rois de la Maison de Bourbon. Paris, 1827, 6 vol in-8°, t. III, ch. III, p. 45.


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