Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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LES INDES OCCIDENTALES

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oppresseurs. L'insurrection dite de Tupac-Amaru, dont nous aurons plus loin à déterminer les origines et qui rallia sous la bannière d un inca métissé, les débris irrésolus des peuples péruviens, fut le suprême effort d'une race parvenue au dernier terme de son rôle historique, qui devait définitivement s'effacer et se fondre dans le grand moule de celle qui lui succéderait sur la terre natale. Lorsque le dépeuplement se fut accentué jusqu'à laisser entrevoir la ruine imminente des travaux engagés, les Espagnols recoururent de plus en plus à l'importation des noirs de la côte dahoméenne, qu'avaient pratiquée déjà les premiers colons. Les Portugais, les Français, les iVnglais se firent tour à tour, par la suite, les pourvoyeurs des nouveaux esclaves qu'exigeaient les mines et les cultures. Les criollos, créoles, c'est-à-dire les Espagnols établis en Amérique sans esprit de retour, formèrent ainsi la seule race supérieure dominant les deux autres et se les assimilant peu à peu. D'autant plus fiers de leur origine qu'ils demeuraient les maîtres incontestés d'humanités servîtes, les créoles restèrent cependant longtemps jaloux de la pureté de leur sang au point d'en regarder comme infamant le mélange avec celui de l'une quelconque des races établies auprès d'eux. La fusion ne s'effectua donc que lentement, et si de nos jours même, elle n'est pas complètement achevée encore, on peut constater, dès le milieu du dix-huitième siècle, l'existence, sur le continent américain, d'une nouvelle race qu'indépendamment des croisements, les influences climatériques et régionales commençaient à constituer 1. 1, La théorie de la formation des races humaines sous l'influence du sol, du climat et de la pression atmosphérique, devenue l'un des lieux communs de l'ethnologie et de la philosophie contemporaines fut énoncée pour la première fois en 1803 à Santa-Fé, par l'admirable savant sud-américain Francisco Joséf de Câldas. Sans doute en avait-il trouvé les éléments dans Montesquieu, Cabanis, Condillac, Helvetius et Destutt de Tracy, mais il sut, bien avant Stendhal ou Taine, en extraire la synthèse définitive et Iuniineu6e. V. JOSÉ MARIA VERGARA Y VERGARA, Historia de la Literalura en Nueva Grenada, 1867. 1re partie, p. 393.


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