Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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ORIGINES

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DE

LA

RÉVOLUTION

SUD-AMÉRICAINE

Au Mexique, les mines d'argent les plus productives appartenaient aux jésui tes, qui possédaient encore dans ce pays d'immenses propriétés, des raffineries de sucre, des troupeaux. Les Missions étaient une source de bénéfices incalculables, assurait-on, et les 170.000 néophytes du Paraguay travaillaient presque uniquement au profit des Pères. « Les jésuites cherchent un accroissement de fortune et de puissance — écrit l'auteur de l'Histoire Philosophique — où ils ne devraient voir que la gloire du christianisme et le bien de l'humanité, et c'est un grand crime de voler les peuples en Amérique pour acheter du crédit en Europe et pour augmenter sur tout le globe une influence déjà trop dangereuse1. » Cette observation révèle ouvertement le motif principal qui détermina Charles III à mettre les jésuites au ban de son royaume. La dispersion de cet ordre, qui s'effectuait en Espagne au milieu de l'indifférence à peu près unanime, produisit, par contre, en Amérique, une impression dont le comte d'Aranda n'avait soupçonné ni la profondeur ni l'importance. L'édit royal du 27 février 1767, qui décrétait « le bannissement général des membres de la Compagnie de Jésus des domaines d'Espagne, des Indes, des Iles Philippines et autres », avait été transmis aux autorités coloniales, qui, suivant les instructions précises du premier ministre, devaient en tenir la nouvelle secrète jusqu'au 1er août. A cette date, en chaque endroit et à la même heure, les supérieurs seraient prévenus d'avoir à quitter, avec tous les membres de la communauté ou de la Mission, leurs maisons, dans les deux jours, et le territoire, dans le plus court délai possible. C'est ainsi que s'exécuta la mesure. Une catastrophe n'aurait pas ému les populations coloniales autant que cette expulsion soudaine et à laquelle personne ne s'attendait. La stupeur puis la colère s'emparèrent des esprits. Dans les villes l'exaltation fut extrême. Il y eut des soulèvements armés à Guanajuato, à Pazcuaro, à 1.

RAYNAL,

op. cit., t.

IV,

p. 205.


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