Bolivar et l'Emancipation des Colonies Espagnoles : des origines à 1815

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jeunes libéraux les faveurs dont ils se verraient comblés en renonçant aux « idées subversives » et les terribles malheurs qu'ils s'attireraient en y persévérant : « Vous parlez à merveille, répliqua Bolivar, mais nous avons, ces messieurs et moi, juré la guerre à l'Espagne et nous verrons bien ce qui en sortira1. » Le gouverneur alla jusqu'à donner des fêtes en l'honneur de ses terribles amis, mais il n'obtenait pas davantage et Bolivar encore, prenant la parole à la fin d'un banquet, proposa de porter un toast « à la liberté du Nouveau Monde »2. Les patriotes en étaient arrivés à concevoir, de leur côté, le projet de réduire le capitaine général à pactiser avec eux. Les indulgentes dispositions d'Emparân n'allaient pourtant pas jusque-là. Il repoussa fermement les sollicitations du cabildo qui mettait plus d'insistance que jamais à réclamer l'établissement de la Junte, fit arrêter des conspirateurs notoires : les frères Ramon et Pedro Aymerich, Antonanzas, le sous-lieutenant Fernando Carabano3 (20 mars 1810), et prévint les autres qu'il était à bout de patience. Ceux-ci ne paraissaient, à vrai dire, aucunement disposés à tenir compte de ces trop généreux avertissements. Des réunions secrètes avaient toujours lieu chez Bolivar, chez Rivas, parfois chez Dona Juana Antonia Padron, mère des Montilla, où depuis quelque temps un nouvel affilié, le chanoine José Cortés de Madariaga4, prenait une part active aux délibérations des 1. J. F. HEREDIA, Memorial sobre las Revoluciones de Venezuela, publiées par D. Enrique Pineyro. Paris, Garnier, 1895, p. 123. 2. Mémoires D'O'LEARY, p. 24. 3. CARABANO (Fernando), naquit ainsi que son frère Miguel à Caracas vers 1780. Ils se trouvaient l'un et l'autre à Puerto-Cabello en 1812 avec Bolivar. Ils le rejoignirent en Nouvelle-Grenade l'année suivante et combattirent vaillamment à ses côtés durant les campagnes de 1813, 1814 et 1815. Ils avaient accompagné le Libertador à la Jamaïque en mai 1815, mais impatients de reprendre la lutte contre les Espagnols, ils tentèrent de rentrer à Carthagène alors assiégée par la flotte et l'armée du général Morillo. Les frères Carabano furent faits prisonniers et fusillés, Miguel, à Ocana, le 9 février 1816 et Fernando à Mompôx, le 11 mars de la môme année. 4. V. suprà, liv. II. ch. I, § 2.


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