Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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ORIGINES

DE

LA

RÉVOLUTION

SUD-AMERICAINE

Malgré la facilité avec laquelle elle fut apaisée, la révolte des Comuneros de Nouvelle-Grenade n'en demeure pas moins l'expression la plus caractéristique du sentiment que nous avons cru découvrir dans les tendances des sud-américains d'avant 1810 et dont nous avons indiqué les manifestations successives. Le nom de Comuneros adopté par les insurgés grenadins, comme autrefois par ceux du Paraguay, est ici plus significatif encore. La tentative du Socorro présente, en effet, avec celle des communes de Castille sous CharlesQuint, des analogies impressionnantes1. II suffit d'en retenir l'identique souci de former une nation égalitaire, F ancestral instinct d'indépendance2 dont témoignaient aussi les partisans de Padilla et qui poussait, plus confusément sans doute, niais avec autant d'enthousiasme, les habitants des villages et des cités colombiennes à se rallier sous la bannière des Galân, des Berbeo, voire même des Pisco, champions de la liberté nationale. Les Colombiens en faisant appel à l'héritier dégénéré mais il mourut le surlendemain de sa prise de possession et l'archevêque ayant assumé par intérim les fonctions de vice-roi y fut confirmé. 1. L'historien colombien, E. Posada, en a relevé de très singulières. Les exactions contre lesquelles s'étaient soulevés les Comuneros de 1628 provenaient aussi — remarque-t-il — des dépenses ruineuses que causaient alors à l'Espagne les guerres du SaintEmpire. Le roi se trouvait absent comme ici le vice-roi et le cardinal Ximenès exerçait en son nom les pouvoirs mêmes dont le visitador Pinerez était investi. La cour parut céder aux prétentions des rebelles; aussi beaucoup d'entre eux abandonnèrent-ils la cause après la conclusion des arrangements et Padilla et ses deux compagnons servirent de victimes expiatoires, comme en NouvelleGrenade Galân et ses trois fidèles lieutenants. POSADA et BANEZ, Los Comuneros, 1 vol. in-8°. Bogota, 1905. Prologue p. 6. — V. aussi sur les Comuneros : M. BRICENO, Historic, de la insurreccion de 1781. 1 vol. Bogota 1880. — G. FRANCO, LOS Comuneros. 1 vol., 1888. — A. M. GALÂN, Los Comuneros. 1 vol., 1906. 2. « C'est l'indépendance qui est ancienne, c'est le despotisme qui est moderne », a dit énergiquement Mme de Staël; et dans ce seul mot, elle a retracé toute notre histoire, et l'histoire de toute l'Europe. Il n'y a point lieu de séparer la destinée de l'Espagne de cette destinée commune... Si les choses de ce monde avaient un cours égal et uniforme, l'Espagne eût toujours été pour la liberté civile bien loin en avant de la France ». A. THIERRY, Dix ans d'études historiques, 1886, p. 218.


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